Causes, dates et géopolitique : le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh

   Depuis dimanche, l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont engagés dans une confrontation meurtrière à propos de la région contestée du Haut-Karabakh. MEE vous explique ce conflit aux ramifications régionales.
L’artillerie azérie tire en direction des positions des séparatistes arméniens dans la région disputée du Haut-Karabakh (AFP)
Par   Sondos Asem

Le Haut-Karabakh est le centre d’un conflit territorial et ethnique entre les deux pays depuis le début du XXe siècle.

Région séparatiste à majorité arménienne située en Azerbaïdjan, le Haut-Karabakh compte environ 150 000 habitants.

L’Arménie est majoritairement chrétienne tandis que l’Azerbaïdjan est majoritairement musulman.

Bien qu’il fasse partie de l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabakh est dirigé par des Arméniens séparatistes soutenus par le gouvernement arménien. Ils veulent depuis plusieurs décennies se séparer de l’Azerbaïdjan et faire partie de l’Arménie, en vain pour l’instant.

Dans les années 1990, la région s’est séparée de l’Azerbaïdjan, mais elle n’est pas reconnue par la communauté internationale pour l’instant.

Dates-clés du conflit :

Années 1920 : Pendant le régime soviétique dans le Caucase du Sud, le Haut-Karabakh devient une région soviétique semi-indépendante au sein de l’Azerbaïdjan.

1988 : Le Haut-Karabakh vote pour faire partie de l’Arménie, une décision à laquelle s’opposent Bakou et Moscou.

Années 1990 : Avec l’effondrement de l’Union soviétique, le régime soviétique est transféré à Bakou, mais la majorité arménienne de la région s’y oppose.

1991 : Des séparatistes arméniens s’emparent du Haut-Karabakh, ainsi que de sept districts azéris adjacents, déclenchant un conflit qui aboutit à la mort d’au moins 30 000 personnes et au déplacement de centaines de milliers d’autres.

1992 : La Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (aujourd’hui Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, OSCE) crée le groupe de Minsk pour encourager une résolution négociée et pacifique du conflit au Haut-Karabakh. Co-présidé par la Russie, la France et les États-Unis, le groupe de Minsk est critiqué par l’Azerbaïdjan pour sa partialité en faveur de l’Arménie.

1994 : Un cessez-le-feu est signé, inaugurant deux décennies de relative stabilité.

2016 : Des combats meurtriers éclatent, tuant au moins 200 personnes des deux côtés.

2018-2019 : Lorsque le leader de l’opposition élu librement Nikol Pachinian arrive au pouvoir en Arménie en 2018, il prend des mesures avec le président azéri Ilham Aliyev pour parvenir à une solution pacifique du conflit, s’engageant dans un communiqué conjoint en 2019 à « prendre des mesures concrètes pour préparer les populations à la paix ».

Juillet 2020 : Une escarmouche entre les deux pays tue au moins 17 combattants des deux côtés.

27 septembre 2020 : Des affrontements éclatent entre les forces arméniennes et azéries au Haut-Karabakh. L’Arménie décrète la loi martiale et mobilise sa population masculine pour rejoindre les combats.

Géopolitique :

Russie

La Russie entretient de bonnes relations à la fois avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan, mais elle a également contracté une alliance défensive avec l’Arménie, car toutes deux sont membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et la Russie dispose d’une base militaire en Arménie.

Moscou est le principal médiateur entre les deux pays depuis des années, mais ses tentatives sont jusqu’à présent assez infructueuses.

« Tous les yeux sont désormais tournés vers Moscou pour voir s’il peut à nouveau mettre fin aux combats dans la zone de conflit »

– Olesya Vartanyan, International Crisis Group

Après le conflit meurtrier en 2016, le Premier ministre russe de l’époque Dimitri Medvedev s’est rendu à la fois à Erevan et à Bakou pour négocier la paix, tandis que son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est engagé dans une « diplomatie de la navette » entre les deux capitales.

Cependant, « dans les semaines qui ont mené à l’escalade actuelle, la Russie n’a pas accordé à la région l’attention qu’elle recevait auparavant », indique à Middle East Eye Olesya Vartanyan, analyste spécialiste de la région du Caucase du Sud au sein de l’International Crisis Group.

« C’est précisément le manque de réaction face à l’escalade de juillet qui a ouvert la voie à des hostilités à grande échelle », estime-t-elle.

« Nous n’avons pas constaté de tentative visant à amener les dirigeants à la table des négociations et nous n’avons pas assisté à des visites de hauts responsables. Tous les yeux sont désormais tournés vers Moscou pour voir s’il peut à nouveau mettre fin aux combats dans la zone de conflit. »

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian aurait déclaré mardi qu’il n’envisageait pas de demander le soutien de Moscou, mais il ne l’a pas exclu non plus.

« L’Arménie assurera sa sécurité, avec la participation de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) ou sans », selon les propos qui lui ont été attribués par les agences de presse russes.

Iran

L’Iran, pays à majorité musulmane chiite, partage ses frontières nord avec l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

Si l’Azerbaïdjan a la même majorité religieuse que l’Iran, Téhéran soutiendrait l’Arménie en raison de ses relations commerciales avec Erevan et de son alliance politique avec la Russie.

« L’Iran a toujours joué un rôle de contrepoids sans prendre position pour l’une ou l’autre des parties », explique Olesya Vartanyan.

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« Actuellement, Téhéran s’inquiète des combats en cours, qui se déroule à proximité immédiate de sa frontière et certaines informations font état de grenades et d’autres projectiles qui auraient atteint son territoire. »

La spécialiste rappelle que pendant la guerre au Haut-Karabakh au début des années 1990, l’Iran a tenté, en vain, d’aboutir à un cessez-le-feu entre les deux parties.

Après les affrontements de dimanche, l’Iran a encouragé la fin des hostilités.

« L’Iran surveille de près le conflit avec inquiétude et réclame la fin immédiate du conflit ainsi que le début de négociations entre les deux pays », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Saeed Khatibzadeh.

Mercredi, le Premier ministre arménien a évoqué le conflit avec le président iranien Hassan Rohani par téléphone, selon le service de presse du gouvernement arménien.

« Le président iranien s’inquiète des tensions entre ces deux pays frontaliers et des actions militaires en cours », signale le communiqué de presse.

Turquie

La Turquie soutient l’Azerbaïdjan, en partie à cause des liens linguistiques et culturels entre les deux pays. Ankara a été le premier à reconnaître l’Azerbaïdjan après son indépendance de l’Union soviétique en 1991.

Par ailleurs, la Turquie a des relations tendues avec l’Arménie, qui remontent aux accusations de génocide arménien contre l’Empire ottoman. Ces deux pays n’ont aucune relation diplomatique officielle.

Pendant la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos du Haut-Karabakh en 1993, la Turquie a fermé ses frontières avec l’Arménie en soutien à Bakou.

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Le président turc Recep Tayyip Erdoğan et les hauts responsables de son gouvernement ont exprimé le soutien de leur pays à Bakou après la récente escalade.

Mardi, MEE a signalé que des centaines de rebelles et de civils syriens étaient envoyés par la Turquie en Azerbaïdjan pour garder les troupes turques et les ressources stratégiques qui s’y trouvent, certains soupçonnant qu’ils pourraient se retrouver sur le front.

Jusqu’à présent, Ankara a toutefois démenti apporter un soutien militaire à Bakou, et Erevan dément également le recours à des mercenaires syriens.

Une intervention directe de la Turquie dans les combats reste à déterminer.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.


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