Céréales : pourquoi l’Algérie peine à développer la production locale

       La campagne labour-semis s’achève dans un climat morose en Algérie. La précédente campagne céréalière ne restera pas dans les annales.

C’est dans ce contexte que l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) a annoncé de nouveaux contrats d’importations de céréales qui font saliver les grands producteurs de blé dans le monde comme la France et la Russie.

 

De nombreuses voix s’étonnent de ces importations et de la faiblesse de la production locale. Jusqu’au premier ministre qui s’est récemment offusqué qu’un pays aussi petit que la Lituanie approvisionne l’Algérie en blé. Les interrogations sont d’autant plus nourries que ces dernières années, une prochaine autosuffisance en blé dur avait été maintes fois annoncée par le ministère de l’Agriculture et du développement rural.

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Si des dysfonctionnements persistent dans l’organisation de la filière, la disponibilité en semences et les spécificités du climat semi-aride ne facilitent pas le travail des agriculteurs.

Insuffisance en semences certifiées

L’un des points noirs concerne l’approvisionnement en semences certifiées. Pour les Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS), le challenge consiste, dès l’automne, à mettre sur le marché les semences permettant d’emblaver 3,5 millions d’hectares.

Ces semences doivent correspondre à des variétés précises, être indemnes de graines de mauvaises herbes et protégées contre les maladies. Ces dernières années, les CCLS ont été dotées de moyens supplémentaires. Plus d’une vingtaine d’unités ont reçu du matériel turc destiné au tri et au traitement des semences.

 

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Cela n’a pas empêché des insuffisances. Un agriculteur se plaint que sur dix grains, la moitié ne soit pas colorée en rouge. Cette couleur est le signe de la présence d’un fongicide et permet d’éviter toute risque de confusion avec les lots de blé destinés à la consommation.

Un technicien de terrain explique que la nécessité de disposer d’une carte de fellah handicape les agriculteurs en indivision. Ceux-ci travaillent les lopins de terre de leurs proches en plus du leur. Mais, ils ne peuvent commander que les semences correspondant à la surface indiquée sur la carte de fellah portant leur nom. En milieu de campagne, les services agricoles ont cependant donné des instructions afin d’assouplir la réglementation en vigueur.

Sur les réseaux sociaux, un agriculteur demande à quoi correspond la mention « semence ordinaire » figurant sur les sacs de semences achetés auprès de la CCLS locale.

Il s’agit en fait de grains traités et triés afin d’éliminer les brisures et les graines de mauvaises herbes. Mais ces grains proviennent d’un mélange de variétés initialement destinées à la meunerie.

Progressivement des entreprises privées s’équipent en matériel moderne d’usinage de semences et proposent leurs services.

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Les traitements fongicides utilisés sont l’objet de nombreuses critiques. Pour Saïdi Chaabane, représentant de la firme Syngenta spécialisée dans les produits phytosanitaires, l’emploi d’un produit différent du produit de base utilisé par les CCLS s’avère plus efficace. Le technicien s’appuie sur des résultats d’essais réalisés auprès d’agriculteurs.

Des mauvaises herbes résistantes aux herbicides

Les semis les plus précoces ont permis l’apparition des premiers plants de blé et avec eux, les mauvaises herbes ont suivi dont les redoutables plants de brome et de ray-grass.

A Constantine, un technicien de terrain indique avoir observé au niveau de plusieurs exploitations des cas de résistance aux herbicides. Il suffit qu’un plant de ray-grass mutant acquiert cette résistance pour qu’il la communique aux plantes voisines par pollinisation.

Plus graves sont les infestations de brome, un seul plant peut produire 3 000 graines pouvant survivre 3 années dans le sol. Le rendement peut alors chuter de 50%.

A Sétif, un agriculteur témoigne que quand il irrigue ses parcelles, le brome profite autant de l’eau que le blé. Dans le grand sud, un technicien rapporte le cas d’une parcelle sous pivot d’irrigation envahie jusqu’à 70% par le brome. Ces adventices n’ont pu contaminer cette parcelle nouvellement mise en valeur qu’à travers les semences de blé insuffisamment triées venant du nord. La lutte contre le brome reste problématique. Il existe peu d’herbicides efficaces et les spécialités commerciales coûtent cher.

Aussi, la solution passe par l’alternance de cultures différentes afin d’éviter le retour trop fréquent du blé et des mauvaises herbes qui lui sont associées. Encore s’agit-il de trouver des cultures qui offrent des marges bénéficiaires intéressantes. La culture du colza constitue une alternative, son introduction est cependant récente.

Les fourrages aussi permettent de nettoyer les parcelles, mais à condition qu’ils soient récoltés avant que les plants de brome n’aient produit de graines. Cependant, pour nombre d’agriculteurs, faucher tôt le fourrage de vesce-avoine, c’est perdre en tonnage.

Le climat semi-aride restreint aussi les alternatives. A moins de disposer de l’irrigation, il n’est pas possible d’implanter, comme en Europe, des cultures de printemps (betterave à sucre, tournesol, orge de brasserie) qui permettrait d’éliminer les repousses de brome.

La production de céréales ne s’improvise pas. Elle implique un encadrement technique des agriculteurs servi par une recherche-développement efficiente disposant de moyens adéquats ainsi qu’une veille technologique. En effet, les problèmes techniques rencontrés par les agriculteurs en Algérie ne sont pas différents de ceux rencontrés en Espagne, Italie ou Australie. Des pays, où les services agricoles disposent d’une bonne longueur d’avance.


 

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