Amérique Latine en Résistance : Chaos en Haïti

      Pauvreté, coups d’Etat, interventions et assassinats

Le président d’Haïti, Jovenel Moïse, a été assassiné à l’aube du mercredi 7 juillet par un commando armé qui est entré dans sa résidence, lui a cassé un bras et un pied et lui a ensuite tiré douze coups de feu.

19 personnes ont été arrêtées pour ce crime – 17 Colombiens et deux Américains – qui sont en garde à vue et sont en train de faire leur déposition face aux autorités. 3 autres citoyens colombiens ont été tués et 6 sont en fuite.

Malgré les progrès accomplis, les autorités n’ont pas fourni d’information quant aux cerveaux de cet assassinat. Bien que le parquet de Port-au-Prince ait appelé à témoigner des responsables chargés de protéger la vie du président, il n’a pas non plus donné de réponses sur les failles du dispositif de sécurité du président haïtien, celles-ci ayant permis au groupe de se déplacer librement en direction de la résidence de Moïse.

Pour sa part, le président colombien, Iván Duque a assuré qu’il allait enquêter sur les citoyens colombiens impliqués, formés aux armes sophistiquées et aux renseignements car « ils auraient appartenu à l’armée colombienne », n’étant toutefois plus en activité. L’ enquête concerne également quatre entreprises qui seraient liées au recrutement de militaires retraités de l’armée de terre.

Avec la cocaïne, les mercenaires représentent le principal « produit » d’exportation de la Colombie. En dehors d’Haïti, des mercenaires colombiens ont également été impliqués dans des raids / missions au Venezuela, aux Émirats Arabes Unis, au Yémen, en Irak et en Afghanistan.

Quant aux deux Américains d’origine haïtienne, James Solages et Joseph Vincent, ils se sont présentés comme « traducteurs » des Colombiens détenus. Selon le gouvernement haïtien, Solages a travaillé comme agent de sécurité pour les opposants : Reginald Boulos, un homme d’affaires lié aux coups d’État de 1991 et 2004, et Dimitri Vorbe, vice-président de la principale compagnie d’électricité du pays.

Dans le même temps, les États-Unis ont annoncé qu’ils allaient envoyer des hauts responsables du Federal Bureau of Investigation (FBI) et du Department of Homeland Security (DHS) pour « soutenir le peuple haïtien après l’assassinat du président » en réponse à une demande du pays caribéen.

En outre, les autorités haïtiennes ont demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies d’envoyer des casques bleus pour aider la Police Nationale à rétablir la sécurité et à protéger les infrastructures clés du pays.

Actuellement, Haïti reste en état de siège et le Conseil des ministres, sous la présidence du premier ministre par intérim, Claude Joseph qui « exerce le pouvoir exécutif jusqu’à l’élection » d’un autre chef d’État. Toutefois, deux jours avant son assassinat, le président haïtien avait nommé Ariel Henry à ce poste, mais celui-ci n’avait pas encore prêté serment.

En réalité, aucun des deux hommes politiques n’aurait de légitimité pour occuper ce poste. En effet, Moïse gouvernait par décret depuis plus d’un an, depuis qu’il a déclaré en janvier 2020 l’expiration de la législature, faute de pouvoir organiser les élections législatives de 2019 qui avaient été reportées à cause des constantes manifestations antigouvernementales.

Quant à Joseph, selon la Constitution, il ne serait pas dans la ligne de succession parce qu’ il est Premier ministre par intérim et que le Parlement n’a jamais approuvé sa nomination; et il en va de même pour Ariel Henry.

L’assassinat est survenu moins de trois mois avant les élections présidentielles et législatives prévues pour le 26 septembre auxquelles Moïse ne pouvait pas se présenter. A cette même date, le président avait convoqué un référendum sur une nouvelle constitution, une mesure en soi anticonstitutionnelle qui a été critiquée par ses opposants et par la communauté internationale.

Ce assassinat choquant constitue le chapitre le plus récent de l’histoire d’un pays frappé par la misère, la violence, les tragédies naturelles et l’instabilité politique. Entre 1945 et 2019, pas moins de 23 tentatives de coup d’État ont été menées, dont 15 se sont concrétisées. De même, Washington est intervenu de façon directe, publique et notoire au moins à trois reprises (1915-1934, 1994-1995 et 2004) pour renverser des dirigeants gênants comme Jean Bertrand Aristide.

Les dirigeants américains ont justifié ces interventions en affirmant qu’ils cherchaient à restaurer la démocratie, le respect et les valeurs sociales dans cette nation. Cependant, les Haïtiens considèrent que leur présence a aggravé la situation dans le pays, et l’on peut en dire autant des différentes missions des Nations Unies.

Cette nation caribéenne – caractérisée par de grandes inégalités entre la campagne et la ville – a une population de 11,26 millions d’habitants et, selon les estimations de la Banque mondiale, 60 %, soit 6,3 millions de personnes, sont pauvres et 24 %, soit 2,5 millions, sont en situation d’extrême pauvreté. Le PIB – classé 170 sur 189 pour son indice de développement humain – a chuté de 3,8% en 2020 avec la pandémie de Covid-19, qui a aggravé une situation déjà difficile.

L’assassinat de Moïse ajoute au chaos et à l’instabilité. Le peuple haïtien fait face à une classe politique corrompue sans crédibilité, à un scénario d’incertitude et à des menaces de violence débridée ou à une nouvelle intervention militaire étrangère. L’appel à la rébellion, à l’union et à la solidarité internationale est plus urgent que jamais.


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