LIVRES / Confessions de femmes

                  Livres                                                                                                 par Belkacem Ahcene-Djaballah

Insoumises. Roman de Saad Khiari. Casbah Editions, Alger 2021, 246 pages, 850 dinarsDeux femmes dans un univers d’hommes. Dans un bled perdu («un village en passe de devenir une petite ville»). Avec, tout autour, plein d’hommes mâles vivant les relations inter-genres comme si le monde alentour n’avait pas évolué depuis des siècles. Bien sûr, la révolution de Novembre avait bouleversé les rapports, la femme devenue combattante pour la libération du pays mais, hélas, la décennie noire, avec ses islamistes et ses terroristes (d’un autre temps et d’un autre monde) avait ramené la société au plus bas de son évolution.

Donc, deux femmes, l’une quelque peu âgée, Aïcha (en fait Nedjma) devenue assez vite en raison de son humeur irascible et au caractère d’une insolence insupportable (rebelle et féministe, déjà ! mais on disait aussi qu’elle était hermaphrodite), donc «au corps infréquentable», et vivant sans peur et sans reproches : surnommée «Ycha-rajel»; l’autre, Zina, a réussi son bac et compte bien aller à l’université. Mais, hélas, orpheline très tôt, recueillie par ses grands-parents, elle s’est trouvée sous la coupe d’un vieil «ami» de la famille («Jeddi Larbi»), habitant sous le même toit avec sa vieille femme, «qui ne rate pas une seule prière quotidienne», lequel, de violence en viol, va la mettre enceinte. Obligée de partir pour avorter, elle se retrouve dans une «maison de passe» clandestine (à noter qu’en Algérie, ces endroits sont interdits mais elles pulluleraient). Revenue bien plus tard au village, elle est enlevée par le GIA qui l’offre en captive sexuelle à l’émir du groupe. Elle rencontrera au maquis son futur mari, un enseignant «égaré». Elle arrivera à s’évader avec lui. Elle sera accueillie par Aïcha. Deux destins de femmes insoumises qui ne vont plus se quitter, faisant face ensemble -avec certes l’aide de l’époux- aux hommes de main de l’émir, et ce même après la «Concorde nationale».

L’Auteur : Cinéaste, diplômé de l’Idhec (Paris), collaborateur de quotidiens et de magazines, plusieurs ouvrages («Le soleil n’était pas obligé», prix Escale Littéraire 2018 et «Le fils du caïd», 2019).

Extraits : «La libération du pays si chèrement acquise n’apporte pas la liberté tant attendue par le peuple. Cela finit par exacerber les déceptions et la colère : ce non-respect de la mémoire de celles et ceux qui donnèrent leur vie pour l’indépendance est vécu comme une haute trahison» (p 25).

Avis : Un ouvrage écrit comme un scénario de film : un thème, peu de sujets, deux personnages principaux. Que de plans ! Et une fin (presque) heureuse sur fond de drame. Lecture parfois trop hachée.

Citations : «Il est éminemment injuste de juger sévèrement les incartades sexuelles de la femme ou ses comportements non conventionnels alors que les aventures de l’homme sont versées au compte de la virilité et lui donnent l’occasion d’énumérer ses conquêtes tel un chasseur de gibier dénombrant ses trophées» (p 106), «Faire le bien, cela n’a de sens que si c’est un acte désintéressé; quand on n’attend rien en retour. Ce n’est pas distribuer le superflu et l’inutile; c’est profiter ensemble des bienfaits dont on est comblé. Le partage, ce n’est pas la distribution des restes du festin; c’est le bonheur de découvrir ensemble la fortune du pot» (p 125).

Femme, ici ou ailleurs. Récits, Confessions et réflexions. Ouvrage collectif France-Algérie. El Ibriz Edition, Alger 2014, 279 pages, 700 dinars (Fiche déjà publiée. Pour rappel)

Ça y est ! Je suis plus que septuagénaire et c’est maintenant à peine que je découvre la femme dans son entièreté.

La femme dans tous ses états, tous ses émois, tous ses éclats, toutes ses peines, toutes ses ambitions, toutes ses espérances, et, aussi, tous ses «secrets», ses forces, ses fragilités et ses faiblesses…

Car, je viens de lire (et vous les présente) leurs «confessions». Des textes sensibles, profonds, spontanés. Seize (16) chapitres: Moi, Intime/Intimité (Notions identiques ? Se complétant ?), femmes, hommes : amis ? ennemis? Amis avec des limites ? Ni l’un ni l’autre ? Complémentaires ? Un simple duo nécessaire à la survie de l’humanité ? Dans les yeux de la douceur, mais aussi de la colère et de la rage le reflet ou le rejet, Amour (un bien joli mot à plusieurs formes qui fait rêver), le sang des femmes, liens (d’abord avec le père, avec le mari, avec l’aimé, avec l’amant, avec les enfants. Des liaisons étouffantes comme le lierre suceur ?), rencontre/séparation (généralement dans la douleur), sexualité, maternité…

Des «révélations» presque intimes, en tout cas vraies, venant du fond du cœur, du corps et de l’âme, parfois crues, de 48 femmes, algériennes et françaises, d’ici et d’ailleurs, réunies à Alger et à Besançon, dans des ateliers d’écriture mis en place par la Compagnie Les Trois Sœurs, avec le soutien du Programme d’aide à la publication de l’Institut culturel français d’Algérie. Réunies afin de collecter des réponses à une question relative à la relation hommes/femmes dans la sphère privée.

On ne connaît des auteures que les prénoms. D’où la profondeur, la sincérité et la véracité des écrits, certains simples, d’autres merveilleux, certains à l’écriture basique, d’autres au style recherché.

Les Auteur(e)s : Abir, Aïcha, Alima, Ambre, Amel, Brigitte, Carmen, Fatma, Nezha, Caroline, Katie, Khedidja, Nicole, Yamina, Zaïra, Sylvia et d’autres, et d’autres, toutes des femmes. Une cinquantaine, âgées de 20 à 76 ans. Une des phases des ateliers a été «coachée» par Soumya Ammar Khodja, poétesse et nouvelliste franco-algérienne, ancienne enseignante à l’Université d’Alger. Quelques dessins (évoquant des femmes dans des positions diverses pouvant évoquer différentes situations) de Stéphane Lacombe.

Avis : Pour nous les hommes ! Une belle aventure «humainement commune» à lire sans modération, mais à petites doses «allongées» de petit-lait, car on en prend pour son grade. Pour mieux connaître (et, surtout, comprendre) celle(s) que vous aimez, celle (s) que vous voulez conquérir, celle (s) que vous considérez comme «bonne à tout faire», celle (s) qui a porté vos enfants, celle (s) qui, peut-être, ont fait de vous un homme.

Citations : «Une femme, c’est aussi une âme, une pensée, c’est comme une peinture ou une musique, une poésie qui peut être enivrante, bruyante, douce, chaude, colorée : c’est l’autre côté d’une pièce» (p 14, Dalila), «L’inséparable couffin, le plus difficile est de le remplir, pas de le porter, il faut beaucoup, beaucoup de dinars» (p 15, Fatma), «L’intimité doit être un partage librement consenti. L’intimité, c’est le monde du secret, de la souffrance quelquefois» (p 31, Yamina), «Se livrer à quelqu’un, c’est lui faire cadeau d’une part de sa vie «(p 33, Dalila), «L’amour est un grand magasin, il y a des rayons pour tous -tous les âges, tous les goûts, tous les sexes» (p 67, Joëlle), «Le sang des femmes/ Tout un programme/Libérateur/Et créateur» (p 78, Ambre), «Alors que le sperme permet de donner la vie, le sang des femmes, leurs menstrues, l’entravent. Une femme se tire une balle dans la tête : ce sang-là ne sera pas impur; ce sera celui de la libération» (p 91, Samya), «Trop de liens sont étouffants et empêchent de développer la personnalité, mais sans lien, c’est déroutant» (p 111, Lucienne), «Donner la vie, c’est déjà donner la mort «(p 264, Samya).


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