Les enjeux aux frontières où l’Algérie partage des frontières terrestres avec ses 6 pays voisins, le Sahara occidental, la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Maroc, le Niger et la Tunisie pour un total de 6.734 km, préfigurent d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques mondiales entre 2021/2030 rendant urgentes des stratégies d’adaptation. C’est que la région sahélienne a, du fait de ses richesses avec des convoitises de nombreux acteurs étrangers, connaît d’importants trafics qui alimentent le terrorisme facteur de déstabilisation.
Premièrement, nous avons le trafic de marchandises. Pour l’Algérie, il existe des trafics de différentes marchandises subventionnées comme le lait et la farine achetés en devises fortes, le trafic de carburant représenterait un manque à gagner de plusieurs centaines de millions de dollars pour le Trésor public, c’est énorme. Cela est lié globalement à la politique des subventions généralisées sans ciblage et à la distorsion des taux de change par rapport aux pays voisins.
Deuxièmement, nous avons le trafic d’armes. Le marché «noir» des armes et de leurs munitions, issu nécessairement du marché «blanc» puisque, rappelons-le, chaque arme est fabriquée dans une usine légale, une thématique qui permet de comprendre les volontés de puissance des divers acteurs géopolitiques à travers le monde. Tandis que le trafic de drogues est réprimé internationalement, le trafic d’armes est réglé par les Etats qui en font leurs bénéfices. La vente d’armes s’effectue régulièrement entre plusieurs partenaires privés et publics.
Troisièmement, nous avons le trafic de drogue. La montée en puissance du trafic de drogue au niveau de la région sahélienne a des implications sur toute l’Afrique du Nord où nous pouvons identifier les acteurs avec des implications géostratégiques où les narcotrafiquants créent de nouveaux marchés nationaux et régionaux pour acheminer leurs produits. Afin de sécuriser le transit de leurs marchandises, ces narcotrafiquants recourent à la protection que peuvent apporter, par leur parfaite connaissance du terrain, les groupes terroristes et les différentes dissidences, concourant ainsi à leur financement.
Quatrièmement, nous avons la traite des êtres humains. C’est une activité criminelle internationale dans laquelle des hommes, des femmes et des enfants sont soumis à l’exploitation sexuelle ou à l’exploitation par le travail.
Nous avons le trafic de migrants qui est une activité bien organisée dans laquelle des personnes sont déplacées dans le monde en utilisant des réseaux criminels, des groupes et des itinéraires.
Cinquièmement, nous avons le trafic de ressources naturelles qui inclut la contrebande de matières premières telles que diamants et métaux rares (provenant souvent de zones de conflit) et la vente de médicaments frauduleux potentiellement mortels pour les consommateurs.
Sixièmement, nous avons la cybercriminalité. Elle est liée à la révolution dans le domaine des systèmes d’information et peut déstabiliser tout un pays tant sur le plan militaire, sécuritaire qu’économique. Il englobe plusieurs domaines exploitant notamment de plus en plus Internet pour dérober des données privées, accéder à des comptes bancaires et obtenir frauduleusement parfois des données stratégiques pour le pays. Le numérique a transformé à peu près tous les aspects de notre vie, notamment la notion de risque et la criminalité, de sorte que l’activité criminelle est plus efficace, moins risquée, plus rentable et plus facile que jamais.
Septièmement, nous avons le blanchiment d’argent. C’est un processus durant lequel l’argent gagné par un crime ou par un acte illégal est lavé. Il s’agit en fait de voiler l’origine de l’argent pour s’en servir après légalement. Les multiples paradis fiscaux, des sociétés de clearing (aussi offshore) permettent de cacher l’origine de l’argent.
2-. Quelle est la stratégie diplomatique et militaire de l’Algérie ?
L’Algérie est guidée par quatre principes fondamentaux :
– la mise en place d’un dispositif de sécurité aux frontières et la restructuration des forces armées et de sécurité ;
– l’amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins ;
– le développement d’un processus multilatéral à travers l’initiative des pays de Cham ;
– la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats.
En cas exceptionnel prévu dans la Constitution adoptée le 1er novembre 2020, l’article 91 consacre le chef de l’Etat «chef suprême des forces armées de la République» et «responsable de la Défense nationale peut décider l’envoi d’unités de l’Armée nationale populaire à l’étranger». Mais cette décision est subordonnée à l’approbation à la majorité des deux tiers du Parlement, tout en déterminant le cadre de participation des forces militaires algériennes en dehors les frontières. Selon la nouvelle Constitution, dans le cadre du respect de la souveraineté des Etats, «l’Algérie peut, dans le cadre des Nations unies, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes participer au maintien de la paix dans la région dans le cadre d’accords bilatéraux de pays concernés». La justification de cet amendement est que cela est pleinement conforme à la politique étrangère de l’Algérie qui repose sur les principes «fermes et immuables», à savoir «le rejet du recours à la guerre et prôner la paix, la non-ingérence dans les affaires internes des Etats ainsi que la résolution des conflits et des différends internationaux par les voies pacifiques, conformément à la légalité internationale représentée par les instances internationales et régionales». Car dans le cadre de ces turbulences régionales, l’Algérie fournit des efforts malgré la situation budgétaire difficile à déployer une véritable task-force pour sécuriser ses frontières pour faire face à l’instabilité chronique de l’autre côté des frontières et dont les événements récents confirment la continuelle aggravation. Aussi, la lutte contre les trafics et le terrorisme implique une coopération internationale pour unifier le renseignement sans lequel l’action opérationnelle risque d’être inefficiente et une nouvelle gouvernance afin de mettre fin à cette inégalité planétaire et à une minorité au niveau interne dilapidant les ressources par la corruption, enfantant la misère et donc le terrorisme.
En résumé, le monde moderne est à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur les nouvelles technologies et les défis de la transition numérique et énergétique. Je suis persuadé, en fonction de son histoire mouvementée depuis des siècles et de ses potentialités actuelles, notre peuple trouvera sans nul doute les ressources morales et psychologiques qui lui permettront, comme il l’a fait maintes fois face à l’adversité, de transcender avec dignité et honneur les rancunes et les haines tenaces. C’est pourquoi, je tiens à considérer que la stabilité de l’Algérie et la reconquête de notre cohésion nationale passent par la construction d’un front intérieur solide et durable en faveur des réformes. Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends. L’Algérie a toujours été au carrefour des échanges en Méditerranée. De saint Augustin à l’Emir Abdelkader, les apports algériens à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle ne peuvent que nous prédisposer à être attentifs aux nouveaux défis.
*Professeur des universités Expert international