Premier congrès sioniste mondial – Bâle, 29 Août 1897.Projet de fondation d’un État juif en Palestine

       

 

Par Mohamed Taleb

L’entité sioniste se prépare à célébrer, tambour battant,  le 125ème anniversaire de la tenue du premier congrès sioniste mondial qui a eu lieu du 29 au 31 août 1897 au Casino de la ville Bâle en Suisse. Le programme du congrès portait alors sur la création d’une patrie juive en Palestine. À l’issue de ce congrès, son initiateur, le fondateur du sionisme politique d’origine hongroise, Théodore Herzl (Co-fondateur est Max Simon Nordau de Hongrie), avait déclaré : « Aujourd’hui à Bâle, j’ai fondé l’État juif ». En février 1896, Herzl déclarait : « Nous devrions y faire partie d’un mur de défense pour l’Europe en Asie, un avant-poste de civilisation contre la barbarie. En tant qu’État neutre, nous devrions rester en contact avec toute l’Europe, ce qui devrait garantir notre existence.»

En vérité, un Etat, jusqu’à nos jours oppresseur, avec des fondements idéologiques colonialistes et racistes. Un État déclaré « État d’Apartheid » par Amnesty International en février 2022.

Le sionisme politique, une idéologie raciste, nait vers la fin du XIXème siècle en Europe sous la houlette de Théodore Herzl et d’un certain nombre d’autres adeptes.
Ce mouvement a été précédé par le courant sioniste pré-herzlien dont les concepteurs ont été Léon Pinsker et Moses Hess. D’autres intellectuels tels que Marco Baruch (Turquie) ou Israël Belkind (Allemagne) font également partie de ce mouvement. Avec ses auteurs, le concept de nationalisme juif (mon livre) fait son apparition dans le monde juif ashkénaze européen. Des écrits en ce sens sont produits par  Léon Pinsker (« Autoémancipation ») et par Moses Hess (« Rome et Jérusalem : la dernière question nationale »).

Ces intellectuels étaient inspirés au début par l’esprit du mouvement culturel  des « Lumières juives », la « Haskala », qui s’inspire à son tour de l’Illuminisme européen du XVIIIème siècle.
D’autres personnalités, Moses Montefiore (juif britannique),  Ahad Ha’am (Ukraine), Israël Zangwill (juif britannique connu pour son slogan : « Peuple sans terre pour une terre sans peuple ») contribuent, avec des approches différentes, messianique (retour à Israël, la Terre de nos ancêtres qui nous a été donnée par Dieu), culturelle ou politique, à l’affirmation de l’idéologie sioniste.

Parallèlement à l’action de ces individualités, l’apport d’organisations juives telles le B’nai-Brith, organisation fondée  aux USA en 1843 par des allemands résidants, l’Union Centrale des Citoyens Allemands de Confession Juive, fondée en 1893 à Berlin, L’Alliance israélite universelle (AIU) fondée en 1860 par Adolphe Crémieux (Décret Crémieux pour les juifs en Algérie en 1870), le mouvement Hibbat Sion (Hovevei Zion en Allemand), né en 1884 et le Bund, fondé en 1897 en Lituanie, va, bien qu’avec des nuances diverses, sensiblement contribuer à l’affirmation de l’idéologie sioniste sinon à la renforcer.
Nous rappelons qu’en 1975, l’Assemblée Générale des Nations Unies avait voté une résolution (Résolution 3379 du 10.11.1975) qui assimilait le sionisme à une forme de racisme et de discrimination raciale. Cette résolution a été révoquée le 16 décembre 1991 par la Résolution 46/86 sous puissante pression du B’nai-Brith, fortement appuyée par le soutien de l’administration américaine sous Georges H. W. Bush.

Vers la moitié du  XIXème, la naissance des nationalismes allemand et italien n’échappe pas à l’attention de Pinsker et de Hess. L’Italie et L’Allemagne (auparavant morcelées en plusieurs États) représentent symboliquement, à travers leur propre unification, pour le sionisme pré-herzlien et successivement pour le sionisme politique, l’exemple à suivre et porter à terme.

Le développement industriel (mécanique, chimie), les transports (extension des chemins de fer, transport maritime, construction de routes), le développement économique avec la circulation des marchandises et enfin le système des banques et de la finance internationale, sont les facteurs qui engendrent la croissance économique et le développement du capitalisme, ouvrant entre autre,  la voie, au plan politique, à l’unification de l’Italie et de l’Allemagne après constat de leur retard par rapport aux empires britannique et français. Une unification, sous la houlette des classes possédantes et dirigée par le haut, mais toutefois étayée par une rhétorique nationaliste voire populiste. Peu de temps après l’unification, elles deviennent des puissances rivales aux empires britannique et français qui bénéficiaient déjà d’une accumulation capitaliste grâce aux colonies respectives et revendiquent leur part de gâteau sur le continent africain. En 1884, a lieu, à Berlin, une conférence inter-puissances où a été mis en place, sur fond de rivalité,  le mécanisme de partage et de colonisation du continent africain entre les puissances européennes (l’Empereur allemand, Guillaume II, avait bien déclaré: « nous voulons aussi notre place au soleil »). Les représentants de l’Empire russe tzariste et de l’Empire ottoman ont assisté à cette conférence en qualité d’observateurs.

L’empire russe tzariste vit en cette période un climat d’effervescence sur les plans, politique (confrontation avec l’Empire ottoman), économique  (volonté de rattraper le retard sur  l’Europe occidentale) et social (émergence d’une classe bourgeoise, d’une classe ouvrière et de l’antisémitisme), un climat qui culmine avec l’assassinant en 1881 du Tzar Alexandre II.

La montée de l’antisémitisme se fait de plus en plus visible en Russie avec la montée du capitalisme russe.  Les capitalistes russes juifs émergents  sont considérés comme un obstacle et une concurrence par la bourgeoisie russe. L’assassinat du Tzar Alexandre II provoque un vague de pogromes anti-juifs. Ces derniers, avec des aides financières d’organisations juives multiples dont celle primordiale de Edmond de Rothschild, émigrent à partir de 1881 vers la Palestine et s’y installent aux côtés du Yichouve (population juive locale, en majorité sépharade). C’est la première Aliya avec 35.000 personnes ashkénazes, russes et polonaises en majorité, entre 1881 et 1904.

La période de 1873 à la moitié des années 1890 et en rupture avec la croissance économique des années 1850,  a été marquée par des crashs boursiers qui ont fait plonger les empires occidentaux dans  une crise économique d’une ampleur incomparable, d’où son nom : la « Grande dépressio n ». Les spécialistes parlent plutôt de ralentissement économique étant donné la croissance incessante du produit national brut (Voir Wikipedia : Grande dépression).  Mais cette crise latente contribue à la montée de l’antisémitisme.

En Europe de l’Ouest également, on assiste à une montée de l’antisémitisme qui remplace le millénaire antijudaïsme. Les mouvements culturels juifs, la bourgeoisie juive, l’élite intellectuelle mais surtout le fondateur du sionisme politique Théodore Herzl,  généralement bien établis et intégrés dans la société, prônaient au début l’option assimilationniste mais finissent,  en grande majorité, à abandonner cette position. L’information sur la condition insupportable des Juifs dans les pays de l’Est circule désormais au sein de l’élite juive occidentale.
Théodore Herzi, avocat de profession et journaliste, couvre en 1894 l’affaire Dreyfus à Paris, le capitaine juif Alfred Dreyfus est accusé par le tribunal militaire d’intelligence avec l’ennemi, en l’occurrence l’Allemagne qui a infligé une pesante défaite à la France en 1870 et occupé l’Alsace -Lorraine. La France vivra avec cette humiliation jusqu’à la fin de la Première  guerre mondiale.
Théodore Herzl sera définitivement convaincu que l’avenir des Juifs se trouve en Palestine. Seuls les rabbins s’y opposent, le retour à la Terre des ancêtres étant subordonné à celui du Messie sur terre. Mais la voie est tracée par le premier congrès sioniste de Bâle.

L’obstacle majeur au projet sioniste est cependant l’Empire ottoman qui occupe tout le Moyen-Orient à l’exception de l’Arabie saoudite. Théodore Herzl a tenté de contourner cet obstacle en offrant une aide financière substantielle au Sultan Abdelhamid pour l’effacement de dettes de l’Empire, pour un démarrage économique nouveau et avoir en contrepartie la Palestine pour les Juifs. La réponse du Sultan fût catégorique : une fin de non-recevoir.
Les étroites relations entre l’Empire ottoman en déclin et l’Empire allemand mettent en relief la montée en puissance de l’impérialisme allemand à travers l’obtention en 1888 d’une concession pour une voie ferrée en Turquie et plus tard un accord pour la construction du chemin de fer Berlin-Bagdad (1899).
Conscients de cette opportunité, les sionistes en Allemagne considèrent que l’occasion devait être saisie. Les dirigeants sionistes font part de leur projet auprès de personnalités proches de l’Empereur Guillaume II. Les idées entre sionistes et l’autorité impériale concernant l’installation d’une patrie juive en Palestine, concordent grosso modo en un premier temps à la suite de plusieurs rencontres en Turquie mais après étude des détails présentés par Théodore Herzl, la décision du Kaiser se fait plus évasive. Le projet sioniste ne correspondait pas tout à fait aux visées impérialistes de l’Empire allemand qui, de surcroit, n’était pas plus trés disposé à froisser son allié turc.

Devant cet échec et sur fond de contradictions internes entre sionistes, Théodore Herzl se penche vers l’Empire britannique, rival absolu de l’Empire allemand. Chaim Weizmann, bio-chimiste, futur chef de l’organisation sioniste britannique et futur premier président de l’État d’Israël, s’installe en Angleterre en 1904 et construit au fur et à mesure l’échafaudage nécessaire au sein du pouvoir britannique pour la réalisation du projet sioniste fixé à Bâle.

Pour l’impérialisme britannique, l’Empire ottoman, en déclin certes, devait être maintenu en vie. Les territoires arabes sous domination ottomane étaient d’une importance vitale pour le futur du Royaume-Uni d’autant plus qu’elles regorgeaient de pétrole. En possession déjà de l’Egypte, le versant Est du  Canal de Suez et le Moyen-Orient arabe (Syrie, Irak et Palestine, Jordanie) devaient être sous domination britannique. Le port de Haifa en Palestine offre une position stratégique pour l’acheminement des marchandises à partir de l’Inde en passant à travers le territoire allié iranien (route de l’Inde).

Les évangéliques britanniques au sein du pouvoir et appartenant au sionisme chrétien,  vont apporter un soutien considérable à la réalisation du projet sioniste. Une puissance impériale est nécessaire à la réalisation de ce projet. Les deux instances, britannique et sioniste,  s’entraident mutuellement pour atteindre leur objectif. En effet 20 ans après la tenue du premier Congrès sioniste à Bâle, la Déclaration Balfour, une lettre d’une instance gouvernementale britannique,  est adressée  le 2 novembre 1917 au baron Lionel Walter Rothschild, membre de la fédération sioniste britannique, par le Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères, l’évangélique Lord Arthur Balfour. Il est question dans cette communication de l’engagement du gouvernement  britannique en vue de la fondation d’un foyer juif national en Palestine. Soit l’octroi d’une terre étrangère sous domination étrangère à une entité tierce  en guise de contrepartie offerte aux sionistes pour avoir fait  intervenir les USA dans le conflit de la Première Guerre mondiale. La Triple Entente (Royaume Uni, France et Russie tzariste), se trouvait, en 1916, en très mauvaise posture  face à la Triple Alliance (Allemagne, Empire austro-hongrois, Russie jusqu’en novembre 1917 et Royaume d’Italie).
L’Empire britannique se fait  vaisseau porteur de la colonisation sioniste  en Palestine.

Cette décision sera mise en pratique dans le cadre du mandat britannique en Palestine à partir de 1922. Le Royaume-Uni s`étant en quelque sorte octroyé le mandat par la Société des Nations (créée en 1919)  pour la Palestine,  à la suite de tractations secrètes pendant la Première Guerre mondiale -Accords Sykes-Picot de 1916 entre Français et Britanniques (rendus publics avec la Révolution d’octobre de 1917)  et à l’issue de la Conférence de paix de 1919 de Versailles à Paris. D’autres mandats pour l’Irak et la Transjordanie sont attribués au Royaume-Uni. Des considérations racistes sont présentées pour justifier le choix et l’exécution de ces mandats : les populations arabes se trouveraient à un stade infantile et sont jugées immatures pour pouvoir s’auto-administrer.
La France, quant à elle, obtient un mandat pour la Syrie et le Liban.

En février 1947, trente ans après la Déclaration Balfour, l’Empire britannique n’arrive plus à gérer l’ascension des sionistes qui font pratiquement table rase à travers massacre et dépossession des Palestiniens (Plan Daleth des années Trente) et attentats contre les Britanniques eux-mêmes, dépose son mandat auprès des Nations Unies, fondées en 1945, à l’issue de la deuxième Guerre mondiale, sur les cendres de la Société des Nations.

L’Assemblée générale des Nations Unies met en place le 15 mai 1947  une commission spéciale (UNSCOP) pour enquêter sur la Palestine et les possibilités de solution. La Commission spéciale soumet une proposition de partage de la Palestine historique à l’Assemblée générale. Sur fond de multiples et énormes pressions exercées sur les pays réticents par les USA,  par les pays européens accablés par leur culpabilité pour le sort de Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale, par les organisations sionistes et par le lobby juif, l’Assemblée décide d’adopter le texte de résolution  (Résolution 181 du 28 novembre 1947) avec une large majorité. Formant un tiers de la population totale, les sionistes obtiennent 54% du territoire, les Palestiniens formant les deux-tiers de la population obtiennent 46% de la Palestine historique.

La décision, en 1922, de la Société des Nations de consentir à la fondation d’un Foyer national juif en Palestine dans le cadre d’un mandat et celle du partage de la Palestine historique par les Nations Unies en 1947,  sont illégales et  contraires au droit international. Selon les experts en droit international, ni la Société des Nations ni les Nations Unies n’avaient la compétence pour la mise en pratique de leurs résolutions.

En 1967 les sionistes occupent toute la Palestine historique à l’issue de la Guerre des Six jours.
Le drame palestinien continue, la résistance du peuple palestinien contre la barbarie sioniste aussi.

Mohamed Taleb – Architecte

Auteur de: Palestine, le plus grand holdup  du XXème siècle – Éditions APIC-2019


 

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