Vénézuéla / Des terroristes israéliens, américains et colombiens pour tuer Maduro ? Caracas révèle ses preuves

Dans une vidéo, un ministre vénézuélien révèle des échanges présumés entre opposants, captés par des agents infiltrés. Il assure qu’un coup d’Etat a été déjoué et que des «terroristes» devaient tuer Nicolas Maduro. Décryptage.

140 000 cartouches de mitrailleuses et des tentatives d’«incursions d’agents spéciaux terroristes israéliens, nord-américains et colombiens» visant à «tuer le président Nicolas Maduro [à] renverser le gouvernement et prendre le palais présidentiel» : tel est le projet que le gouvernement vénézuélien affirme avoir mis à jour. Dans une séquence d’une heure trente diffusée sur la télévision publique le 26 juin, Jorge Rodriguez, ministre vénézuélien de la Communication, a ainsi révélé des conversations présumées entre opposants interceptées par des agents du gouvernement infiltrés. Des images dignes d’un épisode du Bureau des légendes

Des terroristes israéliens, américains et colombiens pour tuer Maduro ? Caracas révèle ses preuves
Le ministre vénézuélien de la communication annonce en direct à la télévision une « tentative de coup d’Etat militaire » le 26 juin 2019, à Caracas. © Capture d’écran YouTube.

«Objectifs 1 et 2»

Selon les informations du ministre, documents à l’appui, «cette tentative de putsch implique l’opposition, les Etats-Unis, la Colombie, le Chili», mais aussi l’ambassade du Panama et un «groupe d’Israéliens qui devaient venir assassiner le président Maduro».

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Pour ce faire, des militaires actifs et retraités, ainsi qu’un ancien chef du renseignement et des policiers à la retraite devaient mettre leur plan à exécution les 23 et 24 juin, selon lui. Mais 13 d’entre eux ont été arrêtés juste avant.

«Nous avons assisté à toutes les réunions de planification du coup d’Etat», a déclaré Jorge Rodriguez, affirmant disposer «de 56 heures d’enregistrements vidéo et audio d’échanges entre les opposants en vue de préparer le coup d’Etat». Pour ce faire, des agents gouvernementaux auraient été infiltrés.

Tout au long de sa présentation, le ministre montre un organigramme, intitulé «opération volte-face». Dans les conversations captées, les personnes qui apparaissent évoquent constamment les «objectifs numéro 1 et 2» qu’elles comptent atteindre. Comprendre, selon le ministre, qu’il s’agit du président Nicolas Maduro et Diosdado Cabello, le président de l’Assemblée constituante, homme fort du chavisme. 

Maduro capturé «le jour J à l’heure H» ?

D’après Jorge Rodriguez, une partie des putschistes comptaient porter au pouvoir un rival de Juan Guaido : le général Raul Isaias Baduel, ancien ministre de la Défense de Hugo Chavez passé dans l’opposition, et actuellement incarcéré pour corruption.

Parmi les preuves présentées par Caracas, les conversations enregistrées d’un homme présenté comme le fils du général Baduel, Josnars Adolfo Baduel, alias Simon. Il dit, à au moins deux reprises, que le «plan» serait de «faire venir un groupe d’Israéliens» pour s’occuper de Nicolas Maduro : «Concernant le numéro 1 et 2, j’ai eu quelques réunions avec les personnes qui vont se charger de ça, pas seulement de 1 et 2, mais de six autres personnes», dit Simon avant de poursuivre : «Ils ne sont pas d’ici au Venezuela, ce sont des personnes qui sont… pour être clair, elles sont d’Israël et ont un appui des Etats-Unis, un appui logistique. Elles ont tout le matériel pour accomplir leur mission selon l’information qu’elles nous ont donnée.»

Dans un autre enregistrement audio, un individu présenté par le ministre comme un certain Atanasio, qui serait un colonel s’exprimant depuis l’ambassade du Panama, affirme : «Ecoute, j’ai un contact extrêmement puissant. Pour l’objectif 1 et 2, une équipe de combat qui sont les gens des Israéliens, les gens de Simon, ils garantissent que le jour J à l’heure H, ils captureront le numéro 1 et le numéro 2.»

Dans une réunion sur internet, infiltrée par des agents du gouvernement vénézuélien, Gonzalo, présenté comme un militaire retraité, analyse : «Si nous avons la garantie que la cible 1 et la cible 2 vont être éliminées, ce sera un premier fait marquant, médiatique, frappant et aura un impact international.»

L’euphémisme de la «coopération» américaine

Dans une autre vidéo filmée clandestinement par un agent du gouvernement, on assiste à une réunion qui aurait eu lieu le 20 juin dans un bureauà Caracas, selon le ministre. Le principal intervenant, Miguel Carmelo Sisco, alias Marina, explique : «Honnêtement, je pense que la base de la victoire de cette opération est d’atteindre les objectifs 1 et 2, et de préférence le 1, car c’est un pays présidentialiste.» Un peu plus loin, Marina évoque le nom de code Lander, que l’on retrouve dans plusieurs documents : «Vous savez qui est Lander ? […] Je vais vous le dire clairement, Lander c’est Guaido […] J’ai personnellement eu une réunion avec lui il y a un mois.»

S’en suit une coupure dans le montage diffusé par Jorge Rodriguez, puis, plus loin, Marina évoque les méthodes : «Nous sommes convaincus que l’unique issue est la force […] s’il faut tout brûler pour sauver le pays, nous le ferons […]». Un homme demande alors : «Et lui, que pense-t-il ?» Marina répond : «Il a accepté, il est clair avec ça.»

«Je lui ai dit que l’appui des Gringos est nécessaire, je lui ai parlé d’intervention et lui m’a corrigé utilisant un euphémisme, et parlant plutôt de « coopération »», explique-t-il encore dans un autre extrait.

«Un coup d’Etat de Baduel contre Guaido contre Maduro ?»

Dans l’ensemble des documents présentés, il semble y avoir un désaccord au sein des opposants sur la personnalité à nommer pour remplacer Nicolas Maduro. Le ministre de la Communication assure en effet que «l’aile terroriste colombienne», qui serait coordonnée depuis Bogota par le général à la retraite Cliver Antonio Alcala Cordones, alias Cesar, soutien du général Baduel, «rivalise» avec Marina, soutien de Guaido, pour «diriger l’opération de coup d’Etat».

Marina penche clairement pour Juan Guaido car, dit-il dans les enregistrements, «c’est lui qui a la reconnaissance des Etats-Unis. Aller à l’encontre de ça n’est pas facile, pas nécessaire, pas souhaitable». Autoproclamé président du Venezuela le 23 janvier, Juan Guaido a été reconnu dans la foulée comme tel par une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis et la France.

Mais c’est Baduel que le clan de Cesar voudrait libérer et porter à la présidence. «C’est le second président autoproclamé en moins de six mois», ironise pour sa part le ministre Jorge Rodriguez. «Je me demande s’ils en ont parlé à Guaido ou est-ce un coup d’Etat de Baduel contre Guaido contre le président Maduro?», s’esclaffe-t-il.

Guaido rejette les accusations

«Jusqu’à quand Guaido ? Jusqu’à quand planifier des assassinats ? Jusqu’à quand chercher le bain de sang ?», a lancé le ministre lors de son intervention. Le chef de file de l’opposition, qui avait tenté en avril de susciter un soulèvement militaire pour renverser le gouvernement, a de son côté aussitôt rejeté ces allégations. «C’est la énième fois et la presse a déjà perdu le compte du nombre de fois où ont été répétées de telles accusations. L’appel que nous avons lancé et que nous continuons de lancer s’adresse au corps militaire, c’est à l’armée de se ranger du côté de la Constitution», a déclaré Juan Guaido.

Le gouvernement colombien a pour sa part réagi en défendant son action comme étant uniquement politique, diplomatique et légale.

Incarcérations arbitraires ?

Jorge Rodriguez a rapporté qu’une douzaine de civils et militaires étaient recherchés par la justice pour leur implication dans la tentative de putsch, liste dont Juan Guaido ne fait pas partie.

Caracas a en outre fait état de 13 arrestations, dont celle du général Miguel Sisco Mora, présenté comme le «commandant de l’opération».

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«Si les putschistes avaient pu lancer leur opération, cela aurait marqué le début d’un affrontement civilo-militaire et aurait certainement plongé le pays dans la guerre», estime Romain Migus, spécialiste du Venezuela. Pour lui, le gouvernement a dû faire «face à trois tentatives de coup d’Etat en six mois, l’un institutionnel le 23 janvier 2019, et deux militaires le 30 avril 2019, et ce dernier le 23 juin 2019». Il explique que c’est dans ce contexte tendu que la justice vénézuélienne procède à des incarcérations. Mais selon lui, «les ONG, les médias, et les réseaux d’influence des Etats-Unis auront vite fait de transformer ces arrestations justifiées en détentions arbitraires. Pourtant, conteste-t-il, dans tous les pays du monde, les militaires ou policiers qui tentent un coup d’Etat vont en prison».

Malgré cette situation explosive, le président vénézuélien Nicolas Maduro a affirmé le 27 juin que le dialogue entre le gouvernement et l’opposition en Norvège (pays qui a accepté le rôle médiateur), entamé en mai et suspendu pour l’heure, allait «continuer».

«Tout ce que je peux vous dire pour le moment, c’est que le dialogue avec les Norvégiens avance, il va continuer et nous allons nous diriger vers des accords vérifiables, réalisables pour la paix au Venezuela», a déclaré le chef d’Etat vénézuélien lors d’une intervention télévisée. Le ministre de la Communication Jorge Rodriguez a pour sa part assuré qu’il allait diffuser d’autres documents comme preuves.

Meriem Laribi

Photo mise en avant : © Capture d’écran YouTube Source: AFPImages filmées clandestinement par un infiltré des renseignements vénézuéliens lors d’une réunion de l’opposition favorable à Juan Guaido, préparant des actions militaires contre le gouvernement de Nicolas Maduro, le 20 juin au Venezuela.


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Le Venezuela accuse la Colombie, le Chili et les Etats-Unis d’une tentative de coup d’Etat

Le Venezuela accuse la Colombie, le Chili et les Etats-Unis d'une tentative de coup d'Etat
Nicolas Maduro célèbre le 198e anniversaire de la bataille de Carabobo à Valence, le 24 juin 2019 (image d’illustration). © HO / Venezuelan Presidency Source: AFP

Le ministre vénézuélien de la Communication, Jorge Rodriguez, a annoncé le 26 juin que les autorités de son pays avaient déjoué «une tentative de coup d’Etat militaire» dont l’objectif était d’assassiner le président Nicolas Maduro.

Le gouvernement vénézuélien a accusé le 26 juin la Colombie, le Chili et les Etats-Unis, trois pays qui ne reconnaissent plus la légitimité du président Nicolas Maduro, d’avoir participé à la préparation d’un coup d’Etat militaire. «Jusqu’à quand ? Ivan Duque ! […] Cela suffit de planifier des coups d’Etat militaires, des assassinats du président», a lancé le ministre de la Communication, Jorge Rodriguez, à l’adresse du président colombien. Le ministre a également pointé du doigt l’implication du président chilien, Sebastian Pinera, et John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. 

Le ministre a par ailleurs affirmé que le coup d’Etat, impliquant des militaires actifs et à la retraite ainsi qu’un ancien chef du renseignement, devait avoir lieu entre le 23 et le 24 juin. L’opération devait, selon lui, permettre à un général de prendre rapidement la tête du pays.

Quelques heures plus tôt, Jorge Rodriguez avait annoncé sur Twitter qu’il révélerait «de graves attaques contre la démocratie» et le peuple vénézuélien : «[Juan] Guaido, [Ivan] Duque, [John] Bolton persistent dans leur désir criminel d’attaquer notre droit à la tranquillité», avait-il dénoncé.  

Le 30 avril, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Juan Guaido, président autoproclamé, et opposant au président élu vénézuélien Nicolas Maduro, avait appelé les Vénézuéliens et l’armée à le soutenir pour mettre fin «définitivement à l’usurpation» de l’actuel président du pays, dont la réélection en 2018 est contestée par ses opposants mais aussi de nombreux pays parmi lesquels les Etats-Unis

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Mais, en dépit des initiatives de Juan Guaido et de l’appui de taille qu’il reçoit de Washington pour renverser Nicolas Maduro, le gouvernement chaviste préserve un ancrage populaire fort dans un pays qui, par le passé, s’est déjà soulevé face à de multiples tentatives d’ingérence.

Parmi les opérations les plus connues, le coup d’Etat du 11 avril 2002, mené par les propriétaires de chaînes privées, les cadres de la compagnie pétrolière du Venezuela, ainsi qu’une poignée de dirigeants militaires, avait reçu le soutien, entre autres, des Etats-Unis. Le putsch engendra une réaction massive et immédiate du peuple vénézuélien, poussant des millions de personnes à descendre dans la rue pour réclamer le retour au pouvoir d’Hugo Chavez.


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