Exclusion du Maroc de l’UA : Une question de principes et de… survie

 

 

Il était clairement établi depuis le début que le Maroc n’avait pas rejoint l’UA pour y faire du tourisme. En effet, il y est entré en 2017 à la poursuite de deux buts précis : d’abord tenter d’en exclure la RASD (république arabe sahraouie et démocratique, et faisant partie des Etats fondateurs de l’UA), et ensuite tenter d’en parasiter les travaux, en y faisant entrer par effraction l’entité sioniste. Le magazine Jeune Afrique, connu pour sa totale inféodation au Makhzen, vient de publier un article sous ce titre très explicite « Comment le Maroc organise le lobbying anti-RASD à l’UA ». Il y écrit ceci, notamment : « Plusieurs anciens Premiers ministres et ministres des Affaires étrangères africains ont signé un texte appelant à exclure la RASD de l’Union africaine. Une campagne d’influence dont l’idée a germé lors du forum MEDays 2022, organisé en novembre dernier à Tanger, mais dont les chances d’aboutir sont minces pour l’instant ». Heureux et soulagés de lire que cette publication reconnait que les chances de réussite de cette forfaiture sont minces. Il n’en demeure pas moins que l’alerte est donnée. L’UA, qui a sans doute de nombreuses autres priorités à poursuivre, ne peut raisonnablement continuer à fonctionner en se tenant constamment le ventre, et en appréhendant d’où viendrait le prochain coup sous la ceinture. Le 28 janvier, à Marrakech, trois ex-ministres des Affaires étrangères africains, le Lesothien Lesego Makgothi, le Malgache Patrick Rajoelina et le Gambien Lamine Kaba Badjo, se sont joints aux 16 premiers signataires de l’Appel de Tanger. But avoué de ce qui est officiellement qualifié de « groupe de contact » : lancer un « appel solennel à l’expulsion de la RASD de l’UA. Les signataires de ce pathétique appel sont tous de misérables et insignifiants seconds couteaux. Il va sans dire que cette bande de pieds nickelés a dû recevoir pas mal de motivations sonnantes et trébuchantes pour accepter de se livrer à une pareille forfaiture. Au reste, c’est également le cas pour un curieux appel daté de ce 4 février, signé par de pseudo-universitaires algériens, marocains et tunisiens, qui vient remettre en cause les frontières algéro-marocaines, et placer dos-à-dos victimes et bourreaux en évoquant le « règlement » du conflit sahraoui. C’est dire que les alertes et les attaques sournoises se font de plus en plus précises et nombreuses. En revanche, il est heureux de relever que le puissant ANC (congrès national africain), parti sud-africain du célébrissime Nelson Mandela, vient d’appeler en date du 3 février à lancer les procédures légales en vue d’obtenir rapidement l’exclusion du Maroc de l’enceinte de l’UA. Le poids de l’ANC, parti au pouvoir en Afrique du Sud, est fort important au sein de l’ensemble des instances de l’UA. Celui de l(Algérie ne l’est pas moins.  Lorsque le Maroc, lassé de sa contre-productive politique de la chaise vide, avait émis le vœu d’intégrer l’UA en 217, il était évident depuis le début que cette demande n’était pas du tout innocente. Elle cachait en effet des desseins machiavéliques, et des arrière-pensées dont on commence à voir les premiers fruits pourris. Certes, l’avantage qui en avait été récolté c’est que le roi Mohamed VI, pour intégrer l’UA, avait été forcé de signer un décret royal reconnaissant la RASD (république arabe sahraouie et démocratique), et publié au journal officiel marocain. Cette humiliante démarche du roi marocain ne devait donc pas être gratuite. La RASD est membre fondateur à part entière de l’UA. C’est au sein de celle-ci que se  déroulent les batailles les plus féroces. Bon nombres de « diplomates » marocains, nourris au haschisch et aux sacs bourrés  d’argent, se comportent en vulgaires bandits de grands chemins dans les travées du siège de l’UA sis à Addis-Ababa. Sans doute eut-il fallu depuis le début refuser à Rabat cette demande d’adhésion. L’argument-massue à faire valoir à l’appui de cet hypothétique refus est tout aussi simple qu’imparable : le Maroc foule aux pieds les principes fondateurs les plus sacrés de l’UA en continuant d’occuper illégalement la Sahara Occidental. Plus grave encore. C’est aussi le Maroc  qui fait honte à toute l’Union Africaine en perpétuant au sein de notre continent son ultime colonie, qui est celle du Sahara Occidental. Bref, l’entrée du Maroc à l’UA, désormais allié déclaré de l’entité sioniste, qu’il a d’ailleurs tenté de faire entrer à l’UA en tant qu’observateur, non sans la complicité du tchadien Mahamat Moussa Faki, président de la commission africaine, a été le premier et très sérieux couac dans les tumultueuses relations marocaines avec les 54 autres pairs de l’UA. Il est temps, plus que temps de parer au plus pressé, de couper dans le vif, et d’entamer en urgence les procédures d’exclusion du Maroc de l’UA. Il y va du bon fonctionnement de cette guilde, voire carrément de sa survie. Qu’on se le dise bien…

El Ghayeb Lamine


          Chaabane Zerrouk, Ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, à l’Expression

                            «Les véritables condamnations contre le Maroc vont suivre»

Fin observateur de l’actualité internationale, Maître Chabane Zerouk nous décrypte dans cet entretien certains événements saillants de cette actualité. Énarque et homme de droit ayant exercé de hautes fonctions, Maître Chaabane Zerrouk est diplômé, en 1980, de l’École nationale d’administration, section judiciaire. Il a fait partie de la 13e promotion, baptisée Malek BENNABI. De 1980 à 1988, il a occupé le poste de magistrat à la Cour des comptes avec un intermède de deux années, du Service national, 1982-1984, en officiant en tant que juge d’instruction militaire au tribunal militaire d’Ouargla. Il a été membre du Conseil supérieur de la magistrature (1985-1988). De 1991 à 1994, il a été directeur général de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice avant d’ atterrir au gouvernement en tant que chef de cabinet (avec rang de ministre) du chef du gouvernement de 1996 à 1998. De la chefferie du gouvernement, il passe à la Cour suprême en tant que magistrat-conseiller à la Cour suprême (avec grade de 1er président de la Cour suprême de 2000 à 2002). Avocat agréé à la Cour suprême et au Conseil d’État (2005-2010), il est actuellement notaire et médiateur judiciaire: admis d’office dans ces fonctions sur la base de son ex-qualité de magistrat-conseiller à la Cour suprême de 2011 à ce jour.

L’Expression: Il y a quelques jours, le Parlement européen a interdit l’accès aux députés marocains. Cette décision a-t-elle valeur d’une condamnation du régime du Makhzen?
Maître Chaabane Zerrouk: Effectivement, c’est une forme de sanction contre le Maroc qui s’adonne à des pratiques mafieuses. Les condamnations véritables vont suivre. D’ailleurs, le Makhzen est réputé au niveau international par le recours à la corruption, aux menaces et même aux assassinats politiques pour réaliser ses desseins.

Ne trouvez-vous pas anormal qu’une situation aussi prétentieuse comme le Parlement européen soit à ce point gangrenée par la corruption?
Rien n’étonne dans la mesure où les tentations sont consubstantiellement liées aux intérêts de tous ordres. Là où il y a enjeux et intérêts, il y a corruption ou du moins tentative de corruption. Sur ce plan, le Parlement européen ne saurait être exempt de cette gangrène qui ronge l’âme des institutions nationales et internationales.

Nous assistons ces derniers jours à des attaques répétées contre le Livre sacré, le Coran. À votre avis qu’est-ce qui motive cette brusque poussée d’islamophobie?
Ces attaques abominables à répétitions contre le Livre sacré, le Saint Coran traduisent le désarroi collectif des sociétés occidentales qui voient en l’islam un danger existentiel. D’où l’islamophobie qui stigmatise l’islam. La diabolisation de l’islam et sa terrorisation sont contre-productives pour la Sécurité nationale et internationale.
Le contre-exemple de cette phobie vient de la société anglaise qui a compris que l’islam est source des valeurs sacerdotales, des droits de l’homme, des libertés publiques individuelles et collectives et du développement tous azimuts. D’où l’élection de nombre de maires de confession musulmane.

L’Algérie a condamné fermement de pareils actes. Peut-on recourir à la justice internationale pour mettre fin à ces agressions?
À mon humble avis, il ne sert absolument à rien de condamner leurs auteurs car ils ne pas des actes isolés mais commandités par des lobbies financés par des puissances mondiales. Le meilleur moyen de contrer, voire de renverser cette tendance maléfique est d’adopter par les pays musulmans et la communauté musulmane à travers le monde un comportement et un mode de vie exemplaires s’inspirant de la non-violence en parfaite symbiose avec les recommandations du Saint Coran et ce dans tous les aspects de la vie politique, économique et sociale.

Ne trouvez-vous pas cynique et hypocrite que les Occidentaux revendiquent des chars pour l’Ukraine alors qu’ils n’osent pas un mot de condamnation contre les massacres sionistes en Palestine?
Plus que cynique et hypocrite, c’est scandaleux, intolérable, injuste, inique et contre-productif pour la sécurité internationale. Au-delà des pays occidentaux qui ont montré et démontré leur mensonge d’État, c’est l’ordre mondial qui pratique la politique du deux poids, deux mesures qui est condamné et condamnable. En réalité, c’est un «désordre mondial» hyper dangereux pour la sécurité de l’humanité toute entière.


           Realpolitik ?

                               par Abdelkrim Zerzouri

Dans les relations internationales, seuls les intérêts priment. Une vérité qui colle parfaitement aux récentes déclarations du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, quand il a martelé sur la chaîne de télévision RT que «nous avons un proverbe qui dit : ils ne se sont pas attaqués à la bonne personne. Le peuple algérien n’est pas du genre à se laisser dicter ses positions. Il ne faut pas s’attendre à ce que les Algériens exécutent, sur un simple claquement de mains, des orientations venant d’outre-Atlantique et qui ne sont pas en conformité avec leurs intérêts nationaux ». Bien évidemment, l’Algérie, très fière de son indépendance et de sa souveraineté, n’est pas du genre à se laisser dicter ses positions, ni de l’Ouest ni de l’Est, mais le message du chef de la diplomatie russe est clairement adressé aux Américains.

Est-ce à cause des 27 parlementaires américains qui tentent, depuis septembre 2022, de faire pression sur le Secrétaire d’Etat Antony Blinken, pour l’amener à décider de sanctions contre l’Algérie à cause de sa coopération avec la Russie, notamment en matière d’achat d’armes, jugé comme un soutien financier à l’effort de guerre de la Russie contre l’Ukraine ? Plusieurs observateurs donnent cette explication à la sortie du chef de la diplomatie russe. Mais, tant que cette déclaration intervient quelques cinq mois après la signature de la pétition par les 27 parlementaires américains, à travers laquelle il est demandé au Secrétaire d’Etat de prendre des sanctions contre l’Algérie, à cause de sa coopération avec Moscou, on ne peut que s’interroger sur toute cette lenteur au déclic. Durant cinq mois bien des évènements sont venus s’incruster dans le décor, incitant le chef de la diplomatie russe à réagir de la sorte et asséner sa vérité à la face de ceux qui cherchent à détourner l’Algérie de ses positions. Comme on peut le constater dans ses propres déclarations, où il souligne que «l’Algérie, comme la majorité des pays, est un État qui se respecte et qui respecte son histoire et ses intérêts, sur lesquels est basée sa politique», tout en relevant que l’Algérie «figure, par toutes ses qualités, parmi les leaders des prétendants » à adhérer aux BRICS. Et, cela ne peut être qu’une réponse à l’intense activité diplomatique déployée par les Occidentaux et les Américains à l’égard de l’Algérie. Le bal diplomatique, où Italiens, Français et Américains ont fait d’Alger une halte principale, pourrait laisser croire que l’Algérie a changé ses positions. D’où la réponse du chef de la diplomatie russe, qui a laissé entendre qu’il ne faut pas se berner à ce sujet. Ne pas manquer également de rappeler dans ce contexte les déclarations du Président Tebboune, qui a clairement expliqué que la Russie et l’Algérie sont liées par une longue amitié, idem pour l’Algérie et la Chine, mais cela n’empêche pas d’avoir de bonnes relations avec les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux. Realpolitik du non-alignement.

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