Stepan Bandera, voilà un nom que personne ou presque ne connaissait en Occident à l’orée des années 2000. Lorsque les Maïdans de la Révolution Orange (hiver 2004-2005), puis de « la Révolution de la Dignité » (hiver 2013-2014) furent financés et lancés par les Américains, alors ce nom commença à se répandre dans les médias. C’est sur les barricades de Kiev que les médias durent montrer quelques brides du « héros » Bandera. On se garda bien d’expliquer ni l’homme, ni les drapeaux noir et rouge, ni les slogans, ni qui quoi que se soit. Des pseudos spécialistes, en réalité propagandistes comme Galia Akkerman, des professeurs d’universités douteux, comme Cécile Vaissier, des russophobes patentés invités permanents des cocktails de l’ambassade d’Ukraine à Paris, comme Bernard-Henri Levy ou Nathalie Pasternak, voilà ce qui fut présenté à un public français manipulé et désinformé, pour expliquer le Maïdan et à travers lui Bandera. Nous ne parlerons pas non plus des cohortes de journalistes, chiens de garde du système, que nous avons déjà souvent dénoncés, et qui furent déversés sur nos têtes par tombereaux entiers. Fruits gâtés de Sciences-Po, de l’ESJ ou autre usine à gaz de production de gens entraînés à défendre le système par tous les moyens, y compris le mensonge, la diffamation, la manipulation, le révisionnisme historique, la désinformation, la négation, les accusations inversées et la fausse nouvelle, le citoyen français lambda fut littéralement noyé, jusqu’à refuser de vouloir lui-même y comprendre quelque chose. Alors qui était vraiment Stepan Bandera ? Il y a peu le journal Le Figaro faisait entrer en scène un historien… Jean-Claude Panné, homme de gauche qui s’est déshonoré à défendre l’indéfendable (12 août 2022). Alors voici simplement la biographie de Bandera, elle parle toute seule.
Stepan Bandera, fils d’un nationaliste antisémite et progromiste. Bandera naquit en 1909, dans un village de Galicie alors que la région était encore sous le contrôle de l’Empire des Habsbourg. Il fut élevé dans une famille catholique farouchement nationaliste. Son père à la défaite des Empires centraux s’enrôla dans les troupes ukrainiennes nationalistes et devint un député de la Rada de la République populaire d’Ukraine occidentale ZUNR (dirigée par Petrouchevytch). L’affaire tourna mal, aussi son père s’enrôla dans l’Armée ukrainienne de Galicie (UGA), qui se battit contre les Polonais, les Russes blancs, les bolcheviques et les verts de Makhno (1918-1921). Cette armée se livra à d’importants pogroms et massacres de Juifs (déjà… estimés entre 60 et 120 000 victimes). Très jeune, il fut inscrit par ses parents dans l’organisation nationaliste souterraine « des écoliers » ainsi que de l’Association ukrainienne des Scouts « Plast » (refondée dans l’Ukraine d’aujourd’hui, à la manière de la Hitlerjugend). Durant tout son parcours d’étudiant, il passa d’associations nationalistes en associations nationalistes, du GUGM à l’OSKUG qui fusionnèrent pour former l’Union de la Jeunesse Nationaliste ukrainienne (1926). En 1927, alors qu’il souhaitait entrer dans une Académie ukrainienne à Podebrady en Tchécoslovaquie, les autorités polonaises lui refusèrent un passeport. Il dut rester au village et entra finalement à l’École polytechnique de Lvov, étudiant en Agronomie (1928). Il fut membre dès cette époque de l’UVO, l’Organisation militaire ukrainienne, dont il devint vite un cadre dans le renseignement et la propagande (1931). Il intégra l’OUN fondée en 1929, l’Organisation des nationalistes ukrainiens, et continua ses études jusqu’en 1934.
L’ascension d’un chef extrémiste, prêt à tout, jusqu’au terrorisme et l’assassinat. Il devint très vite l’un des principaux chefs nationalistes ukrainiens, mais contrairement à beaucoup, son jeune âge ne lui avait pas permis de participer aux combats de la Guerre civile russe, aux actions terroristes et assassinats menés activement par les premiers nationalistes ukrainiens (milieu et fin années 20). Cependant, il se rattrapa très vite, participant à des commandos (1931-1933) et partit pour l’Allemagne pour apprendre des techniques de renseignements et de propagande (1933). Les nationalistes ukrainiens entrèrent en contact avec les nazis dès avant 1933, qui commencèrent de les financer et de les armer. Stepan Bandera devînt lui-même un agent de l’Abwehr, les services secrets nazis et un agent de la Gestapo (1934). Il prit encore du galon en se rendant à la Conférence de l’OUN, à Berlin (avril 1933), ayant la responsabilité de toute la partie Ouest de l’Ukraine, alors entre les mains des Polonais (les deux Galicie, occidentale et orientale). Il organisa l’assassinat du Consul soviétique à Lvov (juin 1933), qui fut un fiasco, le tueur abattit un simple employé. Il organisa toutefois des actions spectaculaires notamment « l’action de l’école » (septembre), où écoliers et étudiants boycottèrent la langue officielle polonaise et mirent à bas des symboles polonais. Il rationalisa les actions terroristes pour éviter d’instaurer la terreur, préférant des actions ciblées contre des personnalités polonaises, ukrainiennes ou soviétiques. Entre 1933 et 1934, il dirigea les assassinats du ministre de l’Intérieur Bronislaw Pieracki (1895-1934), le ministre des Affaires étrangères Tadeusz Holowko (1889-1931) et plusieurs dizaines d’autres personnalités. La police polonaise réagit, il fut arrêté alors qu’il tentait de s’enfuir en Tchécoslovaquie, et les policiers mirent la main sur les archives de l’OUN, environ 2 000 documents qui révélèrent l’ampleur de l’organisation et de ses activités clandestines. Il fut jugé à Varsovie (18 novembre 1935), avec 11 complices et se montra extrêmement arrogant, refusant de parler une autre langue que l’ukrainien et criant régulièrement « Gloire à l’Ukraine ! », le fameux Slava Oukraïni, le « Heil Hitler » ukrainien qui est désormais une véritable institution en Ukraine. Après un long procès, il fut condamné à mort (13 janvier 1936), et dans un autre procès des chefs de l’OUN (mai). Mais sa peine fut commuée en prison. Il fit alors une grève de la faim de 16 jours pour protester contre les conditions d’emprisonnement et les chicanes de l’administration pénitentiaire. L’OUN pensa tenter de le faire évader (1937), et monta une opération qui ne fut pas mise à exécution. Une autre fut montée par Roman Choukhevytch (juin 1938), et abandonnée à son tour.
Le collaborateur nazi turbulent et changeant d’Adolf Hitler. L’invasion de la Pologne par l’Allemagne vint changer la donne. Il fut libéré et recentra l’action de l’OUN dans l’Ouest de l’Ukraine désormais occupée par les Soviétiques. Il préféra s’enfuir à Cracovie dans le Gouvernement général allemand de la Pologne pour échapper au NKVD et réorganiser l’OUN (octobre 1939). Il entra en conflit avec le chef de l’OUN, Andry Melnyk plus modéré et qui était contre une collaboration avec l’Allemagne nazie et pour un rapprochement avec les alliés français et britanniques. Bandera misant pour Hitler, cela entraîna la scission de l’OUN en l’OUN M et l’OUN B (février 1940). Dès lors, il s’engagea corps et âme pour la collaboration avec l’Allemagne hitlérienne et prépara l’invasion de l’Union soviétique, en conseillant aux Allemands d’accorder l’indépendance à l’Ukraine. De fait, il fonda la Légion ukrainienne constituée des bataillons Nachtigall et Roland, qui furent engagés à l’arrière des troupes allemandes et de l’Axe dans les opérations de chasse aux Juifs et aux communistes. Le 22 juin 1941, alors que le plan Barbarossa était lancé, l’indépendance de l’Ukraine fut proclamée par Jaroslav Stetsko (1912-1986, mort à Munich, par la suite agent de la CIA et des services secrets de l’Allemagne de l’Ouest). Les Allemands qui n’avaient pas l’intention de fonder un état ukrainien arrêtèrent Bandera et d’autres chefs, mais utilisèrent les nationalistes ukrainiens dans les massacres de la Shoah par balles et dans la chasse aux partisans (massacres de Lvov et de Ternopil, massacre de Babi Yar, intégration dans les Einsatzgruppen, pogroms en Ukraine). Bandera fut alors enfermé dans un camp de concentration. Après avoir longuement tergiversé, il lança un appel (mars 1943) à toutes les troupes supplétives ukrainiennes, ordonnant de déserter les rangs des troupes nazies pour former une armée nationale clandestine ukrainienne. Il avait attendu la fin de la bataille de Stalingrad pour tenter de jouer un rapprochement de dernière minute à l’italienne avec les alliés… qui fut refusé par ces derniers. Quelques milliers de nationalistes désertèrent avec Choukhevytch et d’autres nationalistes. Ils fondèrent l’UPA, une armée nationaliste organisée pour lutter contre les Soviétiques et les Polonais.
Avec Bandera jusqu’au fond de l’horreur des massacres de Volhynie à l’agent du MI-6 et de la CIA. Les partisans ukrainiens pratiquèrent la politique de la terreur et massacrèrent plusieurs dizaines de milliers de Polonais, Tziganes et autres, en Volhynie et Galicie (1943-1944). L’UPA lutta alors essentiellement contre les Soviétiques, mais à partir de mars 1944 également contre les Allemands. Devant la débâcle des armées allemandes, Bandera préféra vite donner l’ordre ; devant le danger d’une victoire soviétique ; d’abandonner la lutte contre les Allemands et de concentrer la lutte de l’UPA contre l’Armée rouge (mai 1944). La lutte… n’aura alors officiellement durée que deux mois contre le meilleur allié de Bandera, Adolf Hitler. Il fut d’ailleurs bientôt libéré sur son ordre (septembre 1944), pour tenter d’organiser l’UPA et participer à la lutte contre l’URSS. En effet l’Armée rouge progressait inexorablement vers l’Ouest. Équipés et armés par les Allemands, environ 250 000 Ukrainiens furent organisés en unités régulières ou en maquis, et luttèrent avec acharnement contre les Soviétiques. Mais la défaite était désormais certaine, aussi Bandera n’attendit pas la fin de la guerre, il prit la fuite à Berlin (décembre 1944), d’où il dirigea presque jusqu’à la fin les opérations de l’UPA. Il n’attendit pas l’Armée rouge, et prit de nouveau la fuite, s’éclipsant en Autriche, puis de nouveau en Allemagne, et enfin en Suisse, tentant d’échapper aux agents de Staline. Il passa alors immédiatement au service des services secrets britanniques (1946). Les Américains furent plus réticents à son égard, mais utilisèrent l’UPA dans la Guerre froide pour lutter contre les Soviétiques et tenter de les déstabiliser en Ukraine. La guérilla ukrainienne fut active jusqu’à l’orée des années 60, mais progressivement anéantie par les Soviétiques. En 1954, le dernier grand maquis fut détruit, et en 1960, la dernière cellule de nationalistes ukrainiens fut éliminée. Les survivants qui n’avaient pas émigré furent poursuivis sans relâche, mais beaucoup survécurent, passèrent entre les mailles du filet, ou revinrent de déportation avec l’arrivée de la déstalinisation (1956-1959). Quant à Bandera, il s’installa à Munich sous la protection des alliés, alors que les Soviétiques cherchaient à l’éliminer. Plusieurs tentatives furent déjouées en 1947, 1948 et 1952. Il fut finalement assassiné dans sa maison, le 15 octobre 1959, par un agent du KGB, Bogdan Stachinsky (1931-?) armé d’un pistolet-seringue au cyanure. Ses obsèques donnèrent lieues à un grand rassemblement de personnalités anticommunistes des pays de l’Europe de l’Est, de l’Europe Centrale et de nations dans le giron de l’Union soviétique.
Bandera, du fond de la mémoire de néonazis ukrainiens, jusqu’au super-héros ukrainien… en passe d’être réhabilité en Occident. Après sa mort, il devînt « un symbole immortel » pour les nationalistes ukrainiens ultras ou néonazis des mouvements nés après l’écroulement de l’Union soviétique (1989–1992). Les partis néonazis comme Svoboda ou Pravy Sektor ont réécrit l’histoire de Bandera en le présentant comme un simple leader indépendantiste lavé de sa collaboration avec Hitler ou des massacres de Juifs et de Polonais. Le mouvement Euromaïdan a été l’occasion de pousser un peu plus loin cette logique en affichant les portraits de Bandera et Choukhevytch dans toutes les manifestations avec les drapeaux noirs et rouges de l’UPA et les symboles nationalistes ou nazis utilisés dans le passé (trident ukrainien, wolfsangel nazi). Le président Viktor Iouchtchenko lui décerna titre posthume la plus haute distinction de l’Ukraine, le titre de « Héros de l’Ukraine ». Cet acte, décerné le 17 février 2010 fut l’objet d’un scandale international sévèrement jugé par de nombreuses personnalités politiques en Russie, en Pologne, en Israël, au Centre Simon Wiesenthal qui déposa une protestation à l’ambassade d’Ukraine aux États-Unis. Seuls les mouvements ultras nationalistes « bandéristes » applaudirent en Ukraine et furent rendus furieux lorsque le Tribunal de l’Oblast de Donetsk déclara illégal ce décret du président ukrainien (2 avril 2010). Cette opposition entraîna de la part du Président Iouchtchenko une procédure en appel, qui confirma la déchéance du titre d’Héros de l’Ukraine pour Stepan Bandera (23 juin 2010), confirmée par la Cour suprême d’Ukraine (2 août 2011). Ceci n’empêcha les nationalistes ultras et néofascistes ukrainiens de construire une multitude de monuments commémoratifs en l’honneur de Bandéra. Notamment dans sa ville natale (1991), monument qui fut détruit par des opposants antifascistes, puis restauré (1992). Ce fut bientôt une vrai forêt de monuments qui s’élevèrent dans de nombreux autres villages et villes, à Strary-Ougrinov (1990), à Kolomye (1991), à Stry et Kozovka (1992), à Borislav (1997), à Drogobitch (2001), à Doublianakh (2002), à Verbov (2003), à Zalechikakh (2006), à Lvov, Ouzin, Boutchatch et Nikitintsy (2007), à Gorodenk, Starom-Sambor et Grabovka (2008), à Stredni-Berezov, Stroussov et Terbovlia (2009), à Trouskavets et Kremenets (2010), à Sambor (2011), la liste se poursuivant jusqu’à nos jours et sans compter plusieurs rues, à Koloma, à Ivano-Frankovsk, Lvov et Ternopil. Dans une émission de télé participative sur les grands hommes de l’Ukraine, Stepan Bandera prit la troisième place du classement avec 16,12 % des voix. Devenu une icône du nationaliste ultra de l’Ukraine, il monta encore en popularité à partir de l’Euromaïdan et de la révolution brune de l’hiver 2013-2014.
C’est avec son portrait et en criant son nom que les enrôlés des bataillons néofascistes Azov, Aidar, Dniepr-1 et 2, Marioupol, Donbass et bien d’autres sont montés à l’assaut du Donbass. Depuis cette date, Stepan Bandera, après des chefs d’États comme Mussolini, Franco ou Adolf Hitler est devenu un symbole européen du fascisme en Europe, longtemps dissimulé et caché par les médias occidentaux. Toutefois les partisans de Stepan Bandera ayant été le fer de lance de l’Euromaïdan, de l’armée ukrainienne, et des mercenaires internationaux néonazis dans le Donbass, aux cris de « Gloire à l’Ukraine, mort aux ennemis, mort aux Moskals (Russes), mort aux youpins ! », le cri de guerre s’est progressivement réduit, à un « Gloire à l’Ukraine, Gloire aux Héros », et les médias occidentaux sont déjà au travail pour nous refaire un portrait respectable de Stepan Bandera. L’opération spéciale russe aura même activé la marche forcée (24 février 2022), les médias occidentaux et des centaines de politiciens européens tentant dès lors de nettoyer l’histoire de Bandera, voire de l’aduler, ou de le présenter comme un héros noble et pur. Seules quelques voix se sont élevées en France comme celle d’Arnaud, le fils des chasseurs de nazis, Serge et Beate Klarsfeld, Pendant ce temps-là, des membres du parti d’Emmanuel Macron et de diverses autres formations politiques françaises, se sont affichés sur leurs réseaux sociaux avec des slogans bandéristes, y compris des députés, députés européens, sénateurs, maires, conseillers régionaux… Demain si Vladimir Poutine faisait un discours condamnant Pierre Laval… peut-être seront-ils capables de nous sortir un « historien » pour nous vendre l’homme pur que fut Pierre-Stepan Bandera-Laval ? Et d’ailleurs, au point où nous en sommes, à quand la Légion d’Honneur à titre posthume pour Stepan Bandera ?
Laurent Brayard pour le Donbass Insider
Bandera, nazi d’Ukraine et champion de l’Occident.
Stepan Bandera nazi ukrainien, combattant avec Hitler et exécuteur en masse de dizaines de milliers de juifs et de résistants communistes, devient chaque jour un peu plus le héros des « démocrates » de l’Occident. Quand elle ne l’oublie, la presse trafique son histoire, transformant le bourreau en nationaliste glorieux ; d’ailleurs en1945 ne fût-il pas un agent Américain ? Ce qui démontre qu’un paradis existe pour les nazis.
La guerre d’Ukraine a été lancée par la Russie après huit ans d’agression ukraino-occidentale (2014-2022) contre les russophones de l’Est ukrainien. Leurs 14 000 morts, en majorité des civils, avaient intéressé nos grands médias aussi peu que ceux d’Irak, de Serbie, d’Afghanistan et de Syrie, attaqués, depuis 1991, par les États-Unis en quête mondiale de contrôle pétrolier et gazier et autres matières premières, sous couvert de l’OTAN soumis à commandement unique américain depuis sa fondation (1950). La coalition occidentale, qui a d’emblée ridiculisé l’objectif officiel russe de « dénazification » annoncé en février 2022 – conforme aux « principes politiques » inscrits dans le Protocole de la Conférence de Potsdam (1er août 1945) , affirme agir contre la Russie au nom de la « démocratie » (nouveau nom du « Monde libre » de l’époque soviétique) . La guerre se prolongeant, l’« Occident » fait évoluer le concept de « démocratie » et « couvre » la vénération de l’État ukrainien « allié » pour ses criminels de guerre et d’avant-guerre. Ainsi érige-t-il le nazi ukrainien Stepan Bandera (1909-1959) en héraut de l’« indépendance ukrainienne » : léger défaut qu’il lui pardonne autant qu’à la « démocratie » ukrainienne post-Maïdan la promotion des groupements nazis et les coups de gourdin que le milliardaire Zelenski, digne successeur du milliardaire Porochenko, administre au peuple ukrainien : destruction du code du travail, des horaires aux salaires, et interdiction des partis et journaux d’opposition, requis par les « investisseurs » états-uniens.
Bandera n’est devenu un « héros national » que depuis la « Révolution orange » américaine de 2004, et surtout depuis le coup d’État de Maïdan organisé en février 2014 par Washington contre un intolérable gouvernement ukrainien, légal mais prorusse. Sa cheffe d’orchestre la vice-secrétaire d’État aux affaires politiques, Victoria Nuland, madone néo-conservatrice du National Endowment for Democracy (CIA) et russophobe (et sinophobe) compulsive, assure son poste ukrainien depuis 1993, sous gestion démocrate ou républicaine (hors présidence Trump). Elle a avoué le 13 décembre 2013 devant le National Press Club, dans une conférence financée par le groupe pétrolier Chevron , puis le 15 janvier 2014 devant le comité de politique extérieure du Sénat, que le gouvernement américain avait, depuis la chute de l’URSS, « dépensé cinq milliards de dollars » pour faire triompher la « démocratie » en Ukraine et que Chevron avait signé le 5 novembre précédent un accord pour dix milliards de dollars d’investissement en vue de forages qui mettraient fin à la « dépendance du pays envers la Russie » . Mme Nuland, cantinière des putschistes de Maïdan, a depuis lors fabriqué les gouvernements ukrainiens et présidé, avec le reste de l’appareil d’État, au réarmement jusqu’aux dents de l’Ukraine, que Washington a intégrée de fait aux opérations de l’OTAN depuis juillet 2021 .
L’intimité des États-Unis avec le nazisme ukrainien en général a précédé la chute de l’URSS. Leur intérêt pour la caverne d’Ali Baba ukrainienne, comme celui de tous les impérialismes, n’a jamais cessé depuis l’« ouverture » de la Russie tsariste, qui leur avait cédé son économie moderne et concentrée, de la banque aux matières premières. Comme le Reich occupa longtemps le devant de la scène ukrainienne, surtout depuis la Première Guerre mondiale, les banques américaines accompagnèrent celles du Reich dans l’entre-deux-guerres. Mais au rôle second que dictait alors le primat allemand.
Car le Reich, première puissance à reconnaître la Russie en 1922, tint le haut du pavé dans la Russie soviétique traitée en paria par la « communauté internationale » impérialiste. Même dans l’Ukraine qu’il avait arrachée, en 1918 (jusqu’à sa défaite de novembre), à la Russie assaillie de toutes parts par quatorze puissances impérialistes de 1918 à 1920 , et que les bolcheviques reconquirent depuis 1920. En reconnaissant l’État soviétique, Berlin y récupéra sa capacité de nuisance, « couvert » par le Vatican : auxiliaire du Reich depuis la fin du 19e siècle et plus encore depuis 1914, la Curie mandata le clergé catholique germanique à l’espionnage militaire préparatoire au nouvel assaut projeté .
Les nazis bandéristes dans l’avant-guerre
C’est dans ce contexte que grandit Bandera, produit-type de l’uniatisme de Galicie orientale (Ukraine occidentale), arme de guerre de l’Église romaine contre l’orthodoxie depuis 1595-1596. Fils d’un prêtre uniate, il fut élevé comme ses pareils dans la haine fanatique des Polonais, des Russes, des juifs et des opposants, sous l’autorité d’Andreï Szepticky évêque uniate de Lemberg (Lwow en polonais, Lvov en russe, Lviv en ukrainien) nommé en 1900. Russophobe, polonophobe et antisémite de choc, Szepticky devait comme tous ses prédécesseurs convertir les orthodoxes de l’Est, mission liée à la conquête germanique. Ce fut d’abord au service de Vienne, maîtresse de la Galicie orientale, puis, Pie X préférant depuis 1907 les puissants Hohenzollern aux Habsbourg moribonds, l’évêque accompagna jusqu’à sa mort (novembre 1944) le Drang nach Osten (« poussée vers l’Est ») du Reich, impérial, « républicain » et hitlérien.
Le Reich, qui finançait avant 1914 « l’autonomisme ukrainien » contre la Russie, transforma l’Ukraine en fief militaire pendant la Première Guerre mondiale. Il accrut ensuite l’effort dans la Galicie orientale, dévolue en 1921 par la France antisoviétique à la Pologne réactionnaire Depuis 1929, Berlin entretenait l’« Organisation des Ukrainiens nationalistes » (OUN) que Stefan Bandera (20 ans), « chef de l’organisation terroriste ukrainienne en Pologne », avait fondée avec ses fidèles lieutenants Mykola Lebed et Iaroslav Stetsko. Ils participèrent, à la campagne antisoviétique sur « la famine génocidaire en Ukraine » décrite dès 1987 par le photographe et militant syndicaliste canadien Douglas Tottle, pionnier de l’étude du nazisme ukrainien . Lancée par le Reich et le Vatican, à l’été 1933, c’est-à-dire après que l’excellente récolte de juillet eut mis fin à la disette ou à la famine, répercutée avec zèle par tous leurs alliés, dont la Pologne, avec pour centre Lwow, elle prépara idéologiquement la conquête de l’Ukraine. Berlin et le Vatican s’étaient engagés par un des deux articles secrets du Concordat du Reich de juillet 1933 à la mener ensemble .
Les bandéristes rendirent en Pologne aussi de grands services, non seulement contre les juifs mais aussi contre l’État. Bandera et Lebed assassinèrent le 15 juin 1934, année faste des attentats allemands contre les chefs d’État et ministres, le ministre de l’Intérieur polonais, Bronisław Pieracki, pourtant en extase, comme ses chefs, Pilsudski et Beck, devant « l’ami allemand ». Les nazis de l’OUN jouaient en Galicie orientale, a écrit Grzegorz Rossolinski-Liebe en 2014 dans sa thèse de référence sur Bandera, le même rôle que les oustachis croates d’Ante Pavelitch, les nazis slovaques du Parti Hlinka, les Gardes de fer roumains et autres nazis d’Europe orientale : gavés de marks, ils avaient tous « adopté le fascisme, l’antisémitisme, le suprématisme racial, le culte de la guerre et toute une gamme de valeurs d’extrême droite » . Pour ne pas froisser ses « amis » allemands, Varsovie commua la peine de mort de Bandera et Lebed édictée (seulement) en 1936 en prison à vie. L’occupant allemand les en libéra dès l’invasion de septembre 1939.
Les nazis bandéristes dans la Deuxième Guerre mondiale
Depuis lors, l’OUN uniate, puissante en Ukraine slovaque et polonaise (absente d’Ukraine soviétique), fut le laquais du Reich. Elle fut subdivisée en 1939-1940 en OUN-M et OUN-B, respectivement dirigés par Andrei Melnik et par le trio Bandera-Lebed-Stetsko, divisés seulement par leur désaccord, de façade, sur « l’indépendance ukrainienne » : Melnik n’en parlait plus, Bandera chérissait par le verbe « l’indépendance » dont le Reich ne voulait à aucun prix.
Les deux OUN aidèrent le Sipo-SD (la Gestapo) et l’Abwehr à préparer l’occupation de la Pologne, puis de l’URSS. Ses membres peuplèrent les « académies [allemandes] de police » de Pologne occupée et accrurent leurs ravages après Barbarossa : aux côtés de la Wehrmacht, ils liquidèrent immédiatement 12 000 juifs en Galicie orientale, et ne cessèrent plus. Supplétifs du Sipo-SD, ils torturèrent et exterminèrent sans répit avec la bénédiction des clercs uniates, dont Szepticky, bénisseur des bandéristes de la 14e Légion des Waffen SS Galicia (1943-1944) et d’ailleurs. Dans les Einsatzkommandos, les prisons, les camps de concentration et ailleurs, les deux OUN massacraient les « ennemis de la nation ukrainienne » : Ukrainiens « non loyaux », juifs de toute nationalité, Russes et Polonais non juifs, dont les 100 000 de Volhynie, exploit de Bandera qui perturbe les actuels rapports (faussement) idylliques Varsovie-Kiev. En Pologne et en URSS, jusqu’à la libération soviétique complète de l’Ukraine (Lvov, juillet 1944), ces champions du « nettoyage ethnique » jouèrent dans « la destruction des juifs » le rôle des « États satellites [du Reich] par excellence » (Croatie et Slovaquie) . Le conflit officiel, très secondaire, entre Berlin et les bandéristes, sur « l’indépendance » ukrainienne, valut en 1942 à Bandera et Stetsko l’emprisonnement en « camp d’honneur » à Sachsenhausen (à 30 km de Berlin). Lebed, en fuite, dirigea en leur nom l’« armée insurrectionnelle ukrainienne » (UPA) : formée en 1942 de ces polices auxiliaires de la Wehrmacht et de la SS, l’UPA liquidait les ennemis communs.
Bandera et Stetsko auraient été libérés de leur « bunker d’honneur » hôtelier jusqu’en septembre 1944, contèrent-ils a posteriori à la CIA. En juillet 1944, une grande partie des massacreurs avait quitté l’Ukraine dans les fourgons allemands. Berlin fonda pour ses nazis ukrainiens le « Conseil suprême ukrainien de libération » (UHVR), puis, en novembre 1944 un « Comité national ukrainien » à majorité bandériste. Haute preuve de « résistance nationale et antinazie » ! La prise soviétique de Berlin les précipita à Munich, centre historique du nazisme intérieur et de l’expansion du Deutschtum depuis l’entre-deux-guerres , devenu au printemps 1945 une des capitales de la zone d’occupation américaine. Sur les « 250 000 Ukrainiens » établis en 1947 « en Allemagne, en Autriche et en Italie », prétendues « personnes déplacées », « un grand nombre étaient des membres avérés ou des sympathisants de l’OUN » .
Le reste des criminels de l’OUN-UPA étaient restés en Galicie orientale désormais soviétique où, clandestins, ils massacrèrent encore, sous la houlette de leurs clercs uniates : « en Ukraine occidentale », des « dizaines de milliers » d’entre eux tuèrent « 35 000 cadres de l’armée et du parti soviétiques entre 1945 et 1951 » , dirigés par leurs amis étrangers, non plus seulement allemands, mais aussi américains.
De la légende post-Stalingrad du combat pour l’indépendance nationale aux articles du Monde de janvier 2023
La défaite du Reich se profilant après Stalingrad, l’OUN-UPA commença à s’inventer une histoire « résistante » : clé de la propagande russophobe actuelle, cette légende fut diffusée dans tout l’« Occident » quand la clique Bandera devint officiellement « alliée » contre l’URSS. Ainsi se développa le mythe d’une « résistance des nationalistes ukrainiens » aussi antinazie qu’antibolchevique, qu’entretient désormais la grande presse « occidentale ». Le Monde a consacré les 7 et 8 janvier à Bandera, deux articles à ce héros naïf de l’indépendance ukrainienne. Le premier, « Stepan Bandera, l’antihéros ukrainien glorifié après l’agression russe » poussait l’indulgence à tel point qu’il y en eut, peut-être devant des réactions nombreuses, un second. Le titre fut plus engageant « Guerre en Ukraine : le mythe Bandera et la réalité d’un collaborateur des nazis » , pas le contenu : Bandera « luttait par tous les moyens pour libérer l’Ukraine des jougs successifs de la Pologne et de l’Union soviétique ». Il ne collabora avec « l’Allemagne nazie » que pour ce noble objectif qui lui fit voir en Hitler « un allié possible pour lancer la révolution nationale ukrainienne contre l’oppresseur soviétique qui avait orchestré, entre autres atrocités, la grande famine de 1932-1933, l’Holodomor, décimant de 3 à 5 millions d’Ukrainiens. » Il avait donc bien des excuses.
Les deux articles, truffés de gros mensonges et de mensonges par omission, font de Bandera « un symbole de résistance et d’unité nationale », un héros complexe et « contesté ». Ce qualificatif a indigné Arno Klarsfeld, qu’alarme désormais la glorification « occidentale » des nazis ukrainiens : « Le Monde devient un journal partial et mensonger : Bandera n’est pas une figure “controversée”, il a activement participé à la Shoah. Comment Le Monde qualifierait Goring ? “controversé” lui aussi ? honte pour un journal sérieux !!! c’est réellement honteux. » Le 15 mars 2014, le journal admettait encore que le coup d’État de Maïdan avait mis les nazis à la tête de l’Ukraine. Certes, avec sa russophobie héritée de l’organe du Comité des Forges, Le Temps, son prédécesseur : « L’extrême droite ukrainienne, cible inespérée pour Moscou. La visibilité sur Maïdan des groupuscules néonazis, ultra-minoritaires, nourrit la propagande russe contre le nouveau pouvoir à Kiev ». Alors, fondée ou pas ? La science historique avait avancé dès 1987, avec Tottle sur la « famine génocidaire », sur les massacres et sur les escroqueries de l’OUN-OPA sur ses activités de 1929 à 1945 . Rossolinski-Liebe dont l’après-« révolution orange » en Ukraine a menacé la sécurité personnelle et interdit les conférences , a complété le tableau sur le criminel absolu Bandera. L’article du Monde du 8 janvier mentionne sa thèse, sans mot dire, et pour cause, de son contenu.
Les héros ukraino-nazis de « l’indépendance nationale » ont compté beaucoup dans les longs préparatifs de la présente ère américaine de l’Ukraine. Dans leur objectif de conquête mondiale, les États-Unis incluaient la Russie en général, et l’Ukraine en particulier, mais durent ici se contenter à l’ère allemande de « l’Europe » d’un rôle mineur . Le capital financier américain s’était, depuis 1919, associé aux capitaux allemands en Europe orientale. Sa grande presse, dont Hearst, porte-parole des milieux germano-américains, participa à la campagne sur « la famine génocidaire en Ukraine » à partir de 1935 – cinquante ans avant le tapage reaganien sur « l’Holodomor » (son nouveau nom) . La fin de la Deuxième Guerre mondiale sonna l’heure, sinon de la relève du Reich, de la collaboration avec les héritiers du Reich en vue, notamment, de la conquête de l’Ukraine.
La stratégie américaine de conquête de l’Europe entière se dévoila entre le compromis territorial de Yalta en février 1945, haï d’emblée, et la décision définitive, en 1947-1948, de liquider, non seulement la zone d’influence soviétique, mais l’État soviétique avec. La tâche fut confiée à Frank Wisner et George Kennan. Wisner, avocat d’affaires de Wall Street, avait été envoyé en 1944 en Roumanie par l’avocat d’affaires Allen Dulles, chef de l’OSS-Europe depuis novembre 1942, à Berne : il fallait éviter un avenir soviétique à ce pays champion des massacres antisémites en négociant avec ses élites qui y avaient trempé . Kennan, diplomate, avait passé sa carrière, depuis 1931 à Riga (Lettonie) puis dans divers postes, à combattre l’URSS . Le Département d’État confia donc à ce tandem, dans le cadre de la CIA (successeur officiel de l’OSS) fondée en juillet 1947, l’application de la directive 10/2 du National Security Council du 18 juin 1948 qui prescrivait la liquidation générale du socialisme européen . Vedette de la Guerre froide, Kennan, raisonnable depuis sa retraite, mit, en vain, Washington en garde contre l’expansion de l’OTAN à l’Est, contre la Russie, après 1991 .
L’Ukraine occupait dans cette ligne un rôle central, et Washington s’appuya sur l’expérience de l’Allemagne (occidentale) redevenue alliée à peine vaincue (comme après la Grande Guerre). L’historien Christopher Simpson a décrit dès 1988 l’incroyable sauvetage-recyclage par l’OSS et ses successeurs (« Strategic Services Unit » puis CIA) des criminels de guerre européens, Allemands et Ukrainiens en-tête. Harry Rositzke, chef depuis 1945, à Munich, des « opérations secrètes à l’intérieur de l’URSS » des nazis ukrainiens – et agent loyal qui ne cita aucun nom , fit cet aveu en 1985 : « Nous savions parfaitement ce que nous faisions. La base du boulot était de se servir de n’importe quelle ordure du moment qu’elle était anticommuniste » . Les historiens américains Breitman et Goda, spécialistes de la « Shoah » collaborateurs réguliers du Département d’État, ont complété le dossier en 2010.
Washington eut grand besoin du Vatican qui, sauveteur de masse des criminels de guerre via le clergé européen, maintint sa collaboration avec les héritiers du Reich mais l’adapta à son alignement sur les États-Unis maîtres de l’« Europe occidentale » et grands bailleurs de fonds (à usage intérieur, italien, et international). La Curie continua à gérer son vivier uniate de Lvov, via les prélats et les prêtres clandestins. Avait succédé à Szepticky décédé en novembre 1944 le chef bandériste Ivan Bucko, ancien « évêque auxiliaire de Lvov » (depuis 1929), associé aux préparatifs de Barbarossa puis à la « rechristianisation » ratée des Russes. Washington agréa dès l’été 1945 cet « expert du Vatican sur les questions ukrainiennes [d’]opinions radicalement antirusses », comme « visiteur apostolique des Ruthènes de l’armée d’Ukraine » (l’OUN-UPA), chef, à Rome, jusqu’en 1971, « des Ukrainiens en Europe occidentale » .
Dès juillet 1944, juste avant l’entrée de l’Armée rouge à Lvov, les massacreurs du « Conseil suprême ukrainien de libération » (UHVR) avaient, prélats compris, traité, sous l’aile romaine, « avec les gouvernements occidentaux ». Les alliés-rivaux anglais et américains collaborèrent avec les groupes dirigés, d’une part, par Bandera-Stetsko (80% des effectifs ukrainiens des « camps de personnes déplacées en Australie, au Canada, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et autres pays occidentaux à la fin des années 1940 ») et, d’autre part, par Lebed et le prélat uniate Ivan Hrinioch, agent de liaison avec le Vatican .
Les Américains avaient dès mai 1945 récupéré et installé, tout près de Munich, comme espion en chef, le général nazi (membre du NSDAP) de la Wehrmacht Reinhard Gehlen : chef du « renseignement militaire allemand sur le front de l’Est » dans l’URSS occupée (Fremde Heere Ost, FHO), Gehlen, responsable des « interrogatoires », avait dirigé les collaborateurs soviétiques de toutes les régions occupées, dont l’Ukraine et fabriqué depuis 1942 l’armée Vlassov. Ces soldats de l’Armée rouge ralliés à la Wehrmacht pour ne pas périr formèrent des bandes criminelles qui rendirent, en URSS et jusque contre les résistants français en 1943-1944 , les mêmes services que les nazis uniates. Gehlen, grand criminel de guerre, reçut en 1945 d’immenses responsabilités : l’espionnage de renseignement et d’agression contre l’URSS, mais aussi l’action anticommuniste en zone américaine. Adenauer, qui l’appréciait autant, lui confia, à la fondation de la RFA, à l’automne 1949, ses services secrets : le grand nazi Gehlen dirigea donc le Bundesnachrichtendienst (BND) jusqu’à sa retraite en 1968 . Vu l’expérience allemande acquise depuis la décennie 1930, son apport en Ukraine fut décisif. Entouré exclusivement d’anciens nazis, dont ses anciens adjoints en URSS occupée, Gehlen maintint donc sans rupture la collaboration germano-ukrainienne.
Londres et Washington collaborèrent et rivalisèrent dans l’usage de Bandera et de ses sbires. Washington fut plus discret mais laissa les bandéristes (majoritaires) et autres membres de l’OUN se reconstituer à Munich et alentour. Les alliés-rivaux refusèrent sous tous les prétextes de livrer Bandera et autres criminels de guerre ukrainiens « réfugiés » à l’URSS, qui les réclamait depuis le début de 1946 pour les juger. Les Américains aidèrent Bandera à s’installer à Munich dès août 1945, lui forgèrent des papiers d’identité (au nom de Stefan Popel) et autres faux documents, dont l’un d’« interné dans les camps de concentration nazis du 15 septembre 1941 au 6 mai 1945 [et] libéré du camp de concentration de Mauthausen » une des légendes de la presse « occidentale » actuelle. Ils le logèrent et lui procurèrent maintes facilités, dont un lot de cartes de journaliste, y compris pour un journal « français ».
La CIA confia à Gehlen et à son BND le soin de « traiter » le compromettant Bandera, au service des « opérations » militaires en Ukraine – toujours classifiées. Bandera rapportait directement à Heinz Danko Herre, ancien second de Gehlen à la Fremde Heere Ost affecté entre autres à l’armée Vlassov et qui, « principal conseiller de Gehlen » au BND, adorait Bandera : « nous le connaissons depuis à peu près 20 ans, et, il dispose en Allemagne et en dehors, de plus d’un demi-million de partisans. » Washington fit traîner la demande de visa pour séjour aux États-Unis déposée par Bandera depuis 1955, mais le BND voulait mettre en contact direct son cher Bandera et les nazis ukrainiens d’Amérique, immigrés par dizaines de milliers depuis la fin des années 1940 : la complicité entre CIA et ministère de la Justice américain permit de violer la loi interdisant l’immigration aux nazis. « Les responsables de la CIA de Munich » finirent par accepter « l’octroi du[dit] visa en 1959 », mais Bandera ne put gagner les États-Unis : un agent du KGB l’exécuta à Munich, le 15 octobre 1959, « les Soviétiques ayant décidé qu’ils ne pouvaient se permettre la résurrection de l’alliance entre l’espionnage allemand et les fanatiques ukrainiens » (Breitman et Goda). Voilà pourquoi l’actuel « héros national » de l’Ukraine « indépendante » n’étendit pas ses activités outre-Atlantique.
Washington avait poursuivi, toujours en collaboration avec le BND, ses œuvres en Ukraine et alentour, notamment en Tchécoslovaquie, « la CIA fournissant l’argent, les approvisionnements, l’entraînement, les facilités radio et les parachutages des agents entraînés » de l’UPA. Aux États-Unis mêmes, la CIA promut d’autres alliés bandéristes en hérauts de la « démocratie » ukrainienne, tel Mykola Lebed, « sadique notoire et collaborateur des Allemands », qui avait début 1945 pris contact avec Allen Dulles à Berne : elle fit immigrer ce « chef responsable d’“assassinats de masse d’Ukrainiens, de Polonais et de juifs” », dénoncé par des immigrés d’Europe orientale, l’installa à New York en « résident permanent », puis fit naturaliser ce chef de la propagande « nationale ukrainienne » aux États-Unis. Depuis 1955, « des tracts furent jetés par avion au-dessus de l’Ukraine, et des émissions de radio intitulées Nova Ukraina furent diffusées depuis Athènes pour consommation ukrainienne ». Tous les pays de l’OTAN furent mobilisés à cet effet.
Quand le fiasco hongrois de novembre 1956 eut stoppé les actions militaires en Europe orientale (et poussé l’obsessionnel Wisnan Ber à la folie ), fleurit une prétendue « association sans but lucratif » (financée, comme le reste, par la CIA), dite Prolog, chargée d’inonder l’Ukraine de propagande antisoviétique. Hrinioch, second de Lebed, en dirigea l’antenne de Munich, l’« Ukrainische Gesellschaft für Auslandsstudien » (Société ukrainienne pour les études sur l’étranger). En « 1957, Prolog diffusa 1 200 programmes radiophoniques à raison de 70 heures par mois, et distribua 200 000 journaux et 5 000 tracts. » Elle organisait la distribution des « livres d’écrivains et poètes ukrainiens nationalistes », y compris en Ukraine soviétique, « jusqu’à la fin de la Guerre froide ». Elle « finançait le voyage des étudiants et des universitaires ukrainiens aux conférences universitaires, aux festivals internationaux de la jeunesse » et autres manifestations : à leur retour, les subventionnés rendaient compte à la CIA. Prolog était le seul « truchement des opérations de la CIA en direction de la République soviétique d’Ukraine et de ses quarante millions de citoyens ukrainiens. »
Dans les années 1960, les bandéristes américains, dont Lebed, firent leur conversion publique au philosémitisme, dénonçant systématiquement « les Soviétiques pour leur antisémitisme » thème très en vogue ces temps-ci. L’aristocrate catholique polono-américain Zbigniew Brzezinski, pilier depuis les années 1950 de la subversion permanente de l’URSS et de la scission Ukraine-Russie , préconisa en 1977, comme conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter, l’extension de ce magnifique programme. Dans les années 1980, entre Carter et Ronald Reagan, Prolog se diversifia en direction des « autres nationalités soviétiques, qui incluaient les dissidents soviétiques juifs, suprême ironie », selon Breitman et Goda. Tactique géniale, après des décennies d’hostilité ou d’indifférence aux juifs européens , puisque la propagande « occidentale » transforma une URSS jadis haïe comme judéo-bolchevique en symbole de l’antisémitisme.
Les opérations américano-germano-ukraino-nazies contre l’URSS et l’Europe orientale, nommées « Cartel » puis « Aerodynamic » puis, dans les années 1980, « Qrdynamic », « Pddynamic » et « Qrplumb » n’avaient jamais cessé. L’étude de Breitman et Goda s’achève en 1990, « au seuil de l’effondrement » de l’URSS : tout était alors prêt, en Ukraine, pour la phase suivante, gérée par Mme Nuland et les siens.
Annie LACROIX-RIZ
* Annie Lacroix-Riz, agrégée d’histoire, docteur ès lettres, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris VII – Denis Diderot, est spécialiste des relations internationales dans la première moitié du XXᵉ siècle.
https://www.legrandsoir.info/bandera-nazi-d-ukraine-et-champion-de-l-occident.html