France / Recours au 49-3: l’intersyndicale appelle à des mobilisations partout en France mardi

02.03.2020

Les organisations syndicales opposées à la réforme des retraites appellent à des mobilisations mardi pour protester contre le recours à l’article 49-3 de la Constitution, «nouvelle preuve» que le gouvernement veut «faire passer en force son projet de régression sociale».

L’intersyndicale a appelé à des mobilisations partout en France mardi pour protester contre le recours à l’article 49-3 de la Constitution, indique l’AFP.

Le 49-3 «démontre l’impuissance du gouvernement à répondre aux interrogations sérieuses et légitimes des parlementaires à propos de ce projet incomplet, très approximatif, aux multiples inconnues», ajoutent lundi dans un communiqué la CGT, FO, la CFE-CGC, la FSU et Solidaires, les organisations de lycéens Fidl, MNL, UNL et d’étudiants Unef.

La CFE-CGC, qui a participé à quelques-unes des journées interprofessionnelles organisées par l’intersyndicale depuis le 5 décembre pour protester contre la réforme des retraites, n’appelle pas cette fois à la mobilisation de mardi. Mais elle cosigne le communiqué commun et l’analyse sur l’utilisation du 49-3.

Les syndicats appelant aux mobilisations prévoient de «multiplier partout localement des rassemblements dès lundi 2 mars, et à organiser des manifestations devant les préfectures et sous-préfectures le mardi 3 mars, y compris par le recours à la grève».

Deux motions de censure séparées ont été déposées par l’opposition. Elles devraient être débattus «a priori mardi» à l’Assemblée nationale.

https://fr.sputniknews.com/france/202003021043162513-recours-au-49-3-lintersyndicale-appelle-a-des-mobilisations-partout-en-france-mardi/


>> «C’est nul, tout simplement» : un sénateur quitte LREM après le recours au 49-3

Nouvelle défection chez les élus marcheurs : le sénateur Michel Amiel a annoncé qu’il quittait LREM. Il évoque «une profonde déception d’un certain nombre de choses», et particulièrement l’emploi du 49-3 par le gouvernement.

«C'est nul, tout simplement» : un sénateur quitte LREM après le recours au 49-3

La macronie perd un sénateur. L’élu des Bouches-du-Rhône Michel Amiel a annoncé le 1er mars sur Facebook puis à l’AFP et au Figaro qu’il quittait le parti de La République en marche (LREM). Il dénonce ainsi l’utilisation du 49-3 sur la réforme des retraites, annoncée le 29 février par le Premier ministre Edouard Philippe à l’Assemblée nationale. «C’est une décision qui traduit chez moi une profonde déception d’un certain nombre de choses», confie-t-il à l’AFP. Le candidat pour les municipales à Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône) dénonce «une succession de maladresses très très défavorables à une action gouvernementale fluide», ajoutant que «le fin du fin, c’est le 49-3, un samedi soir en pleine période d’épidémie de coronavirus, presque en catimini».

Au Figaro il ne décolère pas : «Pour moi, faire cela au milieu du week-end, en pleine épidémie de coronavirus… c’est nul, tout simplement. Je ne sais pas comment le dire autrement.» «Ces pratiques nous éloignent de plus en plus des aspirations des gens», poursuit-il, tout en reconnaissant que la réforme des retraites est «intéressante [car elle] va dans un sens plutôt libéral». Dans un communiqué mis en ligne sur Facebook, il dénonce par ailleurs une décision qui relève «du cynisme et de l’incompétence politique».

L’usage du 49-3 sur la réforme des retraites, un samedi soir, en pleine épidémie de coronavirus, à 15 jours des…

Gepostet von Michel Amiel am Sonntag, 1. März 2020

Selon des confidences pour le quotidien, l’emploi du 49-3 serait la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, Michel Amiel se sentant déjà en rupture avec ses collègues macronistes lorsqu’il prit position contre l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

Sur BFM TV, le ministre chargé des relations avec le Parlement Marc Fesneau, ne se dit pas surpris de l’annonce du sénateur : «Monsieur Amiel avait annoncé il y a presque un mois, qu’il souhaitait quitter le groupe LREM. Ce n’est pas la peine […] de se cacher derrière des éléments d’actualité pour essayer de se justifier d’un départ d’un groupe.»

En tout état de cause, d’autres parlementaires de la majorité présidentielle ont quité leur parti sous la présidence Macron. Ainsi, à l’Assemblée nationale, le groupe LREM et apparentés est passé en deux ans de 314 à 299 membres.

« Ces pratiques nous éloignent de plus en plus des aspirations des gens »


Photo ©AFP2019 LUDOVIC MARIN

Le Président Macron sonne la retraite de l’opposition

par Sid Lakhdar Boumediene * Le Premier ministre français, après accord du conseil des ministres1 comme l’exige la Constitution, vient de brandir son article 49-3 qui sonne le glas aux velléités de l’opposition à poursuivre leur blocage du vote de la loi sur la réforme de la retraite. Souvent utilisée dans la cinquième république, l’arme du 49-3 est fatale à l’opposition, car ses chances de riposte prévues dans la Constitution sont quasiment nulles.

Depuis trois ans, à partir de la réforme du code du travail, la fronde grogne jusqu’à avoir atteint son paroxysme avec les gilets jaunes et les fortes grèves contre l’actuelle réforme de la retraite, assez majoritairement contestée.

Le pouvoir de la rue n’a pu en venir à bout. Il s’est essoufflé comme il était prévisible qu’il le soit. Et d’ailleurs on peut se poser la question sur la légitimité de la rue lorsque la politique annoncée par le président lors de sa campagne électorale fut validée par le suffrage universel. Et cela quelles que soient les réserves sur le taux d’abstention et le vote repoussoir pour bloquer l’accession du Front National à la présidence (actuellement Renouveau National).

C’est donc à l’assemblée qu’il revenait de prendre en charge le débat final. La fronde de la rue a laissé place à la fronde des députés, particulièrement ceux de la France insoumise. Des milliers d’amendements ont été déposés, ce qui rendait la situation impossible pour en arriver à la fin car tout amendement doit être discuté et voté. Tout a été fait pour bloquer l’avancée du texte par des amendements qui allaient depuis la remise en cause d’une virgule ou d’un point d’interrogation jusqu’aux propositions les plus farfelues.

La certitude était dans toutes les bouches et la nouvelle est tombée ce samedi. Elle est d’autant plus humiliante qu’elle fait suite à un conseil des ministres exceptionnel dont on pensait que le sujet était la crise du coronavirus. L’humiliation a été ressentie encore plus fortement par des députés qui ont été, pour la plupart, mis au courant par les médias alors qu’ils étaient dans leurs circonscriptions, ce qui est habituel pour un week-end.

Le Premier ministre a certainement préféré la surprise et le choix d’un jour où l’hémicycle est peu chargé pour éviter les images d’une colère massive des députés. Mais de quoi s’agit-il donc ?

Que dit l’article 49-3 ?

Il est tellement célèbre qu’on prononce toujours à son égard la formulation «le 49-3» comme une vielle connaissance mais surtout comme l’épée de Damoclès perpétuellement suspendue sur la tête des députés de l’opposition. Le voici reproduit uniquement dans les parties les plus explicatives. Les autres sont tout aussi importantes mais relèvent des conditions d’application, plus techniques.

«Le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.

L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale…/…

…/… Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.»

Autrement dit, le texte est adopté sans vote, il appartient aux députés de proposer et de voter une motion de censure qui, si elle aboutit, fait tomber le gouvernement et donc son texte n’est plus valide jusqu’à une nouvelle décision de l’exécutif suivant. Nul doute que ce dernier réfléchirait avant de repartir sur les mêmes bases.

Refuser le droit de vote aux parlementaires est l’acte le plus grave dans une démocratie ; raison pour laquelle la Constitution prévoit un équilibre par la riposte de la motion de censure.

Il faut bien se convaincre que dans la république les motions de censure n’ont pratiquement aucune chance d’aboutir. Sur les très nombreuses proposées, une seule a pu renverser le gouvernement, au début de la Ve république. Pourquoi ?

La suprématie de l’exécutif sur le législatif dans la Ve république

Pour comprendre ce déséquilibre il faut se référer à ce que sont les institutions de la cinquième république et, surtout, à l’histoire qui les fondent. C’est le général De Gaulle qui avait proposé la Constitution en 1958 et fait valider le texte par referendum. Ce qu’il faut savoir est que la IIIe république puis la IVe d’après-guerre se sont illustrées par une instabilité chronique qui faisait chuter les gouvernements dans un délai qui avait fini par tourner au ridicule. Certains ne tenaient qu’à peine quelques jours.

Le général de Gaulle avait d’ailleurs, bien avant son second retour aux affaires politiques, théorisé ce qui serait une Constitution plus stable et qui donnerait à l’exécutif un pouvoir suffisant pour mener à bien les actions de la France. Ce fut dans un célèbre discours à Bayeux en 1946. Il est vrai que les instabilités gouvernementales, si elles n’étaient pas la cause des troubles qui ont mené à la décolonisation et à l’humiliation de la grande puissance militaire française, n’ont vraiment pas aidé à arranger la situation.

Lors de son retour en 1958, le général de Gaulle qui avait été appelé au secours de la république, avait posé ses conditions, soit en premier objectif la modification de la Constitution, conforme au discours de Bayeux qui donnait la primauté au pouvoir exécutif.

Dans la première version, le général n’avait pas osé aller jusqu’au régime présidentiel car le parlementarisme était incrusté dans l’histoire constitutionnelle française2. Mais en 1962, profitant de sa puissance politique, il avait demandé par referendum une réforme faisant du président de la république la «clé de voûte» du système. En réalité, un costume sur mesure pour Charles de Gaulle.

Dès lors, cette Constitution n’a jamais pu être suffisamment réformée pour remettre un équilibre au profit des parlementaires. Et nous en revenons à notre article 49-3 qui en est l’une des illustrations les plus significatives.

Les raisons de la quasi-certitude de l’échec d’une motion de censure

Cela revient à poser la question : pourquoi il n’y a que très peu de chances que la majorité se fissure et fasse basculer le vote ? La première raison est assez générale à toutes les époques, les députés qui prendraient cette décision risqueraient de perdre l’investiture du ou des partis majoritaires. Or le chemin est long avant de pouvoir décrocher la validation par le suffrage universel dans leur circonscription, souvent arrachée de haute lutte, parfois après plusieurs tentatives.

Sans investiture, très peu de chance que la personnalité politique y arrive et, de toute façon, elle n’aurait plus la possibilité de retrouver son pouvoir de parole si elle n’appartenait pas à un groupe. Quant à ceux qui rejoignent un autre parti, l’avenir est tout aussi hypothétique. Jamais un président n’a eu autant de frondeurs que François Hollande.

Pourtant, ses opposants internes ne sont jamais allés jusqu’à briser les chances de leur parti en votant contre ce dernier, tout au moins dans une proportion dangereuse. La seconde raison tient au mode de scrutin qui favorise considérablement la constitution de blocs homogènes, voire de celui d’un parti unique ayant une très large majorité. C’est une conséquence tout à fait logique au regard du développement du paragraphe précédent.

La troisième raison tient à la majorité présente qui a soutenu le président Emmanuel Macron pour arriver à son sacre. La quasi-totalité des députés qui ont été ses soutiens n’ont pas un passé politique affirmé. Presque tous doivent leur élection à l’étiquette du nom du Président. Ils n’ont pas de base territoriale et auront d’ailleurs du mal dans les élections municipales face aux sortants.

À toutes ces considérations, constitutionnelles et circonstancielles, s’ajoute une désastreuse stratégie de gestion du temps voulue par le président de la République.

Une faute stratégique de temporalité

Le président Macron avait prévenu de longue date qu’il ne renoncerait pas à sa réforme des retraites pour les raisons maintes fois répétées, y compris dans sa campagne présidentielle, soit la simplicité du système et la justice instaurée par le nouveau système. Il était donc naturel et attendu qu’il en arrive à un texte de loi. Cependant, de très multiples tergiversations, imprécisions et mauvaise communication allant jusqu’aux contradictions, ont provoqué une incompréhension et une forte crainte d’une partie non négligeable de la population.

De plus, alors que le dernier acte devait se jouer, le président Emmanuel Macron avait exigé que ce dernier soit bouclé avant les élections municipales. Il était donc prévisible que l’opération serait impossible dans des délais si courts, compte tenu de toutes les possibilités de blocage à disposition de l’opposition pour freiner l’avancée du débat et du vote, amendement par amendement, des milliers comme nous l’avions déjà précisé.

Une lourde erreur pour avoir voulu présenter à l’électorat une victoire, propice à donner à son parti politique une assise territoriale qu’il n’avait pas et absolument indispensable pour l’élection présidentielle future. En conclusion, c’est une cacophonie qui s’est installée dans un projet mal ficelé et mal communiqué. Il y a peu de chances que le président s’en remette, mais n’insultons pas l’avenir, rien n’est certain ni définitif en politique.

* Enseignant

Notes :

2- Attention, le régime présidentiel français donne une puissance au Président mais n’est absolument pas le régime présidentiel américain qui instaure un strict équilibre des pouvoirs. Par la terminolgie «régime présidentiel» on entend le régime américain.

1- Même si le Président de la république a laissé la main à son Premier ministre, il est constitutionnellement le chef de l’exécutif et préside le conseil des ministres. Il est impossible que le feu vert n’ait pas été donné par le Président.


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