Algérie / Des représentants de l’intifadha populaire : sont-ils inutiles ? sont-ils nécessaires ? (contribution)

I- sont-ils inutiles ?

Enfin ! Après plusieurs vendredis de manifestations de rue, le débat s’est ouvert sur le problème des représentants de l’intifadha populaire en cours. Ainsi, les objectifs des uns et des autres seront confrontés. Tant mieux pour la démocratie ! Nous examinerons dans une première partie l’hypothèse de l’inutilité de représentants du mouvement populaire, puis, dans une seconde partie, leur nécessité.

Inutilité ?

Certaines « personnalités » politiques ou intellectuelles jugent que le mouvement populaire n’a aucun besoin de représentants, ni d’une direction. Pourquoi ?… Beh, pardi ! Parce que ces « personnalités » estiment, plus ou moins ouvertement, qu’elles sont les mieux placées pour représenter les intérêts du peuple… Pourtant, ce peuple ne les a pas élus, parce qu’ils n’ont jamais fait réellement partie de ce peuple ; plus encore, le comportement de ce dernier démontre qu’il ne leur accorde quasi aucun intérêt. Normal, pour qui connaît le peuple et son histoire. Il a une peur affreuse, – et il a raison -, de voir son action, encore une fois, récupérée par des soit disant membres de l’ « élite », et de se trouver, alors, soumis à une « issaba » (bande, oligarchie) de nouvelle forme, certes plus « démocratique », néanmoins ne reflétant pas les vrais intérêts du peuple, mais ceux d’une « issaba » nouvelle version.

La contrariété des « élites » à une représentation populaire est formulée par le R.C.D. (Rassemblement pour la culture et la démocratie) :  « ni la nature du mouvement, ni l’état des institutions ne plaident pour une telle démarche qui ouvre la voie aux pressions et manipulations, voire à une dualité de pouvoirs aussi improductive que dangereuse».

Les « pressions et manipulations » font partie de toute guerre sociale. Est-ce un motif suffisant pour qu’un mouvement social renonce à se doter de représentants ? Quant à la « dualité de pouvoirs », sans elle a-t-il et peut-il exister un mouvement social qui bénéficie d’un rapport de force  adéquat pour affronter le pouvoir étatique en place ?

Il est cependant vrai que cette dualité peut être « improductive et dangereuse », comme l’expérience historique le montre dans tous les pays. Toutefois, comment se sont opéré dans le monde les changements radicaux de système social (ce que déclare le peuple algérien durant ses manifestations publiques) sinon par l’émergence d’un contre-pouvoir populaire, en mesure d’imposer ses revendications ?… A contrario, quand donc des partis politiques institutionnalisés (par une oligarchie dominante, précisons-le) ont-ils réalisé les revendications légitimes proclamés par un peuple ?… Dès lors, à l’avis formulé par le RCD, n’est-il pas correct de répondre, en remplaçant le mot « mouvement » par « partis politiques » ?

Pour sa part, le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, ose la question :  «On a affaire à un peuple. Est-ce qu’on peut structurer tout un peuple ? ». Ce qui fait dire à certains que structurer un mouvement social, composé de positions politiques différentes, voire divergentes, et unies seulement par une opposition à un système social, porterait à la division et à l’éclatement du mouvement, donc à son annihilation.

En effet, dans le mouvement populaire, on trouve aussi bien qui est pour la « démocratie » (encore que pas clairement définie) (1) que pour la « charia » (encore que pas proclamée trop ouvertement, par tactique). Comment donc ces positions opposées pourraient débattre et se choisir des personnes réellement représentatives du mouvement ?… Eh bien, si, comme le déclarent et le constatent les « élites », le mouvement populaire a prouvé, jusqu’à présent, une capacité étonnante de rester uni, pourquoi ne le resterait-il pas dans le choix de ses représentants, de manière à ce qu’ils incarnent démocratiquement le mouvement dans ses divers aspects, tout en réalisant le but commun : se débarrasser d’une « issaba » unanimement rejetée, pour édifier un système social où, comme dans le mouvement populaire actuel, toutes les tendances soient reconnues, puisque toutes revendiquent un système social de droit et de justice ?

La position des « élites » est devenue claire : pas question donc de représentants du mouvement populaire, mais uniquement de représentants de qu’ils appellent la « classe politique », des « personnalités », des membres de « syndicats autonomes », de la « société civile » (c’est quoi?) et du « mouvement associatif », en affirmant qu’ils sont dans le mouvement.

Pourtant, toutes ces catégories n’ont pas eu l’initiative de ce mouvement populaire, ont toutes, sans exception été surprises (2) par son surgissement, n’en sont pas l’émanation directe, pleine et entière… Quel droit, donc, ont-elles pour prétendre représenter ce mouvement qu’elles n’ont fait que prendre en marche ?… Le droit d’avoir fait de l’opposition auparavant ? Est-ce là un motif suffisant ?

En somme, ce refus de reconnaître au mouvement populaire le droit légitime de se doter de ses propres représentants, n’est-il pas l’éternel prétention des « élites », partout dans le monde et depuis toujours, de se croire les seuls « sauveurs » de peuple, parce que dotées de « savoir » et de diplômes « éminents », en opposition au peuple « ignare » et pas instruit, tout en lui reconnaissance – ah ! la contradiction ! – une « génialité » dans le soulèvement en cours ? Le but, inavoué de ce genre de déclarations, – répétons-le -, n’est-il pas de devenir la nouvelle « issaba » dominante, comme cela se constate partout et toujours dans le monde, toutefois de manière « démocratique » ?

Ajoutons à cette constatation une spécificité des partis algériens. Depuis leur création jusqu’à aujourd’hui, quelle est leur représentativité réelle ? Quelle est leur présence en terme d’adhésion et de mobilisation populaire ? Pas bezzaf, pour ne pas dire insignifiante. La preuve la plus cinglante ? Les manifestants dans les rues les ont non seulement ignorés, mais leur ont interdit de rejoindre le train, parti sans eux, et qu’ils voulaient récupérer.

Une autre manière de nier au mouvement populaire de se doter de ses représentants présente l’argument suivant : « Avant d’arriver à un dialogue et donc à ce débat relatif à la représentation, il faudrait que les lois répressives soient préalablement abolies ». Où donc a-t-on vu dans le monde une oligarchie qui a aboli ses lois répressives avant qu’un mouvement populaire contestataire soit parvenu à s’imposer comme contre-pouvoir de manière organisée et représentative, et, donc, à contraindre cette oligarchie à l’abolition de ses lois répressives ?

Enfin, on trouve cet argument : « dire au mouvement « structurez-vous », c’est faire preuve d’une méconnaissance complète de la nature du soulèvement populaire, et c’est oublier les conditions de son apparition. Le mouvement est né de cette manière, sans structure qui le conduit, et sans désignation d’une direction qui en prendrait la responsabilité. On ne peut pas reproduire le FLN/ALN de la guerre de libération. »

Quelle preuve concrète irréfutable a-t-on pour affirmer que le soulèvement populaire est sans  structure ni direction ?… Certes, on ne les voit pas de manière publique. Les uns avancent l’hypothèse d’une manipulation étrangère, en connivence avec des harkis internes, d’autres parlent de spontanéité totale. Mais comment donc un mouvement populaire peut non seulement surgir, mais dans plusieurs endroits du pays en même temps, puis se maintenir dans la durée, en manifestant un comportement  tactique intelligent, de manière totalement spontanée ?… Pour ma part, durant une manifestation à Oran (3), j’ai vu en action des organisateurs, des meneurs, des personnes distribuant le même slogan aux marcheurs pour les brandir, des personnes lisant sur des feuilles de papier des slogans adaptés à la conjoncture, et répétés en chœur. Peut-on, alors, nier « toute structure » et toute « direction » ?… Certes, il s’agit d’une structure et d’une direction inédites, adéquates à la situation, notamment à la crainte de l’habituelle répression directe ou indirecte, dont le régime s’est distingué, et cela depuis l’indépendance.

Se contenter d’affirmer que « le peuple algérien » a trouvé la manière efficace d’agir, c’est plutôt vague et non conforme totalement à la réalité. En effet, tout peuple n’est-il pas composé de personnes, et que certaines parmi elles, en cas de soulèvement, deviennent des meneurs et des leaders, de manière plus ou moins ouverte, plus ou moins reconnue ?

On trouve un cas où la même personne affirme que le soulèvement populaire n’a pas de leaders, puis, quelques lignes après, déclare « Quant à la question des représentants du Soulèvement, si le pouvoir est animé par la volonté politique de trouver des solutions, il sait où les trouver. Pour une fois, les renseignements dont dispose le DRS pourraient être utiles pour les trouver ». N’est-ce pas là une étrange manière de trouver des représentants au mouvement populaire, une manière policière qui n’a rien de démocratique ?

Enfin, qui donc parle de « reproduire le FLN/ALN de la guerre de libération », autrement dit une direction qui s’est imposée et a réussi à conquérir le peuple ?… Pourquoi oublier les deux importantes expériences autogestionnaires du peuple algérien : juste après l’indépendance et celle des  comités de villages en 2001 ?

N’est-il pas étrange de constater chez les « élites » des raisonnements qui, d’une manière ou une autre, en prenant la précaution oratoire de faire  l’éloge du peuple, de présenter des arguments pour lui dénier une capacité d’auto-organisation, pour ne l’accorder qu’à des « élites », malgré le fossé qui les séparent des préoccupations les plus authentiques du peuple ?

Le plus non pas curieux mais risible, – quoique de bonne guerre opportuniste -, c’est de voir des « personnalités » qui ont fait partie de l’oligarchie, d’une manière ou d’une autre, et donc ont bénéficié de privilèges de carrière, donner actuellement des conseils au mouvement populaire pour lui dire de se conduire avec « modération », « bon sens » et « sagesse » et, même, parfois osent se proposer (ou se faire proposer par leurs harkis de service) comme d’éventuels « représentants » pour parler au nom du peuple avec l’autorité étatique… Mais, bon sang, ce peuple algérien ne s’est-il pas conduit, jusqu’à présent, avec bon sens et sagesse ? Mème quand les policiers tabassaient des adultes ou des étudiants, ceux-ci n’ont-ils pas eu la modération de ne pas répliquer par la même violence, mais, au contraire, de réagir par leur mot d’ordre : « Silmya ! » (Pacifique) ? À moins que par « modération », « bon sens » et « sagesse », les ex-profiteurs de l’oligarchie régnante n’entendent ceci : que le peuple doit renoncer à certaines de ses revendications, jugées trop « radicales ». Une manière pour ces « conseillers », de préparer le terrain pour faire partie de la nouvelle caste dirigeante. Chaque époque et chaque nation a ses « marsiens » (4), les opportunistes du dernier quart d’heure.

Il nous reste à examiner dans la partie suivante l’hypothèse de la nécessité d’une représentation du mouvement populaire.

Kaddour Naïmi / xundao1@yahoo.com

2. Sont-ils nécessaires ?

La première partie de cette contribution (1) est déjà, en partie, une réponse affirmative à la nécessité d’une représentation pour l’intifadha populaire algérienne, comme, par ailleurs, de tout autre soulèvement contestataire dans le monde contre une oligarchie dominante. Toutefois, examinons pourquoi tout mouvement citoyen contestant une oligarchie exige de se doter de représentants autonomes, bien que cette allégation est d’une totale banalité pour qui connaît l’histoire sociale.

Dans la partie précédente de cette contribution, furent exposés les motifs qui expliquent pourquoi  des « personnalités » dites de l’ « élite » osent affirmer qu’un mouvement social n’a pas besoin, ou n’a pas « pour le moment » besoin de représentants.

Risques.

Que le leader incarnant le pouvoir étatique, en l’occurrence en Algérie actuellement le chef de l’État-major de l’armée, appelle les manifestants à se doter de représentants, pourquoi s’en offusquer ?

Dans cette proposition, soupçonner un piège, cette hypothèse – certes, compréhensible – suffit-elle pour  dénier au mouvement populaire l’exigence de se doter de représentants ?

Évoquer la crainte – légitime – que d’éventuels représentants du mouvement populaire, une fois élus, soient récupérés sinon physiquement éliminés (par des agents du pouvoir étatique ou, – ne l’oublions pas – par des éléments appartenant à des officines étrangères impérialo-sionistes), cette crainte suffit-elle, là encore, pour que le mouvement populaire renonce à se doter de représentants ?

Certes, tous les risques existent. Mais toute confrontation sociale conséquente ne peut pas en faire l’économie. Ce qu’il faut, c’est, d’une part, satisfaire la nécessité stratégique de se doter de représentants, et, d’autre part, prendre toutes les précautions et toutes les mesures possibles afin que ces représentants accomplissent leur mandat de manière satisfaisante.

Disons le clairement, quoiqu’il s’agisse encore d’une autre banalité toute élémentaire, quand pas d’une lapalissade : tout mouvement social ne peut pas se développer et s’affirmer efficacement sans disposer de structuration, de laquelle émanent démocratiquement une direction et une représentation autonomes. C’est là affirmer simplement ce que l’histoire humaine enseigne, quelques soient l’époque et la nation.

Le plus vite un mouvement social se dote de manière de cette organisation, puis d’une direction et d’une représentation, le mieux cela vaut.

À ce sujet, certains estiment qu’il faut laisser, donner au mouvement social le temps de faire mûrir ces exigences. Dans ce cas, il ne faut jamais oublier que précisément, dans les circonstances de bouillonnement d’un mouvement social, le temps est l’un des éléments-clé fondamentaux du mouvement social. Des deux adversaires en présence, – le pouvoir étatique d’une part, et le mouvement social de l’autre -, celui qui maîtrisera le mieux le facteur temps l’emportera. Il en est de la confrontation sociale exactement comme dans la confrontation militaire.

Cependant, il faut faire vite lentement. Vite, parce que cela permet de disposer du plus de moyens possibles et d’anticiper sur les actions de l’adversaire ; lentement, parce qu’il s’agit de concrétiser les objectifs en estimant convenablement tous les éléments qui entrent en jeu. À ce sujet, rappelons une des règles de guerre (sociale ou militaire) : connaître suffisamment l’adversaire et connaître suffisamment soi-même, donc évaluer convenablement les aspects où chacun des deux est fort et faible.

Quelques soient les motifs invoqués, un mouvement social qui ne dispose pas d’une organisation, d’une direction et de représentants autonomes, ce mouvement démontre son impuissance et se condamne à l’échec ! Encore une fois, toute l’histoire humaine le démontre. C’est là une loi dans le domaine social, qu’on le veuille ou pas. La nier, c’est soit ignorer l’histoire sociale et ses enseignements, soit tromper le peuple afin de l’empêcher de se doter des indispensables leviers lui permettant de concrétiser ses revendications, et donc récupérer son mouvement au bénéfice des membres de l’ « élite » auto-proclamée salvatrice.

Difficultés

Bien entendu, se doter d’une auto-organisation, de laquelle sortiront une direction et une représentation n’est et n’a jamais été facile, dans aucun mouvement populaire du monde. Car les opinions et les positions sont différentes, quand pas opposées, mais se tolèrent parce que dirigées toutes contre un adversaire commun.

Cependant, à supposer de réussir à éliminer ou neutraliser l’adversaire (« Dégagez tous ! »), les objectifs de ce qu’il convient de construire divergent et même peuvent s’opposer. Dans certains cas historiques, ils ont même débouché sur des guerres sanglantes (Russie entre mencheviks et bolcheviques, Chine entre communistes et nationalistes, Espagne entre libertaires et staliniens, Algérie entre FLN et MNA, etc.).

De ces faits, certains tirent argument que le mouvement social éclaterait s’il décide de se doter d’une direction et d’une représentation. L’objection est que sans ces deux éléments, le mouvement ne dépassera jamais la phase de la protestation publique. Tout au plus, comme on le constate actuellement en Algérie, – c’est le cas partout ailleurs dans le monde -, des soit disant « personnalités » de la soit disant « élite » ou « société civile », liées ou non au système oligarchique, se proposeront comme solution salvatrice. Or, ces « personnalités » ne l’ont jamais été. Tout au plus, – cela fut dit dans la première partie -, en cas de réussite de leur prétention, elles édifient une nouvelle caste oligarchique, plus « démocratique » parce qu’elle concède au peuple des miettes refusées par l’oligarchie précédente. C’est le prix à payer pour conquérir le pouvoir, quitte, par la suite, une fois l’oligarchie devenue puissante, à supprimer les concessions consenties par la conjoncture.

Or, – voici encore une autre banalité élémentaire -, un peuple ne peut être sauvé que par lui-même. Et il ne peut le concrétiser qu’en sachant se doter de ce que le fonctionnement social lui impose : une organisation autonome, une direction et une représentation.

Adaptation

Reste au mouvement social de chercher et de découvrir les conditions concrètes lui permettant de trouver la méthode la plus efficace, la plus rapide et la plus démocratique pour se doter des éléments organisationnels lui permettant de concrétiser ses revendications légitimes.

Certains ont proposé que dans chaque commune, chaque daïra, chaque willaya, les manifestants se choisissent des représentants, sous mandat impératif, dotés d’un plan d’action précis, puis, que cette assemblée d’élus, à son tour, se choisit par élection identique un groupe de représentants aptes à rencontrer ceux étatiques pour les négociations à tenir.

Ce genre d’initiative requiert une auto-organisation, du local jusqu’au national, donc des débats, et pour les réaliser, il faut des lieux, du temps et des citoyens disponibles. Il faut que les paroles se concrétisent en structure organisationnelle, et que cette dernière ne se transforme pas en bureaucratie stérile ou contre les intérêts des mandataires populaires.

Inutile de proposer des schémas : si le peuple en vient à la conscience de la nécessité de s’auto-organiser, il saura comment s’organiser. À ce sujet, les expériences internationales et algériennes (autogestion après l’indépendance et comités de village du mouvement populaire de 2001) sont des pistes (non des recettes) dont il faut s’inspirer. En adoptant comme règle : partir du local spécifique et traditionnel en ayant comme horizon l’expérience humaine mondiale.

Peuple auto-sauveur

En affirmant la confiance dans les capacités populaires non seulement à manifester publiquement, mais à s’auto-organiser, il n’y a pas à s’étonner que toutes les « personnalités » de toutes les « élites » ricaneront en parlant de « démagogie », d’ « utopie », d’« anarchisme » et autres joyeusetés. Ces « personnalités » l’avaient déjà fait du temps pas lointain ou le peuple algérien était traité, par elles-mêmes !, de « tube digestif », d’ « aliénés et obsédés sexuels et/ou religieux », de « résignés méritant leur sort », et autres étiquettes infamantes. Faut-il s’étonner que des « libéraux » traitent ainsi les peuples, quand même les marxistes orthodoxes ont toujours nié aux peuples une capacité auto-organisatrice, le traitant tout au plus d’ « économisme » (Lénine), autre manière de l’accuser de ne penser qu’à son « tube digestif ». Bien entendu, ce type d’accusation légitimait le fait de s’auto-délivrer le beau rôle d’ « avant-garde consciente et… scientifique », avec les résultats désastreux qu’on connaît : le totalitarisme des goulags (faut-il préciser qu’il commença au temps où Lénine et Trotski étaient au pouvoir?).

Pourtant, à plusieurs époques et dans plusieurs pays, à commencer par la merveilleuse révolte des esclaves qui s’étaient choisis Spartacus comme représentant, le peuple (alors, celui des esclaves) a démontré ses capacités auto-organisationnelles. Faut-il rappeler que c’est la trahison et non une stratégie déficiente qui causa la défaite de l’armée des esclaves conduite par Spartacus ? Les échecs des mouvements populaires radicaux ont tous eu comme causes une carence en terme d’organisation, de direction et de représentants. En témoignent toutes les personnes qui avaient participé directement à ces mouvements.

La question

Bien que de précédentes contributions ont exposé des motifs d’une absence de représentation autonome de l’intifadha populaire actuelle, reste, néanmoins, à se poser encore la question : pourquoi les manifestants algériens actuels continuent, après une quinzaine de vendredis de présence dans les rues, de demander au détenteur du pouvoir actuel d’opérer le changement radical qu’ils réclament, tout en lui exigeant « Dégage ! », au lieu de se mettre, ces manifestants, à construire de manière libre, égalitaire et solidaire leur propre structure d’où émaneront démocratiquement une direction et des représentants tout aussi démocratiques, en mesure d’entreprendre les négociations nécessaires.

Reste à savoir ce que le mot « démocratie » signifie. Ce sera l’objet de la prochaine contribution.

Kaddour Naïmi / xundao1@yahoo.com


(1)     Voir http://kadour-naimi.over-blog.com/preview/13c7464fd49b29b686ea340b3148452fd79c0295


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