Droit d’auteur d’Alain REY / Affaire Salah Guemriche, éclairage juridique

par Abdelhafid Oussoukine *

Dans son entretien avec Amine Bouali du Quotidien d’Oran (22 septembre 2019), Salah Guemriche explique pourquoi il a poursuivi Alain Rey pour plagiat de son dictionnaire publié en 2007. Il reconnaît toutefois que dans «Le voyage des mots» (2014) de Rey, il a été cité dans 29 entrées sur 178.

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A la question de savoir si le procès ne relève-t-il pas d’une confrontation entre un pot de terre contre un pot de fer, notre auteur doute et minimise ses chances, car une icône de l’édition française (Le Robert) ne peut pas être condamnée pour « copiage » sur un obscur écrivain, un francophone qui plus est !…

Rassurant M. Guemriche, peu importe la quantité (ou le pourcentage) plagiée, une seule phrase suffit. Le plagiat est attesté dès l’instant où l’auteur omet, sciemment, de citer sa source. Aussi, avec les centons, l’allusion, la paraphrase, les pastiches, la parodie, la citation, l’intertextualité…, modes esthétiques fortement valorisés dans l’expression littéraire, le « plagiat » dont se plaint Salah Guemriche a, peu à peu, quitté la sphère de l’art de l’écriture pour s’envelopper dans la contrefaçon. Et c’est à ce titre qu’il est combattu par le droit et l’éthique.

On imagine bien le ressenti de M. Guemriche, ceci même s’il avoue avoir éclaté de rire en découvrant le forfait. Subir le « vol de l’intime » (Thierry Mattei) est toujours ressenti comme une violence. Lorsque Joe Balkoski découvrit le forfait de Stephen Ambrose, il dira désabusé : « Ambrose n’a juste tapé que quelques mots, modifié un pronom ou une virgule ici et là. Ce qui m’a pris 20 ans, a pris pour lui 15 minutes ».

Une œuvre quelle qu’elle soit reste toujours une partie de soi, ou du Moi selon les psychanalystes. Ce type de viol est ce que Geneviève Koubi appelle le rapt de l’originalité, de la réflexion, la négation de l’inventivité du raisonnement.

D’ailleurs, l’attachement viscéral, pour ne pas dire matriciel de tout auteur à son écrit, vient de la souffrance endurée pour l’accoucher, des nuits blanches passées à le penser, à le formuler et le reformuler. C’est un véritable investissement en temps et en dépenses, parfois sans retour. Le processus du vol nous renvoie au premier sens étymologique du mot plagiat. Martial, c’est parce que son œuvre-enfant a été volée, qu’il utilisa pour la première fois le mot, alors qu’initialement, il n’était employé que pour qualifier le vol d’enfant. Nous voyons donc le lien presque biologique entre l’auteur et son œuvre, son enfant.

La même mésaventure est arrivée à l’endocrinologue et nutritionniste Michel Dansinger qui a cru, lui et son équipe, à l’honnêteté des peer-review de l’Annals of Internal Medicine dont l’indélicatesse a poussé l’un d’eux à s’approprier son article après l’avoir refusé pour publication et le faire (ré) apparaître dans un autre périodique. Voici comment Dansinger s’adressa à son voleur :

« Cher plagiaire.

«Comme vous devez certainement le savoir, voler est mal. C’est particulièrement problématique en science. Le principe du peer-review repose sur le comportement éthique des relecteurs. De tels cas de vol, de fraude scientifique et de plagiat ne peuvent être tolérés, car ils sont nuisibles et non éthiques. Ceux qui s’en rendent responsables peuvent en général s’attendre à ce que leur carrière soit ruinée. ( ) Il est difficile de comprendre pourquoi vous avez pris un tel risque. Vous avez sans aucun doute travaillé dur pour devenir médecin et chercheur. Je sais que vous avez publié de nombreux articles de recherche. Cela n’a aucun sens ».

Rassurant M. Guemriche, son combat ne sera pas vain, et le pot de terre peut faire fondre le pot de fer. Et comme le délit est commis par les collaborateurs d’Alain Rey, il est fort probable que devant le juge, ce dernier va se mettre dans la même posture du grand rabbin de France, Gil Bernhein, qui, accusé de contrefaçon en 2013 pour son livre «Quarante méditations juives» (éd. Stock, septembre 2011), va se « dédouaner » en se retournant à la fois contre « son nègre » et aussi sa victime Jean-François Lyotard. Le rabbin expliqua qu’il avait confié une partie des travaux de recherche et de rédaction de son livre à un étudiant, par manque de temps. C’est la seule et unique fois que je me suis livré à un tel arrangement. […] Ce fut une terrible erreur. […] J’ai été trompé. Pour autant, je suis responsable, se défendit-il. Or, notre religieux n’est en fait pas à son premier coup d’essai, des passages de son livre ‘’Le souci des autres: au fondement de la loi juive » sont plagiés d’un autre ouvrage ‘L’éloquence des larmes » de Jean-Loup Charvet.

Un autre religieux, très connu sur la place publique française, pointa du doigt son documentaliste lorsqu’il fut confronté à l’accusation de plagiat. Mgr Gaillot dans sa ‘’Dernière tentation du diable » procéda à plusieurs empreints des travaux de l’universitaire Paul Ariès.

Alain Minc avait plagié Rödel. Pour s’en sortir, il accusa son collaborateur de copiage servile.

En conclusion, entre « le louage » de la plume et le plagiat, la frontière n’est qu’imprécise. «La pratique de l’écriture par un tiers conduit droit au plagiat, car comment être sûr des méthodes de travail et des matériaux utilisés par un autre, alors qu’on est censé exécuter soi-même l’ouvrage?» disait Maurel-Indart (Plagiat, simple larcin ou péché capital).

En France, le microcosme politique et éditorial regorge de plagiaires invétérés. Marine Le Pen, candidate aux élections présidentielles de mai 2017, énonça les mêmes phrases qu’avait prononcées Fillon, l’autre candidat. Dans le domaine de la télévision, le cas le plus pathétique est celui de l’ancien présentateur vedette du JT de Tf1, Patrick Poivre d’Arvor, publiquement rapetissé pour avoir repris à son compte des passages entiers du livre de Peter Griffin (La vie jusqu’à l’excès) paru en 1985 sur la vie d’Ernest Hemingway.

Nicolas Sarkozy a été brocardé pour une histoire de plagiat le temps où il se rasait chaque matin en pensant à l’Elysée. Sylvain Piron nous apprend que son ‘Georges Mandel » signé en 1994 regorge d’emprunts non cités d’un livre paru en 1969. Piron ne le dit pas, mais tout indique qu’une histoire de corruption s’est interférée par « l’achat » du silence du plagié qui n’a pas porté plainte et qu’entre-temps, il a bien été rétribué en recevant des prix élogieux auxquels il ne rêvait jamais.

Deux personnages du gotha de la pensée française et illustres intellectuels, l’un et l’autre ont été les têtes pensantes de plusieurs présidents français et même étrangers : Alain Minc et Jacques Attali. Eh bien, malgré leur aura, ils ont fini dans les filets du délice de la facilité. Pilleurs de thèses, ils seront débusqués par Hélène Maurel-Indart.

Si Attali n’a pas fait l’objet de poursuites judiciaires, son alter ego, par contre, a connu les foudres des prétoires. Minc sera condamné le 28 novembre 2001 par le TGI de Paris à des dédommagements pour un grotesque plagiat à partir de l’œuvre de Spinoza et l’essai de Patrick Rödel, ‘Le masque de la sagesse » (1997) avec lequel il a meublé son Spinoza, un roman juif. En juin 2013 surgit une affaire aussi retentissante que la précédente, dans laquelle il sera accusé par la journaliste Pascale Froment de lui avoir spolié quelque 300 pages de son livre biographique sur René Bousquet (éd. Stock, 1994) pour fabriquer son ouvrage L’homme aux deux visages. Jean Moulin, René Bousquet, itinéraires croisés. La 3e chambre du tribunal correctionnel de Paris décida alors de l’accabler d’une amende assortie du retrait de son livre du marché.

Qui, en France, aurait cru qu’une sommité aussi érudite que le philosophe des juristes Bernard Edelman puisse se laisser emporter par le vol ? Qui oserait vérifier la solidité de la « pyramide » Edelman ? Hélène Maurel-Indart l’a fait. Dans Le sacre de l’auteur (Le Seuil, 2004), elle le mit sous son microscope et décèlera aussitôt les traces d’une thèse soutenue en 1999 par Laurent Pfister sur l’histoire du droit d’auteur.

Qui aurait soupçonné le physicien philosophe Étienne Klein de s’être approprié le travail des autres, car derrière l’image de l’homme public, le vulgarisateur des sciences dures, le directeur du Laboratoire de recherche de la matière s’adonnait à un piteux plagiat sans merci, allant jusqu’à violer des œuvres les plus connues comme celles d’Emile Zola ou de Stefan Zweig ?

L’édition fait partie intégrante d’une carrière académique prestigieuse. Perdre la capacité de publier signifie probablement la fin d’un poste universitaire et/ou la destruction d’une réputation.

Le monde de la littérature française n’est pas du reste indemne du fléau du plagiat. Michel Houellebecq, dans ‘La carte et le territoire’, n’a pas trouvé mieux que de puiser de ce res nullius qu’est le Wikipédia pour pomper ses notices. Et comme il s’agit d’un lauréat du plus prestigieux prix (Le Goncourt), et donc de l’honneur de la France littéraire, c’est sa maison d’édition, Flammarion, qui monta au créneau pour minimiser les faits :

«Michel Houellebecq utilise effectivement les notices et sites officiels comme matériau littéraire brut pour parfois les intégrer dans ces romans après les avoir retravaillés. Si certaines reprises peuvent apparaître telles quelles «mot pour mot», il ne peut s’agir que de très courtes citations qui sont en tout état de cause totalement insusceptibles de constituer un quelconque plagiat, ce qui constituerait une accusation très grave. Lorsque nous avons pu constater ces très rares reprises, nous avons remarqué que la source n’indique pas elle-même l’identité des auteurs» !

Mais est-ce une raison pour justifier le plagiat, aussi futile soit-il ? Pour des similitudes moins évidentes, le Conseil d’Etat français a émis un jugement des plus tranchés :

« la thèse de Mme B.-R., qui portait sur un sujet très semblable à celui étudié par Mme C mais appliqué [à un] domaine plus limité (…) pouvait, sans qu’il y ait eu plagiat, comporter l’examen des mêmes problématiques se prêtant à des développements marqués de similitudes naturelles et si les auteurs, s’appuyant sur les mêmes éléments du droit positif, étaient nécessairement conduits à les expliciter en ayant recours à des formulations voisines, son travail reprend dans plusieurs de ses parties la même structure formelle, rend compte dans des termes très semblables des objectifs recherchés par la réglementation et la jurisprudence et de leur évolution et comprend de nombreux et importants paragraphes exposant les propres réflexions de l’auteur qui sont rédigés dans le même ordre et avec les mêmes termes que ceux contenus dans la thèse de Mme C, sans faire apparaître qu’il s’agit de citations » (CE, 23 février 2009, Mme B.-R., req. n° 310277 ; RFDA 2009 p. 226, note Melleray).

Une œuvre, quels que soient sa forme, son mérite et sa destination, pour être qualifiée d’originale, doit être marquée par l’authenticité et la créativité. C’est la « marque de fabrique » de l’auteur, ou comme le dit si bien le professeur Desbois «l’empreinte de la personnalité de l’auteur» (Droit d’auteur en France, 1966).

Le juge administratif français admet que « si une œuvre est susceptible, indépendamment des mérites et des qualités de son auteur, de conférer à ce dernier un droit de propriété intellectuelle, la protection des droits d’auteur instituée par les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle ne porte que sur ses éléments qui présentent une originalité » (CAA Lyon 30 décembre 2003, M. Z., req. n° 98LY00338). Il est clair que même cette notion, qui apparaît pourtant simple, n’échappe pas aux éternelles chamailleries franco-anglaises. C’est toute la difficulté de concilier le copyright du système juridique anglo-saxon avec le « droit d’auteur » du système français.

Nous attendons avec impatience le 11 octobre pour constater si le juge, à propos de la requête de Salah Guemriche déposée en 2014, marquera-t-il un tournant dans la jurisprudence française ou maintiendra-t-il sa ligne de conduite en faveur de notre auteur ?

* Avocat


Salah Guemriche au « Le Quotidien d’Oran »: «Pourquoi je poursuis en justice le responsable du dictionnaire Le Robert»


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Propos recueillis par Amine Bouali

L’écrivain algérien Salah Guemriche (qui vient de publier, il y a quelques semaines, à Paris, ses deux derniers ouvrages : «Chroniques d’une immigration choisie» et «Algérie, 2019. La reconquête») a déposé, en 2014, une plainte pour plagiat contre Alain Rey, un linguiste et lexicographe de renom, qui est le rédacteur en chef des Éditions Le Robert (le fameux dictionnaire). Le jugement de cette affaire de plagiat, qui est passée ce lundi 16 septembre au tribunal de grande instance de Paris, a été mis en délibéré au 11 octobre prochain. Nous avons demandé à M. Salah Guemriche (qui est le plaignant) de nous donner sa version des faits, en attendant le verdict de la justice qui sera connu dans une vingtaine de jours.

Le Quotidien d’Oran : Pourquoi attaquez-vous en justice M. Alain Rey qui est le responsable du fameux dictionnaire Le Robert ? Que lui reprochez-vous exactement ?

Salah Guemriche : D’abord, il faut que je vous situe le sujet de mon livre à propos duquel il y a polémique. En fait, au départ, je pensais juste faire un petit lexique d’une centaine de mots. Mais plus je me plongeais dans les étymologies de siècle en siècle, depuis le Moyen-Age et, surtout, depuis Rabelais et le XVIe siècle, plus je découvrais que les fameux dictionnaires français, y compris Le Robert, avaient «zappé» la véritable étymologie de certains mots pour les faire dériver du latin, de l’italien ou de l’espagnol, alors que ces deux dernières langues elles-mêmes avaient emprunté les mots en question à l’arabe, parfois au turc ou au persan. Du coup, la curiosité et le plaisir de la découverte aidant, je ne pouvais plus m’arrêter. Mon dictionnaire fut publié en 2007. Et puis, en 2014, voilà que ma femme me signale un ouvrage d’Alain Rey qu’elle avait vu à la Fnac, intitulé : «Le voyage des mots…». Tout de suite, cela a fait «tilt» : c’est presque le titre de la préface que la regrettée Assia Djebar avait consacrée à mon dictionnaire : «Le Voyage des mots arabes dans la langue française». J’ai aussitôt fait un saut à la Fnac. En feuilletant le livre d’Alain Rey, j’ai eu l’impression effarante de relire mon manuscrit.

Quelques jours après, je plongeais dans un travail fastidieux : confronter les deux textes. Le résultat me sidéra : les fruits de mes recherches, je les retrouvais en grand nombre repris dans «Le Voyage des mots» d’Alain Rey. Jusqu’à des références personnelles, anecdotiques. Pour ne prendre qu’un mot : «Galetas». D’origine turco-persane, passé par l’arabe : à la fin de l’entrée, je fais une extrapolation sur Galata (qui est aujourd’hui une banlieue d’Istanbul), en citant au passage le nom de Galatasaray, le célèbre club de foot, et ce juste pour faire plaisir à mon fils, qui, à l’époque, était un fan de ce club. Eh bien, la même référence est reprise dans «Le Voyage des mots» !… Ce n’est qu’un exemple anecdotique, mais c’est justement révélateur de la paresse de ceux qui ont fait ce travail. Quand je dis «ceux», je veux parler du staff de collaborateurs qu’Alain Rey a l’habitude d’employer. Il y a encore d’autres exemples, 178 en tout pour seulement 29 où Alain Rey me cite nommément, et toutes ces «coïncidences» sont mentionnées dans le dossier qui a été remis par mon avocat à la juge, lundi dernier.

Q.O.: Le jugement de cette affaire vous opposant à M. Alain Rey a été mis en délibéré au 11 octobre prochain. Pensez-vous avoir une chance de gagner votre procès contre une sommité de l’édition française ?

S.G.: J’ai eu l’avocat au téléphone…J’ai ainsi appris que la partie adverse a essayé tous les arguments classiques de contestation. Et il y en a un qui m’a fait éclater de rire, c’est quand l’avocat d’Alain Rey a dit à mon avocat : «Votre client a lui aussi pris chez mon client !». Cela m’a fait éclater de rire, oui. Manque de pot pour Alain Rey, et mon avocat l’a signalé à la juge, dans mon dictionnaire il m’est arrivé de «corriger» Le Robert. Si vos lecteurs ont un Petit Robert sous les yeux, qu’ils regardent au mot «trafic». Le Robert dit que l’origine est inconnue ou incertaine, ou, selon l’édition, de l’italien «traffico». Or, moi, j’ai apporté la preuve que ce mot est d’origine arabe. Je vous renvoie à l’entrée «trafic» de mon dictionnaire. On peut clairement y voir la démarche que j’ai empruntée tout au long de mon travail. Pour «trafic», il m’avait fallu tirer le fil de loin, de très loin, et par déduction arriver à l’expression arabe «tarwig el-moukhadârat» pour «trafic de stupéfiants», «tarwidj», prononcée à l’égyptienne («g» au lieu de «dj»). Le «w» devenant «f», comme le déplacement ou la disparition du «r», ce sont des choses courantes en phonétique lors du passage de certaines langues à d’autres. Comme le verbe arabe «farfara» qui est à l’origine du français «fanfaron», ou «matrah» qui a donné «matelas» , «qantar» qui a donné «quintal», «turjuman» qui a donné «drogman» puis «truchement».

J’ai fait de même avec plusieurs autres mots dont l’origine est occultée par Le Robert, qui privilégie une origine latine ou espagnole ou italienne ou même catalane. Ce fut une longue recherche avant que je n’arrive à ce résultat. C’est justement l’économie qu’aura faite Alain Rey ! Et cela, la partie adverse aura du mal à le contester. Est-ce que cela sera suffisant pour convaincre la juge et les deux magistrates ? Est-ce que je pense gagner ? Je l’espère, oui, mais on n’est jamais sûr dans ce genre de litige.

Q.O.: N’est-ce pas un peu le pot de terre contre le pot de fer ?

S.G.: Evidemment ! D’ailleurs, c’est la notoriété de M. Alain Rey qui avait impressionné mon éditeur (les éditions du Seuil) au point que le service juridique de la maison m’avait lâché ! Rendez-vous compte : une icône de la langue française accusé d’avoir «copié» sur un obscur écrivain, un francophone qui plus est !…Je comprends que cela passe mal. Et pourtant, je reste confiant. En la justice, oui. Mais aussi parce que les pièces que j’ai réunies parlent d’elles-mêmes. Il n’y a pas une page du «Voyage des mots» qui ne comporte des reprises de mon dictionnaire. Je pèse mes mots : pas une page ! Certaines pages fourmillent même de données que je suis allé chercher dans les siècles passés, ce que M. Alain Rey n’a pas fait. Et vous savez pourquoi ? C’est très simple : M. Alain Rey, et c’est lui qui l’avait dit, avait mis 4 mois pour faire son livre ! Et vous savez où il l’avait dit ? A Alger, lors d’une conférence qu’il avait donnée à l’Institut français. Un an plus tôt, j’avais moi-même donné une conférence sur le même sujet et pour le même Institut : à Tlemcen, Alger et Constantine. Pour son passage à lui, j’avais eu le réflexe de demander à un ami journaliste, Walid Bouchakour, d’enregistrer pour moi ladite conférence. Et cet enregistrement, dans lequel Alain Rey affirme qu’il avait fait son livre le temps d’un été, eh bien, il fait partie du dossier que mon avocat a remis lundi à la juge. 4 mois, même pour un grand spécialiste, c’est impossible. Des linguistes, que j’ai interrogés, n’y croient pas. Maintenant, je vais vous dire ma conviction intime : je n’ai jamais cru que c’est M. Alain Rey en personne qui avait puisé dans mon dictionnaire. Je pense que ce sont ses collaborateurs, à qui il avait confié l’essentiel du travail, et qui sont allés se servir dans mon dictionnaire, se croyant sans doute à l’abri, du fait de la notoriété de leur employeur. Sauf que l’auteur seul est juridiquement responsable de ce qu’il signe, ou plus exactement l’auteur et son éditeur.


NDLR.- Ecrivain, romancier, Salah Guemriche est l’auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Le Christ s’est arrêté à Tizi-Ouzou (Denoël, 2011). Il s’est fait historien à travers le récit d’Abd er-Rahman contre Charles Martel (Perrin, 2010), ou pour son Dictionnaire des mots français d’origine arabe (Seuil).


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