La haine des Algériens avec l’argent des Algériens : Valeurs actuelles étend sa haine de l’Algérie à Benjamin Stora

Le jour-même où le chef d’état- major, Gaïd Salah, recevait l’équipe nationale victorieuse de la Coupe d’Afrique des Nations et qu’il se félicitait du soutien de l’armée à l’équipe nationale et à ses supporters, Valeurs Actuelles étalait avec une rare violence son habituelle haine de l’Algérie, qu’il renouvelait cette fois par des attaques contre cette même équipe et ses supporters, allant jusqu’à inventer des lynchages et des crimes attribués à ces derniers.

C’est le quotidien, somme toute, d’un hebdomadaire d’extrême droite qui a fait des Algériens particulièrement et des immigrés en général, notamment ceux d’origine musulmane, le bouc émissaire de tous les maux de la société française. Mais l’incongru dans toute cette histoire, c’est que cet hebdomadaire doit pour une grande part sa prospérité à l’armée algérienne et donc au contribuable algérien qui se saigne donc pour se faire stigmatiser.

Histoire de fous diriez-vous, comment cela serait possible ? L’explication et le lien est Iskander Safa, patron de Valeurs Actuelles, qui, depuis son rachat du journal, en a accentué la radicalité d’extrême droite et a mis encore plus l’Algérie et la communauté algérienne au centre des attaques de l’hebdomadaire.

Dans ce journal officient d’anciens rédacteurs de Minute, qui comptait dans sa rédaction beaucoup d’anciens de l’Algérie française et qui, dans les années 1970, notamment au moment de la nationalisation du pétrole algérien, appelait explicitement au meurtre des immigrés algériens. Des meurtres d’immigrés algériens, il y en eut effectivement, et beaucoup.

Or, Iskander Safa doit une bonne part de sa fortune et de l’assise financière du journal Valeurs Actuelles aux commandes de l’armée algérienne. Il est en effet devenu un marchand d’armes à l’Algérie avec des entrées privilégiées à El Mouradia et aux Tagarins. En une seule opération avec la Marine algérienne, il a empoché la colossale somme de 2,2 milliards de dollars pour la vente, toujours controversée, de deux corvettes Méko.

Tout le monde se pose la question : comment est-il entré dans le circuit d’une opération initiée par les Allemands – qui sont par ailleurs le fabricant exclusif de ces corvettes ­– mais dont il a réussi à capter la vente grâce à des complicités, forcément algériennes, qui couvriraient un système de rétrocession de commissions ?(1) Ses relations sont bien connues au plus haut niveau des décideurs algériens, introduit notamment par l’Emirati Mohamed Ech Chorfa, cet ami de Bouteflika qui nous a tellement voulu de bien qu’il a fait brader des pans entiers de l’économie algérienne (téléphonie, cimenterie, immobilier…) à des intérêts étrangers, émiratis et occidentaux, qui ont eu souvent l’impudence de monter leurs opérations de prédation avec l’argent même des banques algériennes.

Valeurs Actuelles vient d’élargir sa chasse à Benjamin Stora dont il dresse un portrait d’une violence inouïe, allant jusqu’à s’attaquer à son physique – sa prise de poids, signe caricatural d’enrichissement et de pouvoir – comme aux plus sombres heures du XXe siècle où l’antisémitisme excellait à caricaturer les juifs avec des difformités physiques comme ces portraits au nez crochu.

Stora est attaqué pour son origine juive. Mais ce sont ses positions anticoloniales qui sont visées. Il n’est pas fortuit que ce portrait antisémite qui est fait de lui le soit justement dans un dossier consacré à «l’Algérie française» avec des relents nostalgiques qui disent la difficulté à admettre une Algérie indépendante. Le parcours de Stora est attaqué car présenté comme un défenseur inconditionnel et aligné du FLN.

Il est attaqué également pour ses positions d’aujourd’hui sur ce passé, et notamment pour la reconnaissance de toutes les mémoires, dont celle des souffrances du peuple algérien, ce qui fait que Valeurs Actuelles le qualifie de «clan des repentants». C’est aussi son apport à la réconciliation franco-algérienne qui est attaqué car, comme le dit l’historien Mohamed Harbi, «Stora fait beaucoup pour le rapprochement entre l’Algérie et la France»(2).

L’Algérie, les Algériens ne peuvent pas ne pas se sentir concernés. Et Benjamin Stora ne doit pas rester seul, d’abord en Algérie. Et cette enième charge, qui est aussi une charge contre l’Algérie, ne peut manquer de pousser à s’interroger sur les liens troubles qui lient l’Algérie au propriétaire de Valeurs Actuelles.

Marchand d’armes, intermittent des services de renseignement, financier de l’extrême droite européenne et des identitaristes, mais allié des théocraties archaïques arabes, antisémite mais mêlé aux histoires de corruption en Israël, antisémite mais travaillant pour Israël et son armée, pourfendeur des pays issus de la décolonisation mais ami intime de leurs dirigeants corrompus. Mais, surtout, véhicule privilégié de la haine anti-algérienne en France.

L’armée algérienne n’est pas une milice, entend-on souvent répéter. Avait-elle besoin de se lier avec un personnage aussi trouble et travaillant avec acharnement à stigmatiser l’Algérie et les Algériens ?

Par Ali Bensaad

Professeur des universités,
Institut français de géopolitique,
Université Paris 8


Notes : 

1)- Lire Algérie, Les dangereuses liaisons émiraties – El Watan 21 juillet 2019 https://www.elwatan.com/edition/contributions/algerie-les-dangereuses-liaisons-emiraties-21-07-2019
2)-  http://www.slate.fr/story/152498/stora-elysee-question-delicate-repentance-stora


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