La nouvelle équation politique en Tunisie (étude)

La Tunisie qui est un pays d’Afrique du nord ayant réussi à passer à la démocratie à la suite du Printemps arabe, a prouvé à la suite des récentes présidentielles qu’elle a franchi la phase de l’institutionnalisation de la démocratie

La nouvelle équation politique en Tunisie (étude)

La Tunisie qui est un pays d’Afrique du nord ayant réussi à passer à la démocratie à la suite du Printemps arabe, a prouvé à la suite des récentes présidentielles qu’elle a franchi la phase de l’institutionnalisation de la démocratie. Ces élections transparentes et pacifiques montrent aussi que la démocratisation continue avec succès.

Les victoires des candidats indépendants et des nouveaux partis politiques aux élections présidentielles et législatives organisées en septembre en Tunisie, ont changé les équilibres politiques traditionnels. Dans ce contexte, le Professeur Kaïs Saïed, un candidat indépendant qui n’est pas issue de la politique tunisienne, a été élu au second tour de la présidentielle et il est devenu le premier président sans parti de l’histoire politique tunisienne.

LES NOUVEAUX EQUILIBRES DE LA POLITIQUE TUNISIENNE ET LE MOUVEMENT ENNAHDHA

Le mouvement Ennahdha qui a la majorité à l’Assemblée ainsi que le président indépendant en Tunisie où il est question d’un régime semi-parlementaire, seront les principaux acteurs du pouvoir jusqu’aux prochaines élections. Les nouveaux acteurs politiques du pays seront le président indépendant Kaïs Saïed, Rachid Ghannouchi qui a été élu président de l’Assemblée par l’alliance formée à l’initiative d’Ennahdha, le Premier ministre Habib Jemli et la nouvelle opposition.

Le nouveau président Kaïs Saïed connu comme un nationaliste-conservateur, peut paraitre idéologiquement plus proche d’Ennahdha. D’ailleurs il a été accusé durant sa campagne, d’être le candidat d’Ennahdha par ses opposants. En outre, au second tour de l’élection présidentielle, Ennahdha a assuré un soutien important à Saïed. Du fait qu’il soit le parti ayant remporté le plus de voix, Ennahdha a été chargé par le président de former le nouveau gouvernement. Afin de préserver l’équilibre, Ennahdha a choisi Habib Jemli comme Premier ministre, un candidat sur lequel étaient d’accord des alliés de points de vue différents, à savoir le parti séculaire « Au cœur de la Tunisie » qui est arrivé deuxième aux législatives ainsi que l’Alliance d’honneur. Jemli qui se dit indépendant, a exercé les fonctions de vice-président dans les deux premiers gouvernements fondés par Ennahdha en 2011 et 2013 à la suite de la Révolution. Vu sous cet angle, Ennahdha a nommé une personne avec qui il pourrait travailler en harmonie. En terme général, Ennahdha qui se définit comme conservateur et qui détient le poste de président du Parlement, a établi une coalition harmonieuse avec le président Kaïs Saïed et le Premier ministre Habib Jemli. De plus, Ennahdha a prévenu une éventuelle polarisation idéologique en faisant l’alliance avec Au cœur de la Tunisie qui devait être à l’opposition. Même si Ennahdha est arrivé troisième à la présidentielle, il est clair qu’au final il est le gagnant des élections. En tirant des leçons de son expérience au pouvoir, Ennahdha a réussi à rester le parti le plus fort de la Tunisie. Après les crises politiques, sécuritaires, économiques et sociales survenues entre 2011 et 2014 où Ennahdha était au pouvoir, ce dernier a préféré ne pas participer à la présidentielle de 2014. En faisant l’alliance avec le leader de Nidaa Tunes, Beji Kaïd Es-Sebsi, il a contribué à l’instauration de la stabilité dans le pays en devenant un partenaire du gouvernement.

Les équilibres politiques en Tunisie sont modelés selon les alliances au Parlement. Les alliances établies par les partis politiques au Parlement veillent surtout à obtenir des avantages politiques plutôt que des positions politiques ou idéologiques. En effet, cette situation s’est développée comme une culture politique depuis 2011 où le pays est passé à la démocratie. La présence de plusieurs partis et le régime semi-parlementaire qui ne permet à aucun parti d’arriver seul au pouvoir entrainent forcément des coalitions. D’ailleurs lorsque Ennahdha était arrivé au pouvoir en 2011, il a été contraint de former un gouvernement de coalition avec même des partis de gauche. Cette coalition qui était la première expérience démocratique du pays, avait échoué. Nidaa Tounes, un parti de gauche qui est arrivé au pouvoir à l’issue des élections de 2014, a pu gouverner le pays en faisant l’alliance avec le parti conservateur Ennahdha. A cause du fait que le président actuel se soit présenté comme un candidat indépendant à la récente élection présidentielle et qu’il n’ait pas un bloc ou une formation au Parlement, Ennahdha qui a la majorité au Parlement a dû faire l’alliance, comme auparavant, avec la Coalition d’honneur et Au cœur de la Tunisie. Rachid Ghannouchi a été élu président du Parlement et son adjoint principal a été le candidat du parti Au cœur de la Tunisie, Samira Sawachi.

Il y a eu à l’élection du président du Parlement deux principaux groupes dont l’un composé d’Ennahdha, de la Coalition d’honneur, Tahya Tounes et certains députés indépendants et l’autre, le Parti démocratique, le Mouvement populaire et le Parti de la constitution libre. Mais ce qui va définir le sort de cette alliance va être le consensus sur le futur gouvernement qui devrait être fondé à l’initiative d’Ennahdha.

LA POLITIQUE REGIONALE DE LA TUNISIE

La Tunisie qui est le seul pays à surmonter le Printemps arabe avec succès, est un modèle démocratique à titre d’exemple pour le monde arabe. Autrement dit, la Tunisie qui est le point de départ du Printemps arabe est comme une source d’inspiration pour le monde arabe. La participation des candidats à une émission de télévision conjointe avant les élections a été appréciée par le monde arabe. Cela a attiré l’attention surtout des jeunes sur les réseaux sociaux. A cet égard, la démocratie tunisienne est importante or elle montre que la démocratie est possible dans le monde arabe. Mais il n’est pas difficile de deviner le mécontentement de certains pays arabes opposés à la révolution, à savoir l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte, du succès de la démocratie en Tunisie. D’ailleurs le peuple tunisien qui en est parfaitement conscient, manifeste une approche ferme à l’égard des politiciens proches de ces pays. Le fait qu’Ennahdha soit un partenaire du gouvernement depuis 2011 a compliqué la tâche de ces pays de trouver un terrain d’action en Tunisie. En outre, le président Kaïs Saïed qui a prononcé un discours après son élection, a assuré qu’il défendrait la cause palestinienne contre l’occupation israélienne, ce qui montre qu’il va suivre une politique extérieure indépendante.

Dans des questions régionales comme la Libye, on peut voir que la Tunisie adopte une position opposée aux EAU et l’Egypte. Dans son discours au peuple, Saïed a affirmé qu’il réaliserait ses premières visites en Libye et dans les autres pays du Maghreb, s’engageant à contribuer à la résolution de la crise en Libye. Peu de temps après ce discours, le président Kaïs Saïed a rencontré en Tunisie le président du Haut conseil d’Etat libyen, Khaled al-Mishri. « La Tunisie est attachée à la légitimité internationale au sujet d’une solution politique servant les intérêts du peuple libyen, préservant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye et envisageant l’instauration de la sécurité et de la stabilité dans ce pays » a déclaré la présidence tunisienne à l’issue de cet entretien. En outre, le texte rappelle que la stabilité de la Libye est celle de la Tunisie et de toute la région. Comme on peut en déduire, la Tunisie garde ses distances avec le général putschiste Haftar et soutient le gouvernement de Tripoli. Dans ce contexte, il ne sera pas faux de dire qu’elle sera le principal pays qui agira avec la Turquie dans la région. D’ailleurs le président Recep Tayyip Erdogan a récemment réalisé une visite surprise en Tunisie.


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