Les guerres de libération nationale vietnamienne

Par Kaddour NaïmiCe texte fait partie de l’ouvrage « Contre l’idéologie harkie : pour une culture libre et solidaire » (*) ; l’article ci-dessous fut publié le 22 avril 2018 sur « Le Matin d’Algérie », et le 24 avril 2018 sur « Algérie Patriotique ». La republication de ce texte entre dans le cadre de la Fête nationale vietnamienne qui vient d’avoir lieu.

En ayant en tête la guerre de libération nationale algérienne, je suis allé à Hanoï pour me rendre compte personnellement de ce qui restait des guerres de libération patriotique vietnamienne, successivement contre la domination coloniale française, puis l’agression impérialiste états-unienne.

Première visite : la prison centrale, l’équivalent de la prison Barbe-rousse à Alger, durant la colonisation. La prison de Hanoï était destinée à enfermer les combattants vietnamiens contre le colonialisme français. Elle est ouverte au public, local et étranger, six jours sur sept, durant la journée.

On voit les cellules collectives : des dortoirs où les prisonniers étaient enchaînés aux pieds par des barres de fer, les uns liés à coté des autres, sur un immense parterre servant à s’asseoir ou se coucher. Pour les prisonniers les plus résistants, les plus dangereux, les plus récalcitrants ou destinés à une exécution très prochaine, étaient réservés des cellules individuelles. Évidemment, elles étaient très étroites, très sombres, très humides, très peu aérées : des trous à rats. À moins d’une santé de fer et d’un esprit solide, on y succombe.

L’auteur, Kaddour Naïmi, devant-une guillotine à l’ex-prison de-Hanoi du temps de la colonisation francaise

Ces cellules individuelles débouchent sur la salle principale. Là, trône le chef-d’œuvre de la  « civilisation » française : la guillotine… À sa vue, je fus pris d’une violente émotion, rendue plus intense en pensant à Ahmed Zabana, le premier patriote algérien guillotiné par les colonialistes.

Puis, voici des photos-portraits de combattantes et combattants vietnamiens : de tous les âges, de toutes les professions, de toutes les ethnies, de toutes les expressions de visages. Avec leurs noms et prénoms.

Ensuite des textes : lettres aux parents, poésies chantant la résistance, la dignité face aux injustices et aux crimes colonialistes, l’amour de la liberté, du peuple, de la patrie.

Et encore des photos et des sculptures montrant les « bonnes manières civilisées » du colonialisme français : les tortures infligées aux prisonniers, les instruments employés, les corps maltraités, les blessures. Plus loin, voici les photos et sculptures des trous creusés clandestinement par des prisonniers pour s’évader, et les instruments utilisés.

Ailleurs, des documents sur la seconde partie de la guerre patriotique, cette fois-ci contre les impérialistes U.S. En particulier, les cellules des prisonniers états-uniens capturés, leurs vêtements, leur nourriture, la possibilité qui leur était consentie de faire du sport, de jouer de la musique, de recevoir et d’écrire des lettres, etc.

On constate, alors, la différence de traitements : d’une part, la barbarie cruelle et criminelle des « civilisées » autorités colonialistes françaises contre les patriotes vietnamiens, et, d’autre part, la « barbarie » des autorités vietnamiennes : la situation des prisonniers U.S. était conforme aux conventions humanitaires internationales.  Pourtant, ces prisonniers de guerre avaient, pour les fantassins, torturé et participé à des massacres de patriotes vietnamiens, et, pour les aviateurs,  largué des bombes  au napalm sur la population civile vietnamienne. Durant leur séjour en prison, les autorités vietnamiennes tentèrent de faire prendre conscience à ces criminels de guerre de l’injustice de leurs actes, et de l’aspect criminel de leurs dirigeants étatiques. Ces derniers appelèrent ce genre d’action un « lavage de cerveau », sans appeler leurs propres agressions des crimes de guerre. Ainsi est le monde des dominateurs, partout, depuis toujours, passé, présent le futur.

Deuxième visite, dans une autre partie de Hanoï : le musée de l’armée populaire de libération. Il est situé sur une large avenue : le boulevard Dien Bien Phu. C’est le nom du lieu où l’armée coloniale française, dirigée par les officiers les plus « brillants » de la prestigieuse académie militaire de France, Saint-Cyr, et dotée des armements les plus sophistiqués, cette armée fut, en 1945, stratégiquement vaincue par l’armée populaire vietnamienne, dirigée par un ex-ouvrier dans une usine française (Ho Chi Minh) et un ex-enseignant d’école (Nguyen Giap). Leur éclatante et exemplaire victoire mit fin à l’infame domination coloniale française.

L’auteur, Kaddour Naïmi, devant un bombardier US abattu par la DCA vietnamienne

Au musée, d’un coté, sont exposées les carcasses et photos d’avions de guerre U.S. Ils causèrent tant de victimes, en lâchant du ciel leurs tapis de bombes de tout genre, sur tout ce qui bougeait, humains et animaux, au sud comme au nord du Vietnam. Les bombes au napalm brûlaient les forêts où se réfugiaient les partisans, mais où vivaient également des populations civiles. Le monde entier a vu la photo de la toute petite vietnamienne, d’à peine huit ans, courant hagarde, le corps nu à peine brûlé par le napalm. Les gouvernants, idéologues et certains écrivains et journalistes U.S. appelaient cela lutter contre le « communisme » en portant la « démocratie », la « liberté » et le « bien-être » au peuple vietnamien.

Au musée, d’un autre coté, on voit des chars de l’armée de libération vietnamienne, notamment ceux qui, en 1975, entrèrent les premiers dans Saïgon finalement libérée.

Puis, dans diverses salles du musée, est présentée, accompagnée des informations nécessaires, en langues vietnamienne et anglaise, la longue histoire des diverses invasions étrangères et des  résistances du peuple vietnamien contre les agresseurs. Des écrits, des photos, des instruments, d’une part, des agresseurs, et, d’autre part, des patriotes combattants, hommes et femmes. On constate l’extrême intelligence des résistants vietnamiens, concrétisée par leur incroyable et surprenante capacité de transformer leur faiblesse en force, notamment par l’emploi de tout ce qui peut exister comme arme de guerre de résistance. Par exemple, le bambou, répandu dans le pays, servait à confectionner des flèches empoisonnées, des sortes de couteau, des pointes mises dans des trous du sol cachant des pièges où tombaient les fantassins ennemis.

Dans ces salles, aussi, figurent des portraits de combattantes et combattants, des documents écrits, des poésies populaires ou de lettrés. Les agresseurs appelaient cela « barbarie ».

De la prison comme du musée, je suis sorti avec un sentiment extrêmement fort : une très légitime fierté. Ainsi, un peuple de paysans très pauvres, dirigé par des patriotes sincères et résolus, relativement jeunes, qui n’ont pas fréquenté l’université, a pu vaincre militairement, politiquement et idéologiquement successivement deux impérialismes, le français et l’états-unien, cela durant deux guerres qui se suivirent de 1945 à 1975 : trente ans ! (1)

La prison comme le musée de l’armée populaire sont visités, d’une part, par des nationaux. Ils viennent soit individuellement, soit en groupes. Ces derniers sont composés d’élèves d’école primaire, secondaire, universitaire, ou de travailleurs, de militaires, etc. D’autre part, des touristes étrangers viennent également visiter ces lieux. Parmi ces derniers, on remarque des citoyens de France et des États-Unis. Inutile de dire combien ces derniers sont généralement curieux de découvrir finalement la vérité sur l’oeuvre « civilisatrice » de leurs gouvernants, et gênés d’en constater les crimes contre l’humanité. Aux visiteurs sont proposés, à un prix modique, des guides parlant plusieurs langues, pour leur permettre d’avoir les informations les plus complètes sur ce qu’ils veulent savoir.

Comme dans le cas de la Chine, le Vietnam, aussi, a depuis quelques années adopté la voie capitaliste. Les couches populaires de travailleurs et de paysans pauvres en souffrent, et les intellectuels qui leur sont proches dénoncent cette injustice, dans la mesure du (très limité) possible. Même le militaire, doublement vainqueur du colonialisme français et de l’impérialisme U.S., le général Nguyen Giap, protesta contre l’orientation capitaliste de la nouvelle caste oligarchique régnante. En vain ! Il quitta ce monde dans l’amertume.

Cependant, le peuple demeure uni fermement s’il s’agit de porter atteinte à son intégrité territoriale, à l’une ou l’autre partie de son peuple, composé de nombreuses minorités ethniques. Les conflits au sein du peuple viennent après l’impérieuse nécessité de conserver l’indépendance de la patrie. Durant la très longue résistance du peuple vietnamien contre les agressions coloniale française puis impérialiste états-unienne, Ho Chi Minh avait lancé le slogan qui demeure le plus répandu : « Rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté ». Bien que, après la victoire sur l’impérialisme états-unien, la liberté laisse fortement à désirer, et certains combattent pour les droits démocratique du peuple, néanmoins l’indépendance du pays demeure absolument sacrée, contre toute intervention étrangère.

Les portraits du « père » de l’indépendance, Ho Chi Minh, se trouvent partout dans les villes, et son mausolée, établi sur une large place de la capitale, est régulièrement honoré par les nationaux, et visité par les touristes de passage.

Comme dans le cas de la Chine, des gens quittent le Vietnam, soit à la recherche d’un meilleur travail ou par besoin de plus de liberté. Toutefois, qu’ils soient du peuple dit « ordinaire », des intellectuels ou des militants, aucun ni aucune, à ma connaissance, ne renie son peuple, ni le méprise, ni déclare préférer « changer de peuple ». Et même si ces émigrés s’installent dans l’un des pays qui, auparavant, avait agressé le Vietnam (France ou États-Unis), et en prennent la nationalité, ni l’appât du gain, ni la gloire médiatique ne parviennent à rabaisser ou éliminer l’amour de ces émigrés pour leur patrie, leur culture et leur peuple d’origine : cet amour reste absolument intact.

(*) Librement disponible ici : http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_ideologie_harkie.html


(1) En 1971, à la salle El Mouggar d’Alger, j’avais déjà réalisé une pièce de théâtre sur cette héroïque et exemplaire guerre de libération populaire. Faut-il signaler qu’après quatre représentations, on me « conseilla » d’interrompre les représentations, ce que je fus contraint de faire.

>> Voir : http://www.kadour-naimi.com/f-fourmi_photo.htm

>> Voir Reportage photo :

La guerre de libération nationale vietnamienne contre le colonialisme français : Photos in http://kadour-naimi.over-blog.com/

La guerre de libération nationale vietnamienne contre l’impérialisme U.S. : Photos in http://kadour-naimi.over-blog.com/


Ainsi est le monde des dominateurs, partout, depuis toujours, passé, présent et futur.
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Saigon est prise le 30 Avril 1975

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