LIVRES / SENS … NON INTERDITS

    par Belkacem Ahcene-Djaballah   

                                                                                         Livres

Allah est grand. Il sait faire les choses. Roman de Arab Lona Lynda. Editions El-Qobia, Alger 2021, 147 pages, 800 dinars(?)

Ne vous fiez pas au titre. Non qu’il soit trompeur. Il est seulement quelque peu accrocheur, ce qui est de bonne guerre …commerciale.

En réalité , ce qui nous est conté là, c’est une très belle histoire d’amour… lequel , bien entendu , étant donné le contexte cultu(r)el (de l’écrivaine ?) et de celui supposé du public, est enveloppée dans une ambiance faite de pudeur (pas excessive, puisque c’est la première fois que je lis que les deux « héros » se sont embrassés… sur la bouche ), et de respect des règles sociales en cours …publiquement et familialement.

L’histoire ? Deux couples. Des jeunes et des moins jeunes. Une veuve 42 ans, encore très belle , Hiba, cadre en publicité, et un veuf, Mokded,la cinquantaine et beau gosse milliardaire en bâtiment… qui inquiets pour leurs enfants, encore à l’Université et amoureux l’un de l’autre , vont , par hasard, se rencontrer , d’abord pour se quereller sur la cause de la mésentente des enfants, les deux pensant à une fuite,… et ensuite , au fil des rencontres, toujours dans un cadre familial , s’il vous plaît, mieux se connaître, s’apprécier et… tomber amoureux l’un de l’autre.

Tout est bien qui finit bien. Les deux rejetons vont se revoir , se marier et terminer leurs études. Les parents vont suivre rapidement… et vont même avoir trois enfants. Tout cela avec la bénédiction des patriarches des familles qui ont veillé …au grain, dans le strict respect des us et coutumes… Pour ce cela, Mokded , après avoir sacrifié une dizaine de bœufs et de moutons, va emmener tout le monde, petits et grands, à la Mecque… pour rendre grâce à Allah qui « sait faire les choses ».

L’Auteure : Pseudonyme

Extraits: « Il l’enlaça… elle ne put terminer sa phrase, Mokded avait emprisonné ses lèvres d’un baiser tendre et passionné. Elle essaya de se débattre, mais il serra plus fort son étreinte et son baiser se fit plus insistant, plus brûlant » ( p26 ) , « Il la prit dans ses bras… Il l’étreignit avec force et emprisonna ses lèvres en un baiser brûlant avide de passion et d’amour », (p117)

Avis : Voilà donc un autre roman d’amour… qui raconte aussi et surtout la société algérienne et ses comportements à l’endroit des jeunes…et des amoureux, même moins jeunes . Surtout ne pas trop limiter votre choix du livre à la lecture du titre… qui peut paraître « religieux ».C’est seulement une (belle) phrase qui chante l’espoir en toutes choses. Même en amour !

Citation: « Notre problème à nous est qu’on voit les choses à la façon occidentale sans qu’on le sache et qu’on règle nos problèmes à l’occidentale, pensant ainsi devenir modernes et émancipés, tout en ignorant nos coutumes et nos traditions que nous pensons trop arriérées et dépassées et tout en bafouant par négligence ou ignorance les règles de notre religion.Pourtant , tant de malheurs pourraient être évités si on faisait avec… » (p60)

Le Chaos des sens – Roman de Ahlam Mosteghanemi (traduit de l’arabe par France Meyer). Editions Sedia, Alger 2009. 373 pages, 850 dinars (Fiche de lecture déjà publiée… en 2020. Pour rappel).

J’ai la nette impression que les écrivains algériens de langue arabe (Laâredj, Zaoui…), lorsqu’ils se mettent à écrire des romans, n’arrivent pas encore à se sortir de leur langage poétique. Du moins ,c’est l’impression que j’en retire à la lecture des textes traduits en français. Tout particulièrement au niveau de la nouvelle génération, celle des années 80-90, l’ancienne ( Ouettar, Benhedougga, Boudjedra aussi..) étant plus directe dans son langage, parfois cru, car avec une vie trop liée aux péripéties de la lutte de libération nationale et leur envie de recouvrer leur identité perdue ou détournée, leur âme …et leur corps aux désirs longtemps comprimés , pour ne pas dire réprimés.

C’est cette impression qui m’envahit à la lecture du roman de A. Mostaghenemi, « Le Chaos des sens », un autre best-seller de la littérature arabe contemporaine, après son fameux « Mémoires de la chair » (édité en arabe en 1985 et en français en 2002 en France ….puis transformé en série télévisée)

Une histoire d’amour, et quel amour ! Une femme mariée (à un officier militaire, en pleine période d’ébullition politique) qui, peut-être, cherchant à se «libérer», se «jette « »à corps perdu» dans les bras d’un «diseur de vérités» (un journaliste, pardi!). Que de symboles: force , sécurité et autoritarisme Vs liberté, jouissance et créativité dans une atmosphère incroyablement surréaliste! Voilà qui n’arrange pas le dialogue inter-corporations.

Un amour bouleversant raconté avec une écriture (rendue merveilleusement par la traduction) d’une beauté rarissime.

Un seul (petit?) défaut: comme la plupart des auteurs arabes (sauf, peut-être, Zaoui et… Boudjedra , celui-ci il y a longtemps ), l’auteure n’arrive pas à franchir le pas …de porte quand il s’agit de parler d’amour. Le chaos s’arrête aux seuls sens et tout juste aux bras de l’amant. Les «voyeurs» resteront sur leur faim!

Avis : A lire absolument en profitant de chaque ligne, de chaque mot. Et, en ne retenant de l’histoire que les sens profonds et cachés. Et, il y en a. A. Mostaghanemi, bien qu’assez directe, y excelle. Et, c’est là tout l’art de l’écrivain universel.


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