LIVRES / SUR TOUS LES FRONTS

       par Belkacem Ahcene-Djaballah

                                                                                    Livres

Le courrier Alger – Le Caire. 1954-1956. Le Congrès de la Soummam dans la Révolution. Récit historique de Mabrouk Belhocine. Casbah Editions, Alger 2000 – 349 pages – 650 dinars.

On toujours cru (ou on nous a fait croire) que la Guerre de libération nationale s’est déroulée sans problèmes. Mabrouk Belhocine nous dit : bien sûr que non. Elle a même connu, comme d’autres révolutions, des drames, des déchirements au point où «à un certain moment, on pouvait craindre pour son devenir».Il nous la raconte donc d’une manière très originale (publication des textes suivis de simples notes «nécessaires pour fournir des indications sur des hommes ou des événements peu connus du grand public») mais incontestable quant à la véracité à travers des archives de la délégation extérieure du Fln au Caire. Un courrier échangé entre Alger (Abane Ramdane) et le Caire (principalement Mohamed Khider, chef et secrétaire permanent de cette délégation de 1955 à 1956). Des documents (fac simili des documents originaux à l’appui) qui éclairent les rapports qui ont existé entre «l’intérieur» et «l’extérieur» ainsi que sur l’événement historique que fut le Congrès de la Soummam. De retour au pays, il avait sauvegardé les documents («sachant d’expérience le sort réservé aux archives dans les mouvements politiques»)… à remettre, dit-il, aux Archives nationales… après la publication du livre.

Des documents qui ne contredisent pas mais complètent d’autres ouvrages de référence comme celui de Mohamed Harbi publié en 1981 sur «les Archives de la Révolution algérienne»… des documents qui font du présent ouvrage, non une histoire de la Révolution algérienne, mais «une contribution à l’écriture de l’Histoire» et permettant au lecteur de «voir un peu plus clair dans «la glorieuse aventure du 1er Novembre».

Elle a permis aussi, à travers les phrases et les styles des uns et des autres de «découvrir» les engagements, les caractères et parfois les «humeurs» de nos héros. Car si héros ils furent, ils n’en étaient pas moins hommes.

L’auteur : Né en1921 à Chemini (Sidi Aïch / Bejaïa). Licence en droit (Université d’Alger). Inscrit à l’Ordre des avocats d’Alger en juillet 1949 puis de Bougie en 1950. Réinscrit à Alger fin 1962. Bâtonnier de l’Ordre et coordinateur de l’Organisation nationale des Avocats de 1977 à 1979. Militant Ppa (46-49), avocat des victimes de la répression. Fln décembre 54. Fédération de France avril 56 à mars 57. Tunis en avril 57. Plusieurs fonctions au sein de l’Administration du Gpra dont Sg adjoint du ministère des Affaires étrangères puis chef de mission du Gpra en Amérique latine. Député 1962, réélu en 64. Se consacra à sa profession après le 19 juin 65. Juillet 62, membre de la Commission d’enquête sur l’assassinat du Président Boudiaf.

Sommaire : Avant-propos / Livre premier : Une longue marche (Première partie : l’Algérie face au colonialisme, 1830-1954) – Deuxième partie : Vers une sortie révolutionnaire de la crise – Troisième partie : Le congrès de la Soummam) / Livre second (p 77 à 341) : Le courrier Alger – Le Caire 1954-1956 (transcription en clair des documents, annexes : fac simili des documents originaux, photos historiques) / Bibliographie.

Extraits : «Faut-il croire et dire que la Guerre de libération s’est déroulée sans problèmes ? Bien sûr que non. Comme d’autres révolutions, elle a connu ses drames, ses déchirements au point où, à un certain moment, on pouvait craindre pour son devenir» (p 9). «Le 23 octobre 1956, les membres de la délégation extérieure (note : Ben Bella, Khider, Aït Ahmed, Boudiaf… et Lacheraf) sont arrêtés avec le rapt de l’avion qui les menait de Rabat à Tunis. Les autorités françaises ne pouvaient pas s’imaginer qu’elles venaient de sauver l’unité de la Révolution algérienne !» (p 53). «De Yugurtha à l’émir Abdelkader, société paysanne et pouvoir, peu de choses ont changé. Le courage, l’intelligence, le charisme d’un homme pouvaient longtemps suffire. A notre époque, face aux puissances aux armées modernes, cela ne suffit plus» (p 71).

Avis : Clair, concis, précis… et des archives de première main. Un ouvrage que je lis avec énormément de retard, un retard inexplicable et inexcusable, mais retard que je ne regrette pas car cela m’a permis de mieux «apprécier» toutes les autres contributions à l’écriture de l’Histoire.

Citations : «Si la cause de la défaite (note : durant la période 1830-1881) fut bien sûr la supériorité de l’armée française en armement et en organisation, la cause principale ne fut-elle pas dans le sous-développement culturel, technologique et économique du pays, et surtout l’absence d’unité nationale ? Cette question reste toujours d’actualité» (p 20). «La Révolution n’appartient à personne si ce n’est à ceux qui la font. A la «légitimité du calendrier», le Congrès (de la Soummam) a opposé la légitimité d’exercice» (Abane Ramdane, fin 1955, p 60).

Algérie. Engagements sociaux et question nationale. De la colonisation à l’indépendance 1830-1962.

Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (série Maghreb). Ouvrage collectif sous la direction de René Galissot, assisté de Abderrahim Taleb-Bendiab et Amar Benamrouche. Editions Barzakh, Alger 2007 (1ère édition, Editions de l’Atelier / Les Editions Ouvrières, Paris, 2006). 605 pages. 900 dinars (Chronique déjà publiée. Pour rappel).

René Galissot avait 20 ans en 1954. Il fait partie de la génération intellectuelle et politique dite de la «guerre d’Algérie». Enseignant à Alger à l’indépendance… Il lui a fallu vingt autres années de recherche pour concevoir ce dictionnaire biographique. Un lieu d’interférence de quatre types de militants : Les Européens d’Afrique du Nord, en majorité français, qui introduisent le syndicalisme et le socialisme sans toujours remettre en cause le régime colonial ; les nationaux qui deviennent majoritaires et s’engagent progressivement dans la lutte pour l’indépendance ; quelques Européens nés en Algérie ou venus de l’étranger qui les rejoignent ; enfin, les émigrés qui, travaillant en «métropole», sont au croisement de ces deux inspirations.

Près ou plus d’un millier de fiches biographiques, certaines assez longues et bien fournies (exemples : celle de Abane Ramdane, qui débute l’œuvre – à tout seigneur, tout honneur… et les hasards heureux de l’alphabet – et qui comporte pas moins de cinq pages et demie ; celle de Alleg Henri né Salem. D’autres moyennement fournies comme celle de Masseboeuf Jean, avec une page, alors que d’autres sont squelettiques comme celle de Alleg Aïcha (On apprend que Henri Alleg lui aurait emprunté le nom car, jeune militant communiste nouvellement arrivé en Algérie et recherché par la police, il avait été hébergé en 1941 par la jeune militante qui lui avait alors établi de faux papiers en le présentant comme son frère. Sa cellule est dissoute et elle est exclue du parti pour avoir refusé la reconnaissance de l’Etat d’Israël). Tout dépend de la place et du rôle effectivement joué sur la scène militante, ouvrière et politique. Mais, toutes les bios sont plus intéressantes les unes que les autres.

C’est tout cela qui fait de cet ouvrage une référence indispensable pour penser la vraie histoire contemporaine du pays… et, surtout, pour mieux comprendre le mouvement national lui-même et… après.

Avis : A acheter. A lire. Vous serez grandement surpris. A faire lire. A conserver précieusement. Un appel à l’éditeur : le traduire en urgence. Pour que chaque citoyen, surtout les plus jeunes, puisse connaître l’histoire (bien complexe mais riche) complète de l’Algérie profonde.

On y retrouve des A.l.g.é.r.i.e.n.s, musulmans, juifs, cathos, protestants, socialos, communistes, athées, des cadres, , des intellos, des fellahs, des ouvriers, des dockers, des syndicalistes, des femmes, des hommes,… Des «indigènes» de toutes origines, des «immigrés» de France… Mais, tous, sinon révolutionnaires, du moins «engagés sociaux» au service du peuple algérien, parfois pour l’indépendance du pays, mais toujours contre l’exploitation coloniale.


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