Maîtrise des armements et missiles : quelles perspectives après la disparition du Traité FNI ?

Recherches & Documents n°02/2020
Emmanuelle Maitre, 6 février 2020

Introduction

Dans les dernières heures de la Guerre froide, le Traité FNI entre dans l’histoire en étant le premier accord bilatéral interdisant une catégorie entière d’armes. Ce traité est signé en 1987, après près de dix ans de négociations. Il conduit à l’élimination par les États-Unis et par l’Union soviétique des missiles sol-sol d’une portée comprise entre 500 et 5 500 km (forces nucléaires intermédiaires, ou FNI). Ces missiles, alors déployés en Europe et en Union soviétique, étaient considérés comme particulièrement dangereux.

En effet, leur faible temps de vol rendait impossible la préparation d’une riposte. Le déploiement des missiles de portée intermédiaire en Europe (SS‑20 côté soviétique et Pershing côté OTAN) avait à ce titre déclenché un vaste mouvement de protestation populaire sur le continent.

Auparavant, les négociations SALT (Strategic Arms Limitation Talks) avaient permis de limiter le nombre d’armes déployées par les deux superpuissances. En particulier, les Traités SALT I et SALT II imposaient des règles pour le développement quantitatif et qualitatif des ICBM (missiles balistiques intercontinentaux basés sur des lanceurs terrestres) et les SLBM (missiles continentaux emportés à bord des sous-marins lanceurs d’engins).

Par la suite, les accords de maîtrise des armements conclus entre Washington et Moscou continuent de s’intéresser de près au contrôle des missiles. Ainsi, les accords Start I, Start II et New Start définissent chacun des plafonds quantitatifs pour différentes catégories de missiles stratégiques (ICBM et SLBM). Enfin, en 1991, le Président Bush s’engage à éliminer un certain nombre d’armes nucléaires dites tactiques dans le cadre des « Presidential Nuclear Initiatives ». Cela se traduit notamment par le retrait de missiles de courte portée déployés sur des lanceurs terrestres, ainsi que des missiles balistiques ou de croisière emportés par des bâtiments de surface. Le Président Gorbatchev répond par une annonce similaire la même année, qui prévoit entre autres le retrait de systèmes navals et de missiles nucléaires de courte portée précédemment emportés par l’aviation tactique.

En dehors de ce cadre bilatéral, plusieurs efforts diplomatiques ont porté sur la régulation des missiles, considérés comme des armes potentiellement déstabilisantes en raison de leur aptitude à couvrir des distances très importantes en peu de temps, leur létalité, leur difficulté à être interceptés et leur capacité à emporter des armes de destruction massive.

Ainsi, un régime de contrôle aux exportations international a été mis en place en 1987 pour freiner les transferts de technologies de missiles pouvant être utilisés comme des vecteurs d’armes de destruction massive. En 2002, le Code de conduite de la Haye contre la prolifération des missiles balistiques a été adopté, formalisant pour ses États signataires (93 à l’époque, 140 aujourd’hui) la norme de non-prolifération de ce type d’armes. Le Code permet également de soutenir un régime de transparence sur les déploiements et doctrines en matière de missiles balistiques, mais aussi sur les tirs d’essais et les lancements spatiaux pour éviter tout risque de confusion avec une attaque. Ce type de mesures de confiance et de notifications réciproques existait déjà dans un format bilatéral entre l’Union soviétique et les États-Unis (premier accord établi en 1971) et a été répliqué entre l’Inde et le Pakistan en 2005.

La maîtrise des armements héritée de la Guerre froide entre dans une période de crise. Ainsi, plusieurs traités ont été remis en cause depuis 2003, et notamment le Traité FNI, dénoncé par les États-Unis et la Russie en 2019. Cet événement a marqué la fin d’une dispute de plus de cinq ans entre Washington et Moscou sur le respect des termes du traité. En effet, l’administration américaine a accusé la Russie d’avoir développé un missile de croisière prohibé par le traité. En réponse, Moscou a estimé que les systèmes antimissiles déployés en Europe pourraient avoir une vocation offensive et donc contrevenir au FNI. Par ailleurs, le principal instrument de maîtrise des armements restant, le Traité New Start, pourrait prendre fin rapidement puisqu’il arrive normalement à expiration en février 2021. Les présidents russe et américain pourraient s’accorder pour étendre sa durée de cinq ans, mais aucune annonce en ce sens n’a été réalisée à ce jour.

Ce contexte de déclin coïncide avec la détérioration forte des relations entre grandes puissances, en particulier entre la Russie et les États-Unis, qui conduit depuis plusieurs années à une réappréciation du facteur nucléaire dans les doctrines des États dotés et une tendance à la modernisation voire à la diversification des arsenaux. Ainsi, de nouveaux systèmes sont évoqués – missiles à double capacité, missiles hypersoniques, missiles balisti­ques non-stratégiques, torpilles nucléaires… – et des dynamiques de course aux armements sont visibles. La disparition des instruments de maîtrise des armements et le développement en parallèle de nouveaux systèmes, notamment dans le domaine des missiles, potentiel­lement déstabilisants, posent question. Pour certains, un monde « sans traité », selon le terme d’un analyste, doit désormais être envisagé. Pour d’autres, il faut réfléchir à de nouvelles manières de réguler ces armes, en envisageant de nouvelles restrictions, de nouvelles méthodes et de nouveaux formats. Cette note recense les différentes propositions dans le domaine de la maîtrise des armements dans un monde post-FNI, en se centrant sur les missiles. Elle se veut une analyse des suggestions diplomatiques ou des rapports d’experts non-étatiques à ce sujet, et une mise en perspective des tenants et aboutissants des différentes propositions avec une réflexion sur leur faisabilité et leurs perspectives dans le contexte actuel.

Elle se divise en trois parties. Tout d’abord, elle examine les perspectives de régulation sur les missiles traditionnels, tels que les missiles stratégiques, de portée intermédiaire, et non-stratégiques. Ensuite, elle évoque les options qui sont avancées pour adapter la maîtrise des armements au nouveau contexte stratégique. Enfin, elle s’intéresse aux propositions faites pour réguler les innovations technologiques en termes de missiles.

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