Mali : Assimi Goïta prend les commandes dans un contexte sécuritaire compliqué

      BAMAKO – Le colonel malien Assimi Goïta a prêté serment lundi comme président de la période de transition politique, censée ramener les civils au pouvoir, rapportent des médias.

« Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain (…) de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national », a déclaré le colonel Goïta lors d’une cérémonie qui s’est déroulée au Centre international de conférence de Bamako (CICB).

Lors de son discours d’investiture, il a assuré, entre autres, que le Mali allait « honorer l’ensemble de ses engagements », envers la communauté internationale, au moment où plusieurs partenaires étrangers exigent des militaires de rendre le pouvoir à des civils élus début 2022.

Le colonel Goïta a dit sa volonté d’organiser « des élections crédibles, justes, transparentes aux échéances prévues », c’est-à-dire février 2022.

« Je voudrais rassurer les organisations sous-régionales, régionales et la communauté internationale en général que le Mali va honorer l’ensemble de ses engagements pour et dans l’intérêt supérieur de la nation », a-t-il dit après son investiture comme président de transition.

Le Mali, en guerre contre des groupes terroristes sévissant sur l’ensemble de la région du Sahel, a été, le théâtre de deux coups de force en neuf mois de la part d’Assimi Goïta et de son groupe de colonels.

Lors du premier, les officiers ont renversé le 18 août 2020 le président Ibrahim Boubacar Keïta, affaibli par la contestation menée depuis des mois par le Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5/RFP), un collectif d’opposants, de religieux de membres de la société civile.


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Les militaires au pouvoir depuis août dernier s’étaient engagés à observer une période de transition limitée à 18 mois et conduite par des civils.

Par ailleurs, Celui qui tient la corde pour accéder au poste de Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, un vétéran de la politique issu des rangs du M5, a tenté de rassurer dès vendredi en promettant que son pays tiendrait ses engagements internationaux. Mais l’ancien ministre de 63 ans a aussi averti que « les invectives, les sanctions, les menaces ne feront que compliquer la situation ».

Le Mali, pays membre du G5 Sahel (à côté de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad) est en lutte contre les groupes terroristes au Sahel, Barkhane, est aussi le foyer centrale de ces groupes dans la région.

La situation dans la zone d’action de Barkhane reste pourtant préoccupante. Au Mali, au moins 11 personnes ont été tuées jeudi par des inconnus près de Ménaka (Nord-Est).

Le Burkina Faso voisin a pour sa part subi dans la nuit de vendredi à samedi l’attaque la plus meurtrière menée par des groupes armés depuis 2015. Le bilan s’établit à au moins 160 morts, selon des sources locales.


    Goïta promet le respect de «tous les engagements»

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Le colonel a laissé place, hier, au nouveau président de la transition malienne, Assimi Goïta, qui a prêté serment pour une période déterminée au bout de laquelle il est censé rendre le pouvoir aux civils.
Au lendemain du premier coup de force intervenu en août 2020 et qui a coûté son fauteuil au président élu Ibrahim Boubacar Keita, victime de plusieurs mois de contestation menée par la coalition civile M5-RFP, un accord avait été trouvé pour une transition de 18 mois, sanctionnée par des élections prévues en février 2022. A la base de cette politique se trouvaient la Cédéao et l’Union africaine ainsi que les Nations unies qui ont fortement pesé pour un respect du dispositif constitutionnel. Le deuxième coup de force entrepris par le colonel Goïta, en mai dernier, a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel à peine éclairci du Mali qui reste, plus que jamais, confronté à une double crise socio-économique et sécuritaire dont les conséquences vont bien au-delà de ses frontières pour affecter l’ensemble de la région sahélienne.
D’où la prudence relative avec laquelle les organisations régionale, continentale et internationale ont cette fois réagi, gelant la participation du Mali aux activités de la Cédéao et de l’UA mais sans pour autant appliquer les sanctions comme cela fut le cas, lors du premier coup de force.
Il faut dire que les conséquences de ces sanctions ont été durement ressenties par la population dans son ensemble et que celle-ci n’a pas manqué d’exprimer ses griefs envers les pays qui en sont à l’origine mais aussi la France. Celle-ci a d’ailleurs exprimé sa colère au lendemain du coup de force, convaincue qu’il allait profiter à des formations islamistes, voire «jihadistes» comme se complaît à les désigner une certaine presse. Du coup, Paris a «provisoirement» mis fin à la collaboration militaire de la force Barkhane avec l’armée malienne dans la lutte contre les groupes extrémistes qui pullulent dans le pays et, par extension, dans l’ensemble des pays voisins, le Burkina et le Niger, avec lesquels le Mali partage une zone gangrenée par le fléau et surnommée «la région des trois-frontières».
Deux jours avant l’investiture, il apparaissait clairement que le colonel Goïta, désigné par la Cour constitutionnelle du Mali comme nouveau président de la transition, nommera comme Premier ministre le chef de file du M5-RFP, Choguel Kokalla Maïga, avec pour conséquence immédiate un soutien des partis et de la société civile, et plus largement de la population, aux auteurs du coup de force dont le nouveau président de transition.
Maïga s’est déjà employé à rassurer en appelant au dialogue et en regrettant le langage des menaces et des sanctions qui, assure-t-il, ne servent pas la cause du Mali.
Toute la question, selon les puissances occidentales mais aussi l’UA et la Cédéao, reste de savoir si les nouveaux dirigeants vont prendre des engagements clairs sur la manière de gérer les huit mois restants de la transition telle que conclue lors des tractations au lendemain du premier coup de force. Or le président de transition Goïta a été hier formel: «Le Mali respectera tous ses engagements».
Toujours est-il que la présence de la Coordination des Mouvements de l’Azawed (CMA), l’ancienne rébellion au nord du Mali, à la cérémonie d’investiture du président Goïta signifie que l’Accord de paix issu du processus d’Alger reste toujours de mise et c’est ce qui importe le plus pour une véritable sortie de crise du pays sahélien.

Chaabane BENSACI

Épisode : 

Coup d’Etat au Mali : l’ombre de la rivalité franco-russe


   Épisode 1 : 

Coup d’État au Mali : le jeu trouble des militaires


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