Le buste de Maurice Audin, militant de la cause algérienne, inauguré à Alger

 

Le buste de Maurice Audin, militant de la cause algérienne assassiné par l’armée coloniale française, a été inauguré dimanche à la Place Audin à Alger, et ce à la veille de la commémoration du 65ème anniversaire de sa tragique disparition.
L’inauguration s’est déroulée en présence de Pierre Audin, fils de Maurice Audin et le président de l’Association Josette et Maurice Audin, Pierre Mansat, le wali d’Alger, Ahmed Maabed, des autorités locales et militaires et des citoyens.

Le fils du militant de la cause algérienne a exprimé sa « fierté » de se retrouver sur cette place qui porte le nom, de son père, « un partisan de l’indépendance de l’Algérie », a-t-il souligné.

Pour le wali d’Alger, il s’agit d’un jour « important » qui confirme la consécration de « la grandeur et la bravoure de Maurice Audin qui a sacrifié sa vie pour la cause algérienne ».


         Pierre Audin :  «Les crimes coloniaux sont inexcusables»

Dans un entretien accordé par Pierre Audin, le fils de Maurice Audin à l’AFP, il est revenu sur la question de la vérité sur les crimes coloniaux. À ce propos, Pierre Audin a souligné que «la vérité est plus importante que d’éventuelles excuses de Paris pour les crimes de la colonisation,qui sont inexcusables», a-t-il expliqué.
Il a affirmé qu’«en dépit de cette reconnaissance et d’autres gestes mémoriels symboliques du président Macron, la France exclut toute «repentance» ou «excuses» 60 ans après la fin de la guerre d’indépendance. «Il y a un certain nombre de crimes, de méfaits qui ont été commis par la France contre l’Algérie et les Algériens. Ce qui est important, c’est de dire la vérité. Mais certainement pas de dire: je m’en lave les mains, j’ai demandé pardon. Il n’y a pas de pardon à avoir, c’est inexcusable», a-t-il martelé. Concernant les rumeurs qui ont trait à sa nationalité algérienne dont l’acquisition serait venue tardivement, il a répliqué: «Quand je suis à Alger, la ville la plus belle du monde, je suis bien, je me sens bien. Je me sens chez moi. J’ai attendu assez longtemps pour avoir mon passeport. Je n’ai ressenti vraiment le besoin d’avoir cette preuve de ma nationalité qu’après la déclaration du président Macron», et d’ajouter: «Quelques jours avant le décès de ma mère, je lui ai promis de continuer à chercher les restes du corps (…) le fait d’être algérien et de m’adresser aux autorités de mon pays avec mon passeport vert c’est quelque chose d’important», a- t-il mentionné.


                      Le «théorème» d’Audin

Avons-nous été suffisamment reconnaissants envers ces personnalités d’origine européenne qui ont bravé l’armée coloniale pour que vive l’Algérie indépendance? Ces martyrs et militants qui ont choisi d’épouser la cause de l’indépendance algérienne ne méritent-ils pas un mémorial qui leur sera spécialement dédié? Leur engagement en faveur de l’Algérie indépendante a eu un impact majeur sur l’opinion française et internationale. L’inauguration du buste de Maurice Audin, militant de la cause algérienne assassiné par l’armée coloniale française, hier, à la place Audin à Alger, et ce à la veille de la commémoration du 65ème anniversaire de sa tragique disparition, appelle à d’autres initiatives mémorielles en Algérie. L’effet Audin ne doit pas s’estomper. Il faut entretenir la flamme éternelle dans un mémorial.. Il y a quelques mois, des citoyens animés d’un patriotisme farouche ont initié une pétition dans laquelle ils exhortaient les hautes autorités du pays à accéder à cette demande d’«ériger un mémorial pour les amis de l’Algérie indépendante».

L’idée n’est pas circonscrite aux seuls Algériens. En septembre dernier, l’actuel directeur du prestigieux mensuel Le Monde diplomatique, Serge Halimi, fils de la défunte militante de la cause algérienne, Gisèle Halimi, avait déjà suggéré ce projet. Dans une lettre de remerciements adressée au président Abdelmadjid Tebboune, Serge Halimi lui a exprimé sa gratitude. «Il est bon de rappeler que quelques Français démontrèrent leur courage et leur universalisme, en même temps qu’ils défendirent l’honneur de leur pays, lorsqu’ils prirent le parti du peuple algérien alors que leur armée s’embourbait dans la voie de la répression et des tortures», écrit Halimi dans sa lettre de remerciements au président Tebboune, avant de formuler discrètement et habilement une demande: «Si ma mère n’est plus là, cette mémoire mérite, je crois, de rester vivante. Pourquoi pas donc un grand mémorial pour ces personnalités, qui va clôturer les festivités du 60 eme anniversaire de l’indépendance, qui s’étalent sur toute une année?» Le mémorial dont il est question «se veut un lieu de recueillement, d’évocation de souvenirs autour d’idéaux partagés, de ressourcement, de rencontres, de diffusion et de partage de connaissances et de documentation». L’initiative est louable, la symbolique est très forte, surtout dans le contexte actuel où la question mémorielle est un enjeu crural dans les relations algéro- françaises.

Brahim TAKHEROUBT


     Algérie : pour le fils de Maurice Audin, la « vérité » sur les crimes coloniaux plus importante que des excuses

« Quelques jours avant le décès de ma mère, je lui ai promis de continuer à chercher les restes du corps », a déclaré Pierre Audin à Alger
Lors de l’inauguration de la stèle en mémoire du militant communiste pro-indépendance algérienne Maurice Audin à Alger, le 5 juin 2022 (AFP)
Lors de l’inauguration de la stèle en mémoire du militant communiste pro-indépendance algérienne Maurice Audin à Alger, le 5 juin 2022 (AFP)
Par AFP

Le fils de Maurice Audin, militant anti-colonial assassiné par l’armée française en Algérie en 1957, estime que la « vérité » est plus importante que d’éventuelles excuses de Paris pour les crimes de la colonisation, « inexcusables » à ses yeux.

Pierre Audin, mathématicien comme son père, aujourd’hui à la retraite, vient d’obtenir son passeport algérien après une longue attente.

Il se trouve depuis fin mai en Algérie, où il a assisté dimanche à l’inauguration d’un buste à l’effigie de son père sur la place qui porte son nom au cœur de la capitale et qui fut l’épicentre du hirak, le mouvement de contestation pro-démocratie qui a contraint à la démission l’ex-président Abdelaziz Bouteflika.

Dans un geste mémoriel, le président français Emmanuel Macron a reconnu en septembre 2018, « au nom de la République française », que le jeune mathématicien communiste Maurice Audin avait été « torturé à mort, ou torturé puis exécuté par l’armée française » en 1957.

Il avait aussi demandé « pardon » à Josette Audin, sa veuve.

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Pour Pierre Audin, cette reconnaissance n’a que trop tardé.

« J’avais un mois et demi. J’ai 65 ans aujourd’hui. Et lorsque le président est venu chez ma mère, j’avais déjà 61 ans et j’étais déjà à la retraite. Donc j’étais à peine né quand ça avait commencé et quand le pouvoir français a accepté de reconnaitre ce qu’il avait fait dans le cas de Maurice Audin, j’étais déjà à la retraite… il y avait une vie qui était passée quoi », souligne-t-il.

En dépit de cette reconnaissance et d’autres gestes mémoriels symboliques du président Macron, la France exclut toute « repentance » ou « excuses » 60 ans après la fin de la guerre d’Algérie (1954-1962).

« Il y a un certain nombre de crimes, de méfaits qui ont été commis par la France contre l’Algérie et les Algériens. Ce qui est important, c’est de dire la vérité. Mais certainement pas de dire : je m’en lave les mains, j’ai demandé pardon. Il n’y a pas de pardon à avoir, c’est inexcusable », a déclaré Pierre Audin dans un entretien à l’AFP à Alger.

Pierre Audin ne cache pas sa joie de retrouver son pays natal, où il se rend pour la première fois en tant qu’Algérien. « Quand je suis à Alger, la ville la plus belle du monde, je suis bien, je me sens bien. Je me sens chez moi », lance-t-il.

« J’ai attendu assez longtemps pour avoir mon passeport. Je n’ai ressenti vraiment le besoin d’avoir cette preuve de ma nationalité qu’après la déclaration du président [Macron] », ajoute-t-il

Il espère que sa nationalité algérienne l’aidera dans la recherche des restes, jamais retrouvés, de son père.

« Quelques jours avant le décès de ma mère, je lui ai promis de continuer à chercher les restes du corps […] le fait d’être Algérien et de m’adresser aux autorités de mon pays avec mon passeport vert, c’est quelque chose d’important », explique-t-il.

« À partir du moment où il y a un doute, je pense ça vaut le coup d’aller faire des fouilles aux divers endroits indiqués par différents témoins. C’est un début. Il faut que les gouvernements mettent la main dans la main » pour glaner des renseignements sur le sort des Algériens qui ont disparu durant la bataille d’Alger, ajoute-t-il.

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Depuis 2018, Emmanuel Macron a également reconnu la responsabilité de l’armée française dans la mort de l’avocat nationaliste Ali Boumendjel durant la bataille d’Alger, une stèle a été érigée en France à la mémoire d’Abdelkader, héros national algérien de la lutte contre la colonisation française, et les cranes de résistants algériens du XIXe siècle restitués à l’Algérie.

Et en décembre dernier, la France a ouvert ses archives sur la guerre d’Algérie pour « regarder la vérité en face ».

En dépit de ces gestes, le dossier mémoriel reste une source de récurrentes tensions entre la France et l’Algérie, qui s’apprête à célébrer le 5 juillet le 60e anniversaire de son indépendance après 132 ans de colonisation.

« Il y a beaucoup de pression dans tous les sens concernant la politique mémorielle » initiée par le président français, regrette Pierre Audin.

« Quand Macron fait une avancée dans le bon sens et qu’en face les Algériens font la fine bouche, il n’y a pas de raison qu’il continue alors qu’il subit les pressions de la droite et de l’extrême droite », explique-t-il.

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