Face à la quatrième révolution économique mondiale : Quelle politique industrielle pour l’Algérie ?

par Abderrahmane Mebtoul *

     Les choix techniques d’aujourd’hui engagent la société sur le long terme. Les changements économiques survenus depuis quelques années dans le monde ainsi que ceux qui sont appelés à se produire dans un proche avenir, doivent nécessairement trouver leur traduction dans des changements d’ordre systémique destinés à les prendre en charge et à organiser leur insertion dans un ordre social qui est lui-même en devenir.

Pour des raisons de sécurité nationale, l’Algérie n’a pas d’autres choix que de réussir les réformes dont celle de la numérique et transition énergétique, qui seront douloureuses à court terme mais porteuses d’espoir à moyen et long terme pour les générations présentes et futures.1.- L’émergence d’une économie et d’une société mondialisée produit du développement du capitalisme, processus non encore achevé, et la fin de la guerre froide depuis la désintégration de l’empire soviétique, remettent en cause d’une part la capacité des Etats-nations à faire face à ces bouleversements et d’autre part les institutions internationales héritées de l’après-guerre. Ce n’est plus le temps où la richesse d’une Nation s’identifie aux grandes firmes des Nations, les grandes firmes ayant été calquées sur l’organisation militaire et ayant été décrites dans les mêmes termes : chaîne de commandement, classification des emplois, portée du contrôle avec leurs chefs, procédures opératoires et standards pour guider tous les dossiers. Tous les emplois étaient définis à l’avance par des règles et des responsabilités préétablies. Comme dans la hiérarchie militaire les organigrammes déterminent les hiérarchies internes et une grande importance était accordée à la permanence du contrôle, la discipline et l’obéissance. Cette rigueur était indispensable afin de mettre en œuvre les plans avec exactitude pour bénéficier des économies d’échelle dans la production de masse et pour assurer un contrôle strict des prix sur le marché. Comme dans le fonctionnement de l’armée, la planification stratégique demandait une décision sur l’endroit où vous voulez aller, un suivi par un plan pour mobiliser les ressources et les troupes pour y arriver. A l’ère mécanique totalement dépassée, la production était guidée par des objectifs préétablis et les ventes par des quotas déterminés à l’avance. Les innovations n’étaient pas introduites par petits progrès, mais par des sauts technologiques du fait de la rigidité de l’organisation. Au sommet de vastes bureaucraties occupaient le rectangle de l’organigramme, au milieu des cadres moyens et en bas les ouvriers.

L’enseignement, du primaire au supérieur en passant par le secondaire, n’était que le reflet de ce processus, les ordres étant transmis par la hiérarchie, les écoles et universités de grandes tailles pour favoriser également les économies d’échelle. Actuellement une nouvelle organisation est en train de s’opérer montrant les limites de l’ancienne organisation avec l’émergence d’une dynamique nouvelle des secteurs afin de s’adapter à la nouvelle configuration mondiale. Nous assistons au passage successif de l’organisation dite tayloriste marquée par une intégration poussée, à l’organisation divisionnelle, puis matricielle qui sont des organisations intermédiaires et enfin à l’organisation récente en réseaux où la firme concentre son management stratégique sur trois segments : la recherche développement (cœur de la valeur ajoutée), le marketing et la communication et sous-traite l’ensemble des autres composants. Et ce avec des organisations de plus en plus oligopolistiques, quelques firmes contrôlant la production, la finance et la commercialisation tissant des réseaux comme une toile d’araignée. Les firmes ne sont plus nationales, même celles dites petites et moyennes entreprises reliées par des réseaux de sous-traitants aux grandes. Les firmes prospères sont passées de la production de masse à la production personnalisée (Pr Reich ex-secrétaire d’Etat US). Ainsi, les grandes firmes n’exportent plus seulement leurs produits mais leur méthode de marketing, leur savoir-faire sous formes d’usines, de points de vente et de publicité.

Parallèlement à mesure de l’insertion dans la division internationale du travail, la manipulation de symboles dans les domaines juridiques et financiers s’accroît proportionnellement à cette production personnalisée. Indépendamment du classement officiel de l’emploi, la position compétitive réelle dans l’économie mondiale dépend de la fonction que l’on exerce. Au fur et à mesure que les coûts de transport baissent, les produits standards et de l’information qui les concernent, la marge de profit sur la production se rétrécit en raison de l’absence de barrières à l’entrée En ce XXIème siècle, la production standardisée se dirige inéluctablement là où le travail, moins cher, le plus accessible et surtout bien formée. La qualification devient un facteur déterminant. L’éclatement des vieilles bureaucraties industrielles en réseaux mondiaux leur a fait perdre leur pouvoir de négociation expliquant également la crise de l’Etat providence (avec le surendettement des Etats) et de l’ancien modèle social démocrate qui se trouve confronté à la dure réalité de la gestion gouvernementale. Ce qui explique que certains pays du Tiers Monde qui tirent la locomotive de l’économie mondiale se spécialisent de plus en plus dans ces segments nouveaux, préfigurant horizon 2020/2030 de profonds bouleversements géostratégiques dont un nouveau modèle de consommation énergétique reposant sur un Mix énergétique devant éviter l’erreur stratégique de l’actuel ministère de l’Energie algérien de raisonner sur un modèle de consommation libertaire. Il s’ensuivra inévitablement une recomposition du pouvoir économique mondial avec la percée de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de la Russie et de certains pays émergents expliquant le passage d’ailleurs du G8 au 20 dans les grandes réunions économiques internationales.

L’essoufflement actuel de certains pays émergents à travers les nouvelles stratégiques mondiales tant dans le domaine de la sphère réelle que monétaire n’est que le reflet de cette recomposition. Les emplois dans la production courante tendent à disparaître comme les agents de maîtrise et d’encadrement impliquant une mobilité des travailleurs, la généralisation de l’emploi temporaire, et donc une flexibilité permanente du marché du travail avec des recyclages de formation permanents étant appelés à l’avenir à changer plusieurs fois d’emplois dans notre vie. Ainsi, apparaissent en force d’autres emplois dont la percée des producteurs de symboles dont la valeur conceptuelle est plus élevée par rapport à la valeur ajoutée tirée des économies d’échelle classiques, remettant en cause les anciennes théories et politiques économiques héritées de l’époque de l’ère mécanique comme l’ancienne politique des industries industrialisantes calquée sur le modèle de l’ancien empire soviétique alors que le XXIème siècle est caractérisée par le dynamisme des grandes firmes mais surtout les PMI/PME consacrant un budget à la recherche développement, reliés en réseaux à ces grandes firmes. Les expériences allemande et japonaise, chacune tenant compte de son anthropologie culturelle, sont intéressantes à étudier, se fondant sur un partenariat, grandes firmes/PMI/PME. Avec la prédominance des services qui ont un caractère de plus en plus marchand contribuant à l’accroissement de la valeur ajoutée, la firme se transforme en réseau mondial, étant impossible de distinguer les individus concernés par leurs activités, qui deviennent un groupe diffus, répartis dans ce village mondial, dominé par des réseaux croisés consommateurs/producteurs, transformant le système d’organisation à tous les niveaux, politique, économique et social.

2.- L’Algérie a besoin d’une autre vision évitant ces slogans dépassés que le moteur du développement quand le bâtiment va tout va ou les matières premières, les industries mécaniques classiques, dont celle des voitures en grande partie des montages de très faibles capacités, fortement capitalistiques où l’Algérie supporte tous les surcoûts avec la règle des 49/51% dont la révision s’impose. Sans une réorientation de la politique économique, se fondant sur la bonne gouvernance et la valorisation de la connaissance, l’Algérie risque de se retrouver dans une impasse horizon 2022/2024 avec le risque de l’épuisement des réserves de change. Donc il s’agit d’éviter la vision bureaucratique, de croire que l’élaboration de lois soit la seule solution alors que la solution durable est de s’attaquer au fonctionnement de la société avec des actions concrètes sur le terrain loin des discours et promesses utopiques. Combien d’organisations et de codes d’investissement depuis l’indépendance politique sans impacts réels. Tirons six leçons pour l’Algérie. Premièrement, la politique industrielle doit tenir compte des engagements internationaux de l’Algérie et évaluer sans passion les impacts des accords de libre-échange avec l’Europe, avec le monde arabe avec le continent Afrique, ainsi que les déséquilibres de la balance commerciale avec d’autres pays comme la Chine et la Russie, accords qui nécessitent des dégrèvements tarifaires progressifs ne pouvant pénétrer les marchés mondiaux où règne une concurrence acerbe qu’avec des entreprises publiques et privées performantes, innovantes. Sans compter l’assainissement des entreprises publiques qui ont coûté selon le Premier ministère plus de 250 milliards de dollars au Trésor durant ces 30 dernières années, plus de 80% étant revenues à la case départ, les réévaluations incessantes du fait de la non maîtrise des coûts, durant les 10 dernières années plus de 65 milliards de dollars, l’annonce de 4 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures pour 2021 doit tenir compte non seulement de la valeur – car certaines produits, comme les engrais et autres ont vu leurs prix augmenter au niveau du marché international de 30% à 50% – mais aussi en volume C’est la seule référence pour voir s’il y a eu réellement augmentation des exportations et performances des entreprises algériennes, et pour la balance nette pour l’Algérie soustraire les matières premières importées en devises et des exonérations fiscales. Or, les recettes en devises des dérivés d’hydrocarbures ont été avec plus 2 milliards de dollars en 2020 (rapport officiel de Sonatrach) et environ de 2,5 milliards de dollars pour 2021 et en ajoutant les semi-produits à faible valeur ajoutée plus de 3,5 milliards de dollars, représentant entre 97/98% du total.

Deuxièmement, la forte croissance peut revenir en Algérie. Mais elle suppose la conjugaison de différents facteurs : une population active dynamique, un savoir, le goût du risque et des innovations technologiques sans cesse actualisées, le combat contre toute forme de monopole néfaste, une concurrence efficace, un système financier rénové capable d’attirer du capital et une ouverture à l’étranger. Ces réformes passent fondamentalement par une démocratie vivante, une stabilité des règles juridiques et l’équité, les politiques parleront de justice sociale. La conduite d’ensemble de ces réformes ne peut ni être déléguée à tel ou tel ministre ni mise dans les mains de telle ou telle administration. Elle ne pourra être conduite que si, au plus haut niveau de l’État, une volonté politique forte les conduit et convainc les Algériens de leur importance d’où avec l’ère d’internet une communication active transparente permanente. Ensuite, chaque ministre devra recevoir une « feuille de route » personnelle complétant sa lettre de mission et reprenant l’ensemble des décisions qui relèvent de sa compétence. Au regard de l’importance des mesures à lancer et de l’urgence de la situation, le gouvernement devra choisir le mode de mise en œuvre le plus adapté à chaque décision : l’accélération de projets et d’initiatives existantes, le vote d’une loi accompagnée, dès sa présentation au Parlement, des décrets d’application nécessaires à sa mise en œuvre et pour les urgences seulement des décisions par ordonnance pourront être utilisées.

Troisièmement, les actions coordonnées et synchronisées dans le temps exigent le courage de réformer vite et massivement, non des replâtrages conjoncturelles mais de profondes réformes structurelles à tous les niveaux en ayant une vision stratégique pour le moyen et le long terme, devant donc réhabiliter la planification et le management stratégique. L’Algérie peut y parvenir dans un délai raisonnable. Elle en a les moyens. Pour cela, elle doit réapprendre à envisager son avenir avec confiance, libérer l’initiative, la concurrence et l’innovation car le principal défi du XXIème pour l’Algérie sera la maîtrise du temps. Le monde ne nous attend pas et toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Retarder les réformes ne peut que conduire à la désintégration lente, à l’appauvrissement, une perte de confiance en l’avenir puisqu’avec l’épuisement de la rente des hydrocarbures, l’Algérie n’aura plus les moyens de préparer ces réformes et vivra sous l’emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Cette croissance exige l’engagement de tous, et pas seulement celui de l’État en organisant les solidarités devant concilier efficacité économique et équité par une participation citoyenne et un dialogue productif permanent.

Quatrièmement, le pouvoir algérien a vécu longtemps sur l’illusion de la rente éternelle. La majorité des Algériens dont le revenu est fonction à plus de 70% de la rente des hydrocarbures doivent savoir que l’avenir de l’emploi et de leur pouvoir d’achat n’est plus dans la fonction publique, et que celui des entreprises n’est plus dans les subventions à répétition. L’essentiel de l’action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d’avenir, d’apprendre davantage, de s’adapter, de travailler plus et mieux, de créer, de partager, d’oser. La nature du pouvoir doit également changer supposant une refonte progressive de l’Etat par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, impliquant qu’il passe de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, conciliant les coûts sociaux et les coûts privés, étant le cœur de la conscience collective, par une gestion plus saine de ses différentes structures.

Cinquièmement, pour s’inscrire dans la croissance mondiale, l’Algérie doit d’abord mettre en place une véritable économie de la connaissance, développant le savoir de tous, de l’informatique au travail en équipe, de l’arabe, du français, du chinois à l’anglais, du primaire au supérieur, de la crèche à la recherche. Elle doit ensuite faciliter la concurrence, la création et la croissance des entreprises, par la mise en place de moyens modernes de financement, la réduction du coût du travail et la simplification des règles de l’emploi. Elle doit favoriser l’épanouissement de nouveaux secteurs clés, dont : le numérique, la santé, la biotechnologie, les industries de l’environnement, les services à la personne avec le vieillissement de la population. Simultanément, il est nécessaire de créer les conditions d’une mobilité sociale, géographique et concurrentielle et de permettre à chacun de travailler mieux et plus, de changer plus facilement d’emploi, en toute sécurité. Pour mener à bien ces réformes, l’État et les collectivités locales doivent être très largement réformés. Il faudra réduire leur part dans la richesse commune, concentrer leurs moyens sur les groupes sociaux qui en ont réellement besoin, faire place à la différenciation et à l’expérimentation, évaluer systématiquement toute décision, a priori et a posteriori.

Sixièmement, la justice sociale, ne signifiant pas égalitarisme, source de démotivation, n’est pas l’antinomie de l’efficacité économique. Mais toute Nation ne peut distribuer plus que ce qu’elle produit, si elle veut éviter la dérive sociale. Il s’agira de concilier l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, en intégrant la sphère informelle représentant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, plus de 30% du PIB et non compris les hydrocarbures entre 40/50% de la superficie économique et de l’emploi, que l’on ne combat pas par des mesures administratives qui ont pour effet son extension.

En résumé, gouverner c’est prévoir d’où l’importance pour l’Algérie de se préparer à ces nouvelles mutations évitant de vivre sur l’utopie du passé car le monde devrait connaître entre 2025/2030/2040 un profond bouleversement du pouvoir économique mondial. L’Algérie dispose des compétences lui permettant de dépasser la crise pétrolière. Il est nécessaire d’avoir une vision positive de l’avenir et d’éviter les positions et comportements défaitistes. L’Algérie dispose de tous les atouts pour créer la richesse hors économie de la rente devant s’adapter au nouveau monde avec la transition numérique (lutter contre les cyberattaques) et énergétique à l’horizon 2030. L’entrave principale au développement en Algérie provient de l’entropie qu’il s‘agit de dépasser impérativement, renvoyant pas seulement aux facteurs économiques mais également sociaux et politiques dont une autre gouvernance par la profonde moralisation des dirigeants et de la société. Espérons des actions concrètes pour l’avenir, loin des discours populistes et des séminaires sans aucune portée, afin de dynamiser l’économie nationale car en ce mois de décembre 2021 la configuration socio-économique est globalement la même, depuis de longues décennies, une économie de nature publique rentière.

*Professeur des universités, expert international


        POLITIQUE DE RÉINDUSTRIALISATION

La nécessaire mobilisation des compétences et des élites

 Par : M’HAMED ABACI

ANCIEN CADRE FINANCIER À SONATRACH

La transition socioéconomique pour conduire le pays vers l’étape de l’après-pétrole et notre insertion dans la mondialisation est, aujourd’hui, l’une des tâches les plus nécessaires, mais aussi l’une des plus difficiles.

 

Dans un contexte mondialisé en constante évolution, il est difficile, d’emblée, de demeurer indifférent face à plus d’un demi-siècle d’indépendance et de gouvernance, une étape qui revêt une importance exceptionnelle, et une responsabilité historique, tant elle marque une grande période de l’histoire politique et économique avec le passé, le présent et le futur de l’Algérie. Un héritage est pourtant là : la politique des années 1970 a jeté les bases de l’industrialisation du pays, dont un tissu industriel et manufacturier et un potentiel agricole de dix millions d’hectares doté de mécanisation moderne classant l’Algérie après l’Espagne. Un paradoxe dans un pays d’une superficie de 2,5 millions de kilomètres carrés, le plus vaste d’Afrique et qui fait cinq fois la France en superficie et compte d’immenses richesses : pétrole, gaz, phosphates, énergie solaire… Le gouvernement va-t-il enfin aller vers un programme d’ajustement structurel interne (PAS) ? D’où il est nécessaire et important d’aller vers la création d’un ministère de l’Économie couplé à celui des Finances, afin de se mettre à un niveau mondial.

Où se situe la faille ? Explications
Notre économie est loin des réalités des marchés et des évolutions mondiales. En effet, l’Algérie est l’un des seuls pays au monde qui n’a pas abandonné le socialisme (l’Etat-providence), c’est dire que l’économie joue en Algérie un rôle politique et social, alors que nous sommes censés être dans une économie de marché depuis 1989, date de la première Constitution consacrant les réformes économiques et politiques. Il y a là une négation et un constat.

D’abord force est de constater que les entreprises algériennes, petites et moyennes, constituent un non-sens parce qu’on a vu rarement, la petite entreprise devenir moyenne et la moyenne devenir grande, sinon ce serait faire fi de notre développement économique. C’est-à-dire que l’assise industrielle est absente ou, encore, que l’on ne fait pas la distinction entre l’entreprise et l’usine. Donc nos entreprises ne sont ni entrepreneuriales ni technologiques, laissant apparaître un besoin de pas moins de 2 millions d’entreprises de taille Pme/Pmi pour faire face au défi de la croissance économique.

L’entreprise algérienne souffre, de manière générale, de déficiences  et de contraintes en harmonie avec les normes et les valeurs internationales, notamment elle ne s’imprègne pas assez de  cette réalité, particulièrement de ce qui se fait de par le monde en matière de technologies, de management, de savoir-faire et de formation afin de s’insérer dans la division du travail à l’échelle internationale et à l’exercice d’un management moderne  au sens du droit des affaires en bon pouvoir économique et financier.

Le secteur public souffre de sérieux problèmes de gouvernance et de management et le secteur privé, longtemps demeuré réduit, n’arrive toujours pas à créer une économie de l’offre et de l’innovation. Contrairement aux pays voisins, le secteur économique algérien éprouve du mal à attirer les investisseurs et à concrétiser ses objectifs sur le terrain. Il va sans dire que la transition socioéconomique pour conduire le pays vers une nouvelle étape, celle de l’après-pétrole, et notre insertion dans la mondialisation est certainement, aujourd’hui, l’une des tâches les plus nécessaires, mais aussi l’une des plus difficiles. À tel point que gérer nos entreprises sans contrainte et sans l’aide de l’État est devenu un sérieux problème pour nos dirigeants.

Oui, ni le gestionnaire ni l’entrepreneur, encore moins le collectif des travailleurs n’ont encore acquis la culture et l’esprit d’entreprise pour une meilleure intégration dans l’économie de marché.

Les conseils d’administration doivent exercer leur métier de manager attaché à l’esprit d’entreprise et, par conséquent, augmenter leur pouvoir d’action économique et financier dans l’économie nationale et à l’international. Pourtant, tous les pays ayant atteint aujourd’hui un haut niveau de développement économique et social ont reconnu la nécessité et l’intérêt grandissant d’une économie de marché qui œuvre au développement économique des entreprises et à la lutte contre la bureaucratie.

Ainsi, se pose la question de savoir que valent réellement nos entreprises dans l’économie de marché et leur contribution à l’économie nationale.

L’économie algérienne entame sa 32e année de libéralisme économique. Notre économie demeure imparfaite et petite dans un environnement générateur d’un climat des affaires bureaucratique étouffant, à l’heure où l’économie  est celle d’un monde globalisé. Par ailleurs, l’on sait que l’Algérie est un pays avec une législation économique et financière surchargée et instable, tantôt de droit public, tantôt de droit privé, ce qui affaiblit l’économie, les stratégies et les performances de nos entreprises. Ceci dit, l’économie ne se décrète pas, elle se crée et se développe avec le capital humain.

Le marché des capitaux n’est crédible que s’il y a des entreprises privées viables économiquement ; celles qui produisent de l’endettement, des déficits comptables et des découverts bancaires quasi-chroniques doivent être privatisées. Par contre, nos entreprises sont organisées pour la plupart en Sarl (51%), en Eurl (35%), en SNC (9%) et seules 5% en SPA, alors que les emprunteurs de capitaux sont soit des sociétés par actions, soit cotées en Bourse.

Pour notre grand malheur, économiquement, l’Algérie doit son salut à ses hydrocarbures, parce que c’est Sonatrach qui nourrit à ce jour notre pays. On ne peut par conséquent qu’être inquiet pour son devenir, car nous devons être conscients des conséquences fâcheuses de l’après-pétrole. Nous sommes encore loin d’une économie qui transforme la rente en richesse durable, sachant que les perspectives économiques de l’Algérie continuent à dépendre principalement des cours du pétrole sur les marchés mondiaux.

Pour notre plus grand malheur encore, la richesse est attribuée au pétrole, pas aux efforts des hommes et des valeurs du travail. Il en découle que si un homme possède trop, ce n’est pas parce qu’il a travaillé dur, mais parce qu’il a su capter plus de rente que les autres. On capte la rente par ses connaissances, non pas par ses efforts.

En effet, l’Algérie, qui a consacré ces dernières décennies entre 25 et 35% de son PIB à l’investissement, est distancée par de nombreux pays à l’instar du Kenya, de l’Afrique du Sud, du Nigéria… qui possèdent pourtant beaucoup moins de richesses que l’Algérie. Un secteur industriel, dont l’impact économique et financier est douloureux, est ainsi passé de 18% du PIB dans les années 1970 à 10% en 1996, pour chuter à 5% en 2000 et un taux d’intégration ne dépassant guère les 15%, ce qui reste relativement faible, contre 40%, voire 80% dans le secteur de la mécanique dans les années 1970.

L’agriculture, fortement subventionnée, ne contribue qu’à hauteur de 12% du PIB ; sa productivité reste faible et dans sa quasi-totalité elle est versée dans l’informel. La productivité par heure de travail est en moyenne de 6 dollars en Algérie, contre 12 dollars en Tunisie et 60 dollars en France.

La transition, le changement, est certainement aujourd’hui l’une des tâches les plus nécessaires, mais aussi l’une des plus difficiles dans le contexte actuel. Doit apparaître comme le plus grand défi à relever et une grande priorité nationale de la prochaine transition incarnant un nouveau projet socioéconomique, dont les socles sont la démocratie économique et le libéralisme économique qui œuvre à la création de richesse et, par conséquent, préserve l’argent public de tout préjudice et du gaspillage.
Que faire face à cette réalité ?

Pour y parvenir, nous avons besoin de deux grands ateliers, dans le souci de contribuer à créer un espace d’échange et de réflexion sur les questions économiques pour mieux répondre aux besoins nouveaux dans les affaires économiques, pour fonder une économie moderne et s’armer surtout dans la perspective de l’adhésion de notre pays à l’OMC.

Premier atelier : la réforme de l’entreprise pour la relance de la diversification de l’économie nationale et la création d’entreprises aux valeurs internationales. Cela suppose la simplification des conditions d’installation ; la liberté de création, le respect du droit des entreprises ; la protection des droits de propriété industrielle et intellectuelle ; le respect des règles et lois sur la concurrence et la transparence ; la qualité du système fiscal ; la qualité du système bancaire ; laisser émerger les libertés d’initiative et les idées novatrices avec l’implication des élus et des organisations professionnelles.

Deuxième atelier : définir et promouvoir les finalités de l’économie de marché et de la connaissance pour réaliser l’insertion nationale dans l’économie mondiale qui se joue en faveur des pays modernes. S’engager sur des réformes devant intégrer nécessairement de nouvelles politiques de gouvernance publique, propices et efficaces, pour s’attaquer aux contraintes structurelles actuelles pour l’exercice d’une réelle démocratie économique, un atout-clé de l’efficacité de l’Etat. La qualité de la réglementation ; le rôle et la place des intellectuels et des élites. Introduire la rigueur financière et la discipline budgétaire pour la gestion des fonds publics en matière de respect des règles et mécanismes et, par conséquent, lutter contre la bureaucratie et la corruption.


                   par R. N.

Le 1er ministre et ministre des Finances a promis hier «une croissance de 15% dans le secteur de l’industrie par rapport au PIB dans les deux années à venir» et ce, «après un changement radical dans la structuration du secteur».

De 6% de croissance qu’il a annoncés pour cette année dans le secteur de l’industrie, Aymene Benabderrahmane a promis lors de la clôture de la conférence nationale de la relance du secteur en question qui a eu lieu hier au CIC Abdelatif Rahal, après trois jours de travaux, que l’industrie va rapidement enregistrer une croissance de 12% qui passera «à 15% dans les deux ans à venir». Ce taux de croissance sera selon lui enregistré, après «une refonte profonde du parc public industriel dans ses dimensions financières, économiques et sociales, la création d’une commission nationale pour les projets bloqués, l’évaluation des entreprises, leurs pertes et leurs profits, la prise de mesures nécessaires pour accompagner les projets en phase de réalisation, le recensement avant la fin de cette année des failles qui ont empêché l’exploitation du foncier industriel, l’élaboration d’une cartographie des produits industriels locaux pour les besoins du marché national et pour l’exportation, la révision des mesures incitatives et leur redistribution à travers les régions du pays, la révision de la dépense fiscale».Ces nombreux chantiers seront inscrits, a-t-il dit, «dans une démarche de relance globale intersectorielle» pour la mise en œuvre de laquelle il s’est engagé à «redonner confiance aux gestionnaires publics et privés et aux investisseurs avec l’aide des responsables centraux et locaux et la levée des obstacles devant les investissements et l’élimination de la bureaucratie administrative».

Refonte du secteur de l’industrie

Le 1er ministre a charpenté son discours sur la base de plus d’une centaine de recommandations qui ont été retenues par les 4 ateliers qui ont débattu pendant deux jours des problématiques liées entre elles et devant permettre la relance de l’industrie. Il a aussi étayé les décisions qu’il a annoncées en notant que «la dépense fiscale a atteint entre 2018 et 2019 au titre des investissements, 1.500 milliards de dinars soit 10 milliards de dollars mais sans aucune création de richesse ou d’emploi». Il a en outre fait savoir que le recensement du foncier industriel a déterminé 628 zones d’activités et 56 zones industrielles, le tout s’étend sur 67.000 hectares». Il existe selon lui 14.700 hectares de foncier qui n’ont pas été exploités. Pour lui «l’agence nationale du foncier industriel (dont la création a été annoncée par le président de la République) est la solution radicale pour instaurer la transparence loin des intervenants des différentes administrations». Il fera savoir par ailleurs que «les exportations hors hydrocarbures ont atteint cette année 4 milliards de dollars». Il a lancé une multitude de montants faramineux «octroyés par les banques entre 2019 et 2021 sous forme de crédits de réalisation de projets et crédits d’exploitation». Un nouveau mode de financement prendra essence, selon lui, à partir de l’entrée en Bourse des entreprises.

Avant lui, le ministre de l’Industrie Ahmed Zaghdar a annoncé «la mise en place d’un nouveau dispositif législatif pour mettre en œuvre les recommandations des ateliers».

Un recensement des compétences

Les rapporteurs ont fait lecture de toutes celles qui ont été retenues entre autres «la nécessité d’élaborer en premier des stratégies sectorielles devant converger vers une stratégie nationale, ceci pour «éviter le travail individuel et les décisions unilatérales», la levée des obstacles bureaucratiques, la mise sur pied d’un guichet unique «pour éviter que les décisions ne s’entremêlent pas», la création d’une plate-forme numérique «pour recenser tous les produits industriels locaux et importés», le recensement par l’Etat des investissements prioritaires et des secteurs compétitifs, l’obligation d’assurer la qualité aux produits locaux, fixer les conditions de partenariat avec les investisseurs étrangers notamment en matière de transfert de technologies, encourager les métiers d’exportation, la création de zones de libre-échange au niveau des régions frontalières, réformer le système bancaire et ouverture de succursales bancaires à l’étranger(…)». Les ateliers ont réclamé l’accélération des travaux pour la réalisation du port du centre Hamdania (Cherchell) et la création d’une zone de libre-échange à son niveau. Port qui s’étend, selon l’orateur, sur 2.000 hectares et possède 255 espaces logistiques.

Autres recommandations, celles au titre de la gouvernance économique, «éviter la révision répétitive de l’arsenal juridique, il faut une révision du système fiscal, diagnostic de tout ce qui a été entrepris par l’Etat en tant qu’actionnaire et régulateur, situer les missions et responsabilités de tous les acteurs dans le secteur, créer un fonds ou une agence pour la gestion des participations de l’Etat, création d’une plate-forme d’enregistrement de toutes les compétences du pays et sa mise à la disposition des conseils d’administration des entreprises pour qu’ils puisent les cadres dont ils ont besoin».

Le 1er ministre a annoncé la tenue «prochainement» des assises de l’agriculture et la sécurité alimentaire, du tourisme et des mines.

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