Résolution de la Crise du Golfe : Vœu pieux ou reconfiguration du Moyen Orient ?

 

Il faut croire, que bientôt sonnera la fin de la récréation dans la région du Golfe d’Arabie. Les tractations semblent aller bon train, chapeautées par l’Arabie Saoudite et ses alliés au vu de l’annonce récente du Ministre saoudien des Affaires Etrangères, le Prince Fayçal Ben Farhan Al-Saoud.

Le royaume sunnite, berceau des deux lieux saints de l’Islam, voit en la résolution de ce qu’il qualifie de crise du Golfe, une opportunité d’aboutir à un accord durable et une union pérenne avec le Qatar. Et idéalement pouvoir faire front commun aux futures consultations de la nouvelle administration américaines sous l’impulsion du Président démocrate Joe Biden , qui se dit favorable à  un retour dans l’accord sur le nucléaire Iranien.

 

Une crise diplomatique qui en vérité, cache une farouche rivalité historique à l’endroit du Qatar, qui fort de son activisme diplomatique aux alliances internationales et stratégiques, a su déjouer toutes les offensives hostiles de ses frères de sang, animés par le rêve d’une mise sous tutelle illusoire.

 

Un conflit de trois longues années dans lequel l’Arabie Saoudite et ses alliés n’ont pas hésité,  dès les premiers instants, à outrepasser les canaux du dialogue et dresser un procès d’intention par contumace au lourd réquisitoire.

 

Tout a commencé, par un prétendu communiqué en Juin 2017,  attribué à l’émir  Tamim Ben Hamad Al Thani relayé par l’Agence de Presse Qatarie, faisant référence en substance, à la proximité du petit émirat, des Frères Musulmans, de  l’Iran, du Hezbollah, du Hamas voire même des Houthis du Yemen. Par voie de conséquence, le Qatar est accusé en filigrane, de soutien financier aux chiites, aux wahabites, ennemis jurés des monarchies sunnites.

 

Une déclaration que le Qatar s’est empressé de démentir, invoquant un acte de piratage de l’Agence de Presse Qatarie. Une attaque informatique confirmée un mois plus tard par les services secrets américains dans un article du Washington Post, pointant du doigt les Emirats Arabes Unis. Une accusation étayée par la fuite d’emails de l’ambassadeur Emirati à Washington, où il était question de mise en place de moyens nécessaires pour forcer la rupture des relations diplomatiques entre le Qatar et l’administration Américaine.

 

Une mise en quarantaine s’en est suivie, illustrée par un embargo économique sans précédent. Un blocus « à effet transitoire » selon le FMI car la capacité d’exportation du GNL a tourné à plein régime, soutenue par la stabilité de la demande en consommation, conjuguée à l’accès à l’un des plus importants fonds souverains de la planète et appuyer le secteur bancaire Qatari, qui il faut reconnaître, a fait preuve d’une grande résilience.

 

Cet épisode révèle la complexité des relations entre les pétromonarchies à la lutte de leadearship à peine dévoilée, dans laquelle le Qatar, l’enfant terrible, est considéré par ses voisins, comme l’électron libre, le refuge des opposants des pays arabes, le mécène des révolutions populaires, le miracle des causes perdues, le diplomate hyperactif, en somme… une menace à contenir.

 

Oui mais à l’aune d’une nouvelle dynamique dirigée par l’Administration Biden , il faut faire le ménage et régler au plus vite les problèmes familiaux. D’autant plus que le futur interlocuteur de la Maison Blanche ne s’inscrit pas dans les contradictions de son prédécesseur le Républicain Donald Trump. Celui qui savait ménager la chèvre et le chou, celui qui encourageait un blocus décrié par la scène internationale, pendant qu’il autorisait l’acquisition du Qatar de F-15 Eagle américains, d’un montant total de 12 Milliards de dollars. A L’ère de Biden, les dossiers en souffrance doivent être assainis en amont.

 

Le règlement à l’amiable de cette crise doit passer impérativement par des compromis voire des compromissions. Les dossiers du litige sont en effet très complexes. L’Axe Doha-Teheran à titre d’exemple, allons-nous assister à un rapprochement stratégique de Ryad et ses alliés avec la puissance nucléaire Iranienne ? Avec le Qatar comme pays pivot, garant médiateur ?

 

Qu’en est-il de l’axe Doha-Ankara ? Allons-nous assister à un Qatar comme inhibiteur d’un projet d’empire panislamiste et ottoman ?  Le Yemen  et les Houthis ? Assisterons-nous à un retour à la case départ ? Un redécoupage Nord/Sud ? Aurons nous une paix des braves pour mettre un terme à un enlisement géopolitique, aux conséquences humanitaires désastreuses et probablement irréversibles ?

 

Et le roi Mohammed Ben Salmane ?  Saura-t-il trouver un consensus au sein même de sa propre équipe ? Les Emirats Arabes Unis en l’occurrence, après la normalisation stratégique avec Israël ? Ou deviendront-ils le nouveau grain de sable ? Et l’Egypte ? Le plus grand pays Arabe et première puissance militaire de la région MENA, aura-t-il son mot à dire dans sa lutte interne contre les frères musulmans ? Et les frères musulmans ? Seront-ils avec consentement les sacrifiés du deal mais à quel prix?

 

Et enfin, la Maison Blanche, usera-t-elle de cette opportunité en or ?  Pour asseoir davantage sa vision, exiger sa feuille de route et construire une nouvelle configuration du Moyen Orient ? Quant au Qatar, quelle sera sa marge de négociation dans une équation à plusieurs inconnues, dans laquelle il parait esseulé mais pas affaibli ?

 

Autant de facteurs qui contrairement à l’enthousiasme du Ministre Saoudien des Affaires étrangères, qui se targue d’une avancée prometteuse des pourparlers et l’imminence d’un accord final, risquent de miner à coup sure la perspective d’entente entre les « pays frères », un vœu pieux que la scène internationale appelle de toutes ses forces, dans un contexte de crise mondiale.  /  k.badis khenissa


 

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