RT France placé en liquidation judiciaire

    Le Tribunal de commerce de Nanterre a placé RT France en liquidation judiciaire. Une décision qui fait suite aux mesures de censure prises par l’Union européenne et la France, ayant conduit au gel des comptes du média.

Après l’interdiction de diffusion imposée par l’Union européenne, les sanctions européennes visant la maison mère de RT France et le gel des comptes de RT France infligé par le Trésor public français, la liquidation du média a été annoncée par le Tribunal de commerce de Nanterre, ce 7 avril. «Aujourd’hui, le Tribunal de Nanterre a pris la décision de mettre RT France en liquidation – un média qui n’a pas plu à Emmanuel Macron depuis son lancement et, qui a été sanctionné par l’UE il y a un an à titre préventif en raison du conflit en Ukraine – en effaçant notre visibilité en Europe et en gelant ensuite tous nos fonds et nos actifs pour s’assurer que nous ne produisions plus de contenu», a tweeté la Présidente et directrice de l’information de RT France, Xenia Fedorova. Avant d’ajouter : «En conséquence, plus d’une centaine de salariés français seront licenciés dans les prochains jours.»

La censure d’un média qui a donné toute liberté aux journalistes, aux animateurs et aux experts et qui n’a jamais enfreint aucune loi Xenia Fedorova a notamment dénoncé «la censure d’un média qui a donné toute liberté aux journalistes, aux animateurs et aux experts et qui n’a jamais enfreint aucune loi, mais qui est resté fidèle à ses valeurs fondamentales, ce qui manquera sans aucun doute aux Français». Près d’un an d’une censure inédite Pour rappel : peu après le déclenchement fin février 2022 de l’opération militaire russe en Ukraine, la Commission européenne avait invoqué la nécessité de couper tous les canaux de diffusion (satellite, Web et réseaux sociaux) en Europe de «la machine médiatique du Kremlin» représentée, selon elle, par RT et Sputnik. Or, l’UE n’a pas été en mesure, pour appuyer cette décision, de citer la moindre fake news dont se seraient rendus coupables ces médias. Et pour cause : la chaîne RT France n’a jamais été sanctionnée par le régulateur français des médias, l’Arcom (ex-CSA).

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Les avocats de RT France avaient alors dénoncé, notamment, une méconnaissance de «la liberté d’expression dont doit disposer, en toutes circonstances, tout média d’information, sous le contrôle de son régulateur national». En outre, un certain nombre de personnalités médiatiques et politiques étaient monté au créneau contre cette mesure liberticide, et une pétition en ligne contre l’interdiction de RT France avait été lancée, recueillant plus de 50 000 signataires.  Par la suite, en décembre 2022, l’Union européenne a inclus la maison mère de RT France dans la liste des entités qu’elle sanctionne, dans le cadre de son neuvième paquet de sanctions antirusses – encore une fois, sans être en mesure de pointer du doigt la moindre entorse à la déontologie journalistique de la part des médias dépendant de cette maison mère, TV-Novosti. Enfin, invoquant cette décision de l’UE en janvier 2023, le Trésor public français a décidé de geler les comptes de RT France.

Cette ultime sanction décidée par les autorités françaises a, de nouveau, soulevé l’indignation d’un certain nombre de journalistes et de syndicats. «Ce sont près de 100 salariés et environ une cinquantaine de journalistes qui vont basculer dans le chômage», avaient ainsi déploré les deux syndicats représentatifs des salariés de RT France, à savoir les sections du Syndicat national des journalistes (SNJ) et de Force ouvrière, tandis que l’éditorialiste Alexis Poulin – entre autres – s’était inquiété de voir le «triomphe» d’un «projet de censure». «Nos libertés sombrent», avait-il lancé.

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    Le journaliste Frédéric Aigouy évoque la liquidation de RT France : une centaine de salariés laissés sur le carreau

Frédéric Aigouy
Le journaliste Frédéric Aigouy, invité de notre debriefring.  France-Soir

DEBRIEFING – Pour le journaliste Frédéric Aigouy et une centaine d’autres confrères et salariés, le couperet est tombé. Vendredi 7 avril, la liquidation judiciaire de RT France a été décidée par le tribunal de Nanterre.

“La situation durait depuis un an”, rappelle-t-il, évoquant « une épée de Damoclès » qui menaçait une chaîne et sa rédaction qui n’ont pourtant jamais été averties, sanctionnées, ni condamnées pour la moindre entorse à la déontologie par le régulateur de tutelle (l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ARCOM).

Le 27 février 2022, une interdiction de diffusion est décidée par l’Union Européenne, et appliquée dès le 2 mars suivant. Si RT France peut continuer à émettre, la chaîne n’est plus véritablement accessible au grand public : seuls les spectateurs capables de recourir aux services d’un VPN, afin de contourner le verrou du contrôle basé sur la géolocalisation des IP, parviennent encore à accéder aux programmes.

Le 20 janvier 2023, les conditions du fonctionnement de la rédaction deviennent intenables avec le gel des comptes bancaires de la chaîne, à “la demande de la Direction Générale du Trésor”, comme l’indique alors la journaliste Xenia Fedorova, présidente et directrice de l’information de RT France :

Frédéric Aigouy, qui précise que le financement de RT France est comparable à celui de n’importe quel autre média dépendant d’un État, en France ou dans le monde anglo-saxon en général, dénonce “une décision éminemment politique”.

Il s’agit à ses yeux d’une profonde source “de déception” pour toute une équipe “qui faisait le boulot” journalistique “sur le terrain”, qu’il s’agisse de sujets comme le Brexit, le RussiaGate ou les Gilets Jaunes.

« Nous sommes des journalistes français et nous faisons notre travail », témoigne Frédéric Aigouy, qui regrette le manque de confraternité de certains journalistes qui se sont acharnés contre RT France, un des rares médias qui ne suivait pas « la doxa gouvernementale ».


 

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