Soudan, le bout du tunnel ?

Les militaires et l’opposition trouvent un accord

L’annonce de la conclusion de l’accord a été suivie de scènes de joie et de liesse dans tout le pays. «Notre révolution l’a emporté», s’est félicitée l’Association des professionnels, fer de lance de la contestation au Soudan. «On espère que ce sera le début d’une nouvelle ère», confie Omar Al Degair, un des leaders de l’ALC.

Les Soudanais, qui occupent la rue depuis le mois de décembre dernier pour réclamer le changement, peuvent à nouveau se mettre à espérer un avenir meilleur. C’est que leur détermination et leur combat pour la démocratie commencent à porter leurs fruits.

Après plusieurs mois de blocages et de répression sanglante, la junte militaire au pouvoir a fini, en effet, par accepter de s’asseoir, jeudi, avec l’opposition pour discuter de l’après-El Béchir.

Contrairement aux dialogues précédents, l’armée et les leaders de la contestation, réunis au sein de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), ont trouvé cette fois un accord sur les questions de fond.

L’accord a été rendu possible grâce à une médiation de l’Ethiopie et de l’Union africaine. Mohamed Hacen Ould Lebatt, le médiateur de l’Union africaine, a annoncé, dans la nuit de jeudi, que les deux camps ont trouvé un compromis sur, notamment, l’organe principal devant gérer la transition jusqu’à des élections libres. Ils se sont en outre mis d’accord pour le partage du pouvoir au sein de ce Conseil souverain.

Les militaires obtiendraient 5 sièges et l’ALC 6. «Nous voulons rassurer les forces politiques et tous ceux qui ont participé au changement. L’accord sera complet, il n’exclura personne et inclura toutes les ambitions du peuple», a assuré le numéro deux du Conseil militaire de transition (CMT), le général Mohammed Hamdan Daglo, surnommé «Hemeidti».

Une direction alternée

Mohamed Hacen Ould Lebatt a fait savoir, en outre, qu’il y aurait «une direction alternée» à la présidence de ce nouvel organe, dont la durée de vie sera de «trois ans ou un peu plus». Il a ajouté que ce sont les militaires qui obtiendront la première moitié de présidence.

Les détails techniques de cet accord sont encore attendus. Pour de nombreux observateurs, il s’agit d’une avancée cruciale, car ce conseil souverain sera le cœur du pouvoir transitionnel. C’est sur son cas que les précédents dialogues avaient bloqué.

«La mise en place du Conseil législatif, qui fera office de Parlement de transition, sera, quant à elle, retardée. Elle viendra après l’installation du fameux Conseil souverain et d’un gouvernement civil qui sera technocratique», a ajouté Mohamed Hacen Ould Lebatt.

L’autre grande question porte sur la lutte contre l’impunité. Le médiateur de l’Union africaine a annoncé aussi sur ce point un compromis pour une «enquête minutieuse, transparente, nationale et indépendante» sur les violences des dernières semaines.

Le massacre du 3 juin, lors de la dispersion du sit-in, le cœur de la révolution à Khartoum, avait fait des dizaines de morts. Depuis, les civils réclament une enquête internationale. Ils semblent avoir cédé sur ce point.

Vent d’espoir

L’annonce de la conclusion de l’accord a été suivie de scènes de joie et de liesse dans tout le pays. «Notre révolution l’a emporté», s’est félicitée l’Association des professionnels, fer de lance de la contestation au Soudan. «On espère que ce sera le début d’une nouvelle ère», confie Omar Al Degair, un des leaders de l’ALC.

Certains sont plus mesurés, comme l’opposant Tarek Abdel Meguid. Il a dit ne pas être totalement satisfait, même s’il parle d’un progrès pour ramener la paix et de concessions nécessaires pour éviter un autre bain de sang.

«C’est une révolte civile et les gens avaient rejeté un partage du pouvoir avec les militaires. Mais c’est ce que l’équilibre des pouvoirs a imposé», a-t-il déclaré.

Les pourparlers ont, rappelle-t-on, eu lieu quelques jours après des manifestations de masse dans le pays, où des dizaines de milliers de personnes ont déferlé dans les rues dimanche pour réclamer aux généraux de céder le pouvoir.

Les chefs de la contestation avaient maintenu un appel lancé avant la reprise du dialogue, à une grande manifestation le 13 juillet, suivie le lendemain d’une campagne de désobéissance civile.

Une campagne similaire avait quasiment paralysé la capitale du 9 au 11 juin. A ce propos, l’opposition a averti que dans le cas où l’armée continuerait à tergiverser, elle investira à nouveau la rue. 

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