Syrie : la Chine passe à l’action

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Pékin renforce son interaction avec Damas non seulement sur le plan politico-diplomatique, mais tout semble désormais aller dans la direction d’une collaboration de plus en plus étroite dans les sphères économique et sécuritaire. Renforçant un peu plus l’axe de la multipolarité dans les affaires du Moyen-Orient et confirmant par la même occasion que la Syrie peut se passer d’une interaction quelconque avec les Etats occidentaux.

La visite du chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, dans la capitale syrienne est venue conforter non seulement des relations cordiales entre la République populaire et la République arabe, au moment d’ailleurs de l’inauguration du leader syrien, mais confirme de plus en plus la détermination du leadership chinois à jouer un rôle important dans la Syrie post-conflit, aux côtés des autres principaux alliés de Damas – en la qualité de la Russie et de l’Iran. Le tout après la récente victoire du président Bachar al-Assad aux élections présidentielles syriennes.

Durant cette visite, le haut responsable chinois a rencontré son homologue syrien, Fayçal al-Meqdad, et a également été reçu par le leader syrien. A l’issue de ces rencontres, les deux pays se sont fixés l’objectif de renforcer les liens et la coopération bilatérale, comme l’annonce l’agence de presse chinoise Xinhua.

Wang Yi, qui au-delà d’être le ministre des Affaires étrangères – est également conseiller d’Etat, a souligné que la Chine se tient résolument aux côtés du peuple syrien et adhère à la justice internationale en préservant la souveraineté et l’indépendance de la Syrie. Lors de sa rencontre avec le président Bachar al-Assad, le chef de la diplomatie chinoise a également rappelé que la Chine s’oppose à toute tentative de changement de régime en Syrie.

Toujours selon Wang Yi – sous la direction de M. Assad, le peuple syrien a remporté de précieux succès dans la lutte contre le terrorisme et l’opposition aux ingérences extérieures, ajoutant que la réélection du président syrien reflétait la confiance et le soutien solides dont il jouit auprès de la population. Un commentaire fort important et qui à l’instar du soutien russo-iranien à Damas, va fermement à l’encontre des déclarations d’une large partie de l’establishment occidental.

Par ailleurs, la Chine soutient fortement la Syrie dans la gestion de ses problèmes intérieurs en vertu du principe « dirigé et pris en charge par les Syriens ». Le ministre chinois des Affaires étrangères a par ailleurs affirmé que la Chine avait présenté une proposition en quatre points pour résoudre la question syrienne.

Premièrement, la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent être respectées. La Chine appelle à respecter le choix du peuple syrien, à abandonner l’illusion d’un changement de régime et à laisser le peuple syrien déterminer de manière indépendante l’avenir et le destin de son pays. Deuxièmement, le bien-être du peuple syrien doit être une priorité et le processus de reconstruction doit être accéléré. La Chine estime que le moyen fondamental de résoudre la crise humanitaire en Syrie réside dans la levée immédiate de toutes les sanctions unilatérales et du blocus économique contre la Syrie.

Troisièmement, une position ferme sur la lutte efficace contre le terrorisme doit être maintenue. La Chine estime que toutes les organisations terroristes répertoriées par le Conseil de sécurité des Nations unies doivent être réprimées et que les politiques de «deux poids, deux mesures» doivent être rejetées. Selon M. Wang, le rôle de premier plan du gouvernement syrien dans la lutte contre le terrorisme sur son territoire doit être respecté, les projets visant à susciter des divisions ethniques sous prétexte de lutter contre le terrorisme doivent être combattus, et le sacrifice et la contribution de la Syrie à la lutte antiterroriste doivent être reconnus. La Chine soutiendra la position antiterroriste de la Syrie et se joindra à elle pour renforcer la coopération antiterroriste mondiale, a souligné M. Wang.

Quatrièmement, une solution politique inclusive et réconciliatrice à la question syrienne doit être encouragée. La Chine appelle à faire avancer le règlement politique de la question syrienne par les Syriens, à aplanir les divergences entre toutes les factions syriennes par le dialogue et la consultation, et à jeter des bases politiques solides pour la stabilité, le développement et la revitalisation à long terme du pays.

Deux points très importants mentionnés également par M. Wang concernent justement les domaines sécuritaire et économique. Sur le premier, le chef de la diplomatie chinoise a annoncé que son pays était prêt à renforcer le partenariat dans la sphère antiterroriste avec Damas, à améliorer la capacité antiterroriste de la Syrie, et à sauvegarder la sécurité nationale des deux pays respectifs, tout en contribuant à la sécurité du monde.

Un point effectivement très important lorsqu’on connait les succès stratégiques de la lutte contre le terrorisme salafiste, affilié à Daech ou Al-Qaida, dans laquelle l’axe Damas-Moscou-Téhéran-Hezbollah a joué un rôle clé – à l’énorme différence de la «coalition» occidentale.

Sur l’aspect économique, Wang Yi a rappelé qu’en tant que partenaires dans l’Initiative la Ceinture et la Route (ICR), la Chine et la Syrie discuteront conjointement des moyens efficaces à faire avancer une coopération mutuellement bénéfique, en particulier dans les domaines de l’agriculture et du commerce, de manière à aider la Syrie à améliorer les moyens de subsistance et à accélérer la reconstruction.

Ce dernier point est d’autant plus important qu’il confirme justement la motivation de Pékin de participer à la reconstruction des infrastructures de l’Etat syrien – détruites par des années de guerre contre le terrorisme et l’interférence néocoloniale. Un domaine dans lequel la Chine dispose non seulement d’un savoir-faire qui n’est plus à présenter, mais également d’énormes capacités d’investissements.

Tout cela conforte évidemment, et une fois de plus, le fait que la véritable communauté internationale se trouve désormais en Eurasie. Et que malgré toute la rhétorique récente hostile des élites occidentales quant au fait que la reconstruction en Syrie ne pourrait se faire sans leur implication – cette arrogance tombe, elle aussi une fois de plus, à l’eau. D’ailleurs, cela ne fait que rendre justice aux paroles du président Bachar al-Assad qui a maintes fois déclaré que les acteurs internationaux qui pourront participer au processus de reconstruction et d’investissements dans la Syrie post-conflit – ce sont les alliés de l’Etat syrien. Des alliés connus, en l’occurrence le triumvirat Russie-Iran-Chine.

Cela représente indéniablement la meilleure réponse à tous les membres de la communauté occidentale (et non pas internationale) – à savoir que l’époque où il était possible de détruire, pour ensuite se servir – est bien terminée. Multipolarité oblige. Il est encore temps de se mettre à jour. Mais soyons réalistes – l’establishment atlantiste occidental en est incapable. D’où la raison pour laquelle il continuera à perdre de son influence dans les affaires internationales.

Mikhail Gamandiy-Egorov


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Le Président Biden a bombardé la Syrie et l’Irak sous prétexte de protéger le personnel américain. En même temps, il affirme vouloir acheminer de l’aide humanitaire en Syrie. Le docteur Nabil Antaki, directeur d’un hôpital à Alep, revient sur ce paradoxe et la présence étrangère dans le pays.

Lors du sommet du G7 le 13 juin dernier, Joe Biden a déclaré en conférence de presse: «Il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous pouvons travailler avec la Russie. Par exemple, en Libye, nous devrions ouvrir des passages pour pouvoir offrir […] une aide vitale à une population qui est en grande difficulté.»

 

En fait, par «Libye», la Maison-Blanche a précisé par la suite que Joe Biden voulait dire «Syrie». Une erreur commise à trois reprises consécutives tout de même.

Cela reste toutefois anecdotique face aux enjeux régionaux. Il y a quelques jours à peine, le Président américain a dit qu’il voulait aider les Syriens. Le magazine Foreign Policy a d’ailleurs relaté qu’il avait prévu de faire pression sur Vladimir Poutine lors de leur sommet à Genève pour que ce dernier ne bloque pas les livraisons que Washington qualifie d’humanitaires en Syrie. Biden a-t-il raison de critiquer le rôle de la Russie en Syrie? Le docteur Nabil Antaki, directeur d’un hôpital à Alep et membre de la communauté des Maristes bleus, estime pourtant que les Russes ont «sauvé» les Syriens: 

«Personne en Syrie ne réclame le départ des troupes russes. D’abord puisqu’ils nous ont sauvés. Ils nous ont aidés et continuent à nous aider. Et d’autre part, leur présence n’est pas pesante. On les voit très peu, ils sont dans leur base. Personne ne trouve rien à redire à leur présence d’autant qu’elle a été voulue et demandée par le gouvernement légitime de Syrie. Les Américains veulent en fait ouvrir des passages dans le pays sous des prétextes de transport humanitaire. Mais s’ils veulent acheminer de l’aide humanitaire, ils n’ont qu’à passer par le gouvernement syrien.»

Par ailleurs, si les États-Unis voulaient vraiment aider les Syriens, ils auraient peut-être pu commencer par ne pas bombarder le pays. En effet, le 28 juin, Joe Biden a ordonné des frappes aériennes américaines sur la Syrie et l’Irak sous prétexte de protéger les intérêts américains des attaques des milices chiites.

«Ces bombardements nous révoltent parce que nous voyons que les Américains se comportent comme bon leur semble. Personne n’ose leur tenir tête. Et ce qui nous révolte davantage, c’est quand on dit, pour excuser ces bombardements, que ce sont des milices chiites et iraniennes qui sont visées. Mais que ce soit des milices chiites, ou sunnites, ou syriennes, ils n’ont pas à bombarder notre pays», s’indigne Nabil Antaki.

La présence américaine en Syrie est illégitime, insiste notre interlocuteur, décrivant les enjeux de Washington dans le pays:

«Les milices chiites, iraniennes, du Hezbollah, les Russes ont été invités par le gouvernement, ils ne sont pas là en tant qu’envahisseurs. A contrario, les Américains sont en Syrie illégalement. Ils n’ont pas déclaré la guerre à la Syrie mais ils se sont installés pour épauler les milices kurdes et occuper la région des champs pétroliers.»

L’intérêt humanitaire de Biden pour la Syrie est simplement un prétexte, estime le médecin:

«Bien sûr que l’humanitaire n’est qu’un prétexte. Il y a des enjeux géopolitiques qui déterminent la politique américaine. Maintenant nous, en tant que peuple syrien, tout ce qu’on veut, c’est qu’on nous foute la paix. Que les Américains quittent la Syrie et que les Syriens déterminent leur avenir seuls. Ce sont les sanctions occidentales et américaines qui nous tuent, elles ciblent la totalité du peuple syrien qui voit la pauvreté s’aggraver, le coût de la vie augmenter. Il faut que les gens nous aident à faire pression pour lever ces sanctions qui ne servent à rien à part punir le peuple syrien en entier.»


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