La « tuerie du Carbet » en 1948, symbole des années de répression en Martinique

La « tuerie du Carbet » en mars 1948 est un épisode sombre et méconnu de l’histoire du Nord Caraïbe. Il y a 73 ans, un mouvement d’ouvriers agricoles était réprimé dans le sang.

 

4 Mars 1948 sur l’habitation Lajus au Carbet, les ouvriers  en grève depuis 4 jours, sont invités à récupérer leurs soldes par le propriétaire Jacques Bally. Mais lorsqu’ils quittent l’exploitation pour rejoindre le bourg, les forces de l’ordre sont déjà sur le chemin et interviennent.

Le bilan est lourd : 5 ouvriers agricoles sont touchés. 3 d’entre eux ne se relèvent pas. Les regards se tournent alors vers le préfet Pierre Trouillé, accusé d’avoir autorisé la tuerie.

(Re)voir notre page d’histoire avec Eddy Bellerose, Laurent Donat et Roselyne Regard.

La tuerie du Carbet en 1948

À Paris, le jeune député communiste Aimé Césaire dénonce les faits à l’Assemblée Nationale dans un texte poétique. Une lettre ouverte « au vitriol » à l’attention du préfet.

Une répression surprenante par sa brutalité

En août 1947, Pierre Trouillé est donc le 1er Préfet à s’installer en Martinique, dans l’ancienne résidence du Gouverneur rue Victor Sévère à Fort-de-France.

Tandis que le syndicat CGT gonfle ses rangs sur les plantations et exige l’amélioration des conditions de travail déplorables des ouvriers agricoles ; le préfet a une mission. Il doit impérativement freiner la progression du communisme, qui prend, vu de Paris, des proportions inquiétantes en Martinique.

La douleur de la famille Jacques

L’usine-sucrerie du Carbet est alors la plus importante du Nord-Caraïbe. Le 1er mars 1948, alors que la coupe de la canne a déjà commencé, les ouvriers syndiqués réclament des augmentations de salaires ; en particulier pour ceux qui travaillent sur les parcelles les plus difficiles où la canne est la plus sale.

La famille Jacques est particulièrement endeuillée lors de ces événements. Deux frères sont abattus par les gendarmes tandis que leur sœur est sérieusement blessée. Plus de 70 ans après, l’émotion est toujours très vive quand les enfants retournent sur les lieux du drame afin d’exhumer ces douloureux souvenirs. La mère d’André Jacques était enceinte de lui, lorsque son mari a été tué. Son corps est immédiatement emporté et dissimulé.

La presse généraliste est quasiment muette. Mais Justice, l’organe du Parti Communiste Martiniquais, dénonce l’attitude des gendarmes avec la bénédiction d’Aimé Césaire.

Malgré la pression, le préfet Trouillé reste en poste pendant encore 2 ans. En 1967 Jean Bally, le fils de jacques, qui avait fait appel aux gendarmes en mars 1948, est même élu maire du Carbet.

Isambert Durivaux, un sculpteur spécialisé dans les œuvres mémorielles, se passionne pour cette histoire. Il a interrogé les témoins et cherché à comprendre l’amnésie collective qui semble avoir frappé les Carbétiens.

Ainsi, pendant plus d’un demi-siècle, les témoins de ce que l’on appelle désormais « la tuerie du Carbet » se sont tus, même au sein des familles de victimes.


 

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