La Turquie a-t-elle colonisé la Libye?

  Le journaliste indépendant Hassan Mansour examine l’impact du Mémorandum d’accord militaire entre le gouvernement turc et le gouvernement d’Entente Nationale. Position non neutre émanant d’une source indépendante. Point de vue intéressant.

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par Hassan Mansour

Lors de sa visite à Tripoli le 4 juillet, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a signé un accord de coopération militaire avec les représentants du gouvernement d’accord national (GNA). La signature a eu lieu à huis clos, mais les détails qui ont été divulgués aux médias suffisent à conclure que le GNA a effectivement troqué sa souveraineté ostensible pour le soutien turc dans la bataille contre l’armée nationale libyenne et le parlement élu basé à Tobrouk.

L’accord entre la Turquie et les autorités de Tripoli stipule que le GNA se porte garant des intérêts turcs en Libye. Le vrai sens derrière cette déclaration est que le gouvernement dirigé par Fayez al-Sarraj a officiellement mis les intérêts turcs avant les préoccupations nationales. Le GNA a également autorisé la Turquie à établir des bases militaires sur le territoire libyen.

Ces concessions sont sans aucun doute importantes, mais l’innovation peut-être la plus effrayante introduite dans l’accord est que tous les militaires turcs bénéficient de l’immunité diplomatique. Cela signifie effectivement que les représentants de «la métropole turque» au sol libyen obtiennent de privilèges importants, leur accordant un avantage juridique sur la population indigène.

En outre, l’immunité diplomatique ouvre de nouvelles possibilités pour le transfert de militants étrangers et de fournitures d’armes en Libye, y compris des munitions interdites par les conventions internationales, en violation de l’embargo sur les armes. Depuis le début de l’année, la Turquie a en Libye plus de 15 000 mercenaires syriens, notamment des enfants mineurs qui ont été recrutés dans la province syrienne d’Idlib et ont tenu une formation militaire sous la supervision des conseillers turcs. En plus, il a été récemment découvert que la campagne turque pour recruter des combattants ne se limite pas à la Syrie, mais inclut également le Yémen.

Le nouvel accord facilite le déploiment de supplétifs d’Ankara en Libye. Le GNA a officiellement renoncé à son droit d’inspecter les navires et les avions turcs et a autorisé Ankara à créer des bases militaires qui sont hors de la juridiction libyenne. Dans ces conditions, les Turcs pourront envoyer autant de mercenaires, y compris d’anciens membres de groupes terroristes, qu’ils le jugent bon sans aucune restriction ni connaissance du monde extérieur.

En vérité, le comportement de la Turquie en Libye est déjà celui d’une puissance coloniale dans la nouvelle incarnation de la Régence de Tripoli, ancienne colonie de l’Empire ottoman. Les observateurs des droits de l’homme rapportent qu’un certain nombre d’avions turcs avec des membres de groupes radicaux à bord ont atterri à Tripoli le lendemain de la signature de l’accord.

En signant le nouvel accord, Fayez al-Sarraj et son gouvernement ont prêté allégeance à la Turquie et abandonné toute prétention à être un chef de la Libye. La Turquie, quant à elle, hésite à déclarer Tripoli sa colonie, mais ce mince vernis ne cachera pas la cruelle réalité.

Hassan Mansour, journaliste indépendant

source:https://strategika51.org/2020/07/07/opinion-la-turquie-a-t-elle-colonise-la-libye/


Libye : Le chef de l’ONU dénonce une «interférence étrangère» sans précédent

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a dénoncé hier une «interférence étrangère ayant atteint des niveaux sans précédent» en Libye, avec «la livraison d’équipements sophistiqués et le nombre de mercenaires impliqués dans les combats».

S’exprimant lors d’une visioconférence ministérielle du Conseil de sécurité, Antonio Guterres a notamment exprimé son inquiétude sur le regroupement de forces militaires autour de la ville de Syrte, située à mi-chemin entre Tripoli à l’ouest et Benghazi à l’est.
Les forces du gouvernement d’union libyen (GNA), basé à Tripoli et reconnu par l’ONU, «avec un soutien externe significatif, continuent leur avancée vers l’est et sont maintenant à 25 km à l’ouest de Syrte», a-t-il relevé.

Dans le passé, les forces du GNA ont tenté à deux reprises de prendre la ville, a précisé le chef de l’ONU. Soutenu par la Turquie, le GNA est opposé aux forces du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen, notamment appuyé par l’Egypte et les Emirats arabes unis. «Nous sommes très préoccupés par la concentration militaire alarmante autour de la ville et le haut niveau d’interférence étrangère directe dans le conflit en violation de l’embargo sur les armes décrété par l’ONU, les résolutions du Conseil de sécurité et les engagements pris par les Etats membres à Berlin» en janvier, a insisté Antonio Guterres. Il n’a désigné aucun pays en particulier.

Le secrétaire général a aussi indiqué que les discussions menées par l’ONU avec des représentants militaires des deux parties portaient notamment sur «le départ des mercenaires étrangers», une «coopération antiterroriste», un «désarmement et une démobilisation» ainsi que sur «la possibilité d’un mécanisme de cessez-le-feu».

Il a aussi évoqué, sans donner de détail, la possibilité de créer une «zone démilitarisée», dont le contrôle serait confié à la mission de l’ONU présente en Libye. La présence en Libye de mercenaires russes et syriens (affiliés au régime syrien pour ceux combattant avec les troupes de Haftar, et relevant de l’opposition pour ceux présents aux côtés des forces du GNA) a été souvent évoquée depuis le début de l’année.

Les dernières activités militaires au sud de Tripoli et dans la région de Tarhouna se sont traduites par la fuite de près de 30 000 personnes, portant le nombre de déplacés internes en Libye à plus de 400 000, a aussi déploré le chef de l’ONU.


 

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