La marche vers le Sionisme

par Mohamed El Bachir

« Normalisation » ou officialisation ?

Les accords de Camp David signés le 17 septembre 1978 entre l’État égyptien et l’État d’Israël, furent suivis, le 26 mars 1979, par un traité de paix entre ces deux États. Seize ans plus tard, l’exemple égyptien est suivi par le royaume de Jordanie (26 octobre 1994). Ce sont les premières « normalisations ». Par « normalisation », comprendre action de normaliser, c’est-à-dire soumettre ou se soumettre à des normes. Depuis, la liste des pays arabes normalisés s’est enrichie de nouveaux membres : Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Soudan et le jeudi 10 décembre, le Maroc. Concernant ce dernier État nous y reviendrons pour des raisons symboliques et stratégiques cruciales. Il faut souligner cependant que, mis à part, l’Égypte de Gamal Nasser, les États cités avaient des relations non officielles avec l’entité sioniste. Et donc le terme qui convient pour qualifier cette « normalisation » est officialisation.

Il est néanmoins important de rappeler succinctement les évènements historiques qui ont ouvert la voie vers l’entité sioniste. Indéniablement, l’effondrement de l’Union Soviétique fut le déclencheur. Sur ce point, le mouvement politique islamiste inféodé au monde anglo-saxon et parrainé par les monarchies du Golfe joua un rôle fondamental en Afghanistan.

– La guerre menée par Saddam Hussein contre l’Iran, libéré de la domination des États-Unis. Une guerre qui ne peut s’expliquer que par la folie des grandeurs de S. Hussein avec la bénédiction des puissances occidentales et des monarchies du Golfe. Une guerre qui a débouché sur la 1ère Guerre du Golfe. Et à partir de 2003, la 2ème Guerre du Golfe avec occupation politique et militaire anglo-américaine de l’Irak.

– L’agression israélienne du Liban en 2006

– La destruction de la Libye en 2011 par les États français et anglais sous tutelle otanienne.

Sans oublier, les Accords d’Oslo signés par l’Organisation de Libération de la Palestine en 1993 avec Israël et oubliés depuis, qui sont également un facteur important dans la « libération » des mœurs politiques des classes dirigeantes arabes. Exception faite du Liban, de la Syrie et du Yémen.

Dans tous ces événements historiques, et en premier, la première Guerre du Golfe, la Ligue arabe, n’assuma pas sa responsabilité. À savoir, résoudre la question de l’occupation irakienne du Koweït dans le cadre de la Ligue arabe. Au contraire, la majorité de ses membres furent les supplétifs de l’impérialisme sous étendard de l’OTAN. De même pour la Libye, ni l’Algérie, ni l’Égypte, encore moins le Maroc, n’ont joué le rôle qui aurait dû être le leur : intervenir militairement et politiquement afin d’imposer une solution politique régionale. Pour cela, il fallait avoir le courage d’agir avant l’architecte du Nouveau grand Moyen-Orient pour servir la stratégie de l’État d’Israël1, à savoir l’OTAN. Ironie de l’histoire, abandonnée, la Libye est livrée, entre autres, à un ancien occupant d’une partie du Maghreb, la Turquie…

À défaut de courage politique, la soumission

Il est temps de revenir au point crucial, l’officialisation des relations entre l’entité sioniste et le Maroc et dans un même élan, la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les États-Unis. Reconnaissance qui n’efface pas la résolution d’autodétermination du Sahara votée en 1974 par l’ONU et acceptée par l’État marocain. Il est important de souligner que l’État marocain ne fait qu’acheter ce qui lui appartient. Un achat soumis à des conditions politiques qui affaiblissent, paradoxalement, cette marocanité historique. Bref, les résolutions de l’ONU ont le poids que leur donne l’impérialisme. Et sur ce sujet, le peuple palestinien a une longue expérience. Mais cela n’empêche pas la classe dirigeante marocaine de jubiler parce que cette propriété marocaine est enfin reconnue marocaine par les États-Unis. Et dans un même temps, on efface de la mémoire, Abdelkrim Khattabi… Mehdi Ben Barka… Omar Ben-Jelloun… en déchirant la page : la Palestine est une cause nationale. Car « on ne peut pas être plus palestinien que les Palestiniens » dixit le ministre marocain des Affaires étrangères. Sans préciser de quels Palestiniens il s’agit. En effet, l’étendard Palestine une et indivisible avec El Qods (Jérusalem) comme capitale est toujours brandi en Cisjordanie et à Gaza.

Ceci énoncé, ce n’est pas parce que l’esclave accepte d’être esclave qu’il ne faut pas dénoncer l’esclavage.

La classe dirigeante marocaine jubile sans se poser la question du pourquoi de cette clémence américaine ?

En effet, pourquoi détruire… la Libye… La Syrie… Le Yémen… Et être « clément » aujourd’hui avec le Maroc ?

  • Applaudir la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du Sahara revient à s’interdire de dénoncer l’autorité reconnue à l’entité sioniste par l’impérialisme américain sur le Golan, Jérusalem, etc… La réponse à la question ‘Pourquoi’ se trouve dans le Nouveau grand Moyen-Orient de l’Irak au Maghreb planifié par l’impérialisme américain pour servir la stratégie de l’État d’Israël 2.

Et que dire de la classe dirigeante algérienne ?

En ne reconnaissant pas la marocanité du Sahara en 1973, l’État algérien a permis à l’impérialisme et au colonialisme occidental d’utiliser la question du Sahara comme moyen de pression et le jour venu, comme monnaie d’échange. Une reconnaissance algérienne qui aurait pu être assujettie à des conditions géopolitiques régionales dont l’édification du Maghreb. À commencer par une coopération économique maghrébine dont les peuples tunisien, mauritanien, algérien et marocain sont orphelins. À n’en pas douter, la reconnaissance de l’entité sioniste par l’État marocain va aggraver la situation politique et militaire régionale. Déjà sous haute tension, elle vient de passer à un cran supérieur… La mèche est prête !

Il faut espérer que la voix de la résistance et le vent d’espoir qui souffle à Beyrouth et à Damas, atteignent un jour les pays du Maghreb.

N.B. Le malheur fait rire dit un dicton maghrébin puisqu’à l’unisson, les pays du Maghreb, Tunisie, Mauritanie, Algérie et Maroc ont « imposé » à l’UNESCO d’inscrire le couscous, plat du pauvre, au patrimoine culturel de l’humanité. Est-ce le premier pas vers la fondation du Maghreb ?

https://www.renenaba.com/revue-detude-palestiniennes-n-14-fevrier-1982/

https://www.renenaba.com/revue-detude-palestiniennes-n-14-fevrier-1982/


  Intimidation et récompenses pour la normalisation avec Israël 

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Les Etats Unis ont négocié ces derniers mois quatre accords de normalisation entre Israël et des pays arabes et les ont présentés comme des traités de paix. L’administration Trump a utilisé un mélange d’intimidation et de stimulation pour faire aboutir certains de ces accords. La semaine dernière, le Maroc est devenu le dernier Etat arabe à établir des relations diplomatiques pleines et entières avec Israël, normalisant des années de relations clandestines entre les deux pays. « Nos deux grands amis, Israël et le royaume du Maroc, se sont mis d’accord sur des relations diplomatiques pleines et entières », a annoncé le président Donald Trump le 10 décembre sur Twitter. Trump a également annoncé qu’il « avait signé une déclaration publique reconnaissant la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental ».

 

La décision du Maroc d’établir des relations diplomatiques avec Israël semble avoir été prise en échange de l’accord de l’administration Trump pour reconnaître l’occupation du Sahara Occidental par le Maroc.

Bien que la déclaration officielle de la Maison Blanche ne lie pas explicitement l’accord de normalisation à la reconnaissance de la revendication du Maroc, elles ont été annoncées ensemble.

Les Marocains rejettent la décision

La société civile palestinienne a condamné la « trahison » des Palestiniens par le gouvernement marocain et a salué « les Marocains qui ont unanimement rejeté la normalisation des relations avec Israël par le régime marocain ».

D’après un récent sondage organisé par le Centre Arabe pour la Recherche et les Etudes Politiques, 88 pour cent des Marocains rejettent la reconnaissance d’Israël par leur pays.

Les autorités marocaines ont empêché par la force lundi dans la capitale Rabat une manifestation contre la décision du gouvernement.

« Les Marocains ont toujours considéré Israël comme leur ennemi et l’ennemi de tous les peuples de la région », a déclaré le Comité National BDS (BNC), coalition de la société civile qui dirige le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions.

Liens historiques

L’accord n’est ni « surprenant ni inhabituel étant donnée la longue histoire des relations secrètes et ouvertes « entre les deux payx », a ajouté le BNC.

En réalité, l’accord que Trump traite d’« historique » formalise simplement des décennies de coopération secrète militaire et d’’échange de renseignements entre Israël et le Maroc.

L’agence israélienne de renseignement étranger le Mossad et l’Agence Juive ont fait sortir clandestinement les Juifs marocains de leur pays, parfois par la force, dans les jours qui ont suivi la création d’Israël.

En 1965, le Maroc a autorisé le Mossad à mettre sur écoute les salles de réunion de responsables arabes à Casablanca, donnant à Israël un coup de pouce dans la guerre de 1967, d’après une interview d’un ancien responsable militaire israélien par le New York Times.

Egalement en 1965, le Mossad a collaboré à l’enlèvement et à l’assassinat du leader de l’opposition de gauche marocaine Mehdi Ben Barka.

Illustration de ces liens de longue date, l’ancien Premier ministre d’Israël Ehud Barak a tweeté une photo de lui avec le Roi Mohammed du Maroc quand il était beaucoup plus jeune.

Barak a ajouté qu’il l’avait rencontré pour la première fois 42 ans plus tôt, quand il avait 15 ans, dans le palais de son père, feu le Roi Hassan II.

Récompenses

Le BNC a affirmé que les Etats Unis, « puissance impérialiste qui ne cesse de faire la guerre contre les peuples du monde et leurs aspirations à la liberté, l’indépendance et le développement, est impropre à être une référence juridique et morale pour la résolution des conflits ».

Cela faisait référence à la reconnaissance par Trump de la revendication du Sahara Occidental par le Maroc.

Colonie espagnole jusqu’en 1975, le Sahara Occidental est à la frontière du Maroc, de l’Algérie et de la Mauritanie et a été qualifié de « dernière colonie d’Afrique ».

Avec une population de plus d’un demi million de personnes, le Sahara Occidental est reconnu par les Nations Unies comme un Territoire Non Autonome qui n’est pas encore parvenu à l’autodétermination.

Avec le soutien de la France et des Etats Unis, le Maroc occupe la grande majorité du territoire depuis les années 1970, contre la résistance du Front Polisario, créé en 1973 pour libérer le Sahara Occidental de l’autorité espagnole puis marocaine.

Le Polisario, ainsi que le gouvernement Sahraoui qui administre quelque 20 pour cent du territoire, ont condamné la décision de Trump de remettre au Maroc « quelque chose qui ne lui appartient pas », a dit ce groupe aux médias français.

Les mouvements de libération palestiniens et sahraouis avaient précédemment organisé de la solidarité entre eux.

George Habash, feu leader du Front Populaire de Libération de la Palestine, avait visité les camps de réfugiés des Sahraouis en 1979.

Dans un discours qu’il y prononça, Habash félicita les Sahraouis pour la défaite des colonisateurs espagnols et pour leur combat contre l’autorité marocaine.

« Nous l’avons ressenti comme si vous combattiez à nos côtés dans les tranchées contre les ennemis de la révolution palestinienne », a-t-il ajouté.

Avec des mots qui résonnent aujourd’hui, Habash a affirmé que « dans la révolution palestinienne, nous ne luttons pas que contre Israël et les Sionistes, nous luttons contre les forces arabes rétrogrades qui s’alignent sur le mouvement sioniste ».

Pendant ce temps, les Etats Unis sont près de conclure la vente d’au moins quatre drones avancés au Maroc.

On dit que le Département d’État a approuvé la vente, mais qu’elle devrait encore être votée par le Congrès. On ne sait pas encore clairement si les drones arriveraient équipés d’armes.

On ne sait pas clairement non plus si la vente est impliquée dans l’accord de normalisation.

L’administration Trump a approuvé en novembre la vente de 50 jets de combat F-35 aux EAU dans le cadre d’un marché d’armes de 23 milliards de dollars. Le refus initial d’Israël de donner sa bénédiction à cette vente d’armes avait été un contretemps, mais le marché a été passé après l’accord de normalisation entre Israël et les EAU.

Chantage et récompenses

Après les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn et le Soudan, le Maroc est la quatrième nation arabe à normaliser ses relations avec Israël sous l’administration Trump – accords qui ont comporté à la fois des récompenses et des menaces.

Le gouvernement transitoire du Soudan a accepté en octobre d’établir des relations diplomatiques pleines et entières avec Israël dans le cadre d’un accord plus large pour l’intégrer fermement dans le giron américain.

Un porte-parole du gouvernement soudanais a récemment révélé que le pays subissait de « lourdes pressions » de la part des Etats Unis pour qu’il normalise ses relations en échange du retrait du Soudan de la liste américaine des pays qui soutiennent prétendument le terrorisme.

« Il a été dit clairement [que] c’était lié », a dit le ministre soudanais de l’Information Faiçal Mohamed Salih à la chaîne iranienne Press TV.

« ‘Si vous voulez que le Soudan soit retiré de [la liste américaine des états qui soutiennent le terrorisme], alors vous devez normaliser la relation avec Israël’. C’était une situation très difficile », a-t-il dit.

Salih a dit au correspondant de Press TV Ahmed Kaballo que le gouvernement transitoire du Soudan « avait insisté » pour garder les deux questions séparées quand le Secrétaire d’État américain Mike Pompeo était venu à Khartoum pour des pourparlers.

Le retrait du Soudan de la liste a été perçu comme une motivation essentielle pour avancer vers la normalisation.

Les plus jeunes « veulent n’importe quoi qui aiderait à relancer l’économie », a dit Kaballo à la journaliste Anya Parampil de The Grayzone.

« Ils n’aiment pas le régime israélien, ils n’aiment pas les crimes contre les Palestiniens », a ajouté Kaballo. « Mais ils pensent que si les relations avec Israël sont normalisées, cela permettra des investissements étrangers, cela améliorera la situation économique, et ça c’est un prix qu’ils acceptent de payer.

On s’attend à des traités officiels une fois que le Soudan aura formé un gouvernement permanent.

Le Pakistan à la une

Le mois dernier, les gros titres déclaraient que l’Arabie Saoudite pressait le Pakistan à nouer des liens diplomatiques avec Israël.

Des rumeurs ont surgi après qu’on ait interrogé le Premier ministre du Pakistan Imran Khan à propos de pressions sur Islamabad pour normaliser les liens avec Israël dans une interview avec le radiodiffuseur local GNN.

« Quelles pressions subissez vous pour reconnaître Israël ? » a demandé l’interviewer à Khan.

« La pression vient du fait qu’Israël a une grande influence sur l’Amérique », a dit Khan, ajoutant qu’elle s’était accrue avec l’administration Trump.

« Maintenant, nous n’avions jamais pensé que nous pourrions reconnaître Israël. »

Khan a ajouté que, depuis la création du Pakistan, sa politique avait été que, jusqu’à ce que les Palestiniens « obtiennent leurs droits et une solution équitable », il ne pourrait jamais y avoir de reconnaissance.

Lorsqu’on lui a demandé si les états musulmans – faisant probablement référence à l’Arabie Saoudite – exerçaient des pressions sur le Pakistan pour qu’il reconnaisse Israël, Khan a demandé à l’interviewer de passer à ses autres questions.

Le gouvernement pakistanais a traité d’« inventions » les rapports disant que les Etats Unis exerçaient des pressions pour qu’il reconnaisse Israël et a réaffirmé sa position sans équivoque comme quoi il ne reconnaîtrait pas Israël tant que les Palestiniens n’obtiendraient pas la totalité de leurs droits.

« Le peuple pakistanais ne succomberait jamais à ces pressions » a récemment écrit l’universitaire pakistanais Junaid S. Ahmad.

« Il a toujours été solidaire des Palestiniens et des Kashmiris, et aucune force de contrainte ne fera faiblir leur résolution », a-t-il ajouté.

« On trouve difficilement une population plus pro-palestinienne que les Pakistanais. »


Ali Abunimah a contribué à ce reportage.

Source : The Electronic Intifada   Traduction : J. Ch. Pour l’Agence Média Palestine

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