Déclaration du PADS sur l’élection présidentielle du 12 décembre 2019

Mascarade électorale du 12 décembre prochain:

Poursuivre la lutte pour faire triompher les aspirations démocratiques des travailleurs et des masses laborieuses

La période qui nous sépare de la date de l’élection présidentielle, le 12 décembre prochain, arrêtée unilatéralement par le pouvoir, est marquée par un renforcement de la détermination du mouvement populaire à faire échouer la mascarade électorale en cours. Cette détermination puise ses forces du refus de permettre au pouvoir de continuer à imposer ses décisions antipopulaires tant sur le plan politique que sur le plan économique. Le régime en place répond par la répression et encore plus de verrouillage des moyens d’expression aux revendications des manifestations de masse. Ces manifestations se poursuivent sans discontinuer depuis février pour obtenir le départ des hommes liés à la corruption, à la fraude électorale, au pillage des richesses de la nation, à l’arbitraire, à la soumission aux puissances impérialistes, aux monarchies du Golfe. Alors qu’il légifère en violation de la légalité constitutionnelle, le régime n’a aboli aucune loi ou réglementation qui empêche les citoyens en général et les travailleurs en particulier de s’exprimer, s’organiser, faire grève librement, conditions sans lesquelles aucune élection ne peut être considérée comme démocratique. Le rejet de cette mascarade par des millions de femmes et d’hommes qui manifestent depuis 10 mois est légitime.

Le pouvoir s’est obstiné depuis des mois à mettre en application son plan de perpétuation de la domination des groupes qui régentent le pays depuis des décennies. Ces groupes appartiennent à une classe: la bourgeoisie, quels que soient ses composantes et ses conflits internes secondaires par rapport à la contradiction fondamentale qui les opposent à la classe ouvrière et à l’ensemble des travailleurs. Elle s’est étendue en nombre et puissamment renforcée depuis le tournant réactionnaire de 1980. Le processus qui a conduit à sa constitution en tant que classe dominante a été accéléré dans les années 1990 par les privatisations, la livraison du commerce extérieur à ses appétits voraces stimulés par l’impunité dans ses méthodes scélérates et mafieuses d’enrichissement. Le renforcement de ses assises économiques est le fruit pourri du pillage des biens publics organisé par les responsables à tous les niveaux de l’Etat, du détournement des revenus pétroliers, de l’exploitation féroce de la classe ouvrière, dans le cadre de l’interpénétration qui s’est opérée entre les forces de l’argent et les institutions de l’Etat à tous les niveaux et dans tous les secteurs sans exception aucune. Cette classe est la classe dominante. L’Etat actuel est son Etat, sa machine d’oppression antipopulaire. Son pouvoir, en tant que pouvoir de classe, le mouvement populaire de février n’a pas encore réussi à le faire vaciller. La raison de cette situation réside dans la faiblesse politique, idéologique et organisationnelle de sa partie objectivement la plus révolutionnaire, la classe ouvrière.  La petite-bourgeoisie en conflit avec le pouvoir veut la maintenir par tous les moyens à sa remorque en lui imposant de mettre ses aspirations de classe sous l’éteignoir. Des catégories de la petite-bourgeoisie aspirant à monter rapidement dans la hiérarchie sociale sur le dos de la classe ouvrière comptent tirer partie du mouvement populaire pour arracher une part plus grande de la répartition de la rente pétrolière que celle que lui a concédée le clan des oligarques.

Les fractions de la bourgeoisie maintenues à l’écart des sphères de décision et de distribution des privilèges cherchent elles aussi à exploiter ce mouvement pour rééquilibrer en leur faveur le contrôle des leviers étatiques centraux d’accaparement des richesses de la nation, de partage du butin.

Dans les luttes actuelles, les communistes mettent en garde la classe ouvrière et les travailleurs contre les manoeuvres et les ruses des politiciens petits-bourgeois de la bourgeoisie dont la finalité est de procéder à des changements de forme, de méthodes de gouvernement et des équipes dirigeantes qui musèleraient plus habilement les classes populaires en   leur imposant d’accepter de porter de nouveaux fardeaux de la crise économique en cours d’aggravation.

La tactique du régime a consisté, pour endiguer le mouvement populaire et diviser ses rangs, pour ramener dans son giron les couches moyennes prises de peur devant les risques de « désordre », à lancer de spectaculaires opérations d’arrestation de quelques oligarques et des responsables du régime les plus haïs par les masses populaires. La création artificielle fulgurante de ces oligarques par les détenteurs du pouvoir, leur mainmise sur les richesses du pays et leur arrogance avaient profondément choqué un large éventail de citoyens appartenant à différentes classes et couches sociales écrasées et méprisées par des dirigeants persuadés que leur système de verrouillage politique les mettait à l’abri de la contestation populaire jusqu’à la fin des temps. L’opération dite de lutte contre les corrompus a été ordonnée par une fraction du régime de la bourgeoisie en place pour sauver la domination d’ensemble de cette classe de l’explosion du mécontentement populaire. Son essence est de sacrifier les membres les plus discrédités de la classe des exploiteurs, des affairistes, des pilleurs des biens de l’Etat, pour sauver la domination de cette classe en tant que telle.

Cette tactique est aussi enrobée sous les discours des hommes du pouvoir sur les méfaits de la « bande », sur  le thème de la résistance de ses résidus. Ce terme désigne la fraction du pouvoir liée aux services de sécurité en conflit depuis 2003 avec Bouteflika sur des questions internes de prééminence dans la répartition des fonctions et des privilèges. Il n’est pas impossible que malgré sa décapitation, cette fraction dispose encore d’une influence qui lui fait croire qu’elle peut canaliser le mouvement populaire vers l’élimination de ses clans rivaux dans l’armée à travers le slogan « Etat civil ». Elle exploite l’indignation populaire contre les privilèges que se sont octroyés des responsables militaires à la faveur de l’hégémonie politique du régime imposée depuis des décennies. Le but de ces réseaux n’est nullement de défendre les aspirations politiques et sociales des masses populaires mais de reprendre le dessus dans les appareils de l’Etat.

Le pouvoir feint d’attribuer à la « bande » la capacité de manipuler de très grandes masses de manifestants, afin de semer la suspicion dans les rangs de ces derniers. Cette propagande ne trompe que peu de monde.

Agitant la bannière de la défense de l’unité du pays, le pouvoir s’efforce avant tout d’éloigner le spectre d’une révolution qui s’attaquerait aux bases mêmes de cette domination, qui ne se contenterait pas de jeter en prison les politiciens les plus vomis de la bourgeoisie, ne se limiterait pas au mot d’ordre d’écarter les hommes impliqués dans les fraudes électorales ou d’arracher le droit à des élections démocratiques « propres et honnêtes ».

Pour tenter de venir à bout du mouvement populaire, les hommes actuellement à la tête du pouvoir louvoient en même temps qu’ils tentent d’apeurer les citoyens qui refusent l’état de fait actuel en usant de la répression, des détentions provisoires abusives, de la fermeture des espaces d’expression. Ils activent ou renforcent les alliances nouées à l’extérieur et à l’intérieur du pays depuis des années. Ils espèrent ainsi se maintenir solidement au pouvoir en épuisant le mouvement populaire et semant le découragement devant la difficulté à arracher des changements par la voie pacifique.

Ainsi s’expliquent la révision de la loi sur les hydrocarbures et de multiples mesures réglementaires et fiscales qui préparent le terrain à de nouvelles vagues de privatisations et de blanchiment de l’immense masse d’argent contrôlé par une petite minorité de spéculateurs et de fraudeurs de la fiscalité couverts par les complicités de l’Etat. Ce plan est extrêmement dangereux pour le développement et la souveraineté du pays – pour autant que cette souveraineté soit préservée au bénéfice des masses populaires et non de la bourgeoisie – le pouvoir d’achat et les droits sociaux des travailleurs en tout premier lieu.

Le refus de participer à l’élection du 12 décembre est partagée par la grande majorité de la population. Contrairement à l’abstentionnisme massif et passif qui avait marqué les scrutins précédents depuis 1999, ce rejet s’exprime cette fois par d’imposantes manifestations populaires dans la plupart des villes du pays. Les manifestations de soutien au pouvoir – notamment celle que l’UGTA, syndicat officiel à la solde du régime, a organisées samedi dernier – ne rassemblent que des effectifs squelettiques de gens souvent entraînés dans les rues par le chantage à l’emploi. La propagande sur la menace que le vide constitutionnel ferait peser sur « l’unité de la nation face à ses ennemis extérieurs » si le scrutin du 12 décembre est empêché de se tenir bat son plein. Le pouvoir évite soigneusement de désigner nommément les puissances impérialistes qui manoeuvrent pour placer le pays sous leur étroit contrôle. Il est incontestable que l’impérialisme dispose d’alliés et d’agents actifs dans le pays. Ses alliés se trouvent  à la fois dans le pouvoir et dans l’opposition libérale ainsi que dans l’encadrement de certains groupes de manifestants. Pour discréditer le mouvement populaire et justifier les arrestations, il met sur le même plan ceux qui se battent pour la démocratisation du pays, pour la fin des privilèges et des inégalités sociales, et les clans qui s’opposent à lui. Il ne fournit aucune précision sur les liens que ces puissances ont tissés depuis des années avec divers groupes qui acceptent de se mettre à leur service en échange de l’appui que les Etats impérialistes apportent aux classes possédantes contre le danger de révolte des exploités et des jeunes marginalisés. Il est connu que des « leaders » made in USA ou UE ont été préparés de longue date pour exploiter le mécontentement populaire et les aspirations de la majorité écrasante de la société à la liberté d’organisation et d’expression, afin de prendre sa tête et amarrer l’Algérie à ces puissances.

Le pouvoir s’abstient de nommer ces puissances tout en clamant verbalement qu’il refuse les ingérences. La raison en est que depuis des années, dans la continuité de la stratégie de consolidation des positions économiques et politiques conquises par la bourgeoisie, les groupes qui contrôlent les leviers de l’Etat veulent être les seuls « interlocuteurs légitimes » des puissances impérialistes. En tapant dans le tas, ils cherchent seulement à neutraliser les réseaux qui tentent de leur enlever le monopole du marchandage avec les puissances impérialistes autour du partage du gâteau.

Ils ne concèdent que des miettes à d’autres clans. En même temps ils sont résolus à lancer les « réformes » sur lesquelles toutes les fractions de la bourgeoisie, au pouvoir ou dans l’opposition, sont d’accord de concert avec le capital financier international et ses Etats impérialistes. Ces « réformes » doivent renforcer l’exploitation des travailleurs et appauvrir les masses laborieuses pour rapporter plus de profits aux exploiteurs étrangers ou nationaux. Pour différents courants de la bourgeoisie, l’Etat démocratique est la couverture formelle idéale pour faire avaler la pilule.

Le pouvoir cherche à répandre la peur en prenant dans une nasse les manifestants qui revendiquent en toute sincérité une société « plus juste ». Bien que l’aspiration à la justice sociale soit empreinte de grandes confusions sur son contenu social et les conditions de sa réalisation, il n’en reste pas moins qu’elle entraîne dans la phase actuelle de grandes masses de jeunes dans les luttes. Il ne fait pas de doute  que les travailleurs tireront de ces luttes les enseignements qui feront progresser la clarification des enjeux de classe plus ou moins estompés par la dénonciation des responsables qui ont volé les richesses du pays et l’ont dirigé dans l’arbitraire le plus éhonté.

Les communistes organisés dans le PADS soutiennent le mouvement populaire dans son refus d’une élection de pure forme dont le but est de perpétuer le système autoritaire et corrompu décrié. Cette élection a un but principal: donner un semblant de légitimité à la perpétuation du monopole des groupes qui régentent le pays sur le contrôle de l’Etat, masquer l’installation d’une dictature réactionnaire sous un paravent constitutionnel, faciliter sa reconnaissance par les puissances impérialistes qui peuvent plus facilement prendre à la gorge un pouvoir sans base électorale sérieuse.

Les communistes appellent les travailleurs à poursuivre le combat pour arracher toutes les conditions qui assurent la tenue d’élections dans des conditions de liberté d’expression, d’organisation et de transparence, avant et après le 12 décembre, toutes les libertés nécessaires à l’accumulation des forces pour l’accomplissement de la tâche historique de la classe ouvrière,  le renversement de la domination de la bourgeoisie, l’instauration d’une société socialiste.

Ils les appellent en particulier :

-A  ne pas se laisser piéger dans des provocations montées soit par des éléments fascisants du pouvoir, soit par des courants d’opposition grisés par l’isolement du régime au sein des masses, soit encore par des éléments séparatistes que l’aspiration profonde à la défense de l’unité du territoire a mis pour le moment sur la défensive. Ces affrontements pousseraient dans un climat de confusions à l’affrontement entre l’armée et le peuple, à une répression de masse visant à briser les noyaux les plus  démocratiques en cours d’organisation, pour le plus grand profit des exploiteurs internes et externes. L’impérialisme est à la recherche de prétextes pour intervenir dans le pays en vue de s’emparer de ses richesses et de renforcer les positions de leurs alliés, les couches sociales exploiteuses et parasitaires. Le nier au prétexte que le régime agite le spectre de « la main de l’étranger » pour faire peur, relève soit de la puérilité politique, soit de la connivence avec les Etats impérialistes.

-A oeuvrer pour un front démocratique révolutionnaire civil et militaire sur la base d’une lutte commune pour nettoyer le pays des corrompus quel que soit le poste où ils sévissent, déjouer la stratégie des tendances fascisantes, neutraliser les plans antinationaux et anti-ouvriers des classes exploiteuses, concrétiser les aspirations politiques et sociales démocratiques des masses laborieuses, enrayer la crise économique en cours, relancer la construction d’une économie nationale affranchie des liens de dépendance, restaurer la souveraineté politique du pays par l’abrogation des divers accords établis avec le FMI, la Banque mondiale, l’Union européenne, l’OTAN, l’Africom, etc.

-A éviter de faire le jeu de tel clan du pouvoir en rivalité avec tel autre, démasquer, isoler leurs réseaux.

-A ne pas se laisser tromper par les courants islamistes dits « modérés » qui se servent habilement du mouvement de masse en vue de parvenir par la voie d’élections libres à instaurer un régime dit « civil ». Ce   régime serait un premier pas dans leur plan vers l’institution d’un système de féroce exploitation des travailleurs. L’utilisation de l’islam est considérée comme la couverture idéologique la plus adaptée pour légitimer la domination de la bourgeoisie, en alliance avec les pays impérialistes, les monarchies rétrogrades du Golfe et la Turquie d’Erdogan. Ce plan est en cours de réalisation avec l’appui de la chaine de TV réactionnaire Al Magharibia, soutenue directement par le Qatar, et la complicité de divers courants politiques dits « démocratiques » qui lui servent de caution. Il faut le mettre en échec dans les luttes au sein des masses.

Les communistes appellent la classe ouvrière, les travailleurs, à s’organiser de façon indépendante, sur la base d’une plate-forme de rassemblement pour exprimer leurs aspirations de classe à une société débarrassée de l’exploitation capitaliste et impérialiste, à créer dans ce but des comités dans les usines et les chantiers, sur les lieux de travail; à établir des liens d’alliance avec la petite paysannerie, avec les petits artisans et les petits commerçants pour mettre à bas la domination des exploiteurs internes et de l’impérialisme. Les communistes exhortent les éléments révolutionnaires de la classe ouvrière  à aller de l’avant par un travail idéologique clarificateur persévérant dans la perspective d’une société socialiste. La tâche idéologique centrale est de ne pas se laisser détourner de ce combat de longue haleine sous les pressions de la petite-bourgeoisie dont le programme se limite à l’instauration d’un régime de démocratie formelle servant de superstructure au renforcement de l’exploitation capitaliste.

PADS

8 décembre 2019


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