9 novembre 1989, la frontière de béton, qui paraissait infranchissable, finit par tomber pierre après pierre. Les théories fusent : est-ce l’avènement de l’Occident, du marché global et des démocraties libérales ? Trente ans plus tard, le paysage semble bien plus nuancé.
Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, alors que Gunter Schabowski, le chef du parti communiste de Berlin-Est déclare qu’à partir de minuit, les Allemands de l’Est seraient libres de quitter le pays, sans autorisation, une certaine idée du monde et de la géopolitique commence à émerger : et si cette séparation de briques et de béton, construite en août 1961, était la dernière dans ce nouveau monde promis aux démocraties libérales ?
Pourtant la célébration des trente ans de la chute du Mur de Berlin, ce samedi, trouve un écho étrange tant les clôtures, murs et autres frontières filtrées se multiplient aujourd’hui. Eriger une séparation permet aux Etats, en dernier ressort, de faire acte de souveraineté et de donner à l’opinion publique un symbole efficace. Pour la politologue canadienne de l’université du Québec à Montréal, Elisabeth Vallet, citée par Le Monde, « le mur est la réponse immédiate des politiques à l’impression des gens d’une perte de contrôle des territoires, des flux, des valeurs ». Il sert aussi d’argument électoral efficace, notamment dans la campagne électorale américaine de 2016 avec le fameux « Build that wall » de Donald Trump. Un projet dont il se félicite encore aujourd’hui :
Un retour du mur pour tenter, de manière plus ou moins efficace, de lutter contre la mondialisation ? C’est ce que développe Michel Foucher, géographe et ancien diplomate, auteur du « Retour des frontières » (Editions du CNRS, 2016), toujours dans le quotidien du soir : « Dans un monde globalisé, il est naturel qu’il y ait une logique de réaffirmation des frontières ». Il était l’invité d’Affaires étrangères, le 31 mars 2018.
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Entre les régimes illibéraux d’Europe de l’Est, le capitalisme d’Etat de la Chine, les régimes religieux du Moyen-Orient ou les Etats autoritaires, l’idéal démocratique semble se froisser parmi les mesures de sécurité, de lutte contre le terrorisme et de mondialisation à marche forcée. Dans ce contexte, comment interpréter les révoltes des peuples chilien, bolivien, algérien, soudanais, libanais ou européen ? Les demandes d’égalité et de liberté sont-elles comparables à celles des Allemands qui venaient frapper le Mur, le 9 novembre, à l’aide de marteau ?