Le président soudanais, Omar Hassan Al-Bachir, a été arrêté et mis en résidence surveillée, a annoncé jeudi le ministre soudanais de la Défense, Iwadh Ben Aouf, dans un discours télévisé, reprochant «au système en place la mauvaise gestion» des contestations en cours, depuis plus de trois mois dans le pays.
Les habitants de la capitale soudanaise ont rejoint massivement les milliers de manifestants réunis pour le sixième jour consécutif devant le siège de l’armée, qui abrite aussi le ministère de la Défense et la résidence officielle du président Al-Bachir.
Ces milliers de Soudanais réclamaient invariablement la démission du président Al-Bachir, 75 ans, et au pouvoir depuis trois décennies, et demandent à l’armée de rejoindre leur mouvement.
La foule déterminée avait défié toute la journée de mercredi le régime devant ce siège de l’armée, dont les intentions, tout comme celles de la police, restent pour l’instant incertaines.
Mercredi, le parti du Congrès national (NCP) du président Al-Bachir avait appelé l’ensemble de ses membres à un rassemblement de soutien au chef de l’Etat jeudi à Khartoum, signe que le président ne semblait pas prêt à céder. / R. I.
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Le ministre de la Défense va diriger le pays
C’est Awad Ahmed Benawf, le ministre de la Défense au Soudan, qui a été nommé à la tête du Conseil militaire de transition, a annoncé la télévision d’Etat dans la soirée. Plutôt dans la journée, ce général qui sert aussi de vice-président dans le pays avait annoncé “la chute du régime et le placement en détention dans un lieu sûr de son chef” Omar el-Béchir.
Les manifestants qui continuent leur sit-in devant le QG de l’armée, les ONG de défense des droits de l’homme ainsi que la communauté internationale se sont insurgés contre la période de transition de deux années annoncée par l’armée.
L’UE et Washington pour une transition d’ouverture
L’après Béchir au Soudan continue de susciter des inquiétudes. L’Union européenne a demandé à l’armée soudanaise un transfert “rapide” du pouvoir aux civils, tandis que Washington exhorte les militaires à intégrer les civils dans un gouvernement “d’ouverture”.
L’armée n’a encore rien indiqué sur la composition du futur gouvernement.
L’armée durcit le ton contre les manifestants
L’armée soudanaise a ordonné aux manifestants de respecter le couvre-feu nocturne, a indiqué en début de soirée la télévision d’Etat. Des milliers de manifestants continuent d’occuper les rues de la capitale Khartoum. Si certains célèbrent le départ du président déchu Omar el-Béchir, d’autres exigent une transtition civile et non militaire comme l’a annoncé l’armée.
Désormais, le risque d’embrasement se fait plus présent, notamment en cas de non-respect par les manifestants de ce couvre-feu.
Amnesty réclame l’extradition de Béchir à la CPI
Deux ONG internationales de défense des droits de l’homme ont exhorté les nouvelles autorités soudanaises de remettre le président déchu Omar el-Béchir à la Cour pénale internationale, où il sera inculpé de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide dans la région du Darfour.
Le secrétaire général d’Amnesty International, Kumi Naidoo, a notamment rappelé “certaines des plus odieuses violations des droits humains de notre génération” dont est accusé Omar el-béchir. Tandis que son compère de Human Rights Watch a estimé que “les victimes des crimes les plus graves au Darfour ne devraient plus attendre que justice soit rendue”.
La Grande-Bretagne juge longue la période de transition
Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, Jeremy Hunt, a déclaré que deux années de pouvoir militaire potentiel au Soudan “n’est pas la solution” pour “un réel changement” dans le pays.
Pour la diplomatie britannique, le Soudan a plutôt besoin d’un “leadership civil, représentatif et inclusif”. Omar el-Béchir a été renversé par l’armée, qui le détient sans donner donner de précision sur son lieu de détention.
Après la suspension de la Constitution, l’armée a annoncé une période de transition qui devrait durer deux ans.
L’acteur George Clooney souhaite la réalisation de la volonté du peuple
Pour l’acteur et activiste américain George Clooney, le départ du pouvoir d’el-Béchir à lui seul ne suffit guère. C’est tout son régime qui devrait être déboulonné. Il rappelle par exemple que le ministre de la Défense, Awad Mohammed Ibn Ouf, avait également été sanctionné pour crimes de guerre dans la région du Darfour avec l’ex-président.
C’est la substance de son communiqué qui appelle en outre la communauté internationale à garantir que “le prochain président du Soudan reflète la volonté de son peuple”.
L’Union africaine déplore une “réponse militaire”
Un coup d’Etat n’est “pas une réponse appropriée” aux défis du Soudan et aux aspirations de son peuple, a affirmé ce jeudi Moussa Faki, le président de la Commission de l’Union africaine dans un communiqué après la prise du pouvoir par les militaires au Soudan.
Dans une démarche plus ferme le diplomate a critiqué un “changement de gouvernement inconstitutionnel”, assurant que le Conseil de paix et de sécurité se “réunirait rapidement” pour prendre des décisions appropriées.
Couvre-feu nocturne
L’armée a imposé un mois de couvre-feu nocturne après la destitution de l’ancien président Béchir.
Réaction de l‘égypte voisine
Le Caire “confiant dans la capacité du peuple et de son armée” à gérer l’après-Béchir.
Les meneurs de la contestation rejettent le “coup d’Etat du régime”
Les meneurs du mouvement de contestation au Soudan rejettent le coup d’Etat de l’armée qui a destitué le président Omar el-Béchir, remplacé par un “conseil militaire de transition”, et promettent de poursuivre les manifestations.
“Le régime a mené un coup d’Etat militaire en présentant encore les mêmes visages (…) contre lesquels notre peuple s’est élevé”, a indiqué dans un communiqué l’Alliance pour la liberté et le changement. “Nous appelons notre peuple à continuer son sit-in devant le quartier général de l’armée (à Khartoum) et à travers le pays”, a-t-elle ajouté.
La chute du régime confirmée par le ministre soudanais de la Défense”
Selon le ministre, des dirigeants ont été arrêtés dont Omar El-Béchir. Un conseil militaire va administrer le pays pendant une période transitoire de deux ans.
– L‘état d’urgence est décrété pour 3 mois et l’espace aérien est fermé pendant 24 heures.
– Le puissant service de renseignements au Soudan (NISS) annonce la libération de tous les prisonniers politiques du pays, selon l’agence officielle Suna.
Raid à Khartoum dans les locaux d’un groupe lié au Parti du Congrès National
Cette annonce intervient alors qu’une immense foule réclamant le départ du président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis trois décennies, est réunie à Khartoum, dans l’attente d’une annonce “importante” de l’armée.
– Des soldats soudanais ont mené jeudi matin un raid à Khartoum dans les locaux d’un groupe lié au Parti du Congrès National (NCP) du président Omar el-Béchir, contesté par la rue depuis des mois, ont rapporté des témoins.
Le groupe visé s’appelle le Mouvement islamique, la branche idéologique du NCP, ont indiqué les témoins à l’AFP. L’armée a annoncé jeudi matin une “déclaration importante bientôt”, déclenchant des scènes de liesse devant le QG des militaires à Khartoum, où des milliers de manifestants réclament depuis des jours le départ du président.
Soudan : dates-clés de la présidence d’Omar el-Béchir
Rappel des principales dates de la présidence d’Omar el-Béchir, 75 ans, qui a démissionné jeudi après plusieurs semaines de contestation déclenchées le 19 décembre 2018 par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.
1989-1999 : militaires et islamistes au pouvoir
Le 30 juin 1989, le général Omar el-Béchir prend le pouvoir grâce à un coup d’Etat soutenu par le Front islamique national, parti de son mentor Hassan Tourabi.
Le Soudan donne asile à des islamistes, notamment au chef d’Al-Qaïda Oussama ben Laden qui y reste jusqu’en 1996.
Une lutte pour le pouvoir en 1999 aboutit au limogeage de Tourabi.
2003 : conflit au Darfour
En 2003 une rébellion éclate au Darfour, vaste région de l’ouest, qui réclame la fin de la “marginalisation économique” et un partage du pouvoir avec Khartoum.
Depuis, ce conflit a fait plus de 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés selon l’ONU. Le niveau de violences a largement diminué ces dernières années.
Omar el-Béchir fait l’objet de deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité (2009) et génocide (2010) au Darfour.
2005 : accord de paix avec le Soudan du Sud
Le 9 janvier 2005, après plus de 21 ans de guerre civile (deux millions de morts, quatre millions de déplacés), un accord de paix est signé entre Khartoum et la rébellion sudiste, prévoyant une autonomie du Soudan du Sud avant un référendum sur l’indépendance en 2011.
2010 : premières élections multipartites
En avril 2010, Béchir est élu lors des premières élections multipartites depuis 1986, boycottées par l’opposition et critiquées à l‘étranger. Il est réélu en 2015.
2011 : sécession du Sud, rébellions
Le 9 juillet 2011, le Sud proclame son indépendance, six mois après un référendum en faveur de la sécession. Restent à régler le partage des revenus pétroliers, la frontière et le statut de zones contestées.
Parallèlement, des rébellions éclatent dans les Etats du Kordofan-Sud et du Nil Bleu, frontaliers du Soudan du Sud.
2012 : combats Nord-Sud pour le pétrole
Au printemps, combats intenses à la frontière entre les deux Soudans. Avec la sécession, Khartoum a perdu les trois quarts des réserves pétrolières. Le Sud, enclavé, dépend des infrastructures du Nord pour exporter. En avril, le pétrole transite à nouveau par le Soudan, après plus d’un an d’interruption qui a mis les deux économies à genoux.
2013 – 2014 : contestation sans précédent
En septembre 2013, des manifestations contre une hausse de plus de 60% du prix des carburants se soldent officiellement par des dizaines de morts, plus de 200 selon Amnesty.
En janvier 2014, Béchir appelle à une “renaissance” politique et économique après la dissidence de plusieurs figures du régime réclamant des réformes.
2016 : référendum au Darfour
En avril 2016 un référendum controversé au Darfour, boycotté par l’opposition, maintient la division en cinq Etats de cette région.
En août des négociations échouent entre le pouvoir et les rebelles sur la cessation des hostilités au Darfour, au Nil Bleu et au Kordofan-Sud.
Fin septembre, Amnesty accuse les forces gouvernementales d’avoir procédé à plusieurs attaques chimiques, tuant des civils dans l’Ouest. Khartoum dément.
En novembre, le Soudan augmente le prix des carburants d’environ 30%, provoquant des grèves nationales.
2017 : fin de l’embargo
Le 6 octobre 2017, les Etats-Unis lèvent l’embargo sur le Soudan, qui reste toutefois sur la liste noire américaine des “Etats soutenant le terrorisme”.
2018 : manifestations réprimées
Début 2018 des manifestations contre l’inflation des denrées alimentaires sont rapidement contenues avec l’arrestation d’opposants.
En août, le parti au pouvoir désigne Omar el-Béchir candidat à la présidentielle de 2020 pour un troisième mandat, alors que la Constitution en autorise deux.
19 décembre 2018 : début des contestations
Depuis le 19 décembre 2018, le pouvoir est confronté à une vague de manifestations contre le triplement du prix du pain, qui s’est transformée en contestation du régime.
Le 1er janvier 2019, une vingtaine de formations politiques réclament un changement de régime.
Le 14 janvier, après près d’un mois de contestation réprimée, avec officiellement 24 morts, le président assure que le pouvoir ne cédera pas.
11 avril 2019 : démission
La grande mobilisation populaire qui secoue le Soudan depuis près de 100 jours aura eu raison de lui. Le chef de l’État Omar Al Bashir a démissionné selon des sources gouvernementales, et des consultations sont en cours pour former un conseil de transition.
Des milliers de Soudanais sont en liesse jeudi dans les rues de Khartoum, dans l’attente d’une “déclaration importante” promise par l’armée à la télévision officielle.