L’enregistrement d’Abou Bakr al-Baghdadi, ou la nouvelle génération du djihad

Dans un enregistrement audio, le chef de Daesh a appelé ses partisans à «libérer» les djihadistes emprisonnés et commenté l’actualité internationale. L’EI prépare son avenir en investissant dans une nouvelle génération «formée» dans les prisons.

Dans un enregistrement audio publié sur Telegram le 16 septembre par l’agence de propagande de l’EI, Al Furqan, Abou Bakr al-Baghdadi a appelé ses partisans à «sauver» les djihadistes détenus dans les prisons kurdes et irakiennes. Il a également enjoint les détenus à la «patience» et les a appelés à observer la plus stricte discipline en matière de religion. En outre, al-Baghdadi conseille à ses adeptes d’accepter la «repentance» (des anciens ennemis), de craindre «Allah en toutes circonstances» et «d’éviter les injustices». Et de poursuivre : «Libérez vos frères et sœurs des prisons».

Le «calife» de l’organisation Etat islamique fait ainsi allusion aux situations au Yémen, en Egypte, au Soudan, en Libye et en Palestine. Selon lui, les options politiques que représentent Sarraj et Haftar en Libye, le régime militaire au Soudan, et toutes les autres options politiques en dehors du djihad dans le monde ont un seul point commun : «Les gens meurent sur les sentiers d’Allah».

Abou Bakr al-Baghdadi dément également à nouveau les rumeurs portant sur sa disparition. Il reste – malgré le mauvais état de santé qu’on lui prête – le chef incontesté d’une organisation mondialisée qui tente d’influer sur plusieurs pays malgré la perte de ses territoires en Irak et en Syrie.

En insistant particulièrement sur la libération des djihadistes détenus par les Irakiens et les Kurdes, al-Baghdadi ne fait que reprendre un leitmotiv constant de l’Etat islamique depuis sa création en 2006, pointant la «difficulté», selon lui, de «l’entreprise djihadiste». Pour lui il faut que les djihadistes «redoublent d’efforts» car «l’expansion est une épreuve d’Allah».

L’importance des djihadistes emprisonnés pour Daesh

Et de fait, les centres de détention ont occupé une place importante dans l’émergence de la nébuleuse terroriste de Daesh. Abou Bakr al-Baghdadi et ses plus fervents partisans ont en effet par le passé été emprisonnés dans le camp irakien de Bucca en 2004. Cette prison américaine a ainsi servi d’«école du djihad» pour les futurs djihadistes, al-Baghdadi ayant constitué un noyau de djihadistes autour de lui.

Jouissant déjà d’une considérable influence au sein du djihad irakien, il assurait alors l’enseignement coranique, faisait office de juge en cas de litige et dirigeait la prière. C’est également dans cette prison qu’il a théorisé la tentative de construire un «Etat» au hors de tout cadre international classique. Son but : créer une entité qui prendrait le relais du califat abbasside médiéval, considéré comme l’âge d’or de l’Islam (750-1258).

L’effondrement du califat territorial de Daesh, qui a culminé avec le siège de Baghouz (janvier-mars 2019), a débouché sur l’emprisonnement d’un grand nombre de djihadistes. Leur forte concentration dans les centre de détention kurdes et irakiens ont rendu à la prison la fonction qu’elle avait eue pour al-Baghdadi et ses partisans en 2004. Car plus qu’un lieu de formation théologique et méthodologique à l’acte terroriste, ces centres de détention font désormais office d’incubateurs où les djihadistes réfléchissent à la période de territorialisation réalisée entre 2014 et 2019, aux perspectives que la création d’un «Etat islamique» éphémère a ouvert, ainsi qu’aux erreurs commises, selon eux, dans sa création et son administration, en cherchant des moyens de les corriger.

Femmes et enfants, colonne vertébrale de la stratégie de Daesh

La grande importance accordée aux femmes et aux enfants en prison dans l’enregistrement d’al-Baghdadi atteste également de son intérêt pour les «lionceaux du Califat», ces enfants de djihadistes nés sous le régime de Daesh et faisant dès leur plus tendre enfance l’objet d’un endoctrinement conforme aux préceptes de l’Etat islamique.

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Cette prégnance de l’éducation se trouve renforcée par le fait que le «ministre » de l’éducation de Daesh, Hamza Ryad Ziad, portait aussi le titre de contrôleur général du renseignement. Dans le sillon d’al-Baghdadi, l’EI ne cherche ainsi pas seulement à manipuler les enfants pour les mettre sur la voie du djihad, mais également à détruire toute trace des Etats nations qui l’ont précédé.

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