par Belkacem Ahcene-Djaballah
Livres
L’Afrique et ses littératures ou le trauma en narration. Ouvrage collectif sous la direction de Benaouda Lebdaï. Editions Franz Fanon, Tizi Ouzou 2018, 900 dinars, 261 pages
Quinze contributeurs d’Algérie et d’ailleurs en Afrique. Tous spécialistes (ou lecteurs critiques) de la littérature africaine (et de la diaspora)… qui tentent, avec bonheur, même si les discours sont difficilement accessibles, au commun des lecteurs, de «découvrir» le trauma (en tant que concept critique) dans les écrits post-coloniaux des uns et des autres.
La démarche globale est psychanalytique bien plus que clinique… nommant les traumas de l’Histoire à partir de la représentation situationnelle de ceux qui les subissent, sujets coloniaux et post-coloniaux. D’où des textes qui nous mènent de Salman Rushdie, Assia Djebar et Rachid Boudjedra à Bessie Head, Zoë Wicomb et Alain Mabackou en passant par J. M. Coetzee, Tierno Monenembo, Délia Jarett-Macauley… Des auteurs qui, à travers leurs essais, romans, autobiographies ou entretiens, se sont trouvé, un jour ou un autre, à un moment donné (ou même à plusieurs moments sinon toute une grande partie de leur vie), «embarqués dans la galère de leur temps» (pour reprendre Albert Camus ). Certains (Nawal Saâdaoui, Dina la danseuse, Nabil Malek, l’essayiste dont un texte avait décrit l’hypocrisie religieuse et la condition des femmes Salman Rushdie, le romancier et essayiste, Taslima Nasreen, Khalida Messaoudi, la féministe, Malika Boussouf, la journaliste, Rayhanna la dramaturge, Mimouni l’écrivain) ont reçu des menaces de mort sous forme de fetwas’ (ce qui provoque un choc émotionnel interne difficile à gérer…), des condamnations à mort, par des intégristes… D’autres ont été tués (Farag Foga le romancier, Tahar Djaout le poète journaliste, Said Mekbel, le journaliste..) On a donc : – Afifa Brerhi qui fait une lecture croisée de «La Grotte» de George Buis et de «La Grotte éclatée» de Yamina Mechakra. – Zohra Bouchentouf-Siagh qui présente une œuvre de Maïssa Bey- Christiane Chaulet-Achour qui étudie les traumatismes de guerre et comment reconstruire la filiation père/fille. – Jelena Antic et «Vaste est la prison» de Assia Djebar.
– Sarah Kouider Rabah «Les figuiers de Barbarie» de Rachid Boudjedra
Pour ce qui concerne le trauma et les écritures africaines sub-sahariennes, on a :
– Amina Bekkat et «Destins de femmes» de Emmanuel Dongala, M’bouh Seta Diagana et «Une vie de sébile» de Bios Diallo, Sylvie Brodziak et les «territoires d’enfance, la figure de l’enfant épouvantail», Natalia Naydenova et le traumatisme chez l’intellectuel africain.
Il y a, enfin, une troisième partie consacrée au «Trauma et écritures sud-africaines» , avec : Michel Naumann et Coetzee et Dostoievski, Katherine Doig et, toujours une œuvre de J.M. Coetzee, Vicki Briault Manus et des œuvres de Bessie Head et Zoë Wicomb, Férial Kellaf et Zoë Wicaomb.
L’Auteur : Professeur des Universités, spécialiste des littératures coloniales et post-coloniales. Nombreux ouvrages et articles… Plusieurs participants à l’ouvrage dont Afifa Bererhi, Feriel Khellaf, Christiane Achour, Amina Bekkat…
Extraits : «Le trauma est révélé par l’absence de ce qui est essentiel, qui est une manière de reconstruire l’avenir, celui d’Afrique apaisée face à son histoire» (Benaouda Lebdaï, p 11), «Si deuil signifie bien, là aussi en un emprunt à la psychanalyse, le dépassement de la perte, alors le trauma est son exacte antithèse, puisqu’il se nourrit non seulement du choc de la perte, ou de sa menace imminente, mais précisément de son impossible métabolisation» (Marc Amfreville, p 17)
Avis : Un ouvrage destiné principalement aux Africains (Algériens y compris) spécialistes ou intéressés… traumatisés ou non, aimant la littérature ou non.
Citations: «Trauma vient du mot grec qui signifie blessure, et que ses racines indo-européennes le lient à la trouée, la percée» (Marc Amfreville, p 18), «Être sous surveillance en continu est une souffrance, un paradoxe pour des écrivains dont le métier est d’être seuls pour réfléchir, écrire, pour des artistes et des journalistes pour qui la liberté est essentielle» (Benaouda Lebdaï, p 45)