A propos des archipels Hoàng Sa (Paracels) et Trường Sa (Spartleys) en mer de l’Est (ou mer de Chine méridionale)

Depuis des années, la question des archipels Hoàng Sa et  Trường Sa est une pomme de discorde entre la Chine et plusieurs pays du Sud-Est asiatique, la dissension étant allumée par la richesse pétrolifère de cette région Pacifique. Sans parler de leur position stratégique, étant situées sur les lignes de navigation entre le Moyen Orient et le Pacifique Nord.  Hoàng Sa (Paracels, – en chinois : Xisha) et Trường Sa (Spartleys, – en chinois : Nansha) se trouvent dans la Mer de l’Est (Mer de Chine méridionale). La Chine a occupé Hoàng Sa en 1974 et une partie de Trường Sa en 1988, territoires d’appartenance vietnamienne. Les Chinois dessinent une carte de la Mer de l’Est dont l’espace chinois en forme de langue de bœuf occupe 80% de la superficie, englobant entre autres les îles Hoàng Sa et Trường Sa vietnamiennes.

Un peu d’histoire

Les archives archéologiques chinoises datant des « Annales des Printemps et des Automnes » de Confucius (VIᵉ siècle av. J.-C.) ne donnent rien de valable à la question. L’affirmation selon laquelle les Chinois auraient habité ces îles depuis des temps immémoriaux est sans fondement.

Quant  aux archives historiques chinoises à partir des dynasties Qin et Han, elles disent que le territoire chinois s’arrêtait à l’île Hainan (Qiongzhou).  Aucun écrit, aucune carte ne mentionnait que Hoàng Sa et Trường Sa étaient des possessions chinoises, administrées et mises en exploitation par des Chinois.

La carte de Chine dressée par la dynastie impériale des Qing en 1894 ne va pas au-delà de Hainan.

Par contre, les archives chinoises indiquent que Hoàng Sa et Trường Sa appartenaient au Giao Châu (Jiaozhou, nom donné par les Chinois à la colonie vietnamienne). L’Histoire de la Chine au Moyen âge de Hsieh Chiao-Min (Taiwan, 1978) note que « dans les anciens temps, il n’y avait pas eu d’incursions chinoises d’envergue dans le Pacifique. » Le Giao Châu dị vật chí (Livre sur les particularités du Giao Châu) fait savoir que Hoàng Sa (relevant du Thất Châu Dương du Giao Châu) possède de nombreux roches magnétiques qui empêchent l’approche d’embarcations ferrées.  

Dans Chư phiên chí (Ouvrage sur les pays vassaux), Zhao Ru Kuo (dynastie des Song) dit aussi que les parages de Trường Sa sont dangereuses pour la navigation. Au temps de l’empereur Ming Yongle (XVᵉ siècle), le navigateur Zheng He visitant un certain nombre de pays dans la Mer de l’Est (Mer de Chine méridionale), n’a fait escale qu’à Đo Bàn du Champa. Le Hải ngoᾳi  ký sự (Chroniques d’outre-mer, 1695) du bonze Shi Da Shan reconnaît la souveraineté du Đᾳi Việt (Vietnam) sur Hoàng Sa et Trường Sa. Le Hải quốc đồ ký (Hai Guo Tu Ji), début du XIXᵉ siècle, de Wang Bing Nan dit que le Van lý Trường Sa (Hoàng Sa) est un long îlot de sable servant de mur protecteur pour l’Annam (Vietnam). Le Lĩnh ngoại đại đáp (Ling Wai Dai Da) de Zhou Qu Fei (dynastie des Song) situe le Van lý Trường Sa dans la Mer du Giao Chỉ (Jiaozhi, nom donné par les Chinois à la colonie vietnamienne).

« Hoàng Sa n’a aucun lien avec la Chine », a déclaré le gouverneur chinois des deux provinces Kouang de la dynastie des Qing, en réponse aux protestations britanniques au sujet d’une affaire touchant cette île. Les cartes de Chine de 1461 à 1635 (sous les Ming) et de 1894 à 1911 (sous les Qing) limitent l’empire chinois à Hainan.

C’est vers les années 30-40 du XXᵉ siècle que s’est fait jour la convoitise chinoise concernant la Mer de l’Est avec mention des deux îles. Un officier de Tchang Kaï-chek nommé Shi Lin Jun (1905-1979), au nom des Alliés vainqueurs, après une croisière d’inspection à bord du Taiping dans les parages de ces îles, a dessiné la carte « Positions des îles de la Mer du Sud » imprimée en 1947.

Après avoir vaincu Tchang Kaï-chek en 1949, la Chine communiste a adopté l’expansion maritime de Tchang. Elle a présenté à l’ONU la carte de 1947. L’Empire maritime chinois affecte la forme d’une langue de bœuf (nine-dash line). Deux des onze secteurs sont éliminés parce qu’ils appartiennent incontestablement au golfe vietnamien du Bắc Bộ.

L’argument juridique

Aucun argument juridique ne peut justifier la « langue de bœuf chinoise ». Pékin allègue que quand elle présentait sa carte à l’ONU, elle n’a reçu aucune objection. Argument de peu de poids, parce que toute vérité peut être dévoilée à n’importe quel moment. Les revendications chinoises n’ont pas de valeur au regard du Droit de la Mer de 1982 de l’ONU définissant sans ambiguïté le plateau continental. La Chine n’a aucune raison de revendiquer comme siens les plateaux continentaux et zones économiques exclusives au-delà des juridictions chinoises.

La délimitation chinoise englobant Hoàng Sa provient d’une fausse application du Droit de la Mer concernant les pays insulaires. En outre, l’incorporation maritime des régions des récifs coralliens est contraire à la convention concernant le Droit de la Mer de 1982 que la Chine avait signée. Les bateaux de contrôle maritime chinois ont coupé les cables des bateaux vietnamiens à 116 milles marins des côtes de Phú Yên, c’est-à-dire dans l’espace du plateau continental vietnamien.

Selon Jean-Louis Taberd, le roi Gian Long, en 1816, est venu planter son drapeau sur l’île à la Plage d’or (Paracels), affirmant la souveraineté vietnamienne.

Au cours des conférences du Caire (1943) et de San Francisco (1951), la majorité des participants n’ont pas approuvé la souveraineté chinoise sur Hoàng Sa et Trường Sa.

Les archives vietnamiennes des Lê et des Nguyễn (XVIIᵉ- XIXᵉ siècles) ont mentionné avec cartes à l’appui la souveraineté vietnamienne sur Hoàng Sa et Trường Sa, sans parler des cartes étrangères dans ce sens.

Historiquement, l’occupation et l’exploitation vietnamiennes de ces îles ont laissé des preuves irréfutables : organisation des flottilles, brevets royaux, cérémonies durables en l’honneur des membres de missions officielles morts à Hoàng Sa.

Au temps de la colonisation, les Français occupant le territoire vietnamien avaient établi une garnison sur ces îles sans soulever aucune protestation chinoise. Ils ont reconnu l’indépendance vietnamienne après la Révolution de 1945 ; leur tentative de reconquête ayant échoué en 1954, ils ont signé les Accords de Genève consacrant la division du Vietnam et remettant  Hoàng Sa et Trường Sa à l’administration vietnamienne du Sud (République du Vietnam). Celle-ci a pris possession officiellement des îles, y installant une garnison.

Après le rapprochement US-chinois par le Traité de Shanghaï (1972), la Chine a occupé par la force Hoàng Sa. En 1988, elle a envahi une île de l’archipel Trường Sa (dont l’îlot Ba Bình avait été occupé par Tchang Kaï-chek avant la reddition japonaise).

Pour faire respecter ses droits inaliénables sur Hoàng Sa et Trường Sa, le Vietnam préconise la voie des négociations pacifiques. Il espère que les autorités et le peuple de Chine épousent la même attitude, dans l’intérêt des deux pays. Un pas important a été réalisé à la Conférence de Bali, avec l’adoption de la DOC (Declaration on the Conduct of Parties in the East Sea), approuvée aussi par la Chine./

Farid DAOUDI


Photo mise en avant : Le président chinois Xi Jinping et son homologue vietnamien Trần Đại Quang, le 13 novembre 2017 à Hanoï. REUTERS/Luong Thai Linh/Pool


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One thought on “A propos des archipels Hoàng Sa (Paracels) et Trường Sa (Spartleys) en mer de l’Est (ou mer de Chine méridionale)

  1. Très bon travail sur une question largement ignorée du citoyen moyen. Rares sont les personnes à se tenir debout le régime communiste de Pékin. Cet article fera référence.

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