Avec son « deal du siècle » censé régler le conflit israélo-palestinine, Donald Trump ne fait que soulever l’indignation de la presse du Proche-Orient et unir les factions palestiniennes contre lui. Une journaliste du Washington Post conspuée pour avoir évoqué une affaire de viol contre Kobe Bryant.
Donald Trump a donc dévoilé hier son plan de résolution du conflit israélo-palestinien et il fait abondamment réagir la presse du Moyen-Orient.
A commencer par le quotidien libanais L’Orient-Le Jour, qui nous décrit à sa manière la scène qui s’est déroulée hier à la Maison Blanche : « scène surréaliste, selon Soulayman Mardan Bey, de deux dirigeants, Donald Trump et Benjamin Netanyahu, l’un confronté à une procédure de destitution, l’autre inculpé pour corruption » qui se félicitent de marquer l’histoire quand ils ne se livrent qu’à de « petits arrangements entre amis« .
En l’absence criante de tout représentant palestinien mais aussi des monarchies du Golfe, les « deux leaders parmi les plus contestés au monde » ont sans réelle surprise « réaffirmé la reconnaissance de Jérusalem comme capitale une et indivisible d’Israël, mais ils ont aussi entériné l’annexion de certaines parties de la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée« .
Mais ce qu’en retient L’Orient-Le Jour, c’est « l’approche uniquement économique qui est apporté à la question palestinienne : rien sur ses revendications nationales et politiques, rien sur son droit à l’autodtermination, le drame palestinien n’est vu que sous nle prisme de la pauvreté et du terrorisme« . A condition de renoncer au second (c’est aussi simple que celà, apparemment), les Palestiniens se voient promettre l’aumone de 50 milliards de dollars d’investissements : résumé par l’éditorialiste libanais Issa Goraïeb, « ce prétendu plan de paix se résume à une obsène transaction : l’appât de l’argent pour faire oublier leur patrie aux Palestiniens en échange d’un mini-Bantoustan« . Et Goraïeb de conclure : « bon courage sur ce boulevard du délire, messieurs… et gare aux cahots« .
Des cahots en perpsective en effet, du côté des Palestiniens qui n’ont pas été invité à la table des négociations de ce soi-disant « accord ». A Jérusalem-Est, Ramallah et Gaza, le rejet du plan Trump est unanime ; d’ailleurs dès hier, nous dit le site The Palestinian Chronicle, la première réaction des officiels de l’autorité palestinienne a été de « dire qu’aucune paix ne sera possible sans eux et que toutes les Palestiniens doivent s’unir » contre la vision imposée par les Etats-Unis et Israël. C’est là un mérite que The Middle East Eye reconnait d’ailleurs à Trump et Netanyahu : ils donnent à toutes les factions rivales de Palestine une raison d’apparaître « ressoudées, Hamas, Fatah et FPLP épaule contre épaule« , comme les décrit Mohammed Al-Hajjar hier dans les rues de Ramallah où des drapeaux américains, tout comme des portraits de Donald Trump ont été brûlés.
On retrouve d’ailleurs ces images sur la chaîne qatari Al Jazeera qui donne la parole à ces Palestiniens unanimes pour dénoncer le plan présenté hier à Washington comme rien de plus qu’un « nouveau Balfour« , en référence à la déclaration britannique de 1917 qui avait constitué la première étape vers la création de l’Etat d’Israël. Dans ce même média, une analyse signée du journaliste arabe israélien Marwan Bishara nous explique que « l’arrogance des Américains evners les Palestiniens ne peut que se retourner contre les Etats-Unis » à court terme, tant ce soit-disant « deal« , qui en se présentant comme un plan de paix « fait offense aux précédents processus de paix« , a tout d’une « farce, d’un théâtre de l’absurde« .
Même sentiment du côté de Chemi Chalev que l’on lit ce matin dans les colonnes de Haaretz à Tel Aviv : « Le plan Trump serait risible s’il n’était dangereux et totalement unilatéral. Il n’a qu’une seule logique, et c’est celle de l’humiliation et de la soumission des Palestiniens » écrit le commentateur israélien rejoint, toujours dans les pages opinion d’Haaretz, par Anshel Pfeffer selon qui cette soi-disant pax americana est « vouée à l’échec« , c’est une évidence, mais malgré tout il en restera toujours quelque chose, tant elle constitue un feu vert offert à Benyamin Netanyahou pour réaliser « son plus grand rêve d’annihiler toute contestation territoriale du Jourdain aux rives de la Méditerrannée« .
Le Times of Israel le confirme d’ailleurs : le gouvernement israélien a annoncé hier soir qu’il allait lancer dès dimanche l’annexion des colonies juives situées en territoire palestinien, en Cisjordanie et dans la Vallée du Jourdain.
MISE A JOUR : le même Times of Israel peu de temps après la diffusion de cette revue de presse est revenu sur cette dernière information, citant une source du Likud.
Vous n’avez sans doute pas échappé au déluge d’hommages et d’hagiographies qui ont suivi la mort dimanche de la superstar du basket américain Kobe Bryant.
Ce décès brutal dans un accident d’hélicoptère qui a aussi emporté sa fille de 13 ans et 7 autres personnes, a choqué l’Amérique et tous les afficionados de la NBA à travers le globe. Et dans ce contexte d’unanimité du deuil, il y a une journaliste du Washington Post, Felicia Sonmez, qui a fait entendre un autre son de cloche.
Sur Twitter elle a jugé bon de rappeler que le grand homme dont on saluait la stature de héros nationale, la popularité légendaire, le génie sportif et la loyauté aux valeurs de l’Amérique, que Kobe Bryant donc avait aussi une ombre à sa gloire : une accusation de viol portée contre lui en 2003 par la réceptionniste d’un hôtel du Colorado.
C’est The Guardian qui nous rappelle les faits : Bryant était descendu seul à l’hotel, la jeune femme agée à l’époque de 19 ans l’a accusé de l’avoir forcée à un rapport sexuel non consenti. Il y a euy une plainte, le début d’une enquête criminelle dans laquelle les avocats des Los Angeles Lakers, le club de Bryant, ont bien pris soin de bien dévoiler l’identité de la plaignante et de la traîner dans la boue. Malgré les preuves accablantes, et sous la pression, la jeune femme a accepté de régler l’affaire au civil et de retirer sa plainte au pénal.
C’est donc pour avoir rappelé ce passage précis de la vie de cet homme riche et puissant qu’était Kobe Bryant, que la journaliste du Washington Post Felicia Sonmez s’est retrouvée elle-même conspuée sur les réseaux sociaux dimanche soir, avant de recevoir un e-mail du grand patron de sa rédaction lui annonçant qu’avec son « tweet inapproprié elle avait porté atteinte à la dignité et à l’image de son journal« , et qu’elle était donc suspendue de son poste de journaliste.
Cette sanction… nous raconte ensuite The Huffington Post, a soulevé l’indignation de la Guilde des journalistes du quotidien, un élan de solidarité professionnelle qui a finalement obligé le Washington Post hier à annonce la réintégration de Felicia Sonmez… sans pour autant lui présenter d’excuses.
La journaliste dit à présent que cette réintégration n’efface pas le malaise qu’elle ressent désormais sur la manière dont son journal traîte de la question des violences faites aux femmes. Elle-même sait de quoi elle parle : pour avoir porté plainte contre un collègue du Los Angeles Times qui l’avait agressée du temps où elle travaillait à Pékin, elle sait ce que cela peut coûter de donner vouloir porter la parole des victimes plutôt que celle des violeurs.
Lire :
Soutenu par le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahu, le plan de paix au Proche-Orient de Donald Trump a aussitôt été rejeté par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas qui appelle la communauté internationale à refuser le projet. L’ONU s’en tient aux résolutions et aux accords bilatéraux sur la création de deux États sur la base des frontières définies en 1967. Ce plan peut-il aboutir ? Fait-il voler en éclat les accords d’Oslo ? Donald Trump rompt-il avec ses prédécesseurs ? Quelles sont les réactions internationales ?
Autre diffusion :