Source : France Bleu, Benjamin Fontaine, 27-03-2020
Selon le professeur Vincent Thibault, chef de service du laboratoire de virologie aux CHU de Rennes, les tests de dépistage du coronavirus ne sont fiables qu’à 70%. Ce qui pourrait expliquer la prise en charge tardive de l’adolescente décédée en région parisienne.
Alors que les formes sévères de coronavirus sont rares chez les jeunes patients atteints, la mort d’une adolescente parisienne de 16 ans a créé la stupéfaction. A Rennes, le professeur Vincent Thibault, chef de service du laboratoire de virologie au centre hospitalier universitaire alerte ce vendredi 27 mars.
Le virus peut être plus profond
Il souhaite rétablir la vérité sur la performance des diagnostics effectués. « Aujourd’hui nous faisons des prélèvements dans le nez mais on sait que le virus ne se trouve pas dans le nez à toutes les phases de la maladie, » explique le virologue. « On peut donc avoir un test négatif alors que le patient présente des symptômes et qu’il est bien contaminé. Ça s’explique par le fait que le virus est bien plus profond, dans les poumons par exemple. »
Selon le professeur, sur 100 personnes testées négatives, il est probable que 30 d’entre elles soient néanmoins infectées par le virus. « Ça ne veut pas dire que le test n’est pas bon mais que nous recherchons le virus a un endroit où il ne se situe pas à toutes les phases de la maladie. »
Les risques d’un dépistage à grande échelle
« Dans le cas de cette jeune fille il semble qu’elle ait eu deux prélèvements initiaux négatifs. Elle a été renvoyée chez elle et sont état s’est dégradé rapidement avec un résultat finalement positif. Ce triste cas illustre bien le problème qui existe aujourd’hui et on peut imaginer les conséquences à venir si on proposait ces tests à toute la population, » s’alarme Vincent Thibault. Le risque est de voir des personnes devenir moins respectueuses des gestes barrières et transmettre le virus à des populations à risque.
Des soucis d’approvisionnement en tests
Par ailleurs, le virologue explique aujourd’hui les difficultés à s’approvisionner auprès des fournisseurs. « Nous avons du mal à trouver des réactifs pour les tests. Il y a des ruptures de stocks. Nous n’avons plus d’écouvillons pour faire les prélèvements. Si on doit élargir les tests, je ne sais pas comment nous ferons. »
A ce jour, 300 testes journaliers sont effectués par le CHU de Rennes.
Source : France Bleu, Benjamin Fontaine, 27-03-2020
ENTRETIEN. « La plupart des tests Covid-19 actuels ne sont fiables qu’à 70 % »
Source : Ouest France, Samuel Nohra, 27-03-2020
Alors que la France va augmenter son nombre de tests dans les prochains jours, le décès d’une jeune fille de 16 ans, testée deux fois négatif, pose question. Vincent Thibault, chef du laboratoire de virologie du CHU de Rennes, nous apporte son éclairage.
Plus de 15 000 tests Covid-19 par jour en cette fin de semaine, 25 000 en fin de semaine prochaine, avait affirmé, jeudi 26 mars, le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Le décès d’une jeune fille de 16 ans, testée négatif par deux fois avant de succomber à la maladie, interroge. Les réponses du professeur Vincent Thibault, chef du laboratoire de virologie du CHU de Rennes.
Quelle est la fiabilité des tests actuellement pratiqués ?
Qu’on rétablisse la vérité sur la performance du diagnostic. De l’expérience chinoise et désormais de la nôtre, nous savons qu’un prélèvement naso-pharyngé, tel que celui effectué dans les « drives » médiatisés, ne possède une sensibilité clinique que de l’ordre de 70 %. En d’autres termes, si vous testez 100 personnes qui sont négatives selon le test effectué, il est probable que 30 d’entre elles soient néanmoins infectées par le virus.
La qualité des tests est en cause ?
Ceci n’est pas lié au fait que le test n’est pas bon, mais au fait que nous recherchons le virus à un endroit où il ne se situe pas dans toutes les phases de la maladie. De fait, on retrouve dans 70 % des cas du virus dans le nez, mais parfois, on ne le retrouve que plus profond dans l’arbre pulmonaire (au fond des poumons). On ne peut pas aller le chercher si profond avec un prélèvement simple. Ceci n’est fait qu’en unité de réanimation.
C’était le cas pour la jeune fille de 16 ans testée négativement ?
Il semble qu’elle ait eu deux prélèvements initiaux négatifs et qu’elle a donc été renvoyée chez elle, et que son état se soit dégradé rapidement avec un résultat finalement positif. Ce triste cas illustre bien qu’un prélèvement négatif ne signifie pas forcément l’absence d’infection… Avec les conséquences qu’on peut imaginer si on proposait ces tests à toute la population.
En bref, 30 % des personnes à qui on rendra un test négatif seront potentiellement infectées avec un risque, soit de transmettre le virus, soit de développer eux-mêmes la maladie.
Les tests actuels, dits primaires (ou tests PCR) cherchent le virus en détectant son ADN. Si la charge virale est encore trop faible au moment du test, le résultat peut être négatif même s’il y a infection. De nombreuses équipes travaillent sur des tests sérologiques. À partir d’une prise de sang, ils détecteront les anticorps spécifiques indiquant que l’organisme a été confronté au virus, même si le patient est depuis guéri. Ces tests beaucoup plus fiables devraient être disponibles d’ici deux à trois semaines espèrent les autorités sanitaires. Ils seront essentiels à la sortie du confinement.
Source : Ouest France, Samuel Nohra, 27-03-2020
Décès de Julie, 16 ans : comment l’adolescente a pu être testée négative deux fois au Covid-19
Source : Le Parisien, Robin Korda, 27-03-2020
La famille de l’adolescente, décédée, a appris très tard que la dégradation de sa santé était due au coronavirus. Un drame qui met en lumière le manque de fiabilité des tests actuels.
La bonne nouvelle ne valait rien. Mardi, la famille de Julie, une adolescente de 16 ans placée en réanimation au sein de l’hôpital Necker, à Paris, reçoit, comme nous l’ont raconté ses proches, les résultats de deux tests au Covid-19 passés par la jeune fille : négatifs.
Le soir même, ce diagnostic est contredit par un troisième dépistage, passé la veille à l’hôpital de Longjumeau, dans l’Essonne. L’état de santé de Julie, sans antécédent médical connu, est bien lié au nouveau coronavirus.
L’adolescente meurt quelques heures plus tard, victime, selon le ministre de la Santé, Olivier Véran, d’une forme sévère du virus « extrêmement rare » chez les jeunes. Un drame qui met en lumière la fragilité des résultats des tests de dépistage actuels, de plus en plus réclamés par les Français.
Pourquoi l’adolescente a-t-elle été testée plusieurs fois ?
Gérald Kierzek, médecin urgentiste à l’hôpital Hôtel-Dieu (AP-HP) de Paris, rappelle que le test est « très spécifique » : s’il s’avère positif, il y a « 98 % de chances » que ce soit bien le cas du patient.
En revanche, sa « sensibilité », bien qu’il n’existe pas encore d’étude poussée sur le sujet, ne se situerait qu’autour de « 60 % ». Statistiquement, deux patients contaminés sur cinq seraient donc diagnostiqués négatifs.
« Au CHU de Lille (Nord), les médecins n’hésitent pas à tester cinq à six fois les mêmes personnes, lorsqu’elles présentent un état grave, jusqu’à obtenir un résultat positif », confie Gérald Kierzek. C’est vraisemblablement aussi ce qui explique que la jeune Julie ait été testée à trois reprises.
Contactés ce vendredi, l’hôpital Necker et l’AP-HP ne comptaient pas réagir dans l’immédiat à son cas personnel, notamment en raison du secret médical. En conférence de presse virtuelle, le professeur Bruno Riou, directeur médical de crise de l’AP-HP sur le coronavirus, a toutefois rappelé qu’il existait des « faux positifs » et « des faux négatifs », « comme dans toutes les épidémies ».
Comment expliquer que les résultats soient peu fiables ?
La fragilité de ces résultats s’explique par le procédé utilisé. Les tests actuels reposent sur prélèvements dits « nasopharyngés ». En clair, des cellules sont récupérées profondément dans le nez à l’aide d’un écouvillon, une sorte de long coton-tige, afin d’y repérer l’ARN, c’est-à-dire le matériel génétique du virus.
Mais ces prélèvements peuvent être opérés à un moment où le virus ne se situe pas dans cette zone. « Par exemple, si le test est réalisé trop tôt, le virus peut être circonscrit à la zone de la gorge. Rien ne sert de le chercher dans le nez, illustre Gérald Kierzek. Plus tard, le virus peut être localisé dans les poumons et demeurer indétectable dans la zone ORL ».
Le procédé est par ailleurs « opérateur dépendant » : sa fiabilité dépend en partie de la façon dont le test est réalisé manuellement. A-t-on cherché assez profond ? En tournant l’écouvillon au bon nombre de fois ? La technique de laboratoire, elle, n’est jamais en cause.
Un bon diagnostic aurait-il permis de la soigner différemment ?
Pour l’auteur de « Coronavirus – Comment se protéger ? », la part importante d’aléa dans les diagnostics apporte une forme de « fausse sécurité ». Le contaminé se croit négatif, ce qui peut l’amener à prendre moins de précautions pour préserver son entourage.
En revanche, être diagnostiqué positif ou négatif ne change au traitement reçu si l’on a développé une infection grave. « Il faut se rappeler qu’il n’y a pas de traitement spécifique aux infections liées au Covid-19 », souligne le médecin urgentiste.
« L’apport d’oxygène au patient se décide non pas en fonction des résultats du test, mais du scanner des poumons et de l’état du malade », ajoute-t-il. Utilisé dans d’autres pays, comme la Corée du Sud, le dépistage massif sert avant tout à éviter les contagions, et non à traiter différemment les malades porteurs du nouveau coronavirus.
Source : Le Parisien, Robin Korda, 27-03-2020
https://www.middleeasteye.net/news/coronavirus-turkey-faulty-chinese-kits-not-use