Quassaman, la Marseillaise et le Chant des Partisans Hymne à la paix

   

Par le Professeur émérite Chems Eddine Chitour,
école polytechnique, Alger.

«Si je reviens à l’impression qu’il m’a faite, à l’époque où je l’ai capturé, et toutes les nuits où nous avons parlé ensemble, j’aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté, j’aurais aimé avoir beaucoup d’hommes de cette valeur, de cette dimension, de notre côté. Parce que c’était un seigneur Ben M’hidi. Ben M’hidi était impressionnant de calme, de sérénité, et de conviction. Lorsque je discutais avec lui et que je lui disais : ‘’Vous êtes le chef de la rébellion, vous voilà maintenant entre nos mains, la bataille d’Alger est perdue’’, Il dit : ‘’Ne croyez pas ça !’’ Et il me rappelait les chants de la résistance, le Chant des Partisans: un autre prendra ma place. Voilà ce qu’il m’a dit Ben M’hidi.»
                (Lieutenant Jacques Allaire Yves Boisset, La Bataille d’Alger, 2006)

«Aujourd’hui, paraît-il, si tu ne chantes pas la Marseillaise, c’est que tu n’aimes pas la France. Moi, la Marseillaise, je ne l’ai jamais chantée, et pourtant j’aime la France… C’est nous, sur le terrain, ils ne venaient pas égorger nos fils et nos compagnes, ils voulaient juste nous prendre le ballon.»
                  (Michel Platini)

Résumé
Un décret est pris en Algérie concernant l’hymne national. Cela a été le début d’une logorrhée en face où tout ce que la France compte de chauvins se mobilisent. Nous allons en honnêtes courtiers présenter les termes de cette polémique qui n’a pas lieu d’être en convoquant à notre tour le contenu belligène de l’hymne français de la Marseillaise et du Chant des Partisans à replacer par souci d’honnêteté dans le contexte de l’époque. Naturellement nous expliquerons simplement comment l’hymne national Quassaman a évolué en expliquant que les termes choisis à dessein étaient là pour expliquer en quelques mots l’aboutissement de 132 ans de malheur et à qui nous les devons. En rappelant au passage que la Marseillaise s’adressait déjà à l’ennemi héréditaire allemand. Nous conclurons enfin sur le fait que le Chant des Partisans parle de l’occupation de la France pendant 4 ans par l’Allemagne en parfaite similitude avec l’occupation de l’Algérie pendant 132 ans.

Polémique pour un hymne
Encore une fois, une polémique créée de toutes pièces empoisonne l’atmosphère entre les deux pays. De quoi s’agit-il cette fois ? D’une ingérence, une de plus. Sans vouloir donner l’impression de vouloir toujours se justifier de ce que l’Algérie fait pour des affaires qui ne regardent pas les autres, une fois de plus nous allons faire preuve de pédagogie en s’adressant au peuple profond en France pour lui expliquer de ne pas se tromper de cible en donnant crédit à des vendeurs de fake news nostalgiques du bon temps des colonies pour des raisons bien connues bassement politiciennes.
Malek Bachir décrit brièvement ce qu’il en est : «Alors qu’en Algérie, un nouveau décret modifie les circonstances et les conditions dans lesquelles l’hymne national doit être interprété, résonne dans l’air un refrain bien connu : celui d’une impossible relation bilatérale apaisée entre Paris et Alger (…) Prenez un décret présidentiel, publié au Journal officiel du 24 mai, révisant les conditions dans lesquelles est interprété l’hymne national algérien, appelé Quassaman. Au milieu du jargon fleuri d’articles, alinéas, modifications et compléments, extirpez-en une intention qui vous arrange et jetez-la en pâture aux réseaux sociaux. Et vous obtiendrez une belle polémique sur laquelle personne – Algériens comme Français – ne peut être d’accord. L’hymne algérien, dont les paroles ont été écrites par le poète nationaliste Moufdi Zakaria et la musique composée par l’Égyptien Mohamed Fawzi, comprend dans sa version intégrale cinq couplets. Si la Constitution évoque son caractère «immuable» dans l’intégralité de ses couplets, les décrets successifs depuis celui du 11 mars 1986 évoquent deux cas de figure : celui où Quasaman est joué de manière ‘’intégrale’’ et celui où il est joué de manière ‘’partielle’’ ou ‘’réduite’’, comprendre : seulement le premier couplet».(1)
«L’objet de la polémique, poursuit-il, se trouve au troisième couplet : la France en tant que puissance coloniale y est visée : ‘’Ô France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin !’’ Ce passage de l’hymne national algérien tombé en désuétude pourrait bien désormais être chanté lors d’une visite officielle du président de la République française», prédit ainsi Valeurs Actuelles.(2)
«Le décret récent […] prévoit donc que l’hymne complet sera joué désormais dans les ‘’cérémonies officielles en présence du président de la République, mais également lors des visites des chefs d’État’’, ce qui entraînerait par exemple son exécution intégrale au cours d’une visite du président Macron», dans l’ancien décret comme dans le nouveau, les «visites officielles des chefs d’État et des personnalités de même rang, hôtes de l’Algérie», voient l’hymne algérien exécuté «dans sa partition réduite» (article 4). Le seul changement concerne l’interprétation de Quassaman lors des commémorations officielles en présence du président de la République algérienne. Alors que dans le décret de 1986, il était joué dans sa version réduite, comme pour les cérémonies, dans le nouveau décret, il est joué dans sa version longue, comprenant les cinq couplets dont celui sur la France. La cheffe de la diplomatie Catherine Colonna, sur le plateau de LCI, a estimé que cette « décision d’étendre l’usage d’un hymne qui date d’une autre époque pouvait «apparaître à contretemps».(2)

Petites histoires des grands hymnes nationaux africains
Tous les pays ont des hymnes nationaux certains sont martiaux d’autres beaucoup plus apaisés. De plus beaucoup d’hymnes nationaux désignent l’ennemi d’hier. Certains se veulent rassembleurs comme : «L’hymne sud-africain est depuis 1997 le seul hymne au monde à combiner cinq des 11 langues nationales, alors que l’hymne officiel était depuis 1928 le chant afrikaaner. Les Noirs se retrouvaient autour d’un chant libérateur, Nkosi Sikelel’ iAfrika. L’hymne actuel est une combinaison de ces deux morceaux. Cette composition a été réalisée dans un contexte d’unité nationale, initiée par Mandela après l’abolition de l’apartheid. Pour sa part, le compositeur de l’hymne égyptien est une star de la musique arabe lyrique né à Alexandrie en 1892, Sayed Darwich. Il est considéré comme le père de la musique populaire et son tube Biladi Biladi Biladi (Mon pays) est adopté par l’Égypte comme hymne officiel en 1979. Beaucoup d’hymnes africains ont été rédigés par des prêtres jésuites. (…) l’hymne libyen choisi par Kadhafi pour remplacer l’hymne officiel Biladi (mon pays), intitulé Allahu Akbar (Dieu est grand). Au début des années 2000, les autorités rwandaises souhaitent changer l’hymne national, accusé d’alimenter les tensions ethniques en faisant explicitement référence aux hutu, tutsi et twa, par un hymne réconciliateur. Concernant l’hymne algérien Quassaman les journalistes britanniques du Daily Telegraph glorifiant le sang des martyrs tombés face à la France (Serment) le juge comme extrêmement violent. Des reproches régulièrement adressés à sa rivale la Marseillaise. L’article publié sur le site du Daily Telegraph a été retiré suite aux remontrances des autorités algériennes. Le journal britannique s’est lui, confondu en excuses».(2)

L’imposture permanente de l’oligarchie française
Dans un cri du cœur et d’exaspération contre l’oligarchie, Kaddour Naimi fait le parallèle entre l’hymne guerrier et réellement «à contre-temps» de la Marseillaise ; Il écrit : «Arrêtons de parler de ‘’France’’, pour ne pas considérer le peuple de France dans le panier de crabes et de requins qu’est l’oligarchie qui le domine.» Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a signé un nouveau décret présidentiel qui rétablit un couplet de l’hymne national algérien faisant référence à la France en tant que colonisateur de l’époque. Il avait été «retiré» en 1986 pour des considérations politiques.(3)
«Eh bien, écrit Kaddour Naïmi, regardons en face cette histoire. D’abord, celle de l’hymne national français, la Marseillaise. Né comme chant révolutionnaire, patriotique, contre les tyrans, les dictateurs et les envahisseurs de la France, il scandait : «Aux armes citoyens/Formez vos bataillons/Marchons, oui marchons/Qu’un sang impur abreuve nos sillons». Venons à l’hymne national algérien. Que dit le passage incriminé ? (France, le temps des palabres est révolu / France, voici venu le jour où il te faut rendre des comptes). Qu’y a-t-il là d’offensant ? Ne s’agit-il pas simplement d’un fait historique, qu’il «ne s’agit pas d’oublier» ? Surtout que la «France» dont il est question, plus exactement l’oligarchie qui la domine, montre suffisamment sa volonté néo-coloniale pour préserver son statut… En outre, contrairement à l’hymne français, celui algérien ne parle pas de «sang impur» pour «abreuver nos sillons». Alors, concernant l’histoire, pour «la regarder en face, (…) la dépasser et construire l’avenir», ne faut-il pas que les autorités françaises éliminent de leur hymne national ces horribles expressions, l’une raciste («sang impur») et l’autre vampirique («abreuver nos sillons») ? En ce sens, l’hymne national algérien est identique, en appelant à mettre fin à la tyrannie coloniale».(3)

9 chants patriotiques pour célébrer les 60 ans d’indépendance de l’Algérie
En 132 ans d’avanies, de douleur, de sang et de larmes, les Algériennes et les Algériens ont traduit leurs détresses par des chants et des odes de douleur. Certains de ces chants ont traversé le temps. Ainsi le marqueur identitaire de la révolte de 1870 sera le chant des déportés Ya el Menfi en Nouvelle Calédonie. Ce sera bien plus tard, chant pour accepter le refus des cérémonies du centenaire de la colonisation avec S’hab el baroud en 1930. Ce sera ensuite Min Djibalina. Viendront, ensuite, les chants Hayou chamal Ifriquia et Ekker mis umazigh écrits suite aux massacres de Mai 1945. Viendront ensuite d’autres chants comme Min Djibalina et les chants créés pendant la Révolution.
Leila Assas résume magistralement en 9 chants cette épopée de la douleur. Elle écrit : «En 2022, l’Algérie a célébré le 5 Juillet, ses 60 ans d’indépendance. L’occasion pour Music in Africa de vous faire découvrir une sélection de 9 chants patriotiques qui ont façonné l’imaginaire collectif algérien. Les chants en arabe, en darja ou encore en tamazight. Bonne fête à nos lecteurs algériens et ‘’One, two, three, viva l’Algérie !’’» Nous en citerons Quassaman (Nous jurons) Sans doute le plus emblématique et symbolique des chants patriotiques algériens jamais écrits. Adopté comme l’hymne national du pays en 1963. En réalité, il s’agit d’une commande du Front de Libération nationale qui date de 1955, adressée au militant nationaliste et poète Mufdi Zakaria. La version du compositeur égyptien Mohamed Fawzi a été retenue. De cet auteur les jeunes Algériens ne connaissent que peu de choses, hormis cet hymne qu’un écolier entonne en moyenne 2160 fois durant sa scolarité.»(4)
Le chant populaire Oued Chouly (Le fleuve Chouly) déclamé en darja rend hommage à Raïs Benallel, un héros national tombé au champ de bataille d’Oued Chouly en décembre 1956 à Tlemcen. Ce chant régional traverse bien des lieux et des générations. Il sera réédité en 2008 en France.(4)
«Min Jibalina (De nos montagnes) est un poème écrit en 1931 par le poète Mohamed El Aïd Al Khalifa, ce texte devient l’hymne des Scouts musulmans algériens qui composèrent sa musique en 1942, au lendemain des Massacres du 8 Mai 1945.»(4)
Ekker a mmis umazigh (Debout fils d’Amazigh). Ce chant patriotique a été écrit en tamazight en 1945 par le militant nationaliste Mohand Idir Aït Amrane, alors qu’il n’était que jeune lycéen. «[le chant] qui allait désormais accompagner le fulgurant Min Djibalina en arabe, son frère jumeau complémentaire et inséparable» témoigne Sadek Hadjerès.(4)
Al hamdoulilah mabqach istimar fi bladna. Un texte majeur du chaabi algérien écrit et interprété la première fois par Hadj M’hamed El Anka, le 3 juillet 1962, le soir de la reconnaissance officielle de l’indépendance de l’Algérie. Le soir du 5 juillet, date officielle de l’indépendance de l’Algérie, le chant est diffusé à la radio à 00h05. La messe est dite : Longue vie à l’Algérie libre et à sa jeunesse/Longue vie à l’Algérie libre, à ses hommes et à ses femmes.»(4)
S’hab el baroud (Les Compagnons de la poudre). S’hab el baroud est un poème contestataire subversif écrit en 1931 par Houari Hennani, un barde de l’Oranie. Ce texte arrive dans un contexte où la France célèbre son centenaire en Algérie avec son ostentatoire exposition coloniale, marquant ainsi les esprits et se voulant triomphante des insurrections et révoltes. Le poème tomba comme une piqûre de rappel.
Hayou chamal Ifriqi (Saluez le Nord Afrique). Le chant Hayou chamal Ifriqia fait référence au parti politique socialiste Etoile Nord-Africaine dissous en 1937, devenu Parti du Peuple Algérien (PPA). Écrit en 1945 suite aux massacres du 8 Mai de la même année, le chant est un appel à la jeunesse à se fédérer autour du parti et son charismatique leader Messali Hadj, père du nationalisme algérien.(4)
Min adjlika ya watani (Pour toi ô mon pays) est une opérette nationaliste post-indépendance écrite en 1982 par Omar Bernaoui, un homme de lettres. La musique est composée par le chef d’orchestre Chérif Kortbi. Le texte fait l’apologie de l’Armée de libération nationale (ALN) et de son parti.(4)
Yal menfi (Le Banni) d’Akli Yahyaten est une chanson qui a été composée en 1959 en prison ; il serait inspiré d’un ancien chant kabyle qui fait référence aux déportés en Nouvelle- Calédonie suite à la Révolte de Mokrani (1871). C’est la complainte d’un exilé qui s’adresse à sa mère : «Dites à ma mère de ne pas pleurer.»(4)

La Marseillaise, hymne révolutionnaire : racisme et sang impur
La Marseillaise a eu une histoire tumultueuse. Dans la publication nous lisons : «En 1792, la France déclare la guerre à l’Autriche. En 24 heures, le 25 avril, Rouget de Lisle compose les paroles et la musique de Le Chant de Guerre de l’Armée du Rhin : un chant patriotique en six couplets. Les paroles du premier couplet, le plus souvent chanté, sont intensément martiales. «Allons enfants de la Patrie, L’étendard sanglant est levé, Entendez-vous, dans les campagnes Mugir ces féroces soldats ? Aux armes, citoyens, Formez vos bataillons, Marchons, marchons ! Qu’un chant impur Abreuve nos sillons !»(5)
La Marseillaise a ses détracteurs qui trouvent ce chant belliciste et «Épouvantables, sanguinaires, d’un autre temps, racistes et xénophobes» : c’est ainsi que Lambert Wilson a qualifié les paroles de la Marseillaise au micro de RTL mardi 13 mai. La ministre de la Justice Christiane Taubira, critiquée pour ne pas avoir chanté la Marseillaise lors de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Pour l’historien Bernard Richard, la Marseillaise, malgré sa tonalité belliqueuse, est avant tout un hymne à la liberté.(5)
La Marseillaise a ses défenseurs. «Quand Antoine Barnave, un des premiers révolutionnaires, parle de ‘’sang impur’’ en juillet 1989, il parle des ennemis de la Révolution. Le ‘’sang impur’’, c’est le sang des ennemis de la liberté, qu’ils soient Français ou étrangers. Dire que la Marseillaise est xénophobe, c’est un détournement de sens».(5) Pour le professeur Joël Martine : «L’hymne national français, on le sait, n’est pas particulièrement pacifique. On s’est enthousiasmé de son bellicisme. On peut aussi le trouver intolérable, ou encore l’excuser par de bonnes raisons historiques. Pourquoi diable les révolutionnaires ont-ils chanté cette guerre comme un sacrifice humain, par lequel le sang ennemi servirait magiquement à fertiliser notre terre ? De quoi ce refrain est-il la métaphore ? Les ennemis de la patrie porteraient-ils leur indignité jusque dans leur sang ? Est-ce à dire que les patriotes auraient quant à eux le sang ‘’pur’’ ? Bien sûr cela évoque irrésistiblement, surtout au XXe siècle, le mythe d’une pureté de la race nationale: On peut alors comprendre en quoi les ennemis ont ‘’le sang impur’’. Le sang impur évoque peut-être le thème biblique d’une culpabilité qui se serait comme inscrite dans le sang, cette substance réputée porteuse de l’identité et de l’hérédité. Si la diabolisation de l’ennemi sert, fantasmatiquement, à reconfirmer la patrie comme bon objet, alors il est logique que par contraste avec la patrie pure de tout mal, les méchants soient ‘’impurs’’ et il est logique que le meurtre solennel des forces du Mal contribue au renforcement de la patrie du Bien.»(6)

Et si on modifiait la Marseillaise ?
Il faut avoir à l’esprit que pendant plus de quatre-vingts ans la Marseillaise n’était pas reconnue comme hymne. C’est le 14 février 1879 que la Marseillaise devient l’hymne national français. Aujourd’hui, ce chant patriotique est consacré dans l’article 2 de la Constitution. Mais avec leurs connotations guerrières et parfois mal comprises, les vers de Rouget de Lisle ne font plus forcément l’unanimité. ‘’Les paroles sont épouvantables, sanguinaires, d’un autre temps, racistes et xénophobes’’, s’indignait l’acteur Lambert Wilson en 2014, jugeant qu’il était ‘’temps’’ de les ‘’changer’’ modifier (ou remplacer). Il arrive que des pays décident de modifier leur hymne national. En février 2018, le Parlement canadien a légèrement changé les paroles d’Ô Canada au nom de l’égalité des genres. ‘’True patriot love in all thy sons command’’ (‘’l’amour de la patrie anime tous tes fils’’) a été remplacé par la formule plus inclusive ‘’in all of us command’’ (‘’l’amour de la patrie nous anime tous’’). En France, les débats autour de l’hymne national ne sont pas nouveaux. ‘’Changeons en message d’amour les paroles de haine de la Marseillaise’’, exhortait ainsi l’abbé Pierre en 1992, rejoint par diverses personnalités dont Charles Aznavour ou Danielle Mitterrand. Une forte adhésion populaire reste toutefois nécessaire puisque cette réforme devrait probablement passer par un référendum.»(7)
Beaucoup d’intellectuels ont proposé d’en changer les paroles en gardant la musique. Dans le journal le Parisien nous lisons : «Lambert Wilson affirme ‘’qu’il est temps de changer les paroles’’. Y a-t-il déjà eu des propositions en ce sens dans le passé ? Déjà dans les années 1840, le poète Alphonse de Lamartine trouvait la Marseillaise trop belliqueuse, et avait écrit une version alternative, la ‘’Marseillaise de la paix’’. En 1989, à l’occasion du bicentenaire de la Révolution, l’Abbé Pierre avait demandé de changer les paroles de l’hymne [il créera même plus tard une association ‘’Pour une Marseillaise de la fraternité’’]. La Marseillaise fait partie de notre patrimoine, un patrimoine que l’on doit respecter et comprendre.»(7)

En finir avec la Marseillaise ?
Sans vouloir porter de jugement de valeur quant au maintien de la Marseillaise comme hymne, c’est une affaire interne à la France, nous rapportons cependant l’appréciation du maintien ou non de la Marseillaise comme hymne national au vu du texte jugé raciste et sanguinaire: On apprend que même dans la Marseillaise l’ennemi héréditaire est désigné. «De la Marseillaise, on ne chante généralement que le premier couplet et le refrain : ‘’L’ennemi y brandit un étendard sanglant, il est féroce et mugit tel un taureau en rut. Il se précipite dans nos maisons, et y égorge nos fils et nos compagnes, même dans nos bras (les avions-nous utilisés comme boucliers humains ?).’’ On objectera que ces paroles doivent être replacées dans leur contexte. Épluchant les archives parlementaires de l’ère révolutionnaire, J.-C. Martin nous fournit quelques exemples, en voici deux : ‘’Les Allemands s’en souviendront (Applaudissements réitérés) ; leur sang impur fécondera peut-être cette terre ingrate qui en est abreuvée’’.» 6 mars 1792, tome 39, p. 424.(8)

Le Chant des Partisans pour remplacer la Marseillaise
Un tout autre chant plus apaisé et œcuménique (hymne ?) est celui du Chant des Partisans : «L’hymne de la Résistance française durant l’occupation par l’Allemagne nazie. La musique, initialement composée en 1941 sur un texte russe, est due à Anna Marly, ancienne émigrée russe. La chanson devient rapidement l’hymne de la Résistance. Écrite pour galvaniser les combattants, pousser à l’action les indécis, la chanson détaille les souffrances de la France, mobilise son courage et lui rend son honneur. Elle devient un signe de reconnaissance. Le Chant des Partisans a donné lieu à de nombreuses interprétations Jean Ferrat, Charles Aznavour, Joan Baez, Line Renaud et en 2001, le groupe Zebda.»(9)
Le Chant des Partisans est étudié en classe, en France on explique aux écoliers le sens des mots notamment les plus durs. Nous allons montrer qu’en substituant le mot France par le mot Algérie dans le texte suivant, la similitude de la souffrance est parfaite. Ce qui explique que les Algériens notamment pendant la Révolution, rappelons-nous les paroles de Ben Mhidi : concernant la continuité de la Révolution, s’identifient aux partisans défendant la France occupée pendant quatre ans, les Algériens, quant à eux luttent pour la liberté de leur pays occupé pendant 132 ans. «Une première analyse s’ensuit : chant de combat, patriotique, appel à la lutte pour la liberté, un chant d’espoir et de fraternité, qui s’adresse aux peuples opprimés. ‘’Ohé partisans, ouvriers, paysans’’, ‘’entends-tu’’ C’est l’Algérie rurale qui est interpellée, pour défendre sa liberté. ‘’alarme’’ : Il faut réagir, mobiliser le peuple. ‘’connaîtra le prix du sang et des larmes’’ Les occupants vont payer pour le mal qu’ils ont fait à l’Algérie. ‘’tueurs’’, ‘’balle’’, ‘’couteau’’, ‘’saboteur’’, ‘’dynamite’’ Tous les moyens sont bons pour vaincre, La violence est présentée ici comme un moyen juste de se libérer des oppresseurs. ‘’Ami si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place’’. Nul n’est à l’abri de la mort mais la relève est là. Les résistants constituent une réserve inépuisable et ne peuvent être battus».(10)
«Peuples opprimés» «cris sourds», ceux des prisonniers torturés et ceux des civils terrorisés par les bombes. «Pays qu’on enchaîne» «haine, faim, misère», «nous on tue, nous on crève». Les raisons qui poussent à résister : «vol noir des corbeaux». On fait allusion aux raids aériens des avions qui ont bombardé [l’Algérie] et ont poussé les civils sur les routes, en exode. La métaphore est claire : le corbeau «oiseau de malheur» représente les occupants, «l’ennemi». Les paroles du Chant des Partisans ne citent pas les Allemands mais tout le monde sait de qui on parle. Espoir «briser», «barreaux», «prison» Libération du pays, la fin de la répression. «grand soleil» La liberté retrouvée, la fin de la nuit et de la souffrance. «Chantez». On chante, malgré l’obscurité, l’occupation, la liberté proche.(10)
«Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève
Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.»
Pour le professeur Salah Horcchani, la Marseillaise, créée en 1792 (…) les Constitutions de 1946 et de 1958 l’ont conservée comme hymne national. Le Chant des Partisans est devenu le signe de reconnaissance dans les maquis et a été chanté, pendant l’occupation, par les Résistants dans les prisons. Le Chant des Partisans a été chanté, après le discours prononcé par André Malraux, pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, le 19 décembre 1964 (…) Le Chant des Partisans s’impose comme étant le dernier chant patriotique qui a rassemblé tous les républicains de tous bords ; tout en étant un appel universel à la lutte fraternelle pour la liberté ne serait-il pas plus consensuel, d’un point de vue littéraire et historique, que la Marseillaise ? Il ferait un excellent hymne national pour une VIe République !(11)

Conclusion
L’expression de la ministre des Affaires étrangères «hors du temps» est un propos déplacé s’agissant de l’hymne Quassaman qui est pleinement dans le temps. En quoi le réaménagement de l’hymne national qui est une fois de plus une affaire interne est-il motif à polémique sauf à créer l’inimitié à tout prix. Les hymnes et chants algériens sont consubstantiels de l’ADN des Algériennes et des Algériens. Ce sont des centaines de chants qui jalonnent le calvaire du peuple algérien et on nous ordonne d’en revoir les paroles dans la plus pure tradition d’une oukase du magister dixit de personnes qui n’ont pas déprogrammé le logiciel du bon temps des colonies. L’Algérie et la France ont d’autres défis que de répondre à ces combats d’arrière-garde. Que l’on ne se trompe pas de combat, les défis sont ailleurs.


C. E. C.


1. Malek Bachir https://www.middleeasteye. net/fr /decryptages/france-algerie-polemique-hymne-qasaman-memoire-reconciliation Lundi 19 juin 2023
2. https://www.jeuneafrique. com /246930/ politique/ petites-histoires-grands-hymnes-africains/ 1 6 juillet 2015
3. Kaddour Naïmi https://reseauinternational.net/limposture-permanente-de-loligarchie-francaise/ 22 juin 2023
4. Leila Assas https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/9-chants-patriotiques-pour-celebrer-les-60-ans-dindependance-de-lalgerie 5 juil 2022
5. https://www.nouvelobs.com/societe/20140514.OBS 7071/les-paroles-de-la-marseillaise-n-ont-absolument-rien-de-raciste.html
6. Joël Martine https ://www. liberation .fr/tribune/1998/07/13/au-dela-du-sens-politique-et-historique-que-signifient-au-juste-les-paroles-de-notre-hymne-national-_243650/
7. https://www.leparisien.fr/societe/grand-debat-et-si-on-changeait-les-paroles-de-la-marseillaise-08-03-2019-8027340.php
8. Jean Tosti https://france.attac.org/nos-publications/ les-possibles/numero-9-printemps-2016/dossier-la-situation-apres-l-annee-des-attentats/article/en-finir-avec-la-marseillaise
9. https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Chant_des_partisans
10. http ://eduscol.education.fr/chansonsquifontlhistoire/Le-Chant-des-Partisans 03 (Adaptation)
11. Salah Horchani https ://www. agoravox. fr/actualites/citoyennete/article/le-chant-des-partisans-plutot-que-67014

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *