Les 25 et 26 juin 2019, Jared Kushner, gendre et conseiller du président des États-Unis, Donald Trump, a présenté le volet économique du plan de paix américain lors de la conférence de Manama (Bahreïn). Si les promesses et les espoirs sont nombreux, cette initiative pourrait se heurter aux difficultés économiques des Territoires palestiniens.
L’objectif annoncé est ambitieux : rendre les Palestiniens à même de construire une société dynamique et prospère, en faisant passer l’économie avant tout. Mais ni le sort des réfugiés ni la négociation des frontières de la Palestine ou le statut de Jérusalem devenue capitale d’Israël n’ont été mentionnés lors de la conférence. Les aspects politiques du plan n’ont pas non plus été abordés. Dans un tel contexte, un bilan s’impose.
Un plan ambitieux ?
Le document prévoit la levée de 50 milliards de dollars sur dix ans pour engager les investissements estimés nécessaires dans les Territoires palestiniens et les pays voisins (Liban, Égypte et Jordanie). La Cisjordanie et la bande de Gaza devraient recevoir plus de la moitié de ce montant. Les objectifs mentionnés sont, par exemple, la création d’un million d’emplois et l’ouverture d’une université capable d’être classée dans les 150 premières mondiales. La multiplication des investissements étrangers par huit, l’augmentation du taux de participation des femmes dans l’économie de 20 à 35 % et celle de l’espérance de vie de 74 à 80 ans ainsi que la baisse de la mortalité infantile de 18 à 9 ‰ font aussi partie de l’ambition américaine. Tous les secteurs sont concernés, des infrastructures à l’énergie, en passant par la culture et l’administration publique.
Ne faisant pas confiance aux autorités palestiniennes, Washington prévoit de confier la gestion de cet argent et son investissement à une banque de développement internationale. Toutefois, de nombreux doutes planent sur la réalisation politique de ce plan. La stratégie visant à faire prévaloir les intérêts économiques a déjà été avancée dans les années 1990 puis 2000, se soldant par un échec. En outre, seule la moitié des 400 millions de dollars d’aide annoncés par les États-Unis en 2014 a été versée deux ans plus tard. De plus, avant même sa présentation, ce plan a été rejeté par l’Autorité palestinienne qui n’a pas assisté à la conférence. Les pays arabes, principaux piliers de sa mise en œuvre, ne partagent pas l’engouement des États-Unis, ce qui peut compromettre la réalisation des objectifs annoncés. Seuls des fonctionnaires ont représenté l’Égypte et la Jordanie, alors que ces deux pays sont des bénéficiaires directs. Amman, pourtant traditionnellement allié des États-Unis, a affirmé que la solution économique ne pouvait se substituer à un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. Or les territoires occupés par Israël en Cisjordanie n’ont pas fait l’objet de proposition. De même, le contrôle par le Hamas de la bande de Gaza et ses relations avec l’Autorité palestinienne ont été éludés. Enfin, alors que les États-Unis comptaient sur l’adhésion des peuples arabes, plus de 200 manifestants ont pénétré dans l’ambassade de Bahreïn en Irak en signe de protestation.
Une réalité économique et sociale pesante
Les promesses américaines risquent de se heurter à la réalité. L’accroissement démographique est important et la majorité de la population est jeune (71 % ont moins de 30 ans, les 18-29 ans représentent 24 % du total), alors que le taux de chômage est élevé (en 2018, 31 % des actifs, 52 % à Gaza, 18 % en Cisjordanie). La population, divisée, est nombreuse : en 2016, selon le Bureau central palestinien des statistiques, les Territoires comptaient 4,8 millions d’individus. Selon la Banque mondiale, la croissance est faible : en 2018, elle stagne à moins de 1 % et les perspectives pour 2019 sont négatives.
De plus, les difficultés financières permanentes se sont aggravées du fait de la baisse de l’aide internationale alors même que l’économie est très dépendante des financements externes. Depuis février 2019, Israël a suspendu ses transferts budgétaires (« clearance revenues »), qui peuvent représenter jusqu’à 60 % des recettes de l’Autorité palestinienne. Un budget d’austérité a également été instauré jusqu’en juillet. La division, l’occupation et les conditions d’accès et de mouvements dans les Territoires palestiniens grèvent encore cette situation fragile. Enfin, à Gaza, le blocus économique imposé depuis 2007 par Israël rend les conditions de vie insoutenables. En 2018, le chômage touche plus de 67 % des jeunes, selon la Banque mondiale, et près de 46 % de la population vit avec moins de 5,5 dollars par jour (contre 9 % en Cisjordanie). La pénurie d’énergie est chronique. Selon l’ONU, les habitants ne reçoivent en moyenne que 6,6 heures d’électricité par jour. À cela s’ajoutent des ruptures d’approvisionnement en carburant et un accès rare à l’eau (la consommation d’eau par tête est de 73 litres par jour), le plus souvent contaminée. En mai 2019, le Qatar a proposé une aide de 480 millions de dollars à la suite d’un cessez-le-feu entre les groupes armés de Gaza et Israël. La conférence de Bahreïn semble donc assez éloignée de la réalité, les États-Unis laissant la « porte ouverte » aux Palestiniens pour accepter ou non le volet économique de leur plan.
La politique expansionniste d’Israël en Cisjordanie en 2019
>> «Plus loin Israël ira, plus les réponses de la Palestine seront lourdes»
En réponse à la décision israélienne d’annexer des pans de la Cisjordanie, la Palestine a annoncé son retrait le mardi 19 mai de tous les accords passés avec Israël et les États-Unis. Interrogés par Sputnik, plusieurs experts ont évalué cette prise de postition de Mahmoud Abbas et les conséquences qu’elle pourrait avoir pour la suite.
La récente décision de Mahmoud Abbas de retirer la Palestine de tous les accords conclus par le passé avec Israël et les États-Unis, y compris de celui d’Oslo de 1991, est la seule mesure possible pour protéger les territoires de Cisjordanie face aux intentions israéliennes, a déclaré à Sputnik Fayez Abu Ayta, secrétaire du Conseil révolutionnaire du mouvement palestinien Fatah.
«Ce n’est pas notre faute si nous sommes au seuil d’une nouvelle confrontation avec Israël. C’est seulement en rompant tous les engagements avec Washington et Tel Aviv que la Palestine a la possibilité de défendre son droit d’exister et d’avoir son propre territoire. Nous avons déjà dit que nous empêcherions la réalisation de « l’accord du siècle ». Le gouvernement israélien n’écoute que lui-même et sa propre avarice. Mais ce n’était que le premier pas car plus loin Israël ira, plus les réponses de la Palestine seront lourdes», a-t-il indiqué.
De son côté, le professeur de science politique de l’université al-Qods Shaat estime dans un commentaire à Sputnik que la décision de Mahmoud Abbas peut devenir un tournant dans le conflit israélo-palestinien.
«Évidemment, cette mesure a été dictée par la nécessité de sauver la Palestine de l’annexion presque totale. Si les Israéliens annexent la vallée du Jourdain, les espoirs de créer un État arabe avec les frontières de 1967 disparaîtront. Cela ne doit pas arriver», a-t-il insisté.
Le rôle de Washington
Sputnik a également interrogé le parlementaire israélien Ahmad Tibi, l’un des leaders du parti Liste arabe unie, seul parti de la Knesset à s’être opposé à l’annexion. Il a notamment indiqué que ce projet était discuté, outre à la Knesset, par un comité spécial dirigé par l’ambassadeur américain en Israël, David Friedman.
«Ses actions et sa vision sont beaucoup plus radicales que celles des représentants du Likoud et de l’alliance Bleu et blanc», a-t-il ajouté.
D’après M.Tibi, les tentatives de la Russie d’amener les parties à la table des négociations témoignent du fait qu’elle veut réduire l’influence de Washington sur le développement de la situation et apporter une multipolarité dans le règlement du conflit.
«Cela peut-il affecter la position de Washington? C’est possible, mais ce n’est pas le problème des États-Unis. C’est Israël qui doit renoncer à l’annexion. Dans le cas contraire, Israël commencera la procédure sans le soutien visible des États-Unis», a-t-il expliqué.
La voix de Moscou pourrait être écoutée
Pour l’expert égyptien sur le conflit palestino-israélien Abdel Mahdi Mutawaa, la Russie doit intervenir car elle seule peut jouer le rôle de tiers de confiance pour Israël ainsi que pour la Palestine.
«Compte tenu du poids de la Russie au Moyen-Orient, sa médiation peut jouer un rôle clé pour arrêter l’escalade du conflit. En même temps, elle est un partenaire stratégiquement important pour Israël et un solide soutien à la Palestine depuis de nombreuses années. Par conséquent, il y a de grandes chances que les deux parties écoutent la voix de Moscou », a-t-il conclu.
Les projets israéliens concernant la Cisjordanie
Le Premier ministre israélien a déclaré dimanche 17 mai, devant le Parlement réuni pour un vote de confiance envers son gouvernement d’union avec Benny Gantz, que l’heure était venue d’annexer des pans de la Cisjordanie.
L’accord de partage du pouvoir entre MM.Netanyahou et Gantz prévoit l’annonce, à partir du 1er juillet, d’une stratégie pour appliquer le projet américain de résolution du conflit israélo-palestinien. Selon ce plan, Israël est autorisé à annexer la vallée du Jourdain et plusieurs colonies israéliennes en Cisjordanie.
https://fr.sputniknews.com/international/202005211043820762-plus-loin-israel-ira-plus-les-reponses-de-la-palestine-seront-lourdes-/