L’exécutif a confirmé qu’une suspension du contrat de travail pour le refus de vaccination obligatoire sera assorti d’une absence de droit aux allocations chômage. Pour Éric Verhaeghe, cette décision créera une rupture juridique et aboutira à des pénuries de personnel.
C’est un tour de vis supplémentaire pour «motiver» à la vaccination. Les réfractaires dont le contrat risque d’être suspendu ne pourront bénéficier des allocations chômage. «Ce n’est pas une rupture du contrat», a précisé Élisabeth Borne, la ministre du Travail.
«Ça serait compliqué d’expliquer juridiquement qu’on ne paye plus les gens sans qu’ils ne puissent engager un recours. Tous les gens qui iront en justice réclamer un recours gagneront », assure l’économiste et ancien haut fonctionnaire Éric Verhaeghe.
Par ailleurs, le problème ne serait pas seulement cette issue juridique: «on va se retrouver avec une pénurie de personnel», prévient notre interlocuteur.
«Aujourd’hui, si on licencie des infirmières, des aides-soignantes, des agents hospitaliers, on n’est pas sûr d’en trouver d’autres. Ça risque de mettre des établissements dans une situation de rupture», précise-t-il.
Et Éric Verhaeghe de rapporter le cas d’une campagne de recrutement lancée au printemps dernier par le CHU de Toulouse, où «il y a eu moins de candidats que de postes ouverts».
La protection sociale contre l’inégalité
D’après l’essayiste, les mesures gouvernementales «créent une inégalité entre ceux qui sont vaccinés et ceux qui ne le sont pas». «Suspendre» le contrat équivaut à jeter la personne à la rue, puisqu’il n’y a «aucune possibilité d’aller auprès d’un tribunal pour contester le motif de suspension».
«Nous ne sommes plus dans un système de protection des travailleurs. Nous sommes passés dans un système de ségrégation: on prend des mesures d’exception qui sont devenues la règle. On coupe le salaire à des gens s’ils n’obéissent pas», signale Éric Verhaeghe au micro de Sputnik.
«C’est une mesure qui ne relève pas de l’État de droit», s’inquiète-t-il. Le droit du travail élaboré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale repose sur le principe que toute décision prise par l’employeur peut être contestée devant les tribunaux. «La loi Macron sur le pass sanitaire rompt la situation de droit qui existait depuis 1945. On revient au système de Vichy», tempête notre intervenant.
Les mesures sanitaires comme campagne présidentielle
Le Conseil constitutionnel a postulé que la loi devra prendre fin dès que cessera l’urgence sanitaire: «Les mesures prévues dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne peuvent en tout état de cause être prises qu’aux seules fins de garantir la santé publique. […] Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.» Pourtant, Éric Verhaeghe craint de voir ces dispositions perdurer bien au-delà du 15 novembre prochain.
«L’objectif de la loi n’est pas sanitaire, il est politique. Ce n’est pas une loi qui est faite pour tous les Français, ni pour défendre la santé des Français. C’est une loi qui est faite pour prouver à l’électorat d’Emmanuel Macron qu’il est un président capable de gouverner, y compris dans la difficulté», conclut Éric Verhaeghe.
Et il soupçonne l’influenceur de Brégançon de «chercher à faire durer le clivage jusqu’au mois de mai 2022». Car, «pour gagner une élection présidentielle, il faut cliver l’opinion», pense l’économiste. Un pari risqué?
«Il n’est pas sûr de gagner. Je pense qu’il est allé trop loin cette fois et la contestation est en train de s’amplifier, elle se développe et personne ne sait où elle s’arrêtera », préjuge M. Verhaeghe.