Ligue arabe : Unanimité sur le succès du Sommet d’Alger

     par Ghania Oukazi

Le Secrétaire général de la Ligue arabe a bien résumé le Sommet arabe en affirmant que la représentation des pays membres a été de 17 hauts responsables entre chefs d’Etat, Premiers ministres et princes héritiers sur les 21,et « les 4 autres l’ont été d’un niveau très élevé », a-t-il relevé. Ahmed Aboul Gheit a affirmé que « les réserves ont été absentes de ce Sommet».

Un constat qui le laisse soutenir que le 31ème Sommet arabe est « parmi les plus importantes éditions en termes de niveau de représentation ». L’Algérie, a-t-il dit, «a réuni toutes les conditions nécessaires à son succès, l’organisation était très pointue et sa tenue, qui coïncide avec le 68ème anniversaire du 1er Novembre lui a conféré un caractère singulier». Le SG de la Ligue arabe estime que la réussite du Sommet d’Alger se trame à travers « le consensus grandiose obtenu entre les dirigeants et l’absence de toute réserve, à moins d’en avoir quelques-unes plus tard ». Ces déclarations, Aboul Gheit les a faites lors d’une conférence de presse qu’il a animée avec une grande dextérité, le 2ème et dernier jour du Sommet au CIC Abdelatif Rahal, avec à ses côtés le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger. Ce succès a été confirmé par Ramtane Lamamra qui a déclaré que «l’Algérie, sous la conduite du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a réussi à atteindre les objectifs tracés lors du Sommet arabe, à savoir l’unification des rangs arabes». Il estime que « ce rendez-vous est un succès aux niveaux national, arabe et international, l’Algérie a réuni toutes les conditions nécessaires à cette réussite sur le plan logistique et politique et dans laquelle le président de la République a eu le plus grand rôle ». Le MAECNE a souligné que «le Président Tebboune et les dirigeants arabes ont veillé à ce que ce Sommet, qui s’est tenu après trois ans et demi d’absence, notamment en raison de la pandémie de Covid-19, soit un succès sur tous les plans» et que «ce Sommet d’unification des rangs se distingue par le fait qu’il se soit tenu en novembre». C’est, a-t-il affirmé, un « Sommet du renouveau (qui) a posé un grand jalon dans le processus de renforcement et de développement de l’action arabe commune, la Ligue arabe a montré sa capacité à s’adapter à la nouvelle donne et à accomplir pleinement son rôle dans l’encadrement de l’action arabe commune et l’accélération de ce renouveau».

Les preuves de la réussite

Premier indice de «cette réunification» et «ce renouveau», Lamamra l’a fait observer à travers la «Déclaration d’Alger», pour l’élaboration de laquelle, dit-il, «l’Algérie a œuvré à promouvoir le consensus entre toutes les parties et à tous les niveaux, elle s’est employée à rapprocher les vues pour parvenir à une convergence totale autour de tous les textes soumis au débat». Reste à ce que les dirigeants arabes expriment la volonté politique qui est, explique Lamamra, «un élément important et essentiel pour garantir l’application de ces textes, cristallisés lors du Sommet après que les Arabes aient bien saisi l’importance de l’action arabe commune dans la réunion des conditions idoines au positionnement sur la scène internationale ». Il a en outre évoqué « l’importance du partenariat arabe crucial, certaines décisions du Sommet ont appelé à la concrétisation de l’intégration économique, à la construction d’un marché arabe commun et à l’ouverture des frontières à la complémentarité économique et à l’investissement ». Avec en parallèle «l’importance du partenariat notamment, sino-arabe, des efforts sont déployés en vue de le mener à bien», a-t-il noté.

L’on rappelle que le président chinois et avant lui le président russe ont adressé des messages au Sommet d’Alger pour encourager les dirigeants arabes à « œuvrer à la construction d’une monde multipolaire(…)». A la fin de la conférence de presse, le ministre a rendu un grand hommage à la Syrie dont le siège est resté vide lors du Sommet. Il l’est depuis 2011 lorsque, à «l’unanimité», les chefs d’Etat arabes ont gelé sa participation au sein de la Ligue arabe, répondant ainsi à ceux d’entre eux qui fomenté ce qu’ils ont appelé ironiquement les « printemps arabes». L’Algérie avait exprimé « sa réserve » à ce sujet et a continué à soutenir le Président Bachar Al Assad dans sa guerre face aux multiples tentatives de sa destitution et de la partition de son pays.

Un gel au nom de «la consolidation de l’unité des rangs arabes»

L’Algérie a d’ailleurs déployé de grands efforts diplomatiques pour arracher un consensus arabe autour du retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe pour qu’elle participe au Sommet d’Alger mais en vain. Le 4 septembre dernier, le ministre syrien des Affaires étrangères Faisal Mekdad a, lors d’un entretien téléphonique, fait savoir à Ramtane Lamamra que « la Syrie préfère que la question de la reprise de son siège au sein de la Ligue des États arabes lors du Sommet d’Alger ne soit pas soulevée par souci de contribuer à la consolidation de l’unité des rangs arabes face aux défis imposés par les développements actuels au double plan régional et international », avait rapporté un communiqué du MAECNE. «La Syrie est présente dans le cœur et l’esprit de l’Algérie, son emblème national flotte dans toutes les rues, son retour à son siège au sein de la Ligue arabe est chose naturelle qui se réalisera(…), forte de son histoire et de ses capacités, elle pourra apporter une valeur ajoutée à l’action arabe commune», a lancé Lamamra mercredi dernier à la fin de la conférence de presse, en soutenant que «ce retour va promouvoir les solutions pacifiques aux conflits dans notre monde arabe et concrétiser une paix juste au Proche-Orient qui débouche sur le recouvrement par la Syrie du Golan occupé». Aboul Gheit a indiqué que « le prochain Sommet arabe se tiendra dans la capitale saoudienne, Ryadh, avant le 30 mars prochain».


            Cause palestinienne, souveraineté des États et non-ingérence dans les affaires internes

                                   Audaces d’un sommet historique

  Au plan socio-économique, le document a mis l’accent sur la solidarité des pays pour faire face aux défis géopolitiques.

Les travaux de la 31e session du Sommet arabe d’Alger ont été sanctionnée par la «Déclaration d’Alger». Un Sommet qualifié de réussite à tous points de vue et qui fera date dans les annales des sommets de la Ligue arabe. Et pour cause, c’est le premier Sommet zéro papier. Du point de vue représentation, le Sommet d’Alger a vu la présence des 21 États représentés par 17 chefs d’État et de gouvernement (3e Sommet le plus représentatif dans les annales des Sommets arabes). «En termes de couverture médiatique, ce Sommet a vu non seulement une présence remarquable des médias, mais aussi une qualité exceptionnelle des débats et des analyses le long de ce rendez-vous», relève le professeur et expert en géopolitique, M’hand Berkouk, qui souligne qu’ «outre une déclaration finale consensuelle, le Sommet arabe d’Alger a ausculté tous les points les plus névralgiques en matière de sécurité collective».

En effet, la «Déclaration d’Alger» vise à redonner un sens politique à la Ligue arabe en insufflant une réelle prise de conscience dans le but de mener une politique commune. Une déclaration marquée, au plan politique, par le soutien à la cause palestinienne, au respect de la souveraineté et le rejet de toutes les formes d’ingérence étrangère dans les affaires intérieures des États arabes. Au plan socio-économique, la «Déclaration d’Alger» a mis l’accent sur la solidarité des pays pour faire face aux défis géopolitiques, l’amélioration de leurs relations avec leur voisinage et les partenaires internationaux, les efforts pour l’intégration économique entre les pays membres, par l’activation complète de la Zone arabe de libre-échange. De grandes ambitions légitimes au vu de leurs ressources naturelles, notamment le pétrole et le gaz. En somme, une feuille de route pour une démarche concertée aux différents défis et problèmes d’ordre économique, politique et sécuritaires auxquels font face leurs peuples. «Une approche réaliste et applicable se déclinant sur trois axes, à commencer par la centralité de la cause palestinienne qui doit être renforcée par un mécanisme efficace fondé sur la rencontre de rassemblement», note le directeur du Centre d’études sur le Monde arabe et les pays méditerranéens à Genève, Hosni Abidi.

Outre l’attachement à l’Initiative arabe de paix de 2002, le document insiste sur la nécessité pour la Palestine d’ obtenir la qualité de membre à part entière aux Nations unies. Une première. Concernant la sécurité globale avec toutes ses dimensions, la «Déclaration d’Alger» a mis l’accent sur le renforcement de l’action arabe commune pour protéger la sécurité nationale arabe dans son concept global et sous toutes ses dimensions politique, économique, alimentaire, énergétique, hydrique et environnementale. En somme, on n’est pas mieux servi que chez soi et… par soi-même. De ce fait, toute crise doit être résolue en intra-muros de manière à préserver l’unité des pays membres, leur intégrité territoriale et leur souveraineté sur leurs ressources naturelles. Des solutions arabes aux problèmes arabes à travers le renforcement du rôle de la Ligue arabe. Une manière directe de rejeter toute ingérence étrangère dans les affaires internes des pays arabes. En contrepartie, les États arabes sont appelés à «s’engager à multiplier les efforts pour la concrétisation du projet d’intégration économique arabe suivant une vision globale assurant une exploitation optimale des atouts des économies arabes, mais aussi des opportunités précieuses qu’elles présentent, l’objectif étant d’assurer une activation complète de la Grande zone arabe de libre-échange (Gzale), en prévision de la création de l’Union douanière arabe». Loin d’être une exubérance verbale et pour une meilleure efficacité, la «Déclaration d’Alger» doit être accompagné de mécanismes et outils pour rendre palpables les engagements pris à l’occasion du Sommet d’Alger.

Smaïl ROUHA


                  Ahmed Bensaâda, spécialiste en géopolitique internationale, à L’Expression

                   «C’est aux Arabes de régler leurs conflits»

L’expert de la géopolitique internationale, Ahmed Bensaâda, aborde les défis qui attendent les pays arabes à l’aune de la Déclaration d’Alger et de sa feuille de route quant au processus de paix globale au Moyen-Orient en général et en Palestine en particulier. Il soutient l’idée que l’Algérie a un rôle à jouer au niveau arabe et régional de par son histoire et de par sa tradition diplomatique. Docteur Bensaâda croit que les pays arabes pourraient constituer un pôle décisionnel mondial pour peu qu’ils mettent leurs différences de vue de côté.

L’Expression: Pour commencer, comment évaluez-vous le Sommet arabe qui s’est déroulé dernièrement à Alger?
Docteur Ahmed Bensaâda: Ce qu’il faut dire c’est que le Sommet s’est déroulé dans des conditions exceptionnelles. Donc tenir un Sommet en ce moment, cela relève d’un défi. Ça il faut le reconnaître. Le Sommet s’est tenu après la pandémie de la Covid-19 qui a affecté la santé et l’économie mondiales. Le Sommet s’est tenu après le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui prédit des changements majeurs dans la géopolitique internationale. Nous passons allégrement d’un monde unipolaire à un monde multipolaire. Le Sommet d’Alger s’est déroulé au moment où certains pays ont normalisé avec l’entité sioniste. Donc ces trois facteurs sont essentiels pour l’analyse de ce Sommet.Réunir les pays arabes dans ce contexte, comme je l’ai dit toute à l’heure, il relève du défi, amis il nécessite une diplomatie très active. Les défis qui se posent à la Ligue arabe sont nombreux et il faudrait justement dépasser les différences de vue entre les pays arabes.

Quelles sont les causes de ces différences de vue? S’agit-il de cette valse de normalisation avec l’entité sioniste qui est derrière ces différences de vue?
Alors, c’est clair que sous la présidence de Trump, il y a eu une accélération de lanormalisation et on sait que la Palestine a toujours constitué la cause principale qui concerne la Ligue arabe, donc c’est un élément majeur et c’est clair qu’il y a un clivage par rapport à ça.
Mais le fait que le Sommet arabe se passe à Alger et que l’Algérie est connue pour ses positions historiques et populaires envers la cause palestinienne, c’est un plus. Donc il faut rappeler que l’Algérie est un des rares pays qui est encore fidèle à la cause palestinienne d’une manière concrète.
Donc le fait que cela se passe en Algérie est très important et augure d’une vision beaucoup plus favorable à la cause palestinienne au sein de la Ligue arabe.

Peut-on dire alors que la cause palestinienne va avoir de l’étoffe et plus de consistance durant la présidence de l’Algérie de la Ligue arabe?
Il n’y a aucun pays qui aurait pu avoir un impact aussi positif sur la cause palestinienne comme celui de l’Algérie (allusion faite aux pays arabes) d’autant plus que le secrétaire général de l’ONU est présent et que le président Abdelmadjid Tebboune a demandé à ce qu’il y ait un organisme qui plaidera la cause palestinienne directement au sein de l’ONU pour revenir à l’indépendance de l’État palestinien dans ses frontières de 1967.

Hormis la question palestinienne qui reste une question centrale, y a-t-il d’autres défis qui se dressent aux pays arabes?
Il est clair que la crise entre l’Ukraine et la Russie a changé la donne de la géopolitique internationale. Et si les pays arabes pouvaient trouver une ligne directrice commune,ils ont tous les atouts pour devenir eux-mêmes un pôle décisionnel mondial et de véritables protagonistes. Les pays arabes recèlent des richesses du point de vue énergétique, dupoint de vue humain, du point de vue économique, etc…
S’il n’y avait pas ces différences-là et des disparités de points de vue entre les pays arabes, et si on arrive à les dépasser, on peut devenir un pôle mondial, mais ça va être difficile parce que le monde arabe a toujours été à cause de ses richesses et de ses problèmes la cible des velléités des puissances néocolonialistes.

Les mutations qui s’esquissent actuellement dans le monde vont-elles permettre aux pays arabes, surtout ceux qui tiennent à leur souveraineté de profiter de cette situation et faire de la non-ingérence dans les affaires des pays leur maître-mot?
Exactement, les dernières années et depuis le début de ce qu’on a appelé le «printemps arabe», on a vu de l’ingérence étrangère dans les pays arabes. Nous avons eu des destructions des pays arabes.
Ça était un chaos total et nous l’avons vu comme étant quelque chose de très positive c’est-à- dire un vrai printemps, alors que c’était pire qu’un hiver, il était sanglant et de ce point de vue, les pays arabes doivent apprendre à régler leurs problèmes entre eux, les conflits inter-arabes doivent être réglés par les Arabes, c’est très essentiel. Autre chose, dans ces pays- là, ils doivent pouvoir faire participer leurs peuples dans la prise des décisions. Parce que une décision qui est prise au sommet et qui n’atteint pas le peuple et si elle n’a pas d’impact sur le peuple, elle ne sert à rien.

Quelle place pourrait avoir l’Algérie dans le nouvel ordre mondial qui est en train de prendre forme actuellement? Est-ce que ça va lui permettre de jouer davantage son rôle géopolitique au niveau de sa région et quelles sont ses propres profondeurs? Est-ce que c’est le monde arabe ou l’Afrique comme potentiel et une démarche stratégique?
L’un n’empêche pas l’autre. L’Algérie de par sa géographie a une dimension africaine, l’Algérie de par sa culture a une dimension arabe et l’Algérie a toujours eu une position des pays non-alignés. Donc, elle peut aussi bien faire partie des pays arabes, elle peut faire partie aussi donc d’un groupe africain pour développer les relations avec l’Afrique et aussi pourquoi pas et on l’espère de tout coeur de faire partie des Brics. C’est là où se joue ce changement géopolitique international actuellement.

Pensez-vous que les conclusions de la 31eme session de la Ligue arabe incarnée par la Déclaration d’Alger seront respectées par les pays arabes?
De nature je suis optimiste, à la limite, je peux dire que je suis utopiste. Donc je pense que si on ne fait rien on n’a rien. Maintenant, le Sommet d’Alger peut rapporter des choses positives ne serait-ce que pour la cause palestinienne. Pour tout ce qui est des problèmes de famine qui se posent dans les pays arabes par exemple, la sécurité alimentaire dans les pays arabes est très importante, ce sont des choses qu’on peut régler, il est inadmissible que dans les pays comme le Yémen ou en Somalie les gens souffrent de famine, c’est inadmissible. Ce sont des choses qu’on doit régler et il ne faut pas attendre l’aide des étrangers pour aider ces pays-là.
Nous devons créer des mécanismes pour éradiquer la famine dans les pays arabes. Donc il y a des choses qu’on peut faire, il y a des choses qui sont simples à réaliser, maintenant il y a d’autres choses sur lesquelles il faut travailler. Il ne faut jamais baisser les bras, il faut travailler, il faut discuter, à mon avis la conjoncture internationale va dans le sens de la politique algérienne d’autant plus que nous avons vu des changements appréciables de la politique de certains pays arabes. Qui était complètement alignée sur la politique américaine et qui à la faveur de la crise entre l’Ukraine et la Russie, on a vu un changement notable.
Donc les choses changent et bougent, nous devons changer, notre diplomatie doit être en phase et doit s’arrimer avec ces changements qui s’opèrent dans le monde. L’Algérie a montré qu’elle a un rôle de leader de par son histoire et de par sa tradition diplomatique et ses positions inaliénables par rapport à la cause palestinienne. Il n’y a aucun pays où les dirigeants et le peuple parlent à l’unisson et par la même voix pour que la Palestine soit libérée un jour.


 

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