L’ONU salue l’accord entre rivaux libyens sur les recettes pétrolières : Haftar mise et gagne

     La menace aura été de courte durée mais l’alerte a quand même été chaude. Le maréchal Haftar était monté en première ligne, voici quelques jours, pour clamer son mécontentement face aux répartitions «inégales», selon lui, des revenus pétroliers entre l’Est (Benghazi) et la Tripolitaine (Tripoli) où se trouvent le gouvernement d’union adoubé par les Nations unies ainsi que les sièges de la Banque centrale libyenne et de la NOC, compagnie pétrolière du pays.

Objet de querelles permanentes et de rivalités parfois meurtrières pour le contrôle du Croissant pétrolier, situé essentiellement dans la partie Est de la Libye et sous la botte des milices de Haftar depuis 2019, les recettes provenant de l’or noir sont constamment brandies par les dirigeants de Benghazi comme une raison nécessaire et suffisante pour bloquer les exportations des hydrocarbures libyennes. A l’initiative du Conseil présidentiel (CP), plus haute autorité de l’Exécutif mis en place par l’ONU, un mécanisme de répartition des- dites recettes a vu le jour avec la création d’une «Haute commission financière» ayant pour mission cruciale de «déterminer les volets des dépenses», d’après le décret paru dans les médias locaux. Cette décision éminemment importante a été saluée, hier, par la Mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul) qui «se félicite» de cette initiative à même de résoudre les «questions fondamentales de transparence dans les dépenses des fonds publics et (surtout) la réponse équitable des ressources» pétrolières.

    C’ est ainsi que le maréchal Khalifa Haftar, dont il semble qu’il demeure incontournable sur l’échiquier du pays, obtient gain de cause beaucoup plus vite qu’on ne l’imaginait. La Libye est détentrice des plus importantes réserves de pétrole du continent mais leur exploitation reste tributaire du bon vouloir des parties rivales qui se disputent le pouvoir depuis la chute du régime de Maamar El Gueddhafi. La nouvelle Haute commission sera présidée par Mohamed al-menfi, également président du Conseil présidentiel, et comptera 18 membres mandatés par le gouvernement d’union de Abdelhamid Dbeibah, la NOC, les deux Chambres du Parlement basées à Tripoli et Benghazi, la Cour des comptes, l’Autorité de contrôle administratif et…l’Armée nationale libyenne autoproclamée (ANL) du maréchal Haftar.

Selon la Manul, il s’agit là d’une avancée majeure en matière de consensus, et cette «approche inclusive» serait porteuse de promesses pour le tenue des élections générales auxquelles l’ONU appelle sans cesse./

Chaabane BENSACI


                  En attendant une confirmation

                                                     par Abdelkrim Zerzouri

En Libye, la création d’une «haute commission de surveillance financière», composée de 18 membres représentant différentes parties, pour résoudre les questions fondamentales de transparence dans les dépenses des fonds publics et la répartition équitable des ressources, suscite de grands espoirs d’une solution politique entre les parties rivales.

Quand on parle de dépenses des fonds publics en Libye, on pense directement aux recettes pétrolières, principale source de revenus en devises du pays, et qui sont à l’origine d’un ancien différend intimement lié à la crise politique qui ronge le pays depuis 2011, dont la solution passe, justement, par des élections pour désigner des autorités publiques dûment habilitées à gérer cet argent du peuple. L’équation est-elle équivalente ? En d’autres termes, peut-on affirmer que le problème politique peut trouver une solution maintenant qu’on a pu s’entendre sur la question fondamentale des dépenses des fonds publics ? La Mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul) «s’est félicitée», samedi, de la mise en place de ce mécanisme de partage des recettes pétrolières en Libye, annoncé par le Conseil présidentiel (CP). Pour la Manul, il s’agit là d’»un consensus politique» entre institutions et acteurs politiques rivaux, et espère qu’une telle «approche inclusive» puisse renforcer la «transparence dans la gestion des fonds publics et une répartition équitable des ressources nationales».

L’ONU, qui a salué cet accord entre les parties rivales, politiquement parlant, sur la gestion des recettes pétrolières, n’y voit pas moins qu’une solution à la crise libyenne. Mais, la situation n’a pas été aussi conciliante ces derniers jours. Le discours était plutôt très menaçant au sujet de cette répartition des revenus de la vente du pétrole.

Le 4 juillet dernier, Khalifa Haftar a appelé à une répartition équitable des recettes pétrolières, donnant dans ce sens un ultimatum jusqu’à fin août. Faute de quoi, «les forces armées seront prêtes à répondre aux instructions le moment venu», a-t-il prévenu.

Avant cet appel, le 24 juin dernier, le gouvernement parallèle installé dans l’est de la Libye a menacé, pour sa part, de bloquer les exportations d’hydrocarbures.

De toute façon, si la Libye se dirige vers des élections présidentielles et législatives dans les prochains mois, inutile de chercher à prendre ou garder le contrôle sur les revenus pétroliers. Il faut juste patienter un peu et tout rentrera dans l’ordre, quand les autorités élues qui seront en place auront toute la légitimité de gérer ces fonds.

Selon d’autres considérations, plus circonspectes, cet accord autour de la répartition des revenus pétroliers ne signifie pas du tout qu’une solution politique inclusive se dessine à l’horizon, pouvant même pousser les rivaux à dormir sur leurs lauriers. Une répartition équitable des ressources financières peut-elle couvrir ou retarder les aspirations à une solution politique ?


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