La militante Monique Hervo, amie de la Révolution algérienne, décédée à l’âge de 95 ans, a été inhumée, vendredi après-midi, au cimetière d’El Alia à Alger.
La dépouille de la défunte a été accueillie à l’aéroport international Houari Boumediene, par le ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit, Laïd Rebiga ainsi que d’anciens membres du corps diplomatique.
Dans une oraison funèbre prononcée à cette occasion, M. Rebiga a présenté ses condoléances et sa profonde sympathie à la famille de la défunte ainsi qu’à ses compagnons d’armes, considérant qu’avec sa disparition “l’Algérie aura perdu une des femmes qui ont voué leur vie à la patrie et une de celles qui se sont imprégnées des valeurs et des principes humains nobles en faveur de la libération”.
“Le destin a voulu que nous quitte à jamais, la militante qui a rejoint l’organisation civile mondiale et qui a consacré ses efforts au soutien de la Révolution algérienne, en défendant, en qualité d’avocate au Barreau de Paris, les membres de la Fédération de France du FLN ainsi que les Algériens qui habitaient dans les bidonvilles de Nanterre, dans la banlieue parisienne”, a-t-il souligné.
La militante qui a assisté à la répression et à l’assassinat d’Algériens lors des manifestations du 17 octobre 1961, a apporté, en 1999, son témoignage contre Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, dans l’affaire l’opposant à l’historien, Jean-Luc Einaudi.
L’amie de l’Algérie a décrit la souffrance des Algériens qui vivaient dans le bidonville de la Folie, à Nanterre, dans un livre coécrit avec Marie-Ange Charras, intitulé “Bidonvilles: l’enlisement”, publié en 1971 et “Chroniques du bidonville: Nanterre en guerre d’Algérie, 1959-1962”, éditions du Seuil, Paris, 2001.
Monique Hervo était connue pour avoir défendu en tant qu’avocate au Barreau de Paris, des habitants de bidonvilles puis leurs parents militants au sein de la Fédération du FLN.
La militante et écrivaine, convertie à l’Islam, s’est vue octroyer la nationalité algérienne en 2018 en hommage à son combat en faveur des justes causes.
L’adieu à l’avocate des humbles
Monique Hervo dérangeait énormément par ses témoignages et sa présence quasi quotidienne aux côtés des Algériens qui militaient et résistaient à l’ordre colonial.
La militante des causes justes, Monique Hervo, vient de tirer sa révérence. Cette femme battante, connue pour sa défense des droits des Algériens, voulait que son voeu soit exaucé, celui d’être enterrée en Algérie, la terre des martyrs dont elle était témoin de massacres et d’exécutions sommaires des Algériens avides de liberté et d’indépendance.
Les manifestations du 17 Octobre 1961 constituent l’étape charnière qui a permis à Monique Hervo de rompre «épistémologiquement» avec l’histoire et le système colonial qui cherchait, vaille que vaille, à faire croire aux personnes crédules qu’il est porteur d’humanisme et de civilisation.
En 1999, elle a eu le courage politique de témoigner contre Maurice Papon dans l’affaire l’opposant à l’historien Jean-Luc Einaudi. Elle a «dénudé» la France coloniale en portant un témoignage cinglant historique, mettant l’Etat français devant ses responsabilités quant aux crimes et aux massacres commis contre le peuple algérien. Elle a vécu dans sa chair l’assassinat et la répression des manifestants algériens à Paris, le 17 Octobre 1961. Monique Hervo avait tracé tout l’itinéraire de la souffrance dont étaient victimes les Algériens durant la période coloniale, et plus précisément durant les années 50 du siècle dernier.
Elle a publié deux livres qui ont montré la véritable situation dans laquelle se débattaient les Algériens de l’immigration. Ils s’intitulent Bidonvilles: l’enlisement, publié en 1971, et Chroniques du bidonville: Nanterre en guerre d’Algérie, 1959-1962, publié en 2001. Monique Hervo était d’abord avocate, elle a défendu les Algériens qui vivaient dans les bidonvilles. Elle s’est affichée clairement en sa qualité de défenseur des militants appartenant à la Fédération de France du FLN.
Elle dérangeait énormément par ses témoignages et sa présence quasi quotidienne aux côtés des Algériens qui militaient et résistaient à l’ordre colonial. Un de ses témoignages souligne «J’arrive en fin d’après-midi au bidonville, une foule d’Algériens, pères, mères, enfants, jeunes, s’apprêtaient à le quitter. Un père de famille, M. Brahim…. me regarde et me dit: «Tu viens avec nous. Au rond-point des Bergères, on était des milliers. On voyait arriver d’autres communes, des Algériens par milliers. J’ai tout de suite compris. On a pris l’avenue qui descend vers le pont de Neuilly. On était mélangés, hommes, femmes, enfants. Le long cortège avançait, silencieux. De temps à autre, on entendait: «Vive l’Algérie». Arrivés à 300 mètres de ce pont, l’avenue est en pente. On a vu la police tirer sur les premiers rangs. On a vu des hommes tomber. Avec les femmes et les enfants on est sorti du rassemblement et pris la route de Puteaux pour rentrer au bidonville. On avait peur, des gens observaient depuis leurs fenêtres ou sur le pas de leurs portes. On ne savait pas ce qui se passait à Paris, on pensait que l’évènement se déroulait seulement sur le pont de Neuilly. Vers la fin de la nuit, des hommes portaient d’autres hommes, des blessés arrivaient avec deux assistantes sociales, Françaises, celles-là, exceptionnelles».
Monique Hervo a toujours défendu son statut d’Algérienne à part entière. Cela a été entériné par l’octroi de la nationalité algérienne à cette grande militante et résistante dont le sens du sacrifice et de l’abnégation ne sont pas à démontrer. Elle a choisi l’Algérie, l’Algérie des pauvres et qui souffrait sous le joug d’un système colonial inhumain et des plus barbares.
Elle est décédée à l’âge de 95 ans, son combat pour les causes justes, en général et la cause algérienne en particulier, ont fait d’elle une militante de grande envergure. Elle a consacré toute sa vie à la défense des pauvres et des Algériens qui habitaient les bidonvilles.
Le bidonville de la «Folie», à Nanterre, est témoin du gros travail effectué par cette grande militante qui n’a pas hésité d’un iota à défendre les victimes d’un système injuste et ségrégationniste qui n’est autre que le système colonial.
Un grand hommage est rendu par les autorités algériennes à cette grande dame dont le sacrifice et le dévouement à la cause algérienne constituaient son pain quotidien.
Entretien avec Monique Hervo
Entretien réalisé dans le cadre de l’exposition Vies d’exil – 1954-1962. Des Algériens en France pendant la guerre d’Algérie. Monique Hervo est née à Paris en 1929. En 1956, elle rejoint le service civil international dont elle devient salariée. En 1959, elle entend parler pour la première fois du bidonville de Nanterre. Elle décide alors de s’y rendre avec des collègues du service civil pour se rendre compte par elle-même des conditions de vies des habitants. Elle décidera d’y rester et y met en place une coopérative de matériaux et d’outillage pour aider les habitants à améliorer leur habitat. Elle restera dans le bidonville jusqu’en 1971. Elle revient dans cet entretien sur son parcours, sur la vie dans le bidonville et sur la manifestation du 17 octobre 1961.