La Charte des Nations unies comme but et moyen de la coopération internationale

 

Contribution de Jean-Pierre Page

Il n’est jamais inutile de rappeler les textes fondateurs. La modernité et la pertinence de la Charte des Nations unies constituent la référence essentielle de la coopération internationale, celle fondée sur le multilatéralisme, il n’en est nul autre. C’est ce qu’exprime avec une grande clarté le chapitre 9 et les articles 55 et 56 sur la Coopération économique et sociale internationale. Que disent-ils :

Article 55 : En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, les Nations unies favoriseront :

  1. le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et sociale
  2. la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l’éducation
  3. le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Article 56 : Les Membres s’engagent, en vue d’atteindre les buts énoncés à l’Article 55, à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l’Organisation.

L’adoption de la déclaration de Vienne et son programme d’action sur les droits humains a été rappelons le marqué par la décision très politique de créer un bureau du Haut-Commissaire pour les droits de l’homme, l’OHCHR, décision inséparable de la réforme des Nations unies engagée à cette époque.

Après la destruction de l’URSS, tenant compte du nouveau rapport des forces international, l’objectif des États-Unis et de ses vassaux était d’en finir avec le multilatéralisme obstacle à sa vision unilatérale d’un monde unipolaire. Cet objectif poursuivi hier, l’est tout autant aujourd’hui. Celui-ci n’a pas changé, même si le rapport des forces n’est plus le même. En 1993, au nom de la promotion déclarée des droits de l’homme il fallait en finir avec les prérogatives et le fonctionnement du Centre de l’ONU pour les droits de l’homme qui avait précédé la création de l’OHCHR. Les prérogatives du Centre étaient alors limitées à un rôle de secrétariat administratif auprès de la Commission intergouvernementale des Droits de l’Homme. Avec la mise en place du Haut-Commissaire il en fût autrement, on dota celui-ci d’une fonction politique.

Tenir compte de la réalité internationale nouvelle exigeait pour les occidentaux de faire coïncider le but et les moyens afin de se distancer de la Charte des Nations unies qui à leurs yeux était obsolète et incompatible avec leurs ambitions de refaçonner le monde.

Pour ce faire, l’OHCHR créé à cette occasion allait donc disposer de moyens politiques et financiers étendus permettant de faire ainsi de la «défense des droits de l’homme» une arme à disposition de l’impérialisme pour soumettre le reste du monde. Aujourd’hui environ 1300 employés travaillent à Genève et New York avec un budget en 2019 de plus de 200 millions de dollars US et l’usage croissant des fonds volontaires dont les financements constituent un autre moyen de pression des pays occidentaux pour la mise en œuvre de leurs stratégies à l’égard de pays dont les orientations politique ne coïncident pas avec les leurs.

1. La vision unilatérale d’un État

Faire ce rappel est indispensable si l’on veut comprendre ce qu’était l’objectif véritable de cette époque et là où nous en sommes dorénavant. Ainsi, on a voulu substituer à la vision multilatérale finalité et principe essentiel de la fondation des Nations unies, la vision unilatérale d’un État, en l’occurrence celle des États-Unis qui n’ont jamais caché qu’à leurs yeux dans le système onusien demeurait la survivance d’un passé révolu, une sorte d’anachronisme condamné à évoluer ou à disparaître. C’est ce qui les a conduit à insister sur la mise en place d’un nouvel ordre fondé sur de nouvelles règles (rule base order), ce qui a entraîné la réforme des Nations unies, l’usage du concept de R2P(right to protect), les missions et la finalité de l’OHCHR, ou par exemple le cas concret de la circulation maritime à travers une interprétation dangereuse et fausse sur la liberté de navigation (freedom of the seas) permettant aux USA et ses alliés de multiplier leurs provocations en mer de Chine en particulier dans le détroit de Taïwan.

À ce stade, et à travers les pressions qu’il exerce par l’instrumentalisation du système des Nations unies, l’objectif des États-Unis est toujours de disposer d’un outil permettant d’assurer leur suprématie globale, en s’octroyant une légitimité pour toutes les actions et désordres dont ils prennent l’initiative. Ceci est indispensable à leurs yeux pour les guerres préventives à mener, pour les actions supposées contre le terrorisme, ainsi que pour la promotion des lois du marché garantissant la propriété privée. Il faut ainsi en matière de droits humains imposer «une gouvernance» afin de légaliser l’imposition de conditions par les États riches sur les pays pauvres, les plus faibles et en voie de développement à travers l’usage et la systématisation des plans d’ajustements structurels au nom du respect des droits humains. L’objectif étant de déresponsabiliser des gouvernements démocratiquement élus par des systèmes politiques de leurs choix, en transférant leurs compétences et les gouvernances de l’intérieur vers l’extérieur afin de les confier aux sociétés transnationales et institutions financières. Cela permettant ainsi de faire renoncer des états indépendants à leurs institutions propres en les forçant à adopter un seul modèle économique, social et politique permettant leur intégration dans le processus de globalisation capitaliste.

À la fin des années 90 et au nom de la mondialisation néo libérale cette approche a permis de réviser radicalement le rôle de l’Assemblée générale de l’ONU en limitant son autorité et ses prérogatives. Ce fut le cas également en dévitalisant l’action de la CNUCED, de l’UNESCO et de l’OIT en faisant valoir l’idée d’un nouveau partenariat avec les entreprises, idée qui avait été soutenu au Forum économique mondial de Davos. On a donc mis en place un groupe de travail consultatif de 15 chefs d’entreprises multinationales, prenant la forme d’un conseil de sécurité économique comme en d’autres temps l’avait été au niveau européen «la table ronde des industriels» (ERT).

Comme illustration de cela, on peut prendre la référence obsessionnelle qu’est devenu l’usage de sous-traitants pour mener à bien des programmes et des activités de l’ONU, comprenant la recherche de «partenariats stratégiques» avec des acteurs non-étatiques et provenant de ce qu’on appelle la société civile (les ONG) ou du secteur privé (les entreprises transnationales) dont par exemple le groupe Merry Lynch chargé en son temps de piloter la réforme des Nations unies  elle-même. Une telle rupture radicale exigeait donc l’élimination des valeurs restantes, des principes et de l’éthique même qui est liée au système multilatéral.

Cela a d’ailleurs été poursuivi par des applications récentes. Par exemple en recourant aux consultant et cabinets d’experts privés dans le domaine de la santé. En France ce fût le cas avec la gestion de la crise du Covid qui a été confiée à la multinationale Merry Lynch ou la contre réforme de notre système de retraites au groupe financier d’investissements US Blackrock le plus important gestionnaire d’actifs au monde spécialisé dans la gestion des fonds de pensions. On pourrait multiplier les exemples qui mettent ainsi directement en cause la fonction publique d’État.

En fait, les États-Unis ne sont pas seulement à la recherche de l’acceptation de la part des États membres de leur vision néolibérale et impérialiste, mais plutôt de les enrôler dans leur application et dans l’acceptation de leurs conséquences au nom de la «communauté internationale». C’est ce que cette contribution doit traiter plus loin à travers les «Sommets pour la Démocratie» organisés par Joe Biden et qui ont permis d’atteindre de nouveaux sommets d’hypocrisie.

S’agissant des droits de l’homme on a donc assisté et progressivement à une rupture nette avec le passé. La nouvelle orientation impliquant de nouveaux organes, de nouvelles procédures, de nouvelles méthodes de travail, et un nouveau type de personnel ayant plus à voir avec les mercenaires diplomatiques qu’avec le service civil international.

Comme cela était prévisible l’OHCHR est très vite apparu comme une arme utilisée unilatéralement par les pays occidentaux, «un cheval de Troie» en quelque sorte avec comme but d’en finir avec la finalité même de la Charte des Nations unies, c’est à dire : le principe fondamental de l’égalité souveraine, le règlements des différents internationaux par des voies pacifiques, la coopération par le respect de la souveraineté des États, le respect de l’intégrité territoriale, la liberté des peuples et leur libre choix. Autant de principes dont la modernité et la pertinence permettent de défendre le multilatéralisme en tournant le dos à l’unilatéralisme direct dans les affaires d’un état jusqu’ à l’interventionnisme, à l’ingérence, aux sanctions et autres mesures de coercition y compris la guerre.

Par conséquent, 30 ans après la Conférence de Vienne le bilan est donc des plus discutable. On nous avait promis un monde de paix, de coopération, de développement et de progrès social, on a eu droit aux guerres, aux actions en faveur de changements de régime, à la généralisation des sanctions, à la mise en cause directe de la souveraineté des états, et a un recul social qui selon certains pays prend la forme d’un recul de civilisation. En fait cette contestation occidentale des finalités de la Charte, le non-respect de ses recommandations a fait naître un chaos qui a fait régresser les droits humains. Le monde est devenu plus instable, plus dangereux et moins sûr. La crise du capitalisme et de son système néolibéral a fragilisé la plupart des nations, leur économie, leurs institutions, leur service publics ont été dévastés, la pauvreté de masse s’est accrue en même temps que nous assistons à l’accumulation sans précédent de richesses, de privilèges en faveur d’une oligarchie parasitaire et corrompue qui entend diriger le monde.

À mes yeux, l’utilité de ce Forum doit donc permettre de nous aider à faire le point en prenant en compte cette évolution du système international tout comme la signification des résistances, des oppositions qui grandissent face à ce qui demeure une volonté d’instrumentaliser unilatéralement le système des Nations unies. Il s’agit de clarifier afin de permettre de surmonter ce qui doit l’être et ouvrir des perspectives crédibles en faveur d’alternatives. Nous avons pour cela besoin de prendre en compte un monde qui change vite, un monde paradoxalement au devenir prometteur mais aussi et contradictoirement incertain. On ne saurait se contenter d’avoir le regard figé sur l’horizon nous devons anticiper voir au-delà de celui-ci, c’est là une ambition autant qu’une grande responsabilité.

2. Le monde change vite ?

La situation internationale est fondamentalement caractérisée par le tournant géopolitique mondial. Un changement de paradigme donnant lieu tout à la fois à des dangers inédits et inquiétants et dans le même temps au renouveau d’un mouvement d’émancipation, universel et prometteur, fondé sur le choix du développement, de la coopération, du respect de la souveraineté. Cette évolution est caractérisée par le mouvement ascendant d’États qui partant de leurs besoins propres et ceux de leurs peuples, s’unissent, se rassemblent font entendre leur voix de manière autonome et indépendante. Cette situation inédite est illustrée par des alliances anti-hégémoniques économiques, financière, monétaires, sociales et culturelles, permettant de redonner du sens à la déclaration sur le droit au développement et à la réponse aux besoins fondamentaux des hommes.

Sur ce point, les attentes sont immenses et sur tous les continents. Ainsi le début de mouvement de dédollarisation auquel on assiste et qui contribue à se dégager de la tutelle étouffante du dollar dans les échanges fait souffler un vent de panique à Washington et dans les capitales occidentales et un vent d’espoir dans le reste du monde. Cette évolution dans le cadre de laquelle la Chine joue un rôle déterminant aux côtés d’autres pays comme ceux des BRICS contribue à un nouvel état d’esprit gagnant/gagnant. Il est donc normal qu’il suscite soutien et intérêts, mais aussi des attaques de la part des gouvernements occidentaux et des certaines institutions internationales qui font face à une crise structurelle profonde.

Ce seul fait incontestable témoigne que les moyens existent pour échapper à la logique mortifère que les États-Unis persistent à vouloir imposer. Au fond tout est affaire de vision et de volonté politique. Pour ces raisons, les obstacles mis en avant par les dirigeants occidentaux conjointement avec les forces aveugles de la finance constituent non seulement un frein, mais un barrage forcené de la part de ceux qui entendent et à n’importe quel prix maintenir leur suprématie sur le reste du monde. Ces orientations ont un caractère délibéré d’autant qu’il s’agit de maintenir et sauver le système néolibéral qui a prévalu jusqu’à maintenant. Les réunions du G7 et d’autres institutions internationales ou régionales en sont la preuve, l’inquiétude n’a cessé de croire devant le gonflement des dettes publiques comme celle liées à l’éducation, à la santé, au logement. L’inflation qui se développe très vite et la stagnation du pouvoir d’achat des travailleurs et leurs familles font craindre de véritables ruptures sociales. Vouloir, comme on le fait, faire diversion sur d’autres sujets comme ce que l’on appelle les problèmes sociétaux ne résoudra pas la crise profonde des pays qui font le choix de sacrifier les besoins sociaux de leurs peuples, de leur économie pour préserver les prétentions totalitaires de Washington. Il est difficile de faire tourner la roue de l’histoire autrement

Par exemple l’état moribond de l’industrie manufacturière aux États-Unis comme dans de nombreux pays européens est une réalité. La désindustrialisation s’est accéléré et généralisé. Elle a précipité au chômage et dans la misère des millions de gens, contribué à freiner la mise en œuvre du droit au développement. Elle a détruit des communautés, mis en faillite des villes et des villages. La récente crise épidémique en a été le révélateur. Les diversions n’ont pas pu résoudre le problème de leurs capacités à résister efficacement au Covid-19 et encore moins à détourner l’attention des gens de la crise intérieure de nombreux pays développés. Comment ce seul fait ne ferait pas réfléchir la large majorité de la population mondiale quand en France, pays de Pasteur et des vaccins on a fait le choix de capituler devant les big pharma US et que l’on a été incapable de produire des vaccins et même de se donner les moyens de lutter efficacement contre l’épidémie par le manque de masques et de respirateurs.

La crise en Ukraine est un autre exemple significatif. Une large majorité de pays dans le monde ont refusé de s’aligner et de céder aux menaces, aux sanctions, aux exigences des États-Unis et de l’Union européenne devant les conséquences pitoyables et le prix social élevé là du fait de l’alignement aveugle de Londres, Bruxelles et Paris sur les sanctions de Washington qui prétendaient mettre l’économie russe à genoux. Le défaut de paiement pour les USA, l’effondrement ou la fragilisation extrême de nombreuses banques régionales comme c’est le cas aux USA et en Europe, l’Allemagne entré en récession, la Grande Bretagne qui voit son économie s’effondrer et la France surendettée, sa notation internationale déclassé qui doit par ailleurs faire face à un mouvement social depuis quatre mois jamais encore vue depuis 50 ans. Par conséquent, il n’est pas excessif de dire que le déclin de l’autorité politique des pays occidentaux en suivant aveuglément les instructions de Washington ont contribué à l’aggravation de leur crise économique, sociale, financière et monétaire qui n’avait pas attendu la crise ukrainienne. Ces faits sont difficilement contestables !

Aussi, ceux qui aux lendemains de la chute du mur de Berlin avaient comme Francis Fukuyama prophétisé «la fin de l’histoire» en sont aujourd’hui à admettre qu’ils se sont trompés. Depuis le même Fukuyama affirme dans une sorte de fuite en avant «si nous baissons la garde le monde libéral disparaitra». Cette fébrilité est significative. Disons qu’à l’échelle de l’histoire ce revirement assez spectaculaire signifie que les choses changent.

Par conséquent, il faut se féliciter et encourager les initiatives inédites bilatérales ou multilatérales qui cherchent à se dégager du despotisme des donneurs d’ordre qui demeurent cramponnés à l’étalon dollar ou à l’euro en fâcheuse posture provisoirement sauvé par la restriction du crédit. En fait, le moment est venu de réviser totalement l’héritage désuet des accords de Bretton Woods. Le monde a besoin de coopérations qui soient porteuses d’un renouveau de l’architecture international. Le moment est venu de mettre fin à la dictature du dollar et aux tentatives de recolonisation, comme aux pillages qu’entraîne, ce système conçu par les États-Unis à travers sa vision néo libérale ancrée depuis trop longtemps dans le consensus de Washington.

C’est pourquoi !

Il n’est plus possible de reporter la réforme de l’architecture financière internationale. Nous devons renforcer la voix et la participation des pays en développement à la prise de décision économique internationale. Afin de favoriser le développement durable dans ses trois dimensions et la pleine mise en œuvre de l’agenda 2030.

Il est urgent d’assurer la promotion des transferts de technologies et du renforcement des capacités, ainsi que la coopération technologique et scientifique des pays développés vers les pays en développement.

Il s’agit là d’actions urgentes possibles et donc crédibles. Mais il faut aller plus loin, il y a également besoin de réformes en profondeur du système commercial afin de promouvoir la croissance économique ; investir dans des projets durables, lutter contre le changement climatique et ses effets négatifs, modérer les prix des denrées alimentaires en augmentant la production alimentaire afin de construire un système mondial dans lequel aucun pays n’est laissé pour compte.

Afin de revenir sur la bonne voie, il est crucial de mettre en place un système solide et efficace de commerce et d’investissement. Ainsi comme on le voit il existe des solutions concrètes qui peuvent permettre de rassemble très largement la communauté internationale.

Par conséquent, si ce qui émerge est fait de potentiels et d’opportunités, la lucidité nous commande également de voir qu’il existe des risques majeurs pour le devenir de l’humanité. Il nous faut admettre que le monde unipolaire conséquence du changement de rapport des forces à en fait produit l’instabilité mondiale, une forme de chaos, la multiplication des crises dont celle en Ukraine en est le témoignage, l’explosion des inégalités sociales, les mesures coercitives comme mode de gouvernance, les dérangements climatiques, le drame des réfugiés, l’intolérance et la montée en puissance des extrêmes là où l’on pensait qu’elles avaient été éradiquées.

S’il est vrai qu’il n’y a de fatalité en rien et que tout est fonction de la volonté politique dont on fait preuve, il faut avoir le courage de confronter les causes qui caractérise la crise systémique internationale actuelle, les 16 crises dont parlait l’ancien ministre nicaraguayen des affaires étrangères Miguel D’Escotto Brockman. Elles sont toutes interdépendantes les unes des autres et déterminent le contenu des droits humains fondamentaux et par conséquent du niveau des solutions et réformes qu’il faut entreprendre.

Les peuples ne sont pas dépourvus d’instruments leur permettant de faire face ! Le monde n’est pas condamné à voir son développement régressé ou condamné à résoudre ses problèmes par le seul recours à la force. Le débat, l’échange, le partage en faveur de décisions créatrices, de propositions répondant à des besoins concrets peuvent contribuer à la recherche d’issues à des situations de crise grave comme nous les connaissons, d’alternatives permettant la coopération pour le développement de tous. Il faut pour cela se libérer de l’unilatéralisme, des ostracismes, des sanctions, des conditionnalités et même des fantasmes de certains. Cela exige un état d’esprit nouveau dégagé des conservatismes qui figent et divisent. L’objectif qui doit dominer doit être le choix de se rassembler autour de principes et de valeurs dans le respect des différences et des souverainetés de chaque peuple et de leur libre choix. C’est là une condition essentielle. Il faut remettre en valeur les principes mêmes de la Charte des Nations unies et agir pour les faire vivre concrètement.

Par conséquent, nous sommes entrés dans une période de choix importants à assumer, décisifs tant les enjeux et les défis auxquels les hommes doivent faire face sont considérables. Le contenu des décisions et des orientations prises déterminera l’avenir des prochaines générations.

3. Autocratie et démocratie selon les Sommets de Joe Biden

En décembre 2021 puis en mars 2023 Joe Biden a convoqué successivement deux sommets «pour la démocratie» dont l’impact est resté au fond assez confidentiel. Loin de convaincre, ces deux initiatives devaient légitimer le leadership incontestable des États-Unis. Il en a été autrement !

Sans doute parce que la démocratie n’est pas une référence nord-américaine mais un bien commun qui s’est forgé à travers les siècles et les siècles par toutes les communautés humaines dans le respect de celles-ci, un droit universel et tangible, qui existe et représente un patrimoine de principes, de valeurs admises par la quasi-totalité des pays du monde. Ainsi, et encore une fois en va-t-il de l’exigence forte que représente la Charte des Nations unies dont le contenu est cohérent avec ce qui doit ou devrait dominer l’architecture des relations internationales.

C’est à travers le respect de la Charte, des règles et des engagements précis, des conventions, des résolutions comme le pacte sur les droits socio-culturels, sur le droit au développement, sur les droits civils et politiques dont une des pré-condition est le respect du droit des peuples à l’auto-détermination, à l’indépendance, que l’humanité a pu après deux guerres mondiales et bien d’autres conflits poursuivre sa marche en avant. Or, Joe Biden continue et persiste à défendre une vision anachronique du monde qui repose sur une opposition entre blocs au détriment du multilatéralisme. On en revient donc avec les deux «Sommets» successifs organisés par Washington au cout de centaine de millions de dollars US au début des années 60 et à cette vision du bien et du mal qui rappelle «l’Empire du mal», «l’axe du mal» et de biens mauvais souvenirs. Faut-il ajouter que parler du bien et du mal comme le fait Joe Biden est une catégorie morale, de mauvaise morale et de mauvaise politique ! En fait il s’agit d’un discours de guerre sainte. Les États-Unis adorent appliquer aux autres ce qu’ils refusent de s’appliquer à eux-mêmes comme c’est le cas flagrant avec l’usage d’une juridiction universelle dont le Tribunal pénal international qu’ils refusent de suivre pour eux-mêmes.

L’avenir du monde ne peut se concevoir à partir d’une vision dominatrice et arrogante. Or, depuis plus de deux siècles, les États-Unis sont persuadés et ont cherché à persuader l’humanité toute entière de leur exceptionnalité et donc de leur mission divine à diriger toutes les activité humaines sur terre. À Washington contre vents et marées, c’est toujours le cynisme et l’arrogance qui prévaut. Celui qui en son temps faisait dire à la secrétaire d’Etat Madeleine Albright «Si nous devons utiliser la force, c’est parce que nous sommes l’Amérique. Nous sommes la nation indispensable. Nous sommes grands et nous voyons plus loin que d’autres pays dans l’avenir».

C’est cette vision archaïque qui s’est exprimé à l’occasion de ces deux «Sommets pour la Démocratie» de 2021 et 2023 et qui continue à influencer la politique étrangère de l’Amérique en se manifestant à travers le consensus bi partisan des républicains et démocrates US. Ce qui les conduits à vouloir s’imposer en leader naturel et incontesté, en charge d’un «apostolat». Selon eux dorénavant et pour le plus grand bien de l’humanité, ce qui doit prévaloir est une seule et unique interprétation de la démocratie comme de la défense des libertés : la leur ! C’est à dire «made in USA» exclusive et inclusive.

Pour Washington, il faut dépasser le caractère obsolète des principes qui ont prévalu pour y substituer de nouvelles règles, leurs règles. On se souvient comment devant le parlement australien B. Obama avait déclaré en novembre 2011 pour expliquer la réorientation stratégique des États-Unis «si nous ne fixons pas les règles, c’est la Chine qui les fixera». Cette cause prétendument universelle, mais à l’interprétation élastique et unilatérale appartient aux seuls États-Unis et justifie à leurs yeux le ralliement de tous les états de la planète à l’exception de ceux qui ont la prétention de voir le monde autrement. Elle a dorénavant été conceptualisée à travers la notion de «démocratie opposé à l’autocratie». Cette classification arbitraire en forme de proclamation est typique de la manière de voir et de faire des États-Unis, c’est également là leur manière de réécrire l’histoire. Le fameux écrivain et dramaturge irlandais avait raison de dire : «Les États-Unis forment un pays qui est passé de la barbarie à la décadence sans avoir connu la civilisation».

Ainsi, concernant la Chine et la Russie, Joe Biden et la nouvelle administration les considèrent dorénavant comme des adversaires influençant et agissant directement sur la politique intérieure américaine. Ce qui témoigne de la vision paranoïaque d’un empire affaibli qui voit partout des états dûment désignés profiter de ses faiblesses et même des oppositions régnant à l’intérieur de ses frontières.

Par exemple, Jake Sullivan, le secrétaire national à la sécurité des USA pointe du doigt avec effarement les dysfonctionnements et les divisions aux États-Unis. Mais en fait ce qui est pour lui visiblement incompréhensible c’est que cela arrive dans un pays où le peuple a été élevé depuis deux cents ans dans la certitude de son invincibilité, de son exceptionnalité, de sa mission planétaire divine et de sa «destinée manifeste».

C’est pourquoi, les États-Unis veulent remplacer le droit international par leurs propres règles. Evidemment celles-ci n’ont rien à voir avec les principes fondamentaux du droit au niveau mondial, à l’échelle universelle. Il conduit à une polarisation drastique. Cette polarisation des relations internationales est une chose dangereuse. L’histoire démontre qu’au XIXe comme au XXe siècle, cela s’est toujours terminé par des guerres. C’est pourquoi, les Américains inquiets de voir régresser leur domination mondiale, veulent créer (ils l’ont déjà annoncé) une nouvelle «alliance des démocraties contre les autocraties». Entendons par là créer des alliances américaines et pro-américaines, obligeant tous les autres à faire leur choix c’est à dire : «vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous». Les doubles standards et l’hypocrisie devenant la norme visant à justifier leurs propres obsessions de «full spectrum dominance». Si vous refusez de reconnaître cette prétention arrogante, vous n’avez dès lors plus aucune autorité morale pour parler, proposer, décider. Ce monde revu et corrigé par les États-Unis est en fait un monde parfaitement totalitaire.

Avec une centaine d’états triés sur le volet, et quelques faire valoir de la prétendue «société civile». Les deux Sommets pour la Démocratie ont donc exclu les «autocrates» et tout spécialement «la plus grande menace pour la démocratie et la liberté dans le monde depuis la seconde guerre mondiale» que sont la Chine et son partenaire moscovite. Les deux initiatives pourtant promues par les médias main stream et leurs experts au rang d’évènement mondial n’ont pourtant pas convaincu ! «La montagne a accouché d’une souris» au point que de nombreux observateurs se sont de nouveau interrogé sur les capacités des USA à se revendiquer leader éclairé du monde libre. Certains ayant même l’audace de s’interroger publiquement sur l’amateurisme de l’équipe en place et même sur la sénilité précoce de celui qui a été baptisé «sleepy Joe».

Si l’on suit Joe Biden et les recommandations de son «Sommet pour la démocratie», une seule conclusion logique devrait s’imposer, il faut réécrire cette Charte de 1945 qui définit les buts et les principes de l’ONU au nom d’un fait qui à leurs yeux ne saurait être contesté, à savoir : les «États-Unis sont les premiers défenseurs de la démocrate mondiale». Ils en sont donc les dépositaires exclusifs et la référence autorisée. Voilà pourquoi ils veulent réécrire les règles dans ce sens.

L’objectif de ces deux «conclaves» étant de fournir un cadre en faveur d’une action collective permettant aux «démocraties» de faire face en étant plus réactives et résilientes face à la Chine, Washington a proposé de «construire une communauté de partenaires engagés dans la rénovation démocratique mondiale.

Par conséquent, les gouvernements qui ont été invités l’ont été en fonction de leur soutien à la politique étrangère américaine, en particulier à la guerre par procuration menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie, ou au renforcement militaire des États-Unis contre la Chine.

Taiwan a été invité, bien qu’il ne s’agisse pas d’un pays mais d’une partie de la Chine, qui est reconnue comme une province chinoise quasi unanimement par les pays du monde, et même par les États-Unis eux-mêmes. Cette présence a constitué une nouvelle provocation à l’encontre de la Chine et s’est inscrit dans la recherche d’un conflit militaire en Asie de l’Est.

Qu’elles ont les priorités adoptées par ces deux «Sommets» :

1- «Aider les médias indépendants dans le monde» autant dire les médias mainstream et leurs affidés à travers le contrôle par Google, Facebook et d’autres des auteurs de commentaires hostiles aux USA qui se manifestent sur les réseaux sociaux.

2- «Mettre en place des outils permettant des élections libres et équitables» dont a eu un avant gout dans certains pays notamment aux USA.

3- «Lutter contre la corruption» à travers les réseaux nationaux, internationaux et des ONG téléguidés depuis Washington.

4- «Faire pression sur les retardataires» afin qu’ils procèdent à des réformes pro-démocratie.

5- «Prévenir les coups d’État avant qu’ils ne se produisent» et «veiller dans les périodes de transition à garantir l’influence des États-Unis, en sachant montrer qu’elle est son «pouvoir d’exemple et sa solidarité avec les acteurs démocratiques». Au vu d’évènements récents, on croit rêver.

6- «Faire pression sur les États qui ont utilisé la pandémie de Covid-19 pour restreindre les libertés de manière draconienne sans justification de santé publique». Enfin, et en conclusion de cet inventaire

7- «Lutter contre l’influence anti-démocratique de la Chine et de la Russie afin d’endiguer la vague anti-démocratique mondiale». La mise en œuvre de ses orientations dont les finalités sont de faire échec et avant tout autre chose à la Chine devra reposer sur la mise en place d’un «partenariat pour la démocratie»

Ainsi, les États-Unis cherchent à se réorganiser sur leur pré-carré, avec ceux qu’ils considèrent non pas comme des États indépendants, mais comme des vassaux. Par ailleurs et comme toujours il s’agit pour les États-Unis d’instrumentaliser la référence aux droits de l’homme.

Par conséquent, oui les États-Unis, en dépit de toute leur rhétorique hypocrite, de tous leurs sourires, mensonges et diffamations cyniques, constituent le plus grand problème au niveau global et le plus grand défi pour la vie, la démocratie, la justice et la paix universelle.

4. Le renouveau nécessaire des Nations unies

Ceux qui ont compris à quel point les États-Unis sont un désastre et représente un danger beaucoup plus fort, doivent être clairs dans leur action de défense effective de la vie sur terre, ce qui exige inévitablement l’existence d’un forum mondial, indépendant et démocratique engagé dans la protection réelle et effective des droits de l’humanité. C’est pourquoi il faut insister et répéter, que les Nations unies si elles veulent bénéficier de la confiance et faire preuve de crédibilité ne peut être un instrument des États-Unis.

Des institutions de coordination et de coopération régionales, et de coordination et de coopération mondiales sont essentielles pour la défense effective de la vie des gens. Les gouvernements, y compris beaucoup de ceux parmi les plus progressistes, n’en sont pas suffisamment convaincus. Pour ceux qui désirent conquérir le contrôle total et absolu de la planète, la guerre est déjà déclarée. Cela est si sérieux que l’on peut affirmer sans aucun doute, que si l’ONU ne change pas radicalement, si elle n’est pas réinventée, elle peut disparaître. C’est pourquoi les peuples doivent se la réapproprier à ceux-là même qui ont usurpé son nom, afin que ceux qui sont sincèrement intéressés par d’autres relations internationales puissent injecter une nouvelle vie, une nouvelle pertinence et une nouvelle efficacité à notre organisation mondiale.

Notre survie dépendra du degré de détermination que nous engageons pour la défense de la vie et de la vitesse avec laquelle nous remplissons notre devoir urgent visant à créer une ONU indépendante des États-Unis, et capable de lutter efficacement contre les différentes crises convergentes qui nous assaillent, et par-dessus tout, contre cette prétention absolue de la domination de notre planète.

Voilà pourquoi nous insistons pour que les Nations unies soient réinventées, aussi rapidement que possible, en tant qu’organisation de lutte, de défense effective pour la survie des espèces humaines et de la plus grande partie de la vie sur terre, menacée comme cela n’a jamais été le cas dans l’histoire. En fait, ce qui devrait dominer en particulier dans le domaine des relations internationales, c’est le respect de l’intégrité des peuples, leur libre choix, la réponse à leurs revendications sociales en particulier celle de la jeunesse, leur souveraineté, leur dignité, mettre un terme aux menaces, à l’ingérence, aux mesures coercitives inhumaines, à la déstabilisation ou à la recherche de changement de régime. Pour chaque état et chaque gouvernement, il faut donc décider, prendre position et rejeter les fausses solutions.

Il est inacceptable de violer le droit international ou de le remplacer par des règles rédigées en secret comme le font les USA et leurs vassaux, de s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres pays et, en général, de tout ce qui contredit la Charte des Nations unies. À l’inverse constatons que les documents signés par les dirigeants de la Russie et de la Chine avec d’autres nations soulignent toujours le fait que l’interaction stratégique bilatérale et le partenariat multiforme ne sont dirigés contre personne, mais se concentrent exclusivement sur les intérêts des peuples et des pays concernés. Ils reposent sur une base claire et objective d’intérêts qui se chevauchent et se complètent.

Dans les années à venir cette démarche sera décisive. Ce sont les réponses politiques à apporter au choix de développement comme à la préservation de notre environnement, ceux qui adressent la réponse aux besoins sociaux du plus grand nombre, de la lutte contre la pauvreté de masse et surtout de l’action contre l’explosion des inégalités, les gâchis et la corruption. Comme on peut le constater, on continue à s’accommoder de la spéculation financière, alors qu’elle est devenue irrationnelle, mafieuse, qu’elle gangrène toutes les activités humaines et se fait toujours au détriment de l’économie réelle et des besoins des peuples. Peut-on décemment laissez-faire ? Il ne faut pas seulement le constater, il faut passer de la parole aux actes. Tout est affaire de volonté !

Dans ce cadre le rôle et la place des médias sont un autre sujet révélateur. C’est le cas à l’égard de la Chine. Ainsi, dans les déclarations officielles et celles des médias, on interprète l’aide au développement de la Chine en faveur des pays du 1/3monde comme si celle-ci avait pour objectif de rendre ces pays dépendants à travers des pratiques usuraires, ce qui est faux, alors que dans le même temps les États-Unis conditionnent leur coopération à des exigences politiques unilatérales et des conditionnalités, ce qui est vrai. C’est le cas par exemple d’un pays comme le Sri Lanka ou l’aide la Chine a été internationalement caricaturé pour permettre aux États-Unis avec l’aide de complicités locales d’orienter dorénavant ce pays fondateur du Mouvement des non-alignés dans le sens de la conflictualité avec la Chine. On se souvient que John Kerry alors président du «Committe on Foreign Relations» avait déclaré dans un fameux discours devant le Sénat US : «Les États-Unis ne peuvent pas se permettre de perdre le Sri Lanka». À l’époque, cette affirmation péremptoire s’accompagnait d’une appréciation critique de la politique des États-Unis face à la Chine. Celle-ci disait-il et contrairement à nous n’impose «aucune conditionnalités politiques à Colombo. Or, pour ce qui concerne nos intérêts il en va autrement, nous fixons des préalables ! De ce fait nous avons grandement sous-estimé l’importance géostratégique de cette ile. C’est ainsi que le Sri Lanka s’est éloigné de l’Ouest».

Le contrôle et la mise sous tutelle du Sri Lanka est devenu un enjeu stratégique majeur pour l’impérialisme US, l’OTAN et les anciennes puissances coloniales qui ne peuvent ignorer la place originale de ce pays situé de surcroit à quelques encablures de l’Inde, son puissant voisin.

Ce constat n’est pas sans expliquer l’acharnement mis ces vingt dernières années pour déstabiliser, diviser, contribuer ouvertement à des changements de régime et remettre en selle les forces de l’oligarchie locale dépendante de Londres, Bruxelles et Washington. On ne pardonne pas au Sri Lanka d’être invariablement soutenu par la Chine, la Russie, Cuba, l’Iran, le Venezuela et beaucoup d’autres mais surtout, d’avoir à ce jour été le seul pays qui par ses propres moyens à tenu en échec politiquement et militairement l’organisation séparatiste des Tigres du LTTE dont on disait qu’elle était la plus impitoyable des organisations terroristes au monde.

5- Quelles perspectives ?

La régression sociale dans tous les domaines. Le système capitaliste libéral s’acharne à faire reculer les droits sociaux conquis souvent par des grands sacrifices. La crise actuelle est significative, il faut réduire par tous les moyens ce que l’on nomme abusivement le cout du travail.

Il existe dans le monde une guerre d’ampleur majeure qui a été déclarée et qui connait un développement constant, celle qui s’attaque aux milliards de pauvres, d’affamés, de sans logis, de personnes privées de santé, d’emploi et d’éducation, mais il y a aussi une guerre contre les Arabes, contre les descendants d’Africains, d’Asiatiques et de Latino-américains qui sont les propriétaires de pétrole, de gaz ou de minéraux stratégiques.

«La Conférence mondiale des droits de l’Homme affirmait voici 30 ans que l’extrême pauvreté et l’exclusion sociale constituent une violation de la dignité humaine et que des mesures urgentes sont nécessaires pour parvenir à une meilleure connaissance de l’extrême pauvreté et de ses causes, y compris celles liées au problème de développement afin de promouvoir les droits des plus pauvres et de mettre fin à l’extrême pauvreté et l’exclusion sociale et de promouvoir la jouissance des fruits du progrès social. Or ce qui domine c’est la régression sociale dans tous les domaines».

Comme il y a 30 ans, le contexte dans lequel nous nous trouvons n’est pas neutre. En 1993, cette conférence des Nations unies à Vienne intervenait peu de temps après la destruction de l’URSS et celle d’une expérience historique unique. Court-circuitant les Nations unies les pays membres du directoire de l’OTAN allaient pousser leurs pions et se préparer à intervenir militairement en Yougoslavie au nom de la morale, de la démocratie, des droits de l’homme et de «l’humanitaire» pour régler des questions nationales aux racines complexes. Le choix allait être de généraliser «le droit d’ingérence» théorisé depuis sous la forme du concept de R2P ou de «droit à protéger» y compris par la guerre.

On en connaît les résultats : la Yougoslavie démantelée, l’Irak aux millions de morts et à l’immense patrimoine culturel détruit, la Libye livrée à la misère, au pillage et la violence, la Syrie soumise aux pires exactions, que dire du Soudan et de près de 60 pays du monde qui connaissent les guerres, la pauvreté extrême. Ce sont également les drames de millions de réfugiés qui fuient les conflits et les destructions de leurs communautés et qui lorsqu’ils recherchent un lieu de vie sont rejetés au-delà des côtes des pays européens, ou des frontières nord-américaines par ceux-là mêmes qui invoquent le respect des droits humains comme l’étendard de leur action. Pourtant, au détriment du progrès social et de la solidarité la plus élémentaire, les crédits d’armements sont en augmentation exponentielle. C’est le cas aux USA au point d’atteindre pour cette année la somme sans précédent de 813 milliards de dollars quand dans le même temps plus de 30 millions d’américains ne bénéficient d’aucune assurance maladie, dont un grand nombre d’afro-américains

Ainsi autre exemple en France le gouvernement entend mettre en œuvre un arsenal répressif sans précédent à travers sa nouvelle politique migratoire aux accents racistes. Mais ce n’est pas tout dans ce pays qui se revendique de la libre pensé et des droits humains, on assiste à un recul inquiétant de l’esprit critique, la vie intellectuelle est encadrée, normalisée, complaisante, elle accompagne la pensée dominante. On criminalise l’action syndicale, sociale et environnementale.

Tout cela illustre la gravité des atteintes aux libertés publiques, au viol systématique des prérogatives du Parlement, l’usage d’une répression policière aveugle vis-à-vis de ceux qui par exemple contestent pacifiquement la mise en œuvre d’une contre-réforme de notre système de retraites condamné par près de 80% de la population française.

En fait, ce qui devrait dominer en particulier dans le domaine des relations internationales, c’est le respect de l’intégrité des peuples, leur libre choix, la réponse à leurs revendications sociales en particulier celle de la jeunesse, leur souveraineté, leur dignité, mettre un terme aux menaces, à l’ingérence, aux mesures coercitives inhumaines, à la déstabilisation ou à la recherche de changement de régime. Pour chaque État et chaque gouvernement, il faut donc décider, prendre position et rejeter les fausses solutions.

Dans les années à venir, cela sera décisif, car certaines décisions ne peuvent être différés. Ce sont les réponses politiques à apporter au choix de développement comme à la préservation de notre environnement, ceux qui adressent la réponse aux besoins sociaux du plus grand nombre, de la lutte contre la pauvreté de masse et surtout de l’action contre l’explosion des inégalités, les gâchis et la corruption.

Or cette réalité fait l’objet d’un rejet qui grandit, non seulement dans les paroles mais dans les actes. Il faut prendre appui sur cette dynamique et l’encourager. Il y a donc là, une exigence à laquelle personne n’est dispensé de réfléchir : être capable d’anticiper les contours autant que le contenu d’une «communauté de destin», contribuant à donner confiance dans une alternative crédible et une ambition pour tous les peuples sans exclusive. N’est-ce pas Sun Tzu qui disait que «celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre».


source : Vu du Droit


 

  1. Jean-Pierre Page est un ancien dirigeant syndical de la Confédération Générale du Travail (France) responsable du département international. Auteur de plusieurs articles et livres sur la crise du syndicalisme, la Chine, la crise en Ukraine et le tournant géopolitique mondial.

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