Chronique d’un racisme ordinaire à l’endroit de Français entièrement à part

 

 

Par le Professeur émérite Chems Eddine Chitour

     «Et je veux dire aux enfants des quartiers difficiles, quelle que soit leur origine, qu’ils sont tous les filles et les garçons de la République. Nous ne construirons rien de durable sans le respect, nous ne construirons rien de durable si nous laissons monter d’où qu’ils viennent le racisme, l’intolérance, l’injustice, l’outrage. Nous ne construirons rien de durable sans combattre ce poison pour la société que sont les discriminations. C’est dans les mots et les regards avec le cœur et dans les faits que ce marque le respect auquel chacun a droit.»
Président Jacques Chirac https://www.youtube.com/shorts/EA8lpMwRxgU

Résumé
Un drame épouvantable a eu lieu. Un enfant de 17 ans a été assassiné à bout portant. Quelles que soient les raisons invoquées, elles ne sont pas valables même si la loi de 2017 est vue comme un permis de tuer. Encore une fois, le feu mal éteint de la malvie des banlieues a trouvé un exutoire. Pendant six jours, ce fut un déferlement de colère, qui, il faut le regretter, s’est traduit par des incendies et des pillages qui ont arrangé tous ceux qui sont intéressés, à des degrès divers, à provoquer le vol. Sans être exhaustif, il y a, paraît-il, le commerce de la drogue, ensuite, les manipulations possibles par des extrémistes téléguidés et enfin, comme rapporté, des réfugiés ukrainiens qui seraient payés pour créer le chaos.
Encore une fois, le problème des banlieues s’invite de façon récurrente. Les remèdes apportés par la gauche ou la droite ont été inopérants. Quant à l’extrême droite, même renforcée par des «plus royalistes que le roi» tels que les Zemmour, les Bardella ou le dernier venu dans l’hallali, mais le plus enragé, l’Egyptien Messiha, né Hosseim Boutros, qui sont tout au plus des migrants de la deuxième génération, elle veut une France expurgée de ses immigrés. Elle ne s’arrête pas de demander l’état d’urgence pour mettre une Reconquista à l’envers en tirant l’échelle, maintenant qu’ils ont assuré leurs arrières.
En fait, ces mal-aimés que sont les enfants des banlieues ont plus que jamais besoin d’encadrement et il faut dire que les banlieues c’est un tonneau des Danaïdes. L’Algérie, naturellement, n’interfère pas dans une affaire franco-française mais chacun sait que l’émigration peut être une chance pour un pont pour une coopération de l’égale dignité.

Qui était Nahel, l’ado de 17 ans à la vie brisée par un contrôle routier ?
Le jeune homme est décrit comme un «gars tranquille», au casier judiciaire vierge, bien qu’il ait eu quelques démêlés avec la justice pour des refus d’obtempérer. Sa mort a embrasé les quartiers populaires et braqué les regards sur la France. Nahel M., 17 ans, a la vie semblable à celle de nombreux autres jeunes des cités, entre débrouille et petits accrocs avec la justice. Il vivait dans une barre d’immeuble de la cité Pablo-Picasso, au pied du quartier d’affaires de la Défense.
C’est là qu’ont éclaté les premiers troubles mardi peu après le tir d’un policier qui lui a été fatal. Dévastée, sa mère, Mounia, a décrit le jeune homme comme son «meilleur ami». Cette femme a fait part de sa «révolte» tout en refusant de jeter l’opprobre sur l’ensemble du corps policier. Il avait par ailleurs entamé un «parcours d’insertion» dans l’association Ovale Citoyen qui accompagne des jeunes par le sport.
Il est regrettable que des infrastructures soient incendiées et que des automobiles, des poubelles, des camions, du mobilier urbain aient été détruits, brûlés. Les dégâts importants sont en fait des lieux de socialisation pour les jeunes. Cependant, ce mouvement n’a pas jailli du néant, c’est un feu mal éteint. Et en se gardant de donner des leçons en nous immisçant dans des problèmes franco-français, la mal-vie actuelle des banlieues ne peut pas être réduite uniquement à un problème de lois de dealers, de territoires où la loi de la jungle règne. Il y a certainement des milliers de jeunes qui veulent s’en sortir et sortir des banlieues ; bref, être des citoyens ordinaires avec des devoirs mais aussi des droits.
«émeutes raciales» pour les uns, «guerre civile» pour les autres : l’extrême droite donne libre cours à son racisme crasse au grand jour. L’extrême droite y voit, pour sa part, des «émeutes raciales». Le pire de la fachosphère répond présent. Eric Zemmour désignait directement les banlieues comme «des enclaves étrangères [qui] ont encore montré de quoi elles étaient capables : émeutes, attaques, incendies, pillages, saccage des services publics».(1)

La différence avec les émeutes de 2005 : la vidéo accusatrice
Les émeutes qui éclatent depuis la mort de Nahel sont-elles historiques? Pour rappel, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, déclare lors d’un déplacement dans une cité vouloir «nettoyer la cité au Kärcher et la débarrasser de la racaille» D. Renaud Epstein, professeur de sociologie, analyse les derniers événements. Tout le monde a immédiatement fait le parallèle avec les grandes révoltes de 2005 : «En 2005, il avait fallu longtemps avant que la vérité n’éclate sur les circonstances de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois, face aux mensonges des policiers relayés par leur ministre, Nicolas Sarkozy. Là, une vidéo du drame a coupé court à tout mensonge. La question fondamentale, c’est pourquoi en France, plus que partout ailleurs en Europe, existe-t-il de telles relations de défiance et de violence entre la police et les habitants des quartiers populaires ? (…)»(2)

Le nombre de personnes tuées a doublé depuis 2020
Un indicateur important est le nombre de morts des suites de contrôles de police qui auraient mal tourné. Ivan du Roy, Ludovic Simbille écrivent : «Le constat est accablant. Les décès dus à une ouverture du feu des forces de l’ordre ont considérablement augmenté, avec respectivement 18 et 26 personnes abattues en 2021 et 2022, soit plus du double que lors de la décennie précédente : «Il y a un an, écrivent Ivan du Roy et Ludovic Simbille, les policiers ont tué quatre fois plus de personnes pour refus d’obtempérer en cinq ans que lors des vingt années précédentes. En cause : la loi de 2017 venue assouplir les règles d’ouverture de feu des policiers avec la création de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure. «Avec cet article, les policiers se sont sentis davantage autorisés à faire usage de leur arme», estime un commandant de police. À cela «vous rajoutez un niveau de recrutement qui est très bas et un manque de formation, et vous avez le résultat dramatique que l’on constate depuis quelques années : des policiers qui ne savent pas se retenir et qui ne sont pas suffisamment encadrés ou contrôlés. Certains policiers veulent en découdre sans aucun discernement».(3)
«Tout à fait autre chose avec les gendarmes qui font preuve de retenue : ‘‘Au point que les gendarmes s’inquiètent très officiellement de la réponse adéquate à apporter face aux refus d’obtempérer. Tout refus d’obtempérer doit être enregistré avec un minimum de renseignements pour ensuite pouvoir s’attacher à retrouver l’auteur par une double enquête administrative et judiciaire’’, expliquait la commandante de gendarmerie Céline Morin. ‘‘Pour reprendre une phrase du directeur général de la gendarmerie : ‘‘Jamais une poursuite ni une verbalisation ne justifieront de briser une vie.’’ Si 2021 et 2022 ont été particulièrement marquées par les morts par balle lors d’interventions policières, qu’en sera-t-il en 2023 ? À notre connaissance, Nahel est au moins la huitième personne abattue par des agents assermentés depuis janvier dernier.»(3)

1980 : Coluche et les «violences policières»
Est-ce que le racisme est tombé du ciel ? Ou est-ce une donnée structurelle du corps social français dans ses franges extrêmes au nom du mythe des races supérieures, et de la nécessité de tenir d’une main de fer l’indigène algérien, le bougnoule? Mutatis mutandis, les banlieues françaises qui concentrent les laissés-pour-compte descendants de la quatrième génération des immigrés connaissent les mêmes violences et le même racisme. Coluche a eu le courage d’en parler. Nous sommes le 10 mars 1980, Coluche est l’invité du journal de la mi-journée d’Antenne 2. «Violences policières». Il souhaitait débattre avec un représentant syndical des forces de l’ordre qui avait décliné l’invitation. (…) Le comédien dégaine une feuille de papier sur laquelle il lit une liste de blessés ou de tués présumés par les forces de l’ordre depuis le début de l’année. Car, «il faudrait quand même qu’à la fin de l’année, il y ait moins de morts du côté des assassins que du côté de la police. Il ajoute, «la police n’a pas un rôle facile en général» tout en interrogeant : «Expliquez-moi pourquoi un policier qui fait son devoir tire toujours sur un Arabe, en tombant derrière dans le dos ? Expliquez-moi ce que les policiers foutent dans le dos des Arabes avec un révolver à la main, et à chaque fois, ils tombent ! Pourquoi !» Le problème, c’est que les policiers se croient extrêmement couverts (…) Et de conclure : «On a vraiment l’impression d’être attrapé par une bande de brigands quand on va au commissariat. Ça fait peur !»(4)

Les émeutes en France et la presse européenne
Dans les pays voisins, les journaux voient dans les violences qui secouent la France depuis plusieurs jours l’éruption d’une colère qui couvait depuis longtemps. Le constat est le même pour le Sunday Times qui décrit une «nation fracturée», où «les relations interraciales sont devenues plus tendues au cours des deux dernières décennies avec l’augmentation de la population immigrée».
De son côté, la Frankfurter Allgemeine Zeitung juge la comparaison avec l’automne 2005 «guère rassurante». Car depuis, les smartphones et les réseaux sociaux ont fait leur apparition. Et «internet attise le feu plus rapidement que ne le pouvaient les images télévisées». Le journal évoque un mal-être de banlieue, notamment face à la police, déjà décrit dans La Haine, le film de Mathieu Kassovitz sorti en 1995. Les pays étrangers s’interrogent sur le modèle social français et l’intégration, la sécurité, ou encore l’affaiblissement du président Macron. L’une des réactions les plus remarquées est venue du chancelier allemand Olaf Scholz, qui s’est dit «préoccupé» de la situation en France.(5)
Même les Nations unies ont réagi : «Le comité de l’ONU a demandé à la France de veiller à ce que l’enquête sur la mort de Nahel, soit « approfondie et impartiale », et appelé à interdire le profilage racial. Il recommande de s’attaquer en priorité « aux causes structurelles et systémiques de la discrimination raciale’’. Cette situation se « traduit fréquemment’’ par des meurtres récurrents, de façon disproportionnée, dans une quasi-impunité.»(6)

Chronique d’un racisme ordinaire : les Français et le racisme dans la police
Une plaie qui existe depuis que le monde est monde est le racisme consubstantiel de toute société, que l’on peut définir selon Wikipédia en écrivant que «le racisme est une idéologie consistant à hiérarchiser des groupes naturels humains, désignés souvent sous le terme de ‘’races’’, à partir d’attributs naturels, visibles ou non (physiques, psychiques, culturels, etc.) des caractéristiques morales ou intellectuelles s’appliquant à l’ensemble de ce groupe. Au nom du racisme, il y a eu l’esclavage, il y a eu la traite des Noirs, le code noir, le code de l’indigénat. Il est vrai qu’au XIXe siècle les chantres des races supérieures tels que Arthur de Gobineau (Essai sur l’inégalité des races), Renan et Joseph Chamberlain en Angleterre entretenaient avec conviction le filon du racisme. Jules Ferry n’est-il pas allé jusqu´à proclamer à l´Assemblée que «les droits de l´Homme ne sont pas applicables dans nos colonies»? Bien plus tard on aurait pensé en France à une accalmie, après la Coupe du monde 1998 arrachée par une équipe de France avec 8 joueurs noirs ou arabes, il n’en fut rien ! Les «beurs» ont une façon à eux de résumer leur situation en trois phrases: «Tu peux gagner des médailles d’or pour la France, pour les flics tu resteras toujours un macaque. Tu peux gagner la Coupe du monde pour la France, pour les flics tu resteras toujours un raton.»
«Un sondage mené par YouGov pour le HuffPost au lendemain de la mort de Nahel, 17 ans, montre qu’il y a du racisme dans la police. En tout, c’est presque 7 Français sur 10 (67 %) qui considèrent que le racisme est bel et bien présent dans la police. Un chiffre plus haut du côté des électeurs de la NUPES (82 %) et de la majorité présidentielle (71 %), plus bas auprès des électeurs des Républicains (59 %) et du RN (51 %). (7)
A propos du racisme, Mustapha Kessous, journaliste au Monde, nous rapporte quelques faits: « Le ministre de l´Immigration Brice Hortefeux doit me recevoir (…) Je patiente avec ma collègue Laetitia Van Eeckhout dans cet hôtel particulier de la République. Brice Hortefeux arrive, me tend la main, sourit et lâche : ‘’Vous avez vos papiers ?’’(…) Je pensais que ma ‘’qualité’’ de journaliste au Monde allait enfin me préserver de mes principaux ‘’défauts’’: être un Arabe, avoir la peau trop basanée, être un musulman (…) j´ai dû effacer mon prénom arabe de mes conversations (…) Au départ, je me rendais seul dans les agences immobilières. Et pour moi — comme par hasard — il n´y avait pas grand-chose de disponible (…) Combien de fois la police m´a-t-elle contrôlé, y compris avec ma mère, qui a plus de 60 ans plaqué contre le capot de la voiture en plein centre-ville, fouillé jusque dans les chaussettes ?»(8)

Les plus royalistes que le roi
Comme si cela ne suffisait pas de dénigrer les Français issus de l’immigration, même à la cinquième génération, il se trouve que des «intellec-cruels» fraîchement français ne rajoutent et proposent des solutions radicales pour se débarrasser des Français des banlieues. Nous avons aussi Jean Messiha, né Hosseim Botros Messiha, Egyptien au Caire, en 1970, et naturalisé d’une façon éclair, qui, lui, va plus loin en écumant les plateaux de télévision. C’est le fils d’un diplomate égyptien, copte, «élevé chez les Sœurs du Caire». Il grandit au Caire puis arrive en France à l’âge de huit ans. Il ne parle pas français lors de son arrivée en France. En 1990, à 20 ans, il est naturalisé français.(9)
Sur le plateau de Jean-Marc Morandini sur CNews, une discussion vive entre Hosseim Botros Messiha et Aziz Senni, président de «Quartiers d’affaires», concernant l’immigration et l’égalité des droits. Aziz Senni le harangue en lui rappelant ses racines. «C’est un migrant d’Egypte, ancien du parti socialiste, qui vient dire ça ? Si on avait appliqué ce que vous dites à vos parents, vous ne seriez pas assis là à défendre quelque chose qui vous dépasse (…) Vous en faites trop ! Votre histoire, votre parcours, d’où vous venez… Et aujourd’hui, vous arrivez pour donner de la morale sur des sujets qui vous dépassent. Soyez un peu plus humain. Je paye plus d’impôts que vous… C’est méprisant ce que vous dites. Qu’est-ce que vous apportez à la France ? C’est scandaleux (…) Vous venez me cracher à la figure ! Vous ne servez à rien, vous êtes un parasite, Monsieur.» (10)
Jean Hosseim Messiha aime multiplier les propos polémiques, racistes, il invente de nouveaux concepts comme «Français de souche par naturalisation», «Arabe à l’extérieur, Français à l’intérieur». Pourtant, d’après le sens qu’en donne l’Insee, c’est ainsi toujours un immigré ! Il se dit sans avoir la frousse des mots «souverainiste» comme un Gaulois résistant à Alésia. Il affiche des positions radicales sur l’immigration et l’islam, qu’il juge « incompatible avec la République». Il n’hésite pas à parler du «grand remplacement».
Prenant de cours l’extrême droite, il lance une cagnotte pour soutenir Florian M., le policier responsable de la mort de Nahel, et qui, d’après ce personnage abject, « a fait son travail et qui paie aujourd’hui le prix fort » . Cette cagnotte a dépassé 1,5 million d’euros ce qui donne une idée de la puissance de tous les adeptes d’un racisme assumé. La cagnotte pour la mère de l’adolescent n’a pu recueillir que 200 000 euros !
Un autre boutefeu en la personne de Jérôme Bardella. ll est le fils d’Olivier Bardella. Il est issu d’un foyer d’origine italienne. Dans les années 1960, sa grand-mère paternelle (Réjane Mada) est issue de l’immigration, avec un père algérien (Mohand Seghir Mada), venu en France dans les années 1930 pour travailler dans le bâtiment à Villeurbanne. N’ayant pas de diplômes universitaires, Jérôme Bardella investit dans la politique dès 2012 et a gravi tous les échelons en misant sur la diabolisation des immigrés de l’Islam et naturellement de l’Algérie !
On sait enfin que le lobby franco-sioniste, dépositaire du monopole sur les médias, arrive à imposer sa doxa au Parlement français afin de réduire au silence toute forme de contestation politique ou sociale en France. « Zemmour aurait comme mission de maintenir à flots l’indispensable haine du ‘’musulman’’ et de ‘’l’Arabe’’ en en traçant la parfaite caricature. En transposant sur l’Islam la propagande des années 20 et 30 avec l’objectif d’aplanir la voie vers l’État d’urgence puis la loi martiale.»(11)

Les causes de la mal-vie. D’abord le racisme, ensuite la mal-vie économique
On aura tout dit des banlieues de la drogue et de l’islamisme. On ne peut pas le nier. Mais est-ce que les banlieues, ce n’est que ça ? Le sociologue Michel Kokoreff, professeur spécialiste des quartiers populaires, considère que «la colère des quartiers populaires est légitime, au regard des conditions socioéconomiques de leurs habitants, des relations tendues avec la police et du racisme subi. Il montre la seule sortie de crise possible : revenir sur l’article de loi de 2017 permettant un usage facilité des armes à feu par les forces de l’ordre. Il explique que «les mêmes causes produisent les mêmes effets. Les problèmes sociaux sont toujours les mêmes et s’accumulent. La pauvreté, le chômage, la précarité, l’échec scolaire et la déscolarisation sont des causes structurelles, auxquelles se superposent des causes ethnoraciales, avec ce sentiment d’exclusion, le racisme, l’islamophobie, les discriminations de tous ordres, notamment les contrôles discriminatoires dits au faciès».(12)

Les banlieues ne croulent pas sous l’argent public
Vincent Grimault est catégorique : «Non, les banlieues ne croulent pas sous l’argent public ! »«L’extrême droite, écrit Vincent Grimault, dénonce un supposé traitement de faveur dont bénéficieraient les banlieues. Ces gens-là sont gorgés — je dis bien gorgés — d’allocations sociales et de privilèges de toutes sortes». Interrogé sur les révoltes dans les banlieues, Eric Zemmour a profité d’un passage sur Cnews pour enquiller des contre-vérités…»
Pour Renaud Epstein, professeur de sociologie politique : «En 2005 comme aujourd’hui, les facteurs de révolte étaient et restent multidimensionnels. On peut observer qu’il y a un contexte commun qui est la situation socio-économique très dégradée des quartiers et une étincelle commune causée par la mort de jeunes de ces quartiers lors d’une intervention policière… «Aucune politique ne sera légitime dans les banlieues tant qu’on n’affrontera pas le racisme et les discriminations.»(13)
Dans le même ordre, comme rapporté par le journal le Monde : «Le rang des enfants dans la distribution des revenus de leur cohorte y est fortement corrélé au rang de leurs parents. Une partie de l’explication est à chercher du côté des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur. Seuls 35 % des jeunes dont les parents appartiennent au décile le plus bas de la distribution des revenus accèdent à l’enseignement supérieur, ce taux monte à presque 90 % parmi les jeunes dont les parents sont dans le décile le plus élevé.»(14)

Les lanceurs d’alerte en face de l’autisme
J’ai été accusé, écrit Jean-François Bayart, professeur à l’IHEID, d’exagérer lorsque j’ai évoqué le basculement de la France. Où va la France ? Aujourd’hui, on le sait mieux. Vers l’explosion sociale, vers son inévitable répression policière puisque la fermeture des canaux démocratiques contraint la protestation à la violence émeutière, et vers l’instauration d’un régime paresseusement qualifié d’«illibéral». Tout cela était prévisible et fut prévu, comme était attendu l’embrasement des quartiers populaires, Les paroles d’apaisement furent vaines. Car la mort de Nahel, loin d’être une simple bavure, était programmée. Elle est la conséquence mécanique de la démission du pouvoir politique, depuis trente ans, sous la pression corporatiste de la police qui n’a cessé de s’affranchir des règles de l’Etat de droit bien que lui ait été concédée, de gouvernement en gouvernement, une kyrielle de lois liberticides, jamais suffisantes, sous couvert de lutte contre le terrorisme, l’immigration et la délinquance. Jusqu’à la réécriture de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, en 2017, qui assouplit les conditions d’emploi des armes à feu par les forces de l’ordre.(15)
«Annoncé, le résultat ne se fit pas attendre. Le nombre des tués par la police a doublé depuis 2020 par rapport aux années 2010. Le plus souvent pour ‘’refus d’obtempérer à un ordre d’arrêt’’ : cinq fois plus de tirs mortels dans ces circonstances. Nahel est mort de cette modification du Code de la sécurité intérieure.» Comme l’ont démontré depuis des années nombre de chercheurs, la violence policière est devenue la règle dans les «quartiers», et le refus des autorités politiques de prononcer ce vilain mot aggrave le sentiment d’injustice. Oui, la France bascule. Nul doute que l’explosion sociale dans les banlieues accélérera le mouvement. Le climat politique en France en est bien là (…).(15)

Qu’est-ce qu’être français au XXIe siècle ?
En définitive, est-on français par le droit du sang en remontant jusqu’à Vercingétorix ou du sol ? Dans ces conditions, beaucoup de Français nés «ailleurs» ne le sont pas ! A moins de rappeler que la France est un pays chrétien de race blanche qui admet à dose homéopathique les candidats à la nationalité surtout s’ils sont blancs et, mieux encore, de religion chrétienne. Dans une déclaration oubliée par Marine Le Pen, son père Jean Marie déclarait le 28 janvier 1958, à l’Assemblée nationale : «Ce qu’il faut dire aux Algériens, ce n’est pas qu’ils ont besoin de la France, mais que la France a besoin d’eux. (…) J’affirme que dans la religion musulmane rien ne s’oppose au point de vue moral à faire du pratiquant musulman un citoyen français complet. Bien au contraire, sur l’essentiel, ses préceptes sont les mêmes que ceux de la religion chrétienne, fondement de la civilisation occidentale. D’autre part, je ne crois pas qu’il existe plus de race algérienne que de race française. Vous êtes la jeunesse de la nation.»
Véronique Anger parlant de la notion de souche abonde dans ce sens. «Cette expression ‘’de souche » me fait doucement rigoler car si les Français qui se prétendent ‘’de souche » avaient la curiosité — ou l’honnêteté — de rechercher leurs origines ethniques dans un test ADN, ils seraient nombreux à tomber des nues en découvrant qu’ils ont du sang coloré dans les veines… Dans le monde d’aujourd’hui, notre conception ‘’ethnique’’ de la nation, qui repose sur l’idée que les Français ‘’de souche’’ partagent des racines communes (ethniques, religieuses, culturelles…) est non seulement une illusion, mais un concept d’un autre âge. Il serait temps d’en prendre conscience et de transmettre l’idée qu’une nation se forge aussi de manière ‘’élective’’’. Rappelons-nous que tous les citoyens français sont libres et égaux devant la loi (mêmes droits, mêmes devoirs) et qu’on peut être Français sans avoir à rougir de ses origines, ni à nier les différences liées à sa culture ou sa religion.»(16)

Conclusion
Ces paroles de compassion de Jean Michel Apathie sont plus éloquentes que cent discours : «Nous connaissions l’existence du fossé, mais nous nous abstenions de trop le regarder. Ce gouffre porte un nom, ou plutôt un prénom : Nahel. (..) Nous savons depuis des décennies que des jeunes Français issus de cette histoire singulière que nous nommons immigration peinent à trouver leur place dans la société. Louer un appartement quand on porte un prénom venu d’ailleurs est difficile, parfois impossible. Combien de jeunes qui n’ont pas la peau blanche ont raconté leurs expériences quotidiennes, le tutoiement dans l’interpellation, «tes papiers, s’il te plaît», une fois, deux fois, trois fois dans la journée, quinze fois dans la semaine ? Jamais, nous qui avons la peau blanche, nous ne nous demandons ce que ça fait d’être méprisé. Trop de quartiers à la périphérie des villes se structurent autour du trafic de stupéfiants. Grandir avec autour de soi la délinquance comme une seconde peau fabrique une mentalité de ghetto. L’échec est patent : des millions de personnes consomment des produits théoriquement interdits. Ce refus de l’admettre fait prospérer une économie souterraine qui enferme et effraie ceux qui, dans ces lieux maudits, voudraient vivre dignement et honnêtement. Et pourtant, nous les abandonnons. Les violences qui en résultent ne doivent ni ne peuvent être acceptées. Il faudra s’occuper du fossé et ne pas s’en détourner comme nous le faisons depuis si longtemps.»(17)
Dans le même ordre, je veux donner la parole à ces forgerons de la fraternité humaine. Dans une belle lettre à sa fille, le prix Nobel Jean-Marie Le Clezio, dans laquelle il explique, en creux, les racines de la mal-vie des Français musulmans : «J’entends dire qu’il s’agit d’une guerre. Sans doute, l’esprit du mal est présent partout, et il suffit d’un peu de vent pour qu’il se propage et consume tout autour de lui. Mais c’est une autre guerre dont il sera question, tu le comprends : une guerre contre l’injustice, contre l’abandon de certains jeunes, contre l’oubli tactique dans lequel on tient une partie de la population en ne partageant pas avec elle les bienfaits de la culture et les chances de la réussite sociale. Le premier souffle de vengeance qui passe les a embrasés, et ils ont pris pour de la religion ce qui n’était que de l’aliénation. (…) Il faut remédier à la misère des esprits pour guérir la maladie qui ronge les bases de notre société démocratique.»(18)
Il est vrai que la zemmourisation et encore la messihasation actuelles des esprits aussi ignoble que la lepénisation est toujours actuelle. Pourtant, la France a développé un melting-pot où, en théorie, les citoyens qui respectent les lois de la République pourraient s’épanouir, n’était ce racisme entretenu. L’immigration constituée par les Français musulmans d’origine algérienne devrait faire de cette double appartenance un trait d’union et développer une visibilité non pas en tant que beurs mais en tant que Français à part entière mais aussi qui porte fièrement son origine à l’instar des Polonais, Italiens, qui ont toujours un ancrage apaisé avec leur origine et en font un vecteur culturel qui enrichit leurs deux pays.
C. E. C. 

1.https://www.liberation.fr/politique/mort-de-nahel-du-rn-aux-neonazis-on-denonce-des-emeutes-raciales-20230629_THW5NGR5CFAEHBDKVCFFSLQRB4/29juin 2023
2. Valérie Lehouxhttps://www.telerama.fr/debats-reportages/mort-de-nahel-m-la-difference-avec-les-emeutes-de-2005-ce-sont-les-images-7016244.php 30 juin 2023
3.du Roy,LSimbille https://basta.media/Refus-d-obtemperer-le-nombre-de-personnes-tuees-pa
4.https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/coluche-violences-policieres-police-manifestation
5.https://www.letemps.ch/opinions/revues-de-presse/face-aux-emeutes-en-france-la-presse-europeenne-fait-une-comparaison-guere-rassurante-avec-2005#
6.https://www.trtfrancais.com/actualites/nahel-un-comite-de-lonu-demande-a-la-france-dinterdire-le-profilage-racial-13942934
7.https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/racisme-dans-la-police-pres-de-7-francais-sur-10-estiment-qu-il-existe-sondage-exclusif_220232.html
8.Moi, Mustapha Kessous, journaliste au Monde victime du racisme. Le Monde 23 09 2009
9.https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Messiha
10.https://www.jeanmarcmorandini.com/article-514111-jean-messiha-violemment-pris-a-partie-dans-morandini-live-hossam-messiha-migrant-d-egypte-qui-tient-ces-propos-c-est-pas-credible-et-vous-venez-nous-cracher-a-la-figure-vous-etes-un-parasite-video.html
11.https://www.tsa-algerie.dz/emeutes-en-france-letrange-agenda-deric-zemmour
12.http://lecourrier-dalgerie.com/elle-instrumentalise-le-drame-nahel-pour-sattaquer-aux-immigres-lextreme-droite-souffle-sur-les-braise
13. https://www.alternatives-economiques.fr/renaud-epstein-aucune-politique-ne-sera-legitime-banlieues-tant/00107562 08/07/2023
14.https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/22/le-constat-sans-appel-de-l-etendue-de-l-inegalite-des-chances-en-france-devrait-provoquer-un-electrochoc_6170607_3232.html
15.Jean-François Bayart https://www.letemps.ch/opinions/debats/on-sait-mieux-ou-va-la-france 04 juillet 2023
16.http://veroniqueanger.blogspot.com/2009/07/racisme-ordinaire.html
17.http://opr.news/20631b0d230702fr_dz?link=1&client=news
18. Le Clezio. http://www. lemonde .fr/livres/ article/2015/01/14/lettre-a-ma-fille-au-lendemain-du-11-janvier-2015-par-jmg-leclezio_4556225_3260.html#oU8l6XPCJ2 r52FRV.99


 

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