La crise climatique et l’intelligence artificielle

 

    Par le Dr. Nadjib Drouiche(*)


Le changement climatique aura un impact majeur sur les systèmes environnementaux, sociaux et économiques du monde entier. Les tempêtes, les sécheresses, les incendies et les inondations sont devenus plus violents et plus fréquents. Les écosystèmes mondiaux changent, y compris les ressources naturelles et l’agriculture dont l’humanité dépend. L’atténuation est donc essentielle, y compris les efforts pour atteindre les objectifs énoncés dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris. Cependant, pour minimiser les dommages, il faudra également accroître nos efforts d’adaptation et de résilience, de la réponse immédiate aux crises à la planification à long terme. En outre, ces efforts devront être soutenus par des activités telles que la recherche, la finance et l’éducation.
Ce changement climatique est une urgence mondiale qui oblige les scientifiques, les ingénieurs et les experts industriels d’un large éventail de disciplines à utiliser leurs connaissances et leurs compétences pour trouver des solutions afin de protéger notre planète et il n’est pas surprenant que certaines de ces solutions soient rendues possibles par l’intelligence artificielle.
En effet, grâce à sa capacité à rassembler, compléter et interpréter de vastes ensembles de données complexes sur les émissions, l’impact climatique, etc., elle peut être utilisée pour aider toutes les parties prenantes à adopter une approche plus informée et fondée sur des données pour lutter contre les émissions de carbone et construire une société plus résiliente aux effets du changement climatique. Elle peut également être utilisée pour déployer plus d’efforts en matière de climat dans les zones les plus exposées.
En termes d’atténuation, l’IA peut être utilisée pour aider à mesurer les émissions aux niveaux macro et micro, réduire les émissions et les effets des gaz à effet de serre (GES), et éliminer les émissions existantes de l’atmosphère. Dans le volet adaptation et résilience, elle peut servir pour améliorer la prévision des risques pour les événements locaux à long terme, tels que l’élévation du niveau de la mer, et pour les événements immédiats et extrêmes, tels que les inondations, entre autres possibilités. Ces applications comprennent la gestion de la vulnérabilité et de l’exposition, par exemple en développant des infrastructures qui peuvent minimiser l’impact des risques climatiques.
Par ailleurs, l’association de l’IA à d’autres tendances telles que l’électrification des transports, l’industrie, l’agriculture et les réseaux électriques intelligents, constitue un outil performant permettant de mettre en œuvre des solutions plus efficaces sur le plan de l’efficacité énergétique.
Dans la sylviculture, l’IA peut faciliter les pratiques responsables d’utilisation des terres et les solutions basées sur la nature pour la séquestration du carbone, et ce, de plusieurs manières. Les outils d’IA peuvent conjointement utiliser l’imagerie satellitaire pour l’estimation des stocks de carbone afin d’éclairer les décisions en matière de gestion des terres et pour calculer les compensations carbone. L’IA est également utilisée pour suivre la déforestation et d’autres changements dans l’utilisation des terres, ainsi que dans les drones pour accélérer le reboisement. L’IA est également utilisée à de nombreuses reprises pour prédire le risque et la propagation des incendies de forêt.
L’IA peut soutenir les efforts d’atténuation et d’adaptation dans le secteur de l’agriculture. En effet, l’agriculture de précision implique l’utilisation de l’IA dans des outils automatisés qui réagissent à la variabilité d’une culture, offrant ainsi la possibilité d’accroître l’efficacité et de réduire les émissions de gaz à effet de serre associées aux engrais chimiques agricoles et à l’utilisation des terres. Du point de vue de l’adaptation, les outils de télédétection pour la surveillance des cultures et la prévision des rendements peuvent faire progresser la sécurité alimentaire face aux sécheresses et autres conditions météorologiques extrêmes.
L’IA peut contribuer à améliorer les estimations de l’utilisation des transports et modéliser la demande de transports publics et d’infrastructures. L’IA peut optimiser l’acheminement et la programmation du fret et accroître l’utilisation d’options à faible émission de carbone telles que les trains. Pour favoriser l’adoption des véhicules électriques, l’IA a la capacité d’optimiser les protocoles et les lieux de recharge.
Dans l’industrie, l’IA peut être utilisée dans le contrôle adaptatif et l’optimisation des processus pour réduire l’énergie consommée par les processus industriels, ainsi que dans la réponse à la demande pour programmer ces processus afin de réduire l’intensité des émissions.
La maintenance prédictive basée sur l’IA peut également accroître l’efficacité et dans certains cas, réduire les fuites de gaz à effet de serre tels que le méthane. L’IA peut également contribuer à optimiser les processus de recyclage et le tri des déchets pour les matériaux à forte intensité énergétique tels que l’aluminium et l’acier, ce qui permet d’éviter les émissions associées à l’extraction et au traitement de matières premières.
L’IA peut également accroître l’efficacité de l’utilisation de l’énergie dans les bâtiments et les environnements urbains. Dans les bâtiments intelligents, l’IA peut optimiser les fonctions du bâtiment telles que le chauffage et l’éclairage pour économiser l’énergie. L’IA peut également aider les villes à gérer les déchets afin de réduire les émissions de méthane associées aux décharges et aux eaux usées. L’IA peut permettre d’importantes réductions d’émissions dans les systèmes électriques, dans un large éventail d’applications. Pour équilibrer efficacement les réseaux électriques et permettre ainsi l’intégration de grandes quantités d’énergies renouvelables, il est essentiel de prévoir à la fois l’offre et la demande d’électricité, une fonction que l’IA peut assurer. L’IA a cet avantage d’améliorer les algorithmes de programmation et de stockage de l’électricité, ainsi que la gestion des micro-réseaux dans les zones où les systèmes sont décentralisés. L’IA peut améliorer le fonctionnement des générateurs d’énergie renouvelable tels que les panneaux solaires, et repérer les fuites de méthane dans les gazoducs.
Cependant, la surveillance et les prévisions supplémentaires que l’IA apporte nécessitent des dépenses à prendre en compte pour évaluer les véritables avantages en termes de travail sur le changement climatique. En effet, l’IA repose sur l’utilisation d’ordinateurs puissants nécessitant un besoin considérable en électricité pour fonctionner et de ce fait l’évaluation des avantages de cette technologie dans la lutte contre le changement climatique doit être prise en considération.
L’IA aura probablement un rôle important et significatif sur la prévision du changement climatique. En effet, le recours à cette technologie pour comprendre les effets du changement climatique permettra de faire des prédictions et des modèles plus précis. Cela contribuera à mieux cibler les stratégies pour atténuer les effets les plus extrêmes.
N. D.


(*) ANVREDET & membre du réseau parlementaire du climat et de l’environnement.


 

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