L’économie circulaire en Algérie : potentiel, perspectives et défis

 

   Par Nadjib Drouiche

L’augmentation prévue de la population mondiale, qui atteindra 9,7 milliards de citoyens en 2050, ainsi que l’essor de la classe moyenne entraînent une demande explosive de matières premières. En conséquence, si les pratiques de consommation et de production ne changent pas radicalement, les besoins mondiaux en ressources devraient doubler d’ici 2050.

La transition vers l’économie circulaire est un phénomène mondial émergeant dans le contexte de la durabilité, décrivant essentiellement un modèle économique qui s’oppose à l’actuelle économie dite linéaire : où les produits sont fabriqués, utilisés et éliminés à la fin de leur durée de vie. L’économie circulaire est définie comme un système économique dans lequel la valeur des produits et des matériaux est maintenue aussi longtemps que possible ; les déchets et l’utilisation des ressources sont minimisés, et les ressources sont conservées dans l’économie lorsqu’un produit a atteint la fin de sa vie, afin d’être réutilisées et créer une valeur supplémentaire. Elle attire donc l’attention en tant que concept parce qu’elle permet de préserver les ressources et l’énergie et donc de prévenir le changement climatique à travers la production minimum de déchets et d’émissions de gaz à effet de serre, tout en étant compatible avec la croissance économique, la création d’emplois et l’amélioration du niveau de vie. La croissance économique étant découplée de la croissance de l’utilisation des ressources, elle trouve des partisans dans de divers secteurs.

La production excessive de biens de consommation pour répondre aux besoins actuels de la société, comme la déforestation de l’Amazonie, a conduit à une impasse dans la disponibilité des ressources non renouvelables. La consommation de masse sans restriction de l’utilisation finale a des effets dévastateurs, comme en témoignent les déchets qui arrivent sur nos côtes et dans nos décharges. En effet, la pollution générée en cherchant à satisfaire les besoins d’aujourd’hui est un autre facteur contribuant à un scénario de dévastation annoncé, où la biodiversité est menacée et où les disparités sociales s’accentuent. Certains des changements en cours dans les systèmes climatiques de la terre sont déjà considérés comme irréparables, ce qui implique un état d’urgence planétaire. Tels sont les principaux défis auxquels notre biosphère et nos communautés seront confrontées au cours des prochaines décennies et des mesures immédiates doivent être prises pour inverser leur progression. Il est donc impératif d’agir rapidement, des changements sans précédent étant en cours pour limiter la catastrophe du changement climatique, garantissant ainsi un développement durable à partir d’aujourd’hui.
Il est important de noter que l’économie circulaire n’est pas une nouveauté absolue. C’est le développement économique rapide dans les pays développés et le changement de mode de consommation qui ont conduit à la «redécouverte» du concept à la fin du XXe siècle. Les activités économiques ancestrales de l’être humain dans le secteur de l’agriculture sont un bel exemple de l’économie circulaire, réintroduisant les déchets de production (par exemple les engrais verts) et les résidus (paille, cendres) dans le cycle de production. Dans toutes les régions rurales de notre pays, ce concept est encore utilisé.

L’économie circulaire apparaît comme une réponse à la nécessité de créer une société plus équilibrée, garantissant un développement durable et favorisant une régénération des ressources. Les stratégies circulaires spécifiques comprennent la conception de produits plus durables, de services et de modèles d’entreprise améliorés, entre autres approches, et font appel à des options alternatives réutilisables et recyclables pour réduire la consommation de ressources fossiles, dans le cadre de processus plus efficaces sur le plan énergétique afin d’émettre moins ou pas d’émissions de CO2.
Ce concept est généralement basé sur la stratégie de développement 9R (Responsabilité, Réaction, Réduction, Réutilisation, Reconception, Réparation, Récupération, Recyclage et Rotation), qui contribue à maintenir les matériaux et les produits dans l’économie le plus longtemps possible, ce qui permet d’économiser les réserves primaires.

Cependant, l’évolution vers l’économie circulaire implique des changements fondamentaux dans les écosystèmes industriels et une refonte systémique des modèles d’entreprise, des chaînes d’approvisionnement, des processus de production, du développement des produits et des modes de consommation. Toutefois, cette transformation soulève plusieurs défis. Le succès de l’économie circulaire devra reposer sur l’innovation dans les secteurs traditionnels ainsi que sur de nouveaux modèles d’entreprise. L’acceptation par les utilisateurs ainsi qu’une infrastructure de qualité appropriée, y compris des normes, une certification et une réglementation permettant d’offrir des conditions de concurrence appropriées à toutes les parties prenantes, sont des piliers importants du nouveau paradigme.
Dans cette perspective, l’ère numérique dans laquelle nous vivons offre aux entreprises de nombreuses possibilités de relever ces défis. En fait, les technologies numériques 4.0 peuvent soutenir la mise en œuvre des principes de l’économie circulaire dans les entreprises en permettant de nouveaux modèles d’entreprise et la refonte des chaînes de valeur, des produits et des modes de consommation vers un nouveau paradigme d’économie circulaire intelligente.

À l’heure actuelle, on estime que seulement 8,6 % de l’économie mondiale est circulaire. Toutefois, il n’est pas aussi simple de déterminer quelles nations sont en tête de peloton en matière de circularité qu’avec un modèle d’économie linéaire.
L’Union européenne a introduit une série de mesures sur l’économie circulaire en 2015, à la suite desquelles les États membres et les régions de l’UE ont commencé à mettre en œuvre différents types de politiques pour soutenir une transition vers une économie circulaire. Les Pays-Bas, par exemple, se sont engagés à mettre en œuvre une économie circulaire de manière holistique et stratégique à long terme. Dans d’autres parties du monde, l’économie circulaire est également un sujet largement débattu. La Chine a adopté une loi pour la promotion de l’économie circulaire dès 2008, et les objectifs de l’économie circulaire figurent dans les plans économiques quinquennaux chinois.

En Inde, l’une des plus grandes économies émergentes, une étude exhaustive sur le potentiel économique d’une voie de développement de l’économie circulaire a été réalisée. Le rapport montre qu’une telle voie apporterait à l’Inde des bénéfices annuels de 218 milliards de dollars en 2030 et une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 23 % par rapport au scénario de développement actuel. Cette étude fonde ses conclusions sur l’analyse économique de trois domaines importants pour l’économie et la société indiennes : les villes et la construction – l’alimentation et l’agriculture – la mobilité et la fabrication de véhicules.
En Algérie, des objectifs ambitieux en matière de traitement des déchets, de développement des énergies renouvelables et de la réutilisation des eaux épurées existent, qui sont autant de politiques visant à soutenir une transition vers une économie circulaire. En outre, l’Algérie vise à augmenter les taux de réutilisation des eaux épurées à 40% recyclage, 47% des déchets spéciaux, et 60% des déchets inertes seront valorisés à l’horizon 2035.
En conclusion, le développement du concept de l’économie circulaire en Algérie peut avoir des avantages économiques supplémentaires substantiels pour l’économie. En outre, la rareté relative des ressources autres que le pétrole et le gaz inciterait à s’engager sur la voie d’une économie circulaire. Ce concept pourrait conduire à une réduction de la production de déchets, à une moindre dépendance à l’égard des importations de matières premières essentielles, à une augmentation des possibilités d’emploi ainsi qu’à une diminution des incidences sur l’environnement. Un bon exemple d’économie circulaire commence à prendre de l’essor en Algérie, il s’agit de la filière de recyclage du plastique qui devrait probablement permettre de réduire la quantité de plastique présente dans l’environnement, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’améliorer les moyens de subsistance des personnes travaillant dans ce domaine.

Cependant, des défis majeurs lors de la mise en œuvre des politiques d’économie circulaire existent. Ils se déclinent en quatre catégories principales, à savoir le besoin de redéfinir les chaînes de valeur, aligner la circularité sur les intérêts des entreprises, promouvoir un comportement circulaire et concevoir des politiques efficaces.
À l’instar de la lutte contre le changement climatique, la transition vers une économie circulaire à l’échelle nationale doit se faire de manière holistique et systémique, en s’appuyant sur des efforts de coordination et de collaboration multisectoriels.
N. D.


 

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