Israël capitulera

Le nombre de soldats israéliens tués à Gaza en constante augmentation. D. R.

Par Youcef Benzatat  

Ceux-là, ils sont à leur place et ils jouent leur rôle. Ils ont choisi la face sombre de l’humanité par manque de clairvoyance et de civilité, ce à quoi ils opposent aveuglement et barbarie. Ceux-là, ils ont leurs propres peuples pour les blâmer et leur signifier leur errance devant les sentiers qui mènent à la grandeur et à la sacralité de l’humanité. S’il y a quelqu’un à blâmer dans cette cruelle tragédie et cette dérive fascisante qui a suscité l’émoi et l’indignation généralisée de l’humanité, ce sont les Arabes et les musulmans en premier. Leur lâcheté se mesure à l’abandon de leur troisième Lieu saint, que représente la mosquée Al-Aqsa, souillée, piétinée, voire confisquée à leur propriétaire au même titre que les maisons des Palestiniens, pour bâtir à leur endroit des colonies au profit de l’occupant.

Mais, pire encore, leur lâcheté n’a d’égal que l’abandon des préceptes de leur religion qui condamne tout crime contre un quelconque être humain, qu’elle assimile à un crime contre l’humanité. A gaza, près de 20 000 femmes, enfants, vieillards, journalistes, humanitaires, médecins sont assassinés méthodiquement, sans compter ceux qui gisent sous les décombres d’un pays détruit systématiquement par des bombardements aveugles. Plus de 50 000 blessés sont abandonnés à leur sort dans une prison à ciel ouvert, privés d’eau, de nourriture, d’électricités, de médicaments et de tout ce qui permet à la vie de perdurer.

Alors qu’ils auraient pu choisir de rejoindre l’Algérie dans sa proposition de sanctions contre ces criminels et leurs complices, pour faire cesser la poursuite de cet innommable crime, ils ont préféré assumer leur lâcheté, contre leur sécurité et la luxuriance que la bénédiction du pétrole et du gaz leur procure. Ils ont préféré troquer les préceptes de leur religion contre les bienfaits des richesses dont Dieu les a bénis. Comme beaucoup d’autres lâches et nazillons en herbe, Ils comptaient sur leurs bourreaux auxquels ils se sont soumis et fait allégeance, pour les débarrasser de cette épine qui les empêche de déambuler à leur aise au milieu de la puanteur de l’oligarchie, dont ils croyaient être les élus et les vainqueurs.

Mais c’était sans compter sur l’inébranlable détermination d’un peuple à vouloir vivre libre et souverain sur ses terres, avec dignité et résilience, quel qu’en soit le prix. Comme le rappel leur porte-parole à chacune de ses adresses à l’ennemi et à la face du monde, le moudjahid Abou Obaïda : «Ceci est un djihad, la victoire où le martyr.»

Nous sommes à plus de deux mois du début de la guerre et l’ennemi ne cesse de danser intempestivement la danse du coq, celui qui se débat anarchiquement pour essayer d’empêcher désespérément la lame qui l’a égorgé de faire son effet. La défaite de l’ennemi nazillon sur le terrain des combats et dans l’opinion mondiale transparaît cruellement sur les visages de cire de son commandement, à chacune de leur apparition sur les écrans du mensonge et du déni d’une défaite programmée et préparée depuis toujours par des hommes et des femmes déterminés à restituer la dignité et la liberté à leur peuple.

Ce qui crispe leur visage sur les écrans, c’est surtout qu’ils ont compris qu’ils ne pourront ni éliminer les combattants de la résistance ni récupérer par la force leur prisonniers, encore moins expulser la population entière vers l’Egypte ou la Jordanie, ni aucun autre objectif qu’ils se sont fixé au début de cette guerre, à part continuer à bombarder lâchement les femmes, les enfants et tout civil sans défense et continuer à rêver que les combattants de la résistance vont sortir de sous terre avec le drapeau blanc pour se rendre et libérer les prisonniers sans contrepartie pour sauver leur peau.

Bien qu’ils ne croient pas à cette éventualité, comme ils ne croient pas non plus pouvoir y arriver par la force, ils constatent qu’ils sont désormais pris dans un piège qui s’est refermé solidement sur eux. Car ils doivent rendre des comptes aux familles des prisonniers s’ils se retiraient sans leurs avoir rendu leurs proches et de se justifier de n’avoir abouti à aucune garantie sur la sécurité de la société israélienne s’ils se retiraient sans avoir neutralisé la résistance palestinienne. Dans le cas contraire, si la guerre était prolongée, il faudrait rajouter aux nombreux soldats qui sont déjà morts ou handicapés à vie dans les combats précédents, jusqu’à ce jour, le nombre de victimes qui ne cessera certainement d’augmenter. Car chaque jour nouveau comptabilise un nombre élevé de morts et de blessés parmi les soldats israéliens et l’insécurité de la société israélienne ne fera que s’exacerber.

S’il faudra prendre en compte le risque d’effondrement de l’économie israélienne et la chute de la moralité de l’Etat israélien devant l’opinion mondiale, cette solution de sortie de crise pour l’Etat israélien apparaît comme incertaine à son tour. Dans ces conditions, la seule solution plausible qui semble la plus évidente est la négociation. Abou Obaïda l’a anticipé et a averti en s’adressant à l’ennemi : «C’est nous qui fixerons les conditions pour la libération de vos prisonniers.»

Comme les colons blancs en Afrique du Sud, comme les Français en Algérie et au Vietnam, la fin de la guerre ne pourra appeler qu’une seule condition : la capitulation du colonisateur et la création d’un Etat souverain pour le colonisé. L’Etat palestinien libre et souverain contre la paix et la sécurité d’Israël. Seule issue pour l’ennemi s’il veut se sortir de ce piège : la capitulation et un engagement sincère dans un processus de décolonisation.


Y. B.


     La guerre à Gaza, la Cour pénale internationale et la lutte contre l’impunité

 par Doctorant en droit international, Université Paris-Saclay

La 22e Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale (CPI) – organe de la Cour composé des représentants des États membres – ouverte le 4 décembre dernier à New York, vient de s’achever le 14 décembre. Les discussions entre les États, le Procureur et les autres personnels de la Cour ont notamment été marquées par la guerre menée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, qui a déjà coûté la vie à plus de 18 000 Palestiniens et contraint près de 2 millions d’habitants de Gaza à fuir leur logement, en réponse aux attaques du Hamas en Israël qui a tué 1 200 Israéliens et en a pris 240 en otage le 7 octobre dernier.

Depuis l’ouverture en 2021 d’une enquête sur la situation en Palestine, et plus encore depuis le 7 octobre, le Bureau du Procureur, dirigé par l’avocat britannique Karim Khan, est accusé par de nombreux États et des ONG de ne pas avoir abouti à des résultats concrets. En effet, aucun mandat d’arrêt n’a été émis, alors que les témoignages des victimes palestiniennes et les rapports des Nations unies et d’ONG affluent.

Face aux critiques, Khan a affiché sa volonté de reprendre personnellement le dossier en main. Le 4 décembre dernier, il a achevé une visite en Israël et en Palestine.

L’enquête du Procureur de la CPI en Palestine avant le 7 octobre

En 2009, à la suite de l’opération militaire israélienne « Plomb durci » à Gaza, qui a coûté la vie à plus de 1 300 Palestiniens, l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas déclare son souhait d’adhérer à la CPI, organisation internationale qui lutte contre l’impunité en enquêtant, poursuivant, jugeant et condamnant les personnes qui se seraient rendues coupables de crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale (génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité et crime d’agression) prévus par le Statut de Rome. 124 États sont aujourd’hui membres de la CPI, mais ce n’est pas le cas de la Chine, des États-Unis, de la Russie et d’Israël.

Trois ans plus tard, face à l’absence de statut étatique clair reconnu à la Palestine, le Procureur d’alors, Moreno Ocampo (2003-2012), décide de ne pas ouvrir d’enquête. En réponse, en novembre 2012, la Palestine obtient à l’Assemblée générale de l’ONU le statut d’État non-membre observateur, ce qui lui permet de devenir en 2015 le 123e État partie à la Cour (l’Arménie deviendra le 124e en 2023).

 

En 2019, la Procureure de la CPI Fatou Bensouda (2012-2021) affirme que tous les critères sont réunis pour l’ouverture d’une enquête sur la situation dans l’État de Palestine, car elle a une base raisonnable de croire que des dirigeants israéliens et des membres de groupes armés palestiniens ont commis ou sont en train de commettre des crimes de guerre. Dans une décision du 5 février 2021, la Chambre préliminaire I affirme que la compétence territoriale de la Cour pour mener son enquête comprend la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

En mars 2021, Bensouda annonce l’ouverture de son enquête, déclenchant la colère du gouvernement israélien, qui accuse la Cour d’antisémitisme, et de ses alliés américains qui adoptent des sanctions contre la Procureure.

Cependant, depuis l’ouverture de l’enquête, celle-ci n’avance pas. Le Bureau du Procureur fait l’objet de vives critiques, car le dossier palestinien est arrivé devant la Cour en 2009, il y a déjà 14 ans. Trois Procureurs se sont succédé (Luis Moreno Ocampo, Fatou Bensouda et maintenant Karim Khan) sans que des avancées significatives n’aient lieu. Karim Khan se contente en 2022 d’annoncer son intention de se rendre en Palestine. Cette absence de volonté se traduit par des moyens financiers et humains limités alloués à cette enquête (moins d’un million d’euros, avec une personne à temps plein sur le dossier au sein du Bureau).

Il a fallu les attaques du Hamas le 7 octobre et la riposte armée israélienne à Gaza pour que le Procureur fasse enfin de la Palestine une priorité.

Le réinvestissement de l’enquête par Karim Khan depuis le 7 octobre

La nouvelle séquence ouverte le 7 octobre contraint Karim Khan à sortir de son silence pour répondre aux critiques lui reprochant de ne pas tenir compte des attentes des populations du « Sud global » quant au besoin de lutter partout contre l’impunité. Le 29 octobre, il se rend au point de passage entre l’Égypte et Gaza et demande aux autorités israéliennes d’entrer à Gaza et en Israël pour rencontrer les victimes, mais Israël refuse.

En Égypte, le Procureur rappelle aux parties leur obligation de se « conformer au droit des conflits armés », dit à Israël que l’entrave de l’entrée de l’aide humanitaire « peut constituer un crime » et réaffirme que la prise d’otages est une violation grave des Conventions de Genève ; pour autant, ces déclarations relèvent davantage du discours politique, teinté de références religieuses, que d’annonces fortes autour de l’enquête.

 

Le gouvernement Nétanyahou ayant été fortement critiqué pour son refus de coopérer avec la Cour et pour avoir interdit au Procureur de se rendre sur le terrain, les autorités israéliennes acceptent finalement que Karim Khan vienne en Israël et en Cisjordanie. Israël refuse cependant que Khan se rende dans la bande de Gaza, alors que de hauts responsables de l’ONU ont pu le faire.

Début décembre, Karim Khan se rend sur les sites israéliens des attaques du 7 octobre, dont celui du festival de musique Nova, puis échange avec les survivants et les familles des victimes israéliennes. Le 4 décembre, il se rend à Ramallah, en Cisjordanie, et rencontre Mahmoud Abbas, ainsi que le premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh et des victimes palestiniennes de l’occupation israélienne. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, plus de 800 000 colons israéliens sont établis. Depuis le 7 octobre, d’après les Nations unies, plus de 265 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie.

 

Si cette visite du Procureur est inédite et marque sa volonté, sans doute contrainte par la pression de l’opinion publique, de reprendre en main cette enquête, elle ne peut suffire pour permettre à la Cour d’appliquer son mandat de lutte contre l’impunité au Proche-Orient.

Plusieurs critiques ont été exprimées à l’encontre du Procureur à l’issue de ce déplacement. Tout d’abord, il ne mentionne jamais que la poursuite de la colonisation et de l’occupation israéliennes est l’un des trois axes de son enquête (les deux autres étant les opérations militaires israéliennes à Gaza et celles menées dans le cadre de « la marche du retour » entre 2018 et 2019), et il ne dit pas que les victimes palestiniennes rencontrées sont victimes de cette situation. Ensuite, contrairement à ses visites sur les sites israéliens des attaques du Hamas, en Palestine Karim Khan s’est contenté de rencontrer les autorités et les victimes palestiniennes dans des bureaux institutionnels à Ramallah. Il n’est par exemple pas allé à Hébron ou Jénine, où la population palestinienne subit des attaques de colons et des incursions de l’armée israélienne. De plus, il ne fait aucune mention de Jérusalem-Est, dont l’annexion par Israël est illégale au regard du droit international, comme l’a rappelé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2334 adoptée en décembre 2016.

Une enquête importante pour les parties concernées… et pour la Cour elle-même

Malgré les critiques, cette visite de Karim Khan marque indéniablement une nouvelle étape dans le dossier palestinien devant la CPI.

Mais près de trois ans après l’ouverture de l’enquête, les victimes attendent encore que justice soit rendue. L’importance d’aller au bout de l’enquête dépasse le seul conflit israélo-palestinien. Il s’agit pour la Cour de réaffirmer l’universalité de son mandat et la capacité de la justice à être rendue partout. Il en va de sa crédibilité.

La fracture entre l’Occident et le « Sud global » perceptible dans la guerre en Ukraine s’est accentuée depuis le 7 octobre. Dès lors, pour faire taire les critiques quant à un deux poids deux mesures, la CPI se doit d’être à la hauteur des enjeux du conflit israélo-palestinien.


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