Jacques-Marie Bourget : « L’Europe n’est qu’une simple colonie des Etats-Unis »

Jacques-Marie Bourget à L’Expression : « L’Europe n’est qu’une simple colonie des Etats-Unis »

Par Hocine Neffah

Jacques-Marie Bourget est un écrivain et grand reporter de guerre. Il a couvert la guerre des Six-Jours, la guerre du Viêt Nam, la guerre du Liban, la guerre au Salvador, la première et la seconde Intifada, la première guerre du Golfe, la guerre de l’Ex-Yougoslavie.
Il a été blessé par un soldat de l’entité sioniste lors de son déplacement en Palestine pour rapporter la véritable réalité du peuple palestinien qui croupit sous la barbarie sioniste en remettant ainsi en cause l’archétype des médias occidentaux en montrant une entité sioniste avec une série de mensonges bien ciselée.
Dans cet entretien, Jacques-Marie Bourget ne va pas avec le dos de la cuillère pour qualifier l’Occident comme «simple colonie des Etats-Unis, bien même incapable d’être hypocrite puisqu’elle n’est qu’obéissante».

Il appréhende le conflit qui se déroule en Ukraine en soulignant que «Le Vieux monde occidental est au bout de sa route. Échec des guerres néo-impérialistes, fin de l’hégémonie mondiale américaine, montée d’un nouveau pouvoir de non-alignés avec le groupe du BRICS». À propos de l’Algérie, Jacques-Marie Bourget considère que «l’élection historique de l’Algérie comme membre non permanent du Conseil de sécurité, avec un score écrasant, symbolise cette pensée nouvelle qui s’esquisse à travers le nouveau monde multilatéral».
Beaucoup de questions ont été soulevées en rapport avec la nouvelle géopolitique qui se dessine à l’horizon et d’autres d’ordre stratégique.

Propos recueillis par Hocine NEFFAH

L’Expression: Y a-t-il selon vous, une approche hypocrite de l’Occident, alimentée par les grands médias européens?
Jacques-Marie- Bourget: Le problème est, qu’hélas, l’Europe n’a pas de visage puisqu’elle n’a pas d’existence propre, de personnalité, de volonté, de caractère. L’Europe n’est qu’une simple colonie des Etats-Unis, bien même incapable d’être hypocrite puisqu’elle n’est qu’obéissante. C’est un continent qui ne se pose aucune question, tel un chien de meute il fonce. C’est effrayant de voir une mosaïque de nations se suicider. Toute intelligence a disparu et règnent la démagogie, l’ignorance et la bêtise. Les quelques voix lucides sont inaudibles ou condamnées par la justice, comme c’est le cas en Allemagne. Les populations sont atones, abruties par un matraquage médiatique qui répète les mêmes vérités-slogans en boucle. Attendons le chaos, la faillite et, espérons-le, la révolte.

Le monde connaît de grands bouleversements géostratégiques. Est-ce le début de la fin d’un Occident arrogant et ses médias aux ordres de grand capital?
Le Vieux monde occidental est au bout de sa route. Échec des guerres néo-impérialistes fin de l’hégémonie mondiale américaine, montée d’un nouveau pouvoir de non- alignés avec le groupe du BRICS, refus d’obéissance à Washington, rapprochement entre l’Iran et l’Arabie saoudite: l’avenir s’annonce sombre pour la coalition de l’Otan. Une véritable Europe, intelligente soucieuse de son destin et du bonheur de ses peuples, devait comprendre que son avenir ne se jouait pas à l’Ouest, mais à l’Est. Depuis plus de quatre siècles la Russie appartient culturellement, économiquement à l’histoire de l’Europe. Rappelons De Gaulle qui voulait construire une «Europe de l’Atlantique à l’Oural». Ã l’époque c’était le moyen d’échapper à la tutelle américaine, et celui de se construire un avenir durable. Au XVIII e siècle on parlait français à la cour de Saint-Pétersbourg. Voltaire, Descartes et les encyclopédistes étaient les protégés par Catherine II. Les écrivains russes sont notre bien commun, tout comme les peintres jusqu’à Malevitch et Kandinsky, ou les musiciens avec Stravinsky. Actuellement nous assistons au massacre de ce trésor qui est aussi notre culture. Tout ce passé, les Buffalo Bill de Washington l’ignorent, et les Européens qui le connaissent font en sorte de l’oublier.

Le monde unipolaire est en train de s’émietter sur fond de crise en Ukraine. L’avènement d’un monde multipolaire pourrait-il remodeler les relations internationales vers une détente? 
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer je crois que nous allons vers un apaisement mondial obligatoire. En Ukraine les Etat-Unis mènent un ultime combat alors qu’ils ont perdu tous les autres, du Vietnam à l’Afghanistan, à l’Irak et la Syrie. Il y a cette Chine que l’on gonfle comme un épouvantail? Mais qui peut imaginer Washington attaquer la Chine avec – comme prétexte- un pan de terre nommé Taiwan? Tout cela relève de l’agitation médiatique, il faut, pour terroriser les peuples, les tenir en main, leur faire peur avec un croquemitaine. Le monde est en train de se reconstruire autour du BRICS et des non-alignés qui adhèrent à ses objectifs. La manière de voir change aussi dans les organismes internationaux. Ce qui était impossible devient possible, on peut maintenant voter contre l’Amérique et l’Occident. L’élection historique de l’Algérie comme membre non permanent du Conseil de sécurité, avec un score écrasant, symbolise cette pensée nouvelle. Le démographe français Emmanuel Todd a une analyse très juste de ce qui arrive à l’Occident. Ce dernier, qui s’estime le garant et propriétaire de la «démocratie», entend imposer ses critères de vie au reste de la planète. Un exemple caricatural: si vous n’instaurez pas le mariage homosexuel dans votre pays, vous êtes un État totalitaire. Todd nous rappelle que les structures familiales, dans le monde, restent très majoritairement un élément de référence, construit sur un mode classique, père, mère, filles, garçons. Face à cette culture qu’elle entend mettre en l’air, la croisade «démocratique» occidentale ne peut que provoquer un fracas.

La normalisation du Makhzen avec l’entité sioniste a accéléré la crise dans la région. Quelles sont selon vous, les retombées de cette normalisation sur l’Afrique du Nord?
La normalisation n’a aucune solidité réelle. Les peuples n’adhèrent pas à ces arrangements politiciens imposés, une fois de plus, par Washington. Le danger ce serait l’existence, dans un bureau de la Maison- Blanche, d’un individu assez fou pour lancer, depuis le Maroc par exemple, une action militaire contre l’Algérie. Tout est possible. L’Algérie est un pays de résistance, il énerve le «Monde libre» qui voudrait y imposer sa loi. En ce sens, je le répète, le refus de l’Arabie saoudite d’obéir à la baguette aux USA est capital. Un signe donné à d’autres peuples: il n’y a maintenant aucune raison de dire «niet» à Washington alors que son statut de super- puissance est perdu. Je suis convaincu que si Alger maintient sa position ferme sur Israël, sa popularité va grandir, et pas seulement dans le monde arabe. En la matière, l’Algérie deviendra le pays exemplaire. Reste le danger des provocations, exercées depuis le Sahel ou le Sahara occidental. Jusqu’à présent Alger a géré ce dossier avec efficacité.

Des sources ont révélé que les services secrets de l’entité sioniste, marocains et français se sont réunis à un très haut niveau, lundi 30 mai en Israël dans l’objectif d’arrêter un plan de déstabilisation de l’Algérie. Pensez-vous qu’on cherche à transformer la région de l’Afrique du Nord en une poudrière?
On a tendance à attribuer au Mossad des pouvoirs magiques plus forts encore que ceux de James Bond ou OSS 117. C’est de la blague, et observez qu’un bateau chargé d’agents des services israélien vient tout bêtement de couler en Italie, dans les eaux du lac Majeur! C’est ridicule. La déstabilisation passe par de lourds investissements en relais humains et en finances. Pour l’instant les «déstabilisateurs» se contentent d’activer des ONG. C’est désagréable, mais pas mortel. De mon point de vue, l’Algérie devrait organiser une sorte de forum permanent, avec des pays «frères». Un forum qui, tel les oukases du Parlement européen, viendrait condamner publiquement certains comportements déviants de «l’Occident». Un tel Forum qui condamnerait Guantanamo, la répression policière en France, ou qui protesterait contre le sort fait à Assange, serait un pied de nez formidable aux donneurs de leçons.

La cause palestinienne subit l’interdit par les pouvoirs politiques dans les pays européens. L’Europe est-elle complice avec l’entité sioniste pour saborder la question palestinienne?
Il y a quelques jours un enfant de trois ans a été assassiné par Israël. Avez-vous vu fleurir des protestations contre cette barbarie?
Non. Il faut cesser de s’indigner d’un traitement en double standard, et se dire que c’est dans ce silence que les Palestiniens puisent leurs forces. Ils savent que personne ne leur viendra en aide. Mais il y a en Palestine des groupes de combattants nouveaux, face à un pouvoir fasciste. Le chaos est en marche, le vieux mythe de la «démocratie» israélienne est mort: impossible maintenant de s’affirmer à la fois colon et démocrate. La situation est si tragique que seul un espoir peut naître.

Quelle lecture faites-vous des développements que connaît le monde arabe à l’aune de la réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran?
Il y a longtemps que les politiciens auraient dû apprendre que les empires ne meurent jamais. Aujourd’hui ceux qui imaginent Zelenski allant planter la drapeau ukrainien à Vladivostok sont des fous. L’Arabie, une vieille monarchie tribale ne va pas se transformer en Kosovo, L’Iran? C’est l’Empire perse. Avec «la fin du pétrole» qu’on nous annonce, ces deux pays ont intérêt à se construire un futur commun, et dans un premier temps dene pas se faire une guerre qui ne profité qu’aux USA et a provoqué la mort de dizaines de milliers de Yéménites.


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