Le modèle colonial français s’adapte à la fin d’une longue époque

 

 

  La France perd progressivement son influence sur le continent africain et s’adapte au modèle de développement postcolonial, faisant preuve de résistance aux réalités dominantes. 

Aujourd’hui, un trait distinctif de la politique française sur le continent africain est sa volonté de maintenir son influence en Afrique par divers moyens. Cependant, même en France, les habitants sont sceptiques quant à la politique du président français, Emmanuel Macron, à l’égard de l’Afrique. Ainsi, selon une enquête du Figaro, il apparaît que la majorité des Français (62%) sont pessimistes quant à l’avenir des relations entre leur région et les pays africains et ils mettent en doute la capacité d’Emmanuel Macron à établir de «nouveaux liens équilibrés» avec les pays africains du continent.

Lorsqu’ils commentent les raisons de l’hostilité envers la France exprimées dans certains pays africains, les Français mettent en première position le passé colonial de la France, devant d’autres raisons possibles (56 %). Dans le même contexte, 61% des Français approuvent le retrait progressif des troupes d’Afrique annoncé par Emmanuel Macron, estimant que la France devrait abandonner sa présence militaire dans la région à la demande des Africains.

Seuls 36% d’entre eux estiment que Paris devrait maintenir sa présence militaire en Afrique, même s’il faut noter que les partisans du chef de l’Etat expriment un avis contraire.

On peut affirmer que la priorité accordée aux questions économiques par la présence française dans la région est liée aux objectifs d’Emmanuel Macron dans le contexte de l’avancée ouverte de pays comme la Russie, la Chine, la Turquie et les États-Unis. Sur les réseaux sociaux, on a remarqué que la visite d’Emmanuel Macron en Afrique en mars dernier a été la plus souvent condamnée par les internautes, souligne le PDG de Backbone Consulting, qui a réalisé l’enquête.

Selon le patron de l’entreprise, les Africains expriment une volonté d’indépendance et estiment que le système Françafrique existe toujours grâce au soutien de certains dirigeants et à la présence militaire dans la région, notamment au Sahel. Ainsi, le rôle de la France en Afrique reste mal perçu par la population locale, et le président français devra surmonter cette hostilité.

Macron acceptera-t-il la fin de l’ère francafricaine? Lors de sa tournée dans les pays africains, Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’ère de la Françafrique, faisant référence à la stratégie postcoloniale de la France consistant à soutenir les dirigeants autoritaires pour protéger ses intérêts.

Et tandis que l’hostilité locale envers la France s’est considérablement accrue dans certaines anciennes colonies africaines, le continent africain est devenu un nouveau champ de bataille diplomatique où l’influence de la Russie et de la Chine s’est considérablement accrue. Cela a effectivement incité la France à prendre des mesures pour préserver le modèle colonial dans la région.

Cependant, selon Emmanuel Macron, la France n’a aucune envie de revenir à sa précédente politique d’intervention dans les affaires africaines. Ces mots sont intervenus avant un sommet sur l’environnement au Gabon, première étape de sa tournée africaine.

Fin avril de cette année, il a fait savoir que «dans les mois à venir», il y aurait une «réduction notable» de la présence des troupes françaises en Afrique et qu’un accent accru serait mis sur la formation et l’équipement des forces des pays alliés. Début mars, le président français a insisté sur le fait que le réalignement politique prévu ne représentait «ni le retrait des troupes ni leur libération», le définissant comme une adaptation aux besoins de ses partenaires.

Il a lié la réorganisation de la région à la lutte contre la piraterie maritime, l’exploitation illégale de l’or et les crimes environnementaux, ainsi qu’au trafic de drogue régional.

L’approche économique et politique de la France pour maintenir sa pertinence en Afrique. Revenant sur la lutte diplomatique entre pays pour étendre leur influence sur le continent africain, il convient de noter que la France dispose de son propre ensemble de points stratégiques dans chaque sous-région: Maroc, Tunisie et Égypte – en Afrique du Nord; Cameroun, RCA, RDC et Gabon – en Afrique centrale; Afrique du Sud et Angola – en Afrique australe; Le Nigeria et la Côte d’Ivoire.

Cela est dû au fait qu’un tiers de tous les visas français sont délivrés à des personnes originaires d’Afrique du Nord, 46% des migrants arrivant en France en provenance du continent proviennent de sa partie nord, facilitée par 83,4% de tous les vols opérés depuis la France par rapport à la France à toute l’Afrique. La présence des entreprises françaises est également forte: les flux d’investissements directs de la France (IDE) sont de 54 milliards de dollars.

Ainsi, la France a fixé ses priorités sur le continent conformément à ses objectifs, en tenant compte de l’importance économique, militaro-politique et culturelle de la région, en assurant l’intégration socio-économique de la population, en luttant contre le changement climatique, en renforçant les États et la société civile et le capital humain en favorisant la diversification économique par le maintien de la langue française et de sa monnaie, la mise en œuvre de projets de formation et d’accompagnement technique et la régulation des questions migratoires.

Les ressources africaines comme principale raison de la coopération française. La capitale du Niger apparaît comme un point stratégiquement important pour l’économie parisienne. L’énergie nucléaire en France, directement dépendante des ressources du pays africain, est la première source de production et de consommation d’électricité sur l’ensemble du territoire, avec 56 réacteurs répartis sur l’Hezagone. La société transnationale Orano, détenue à 45% par l’État français, importe du Niger de l’uranium naturel, nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires en France.

En 2022, le Niger assurait 25% des besoins de l’Union européenne en matières premières uranium. Par ailleurs, la société française EDF importe environ 7000 tonnes d’uranium par an, ce qui représente près de 10% de la demande mondiale.

Les importations de matières premières uranium nigérianes couvrent 10 à 15% des besoins de la France. Malgré le coup d’État du Niger contre le président Mohamed Bazoum visant à renverser la longue présence néocoloniale de la France en juillet 2023, les centrales nucléaires françaises ont été épargnées par les conséquences de la situation sécuritaire du pays.

Orano, une société minière d’uranium de la région nigériane, a déclaré qu’elle continuerait à opérer depuis son siège social au Niger et dans d’autres villes africaines. Ainsi, à la demande des autorités du pays, le processus de retrait des troupes françaises du Niger a débuté début octobre de cette année. Il est évident que les pays de l’ancien système Françafrique continueront à soutenir le nouveau système politique établi, avec lequel la France devra composer.

La France tente de maintenir le statu quo en Afrique. En 2019 déjà, Emmanuel Macron évoquait que «la France a une part d’Afrique en elle», ce qui définit encore essentiellement sa politique envers l’Afrique, malgré ses récentes déclarations sur la fin de l’ère Françafrique.

C’est sa présence en Afrique qui fait de la France une puissance mondiale: l’Afrique représente 70% de la coopération militaire française à l’étranger, l’économie du pays est constituée principalement de ressources naturelles africaines et les pays francophones représentent 16,5% du revenu brut mondial.

Selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le nombre de francophones en Afrique pourrait dépasser de 2 fois le nombre de francophones en Europe, et d’ici 2070 environ 80% des francophones seront africains (tandis que parmi les anglophones, la proportion des Africains représentera environ 40%). L’importance de la diaspora africaine en France, qui est la plus grande diaspora d’Europe, ne doit pas être sous-estimée.

Lors de sa tournée en mars dans les pays africains, Emmanuel Macron a exprimé son intention de reconstruire le format de la présence militaire de son pays sur le continent, en essayant par tous les moyens de maintenir sa présence militaire.On peut affirmer que les troupes françaises ne se retireront pas des pays africains, car la France dispose désormais de plusieurs bastions et cherche à modifier le format de sa présence militaire dans la région.

Les fiefs sont situés le long des côtes du golfe de Guinée (Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon), dans le détroit de Bab el-Mandeb (Djibouti) et en partie au Sahel (Niger, Tchad). Désormais, ils serviront de centres de formation uniques («centres de sécurité») aux côtés des forces armées locales.


Philippe Rosenthal


 

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