LIVRES / Tabous et silences infertiles

      par Belkacem Ahcene-Djaballah 

                                                              Livres

Cette chose-là… Essai du Professeur Farid Kacha, Koukou Editions, Alger 2023, 189 pages, 1 200 dinars

Voilà un ouvrage qui, en posant les bonnes questions, franchement, fournit, en langage médical (ce qui rend, pour le profane ou le citoyen-lecteur lambda, un peu difficile la lecture et la compréhension), cela de soi, des réponses. Il est évident que ce ne sont pas des solutions radicales mais elles ont le mérite de «crever les abcès». Les questions ! La sexualité normale, c’est quoi ? L’addiction sexuelle est-elle une maladie ? Comment expliquer le désir et son… absence ? Comment traiter le R’bit, cette interprétation traditionnelle de l’impuissance chez l’homme et du vaginisme chez la femme ?

Les réponses sont fournies, alors que jusqu’ici elles étaient réservées au corps médical. Explications détaillées à l’appui, partagées donc avec les personnes que tous ces troubles font souffrir… et qui, «faute de mieux» entraînent des dérives de toutes sortes, pour certaines assez dangereuses.

Surtout ne pas s’inquiéter. Avec son expérience de praticien ayant côtoyé depuis de longues années les souffrants, et particulièrement les couples en détresse, l’auteur avance ses réponses avec prudence en respectant les traditions et l’éthique… ce qui ne laisse aucun espace de contestation ou/et de protestation tout particulièrement de la part de ceux qui, comme toujours, «cachent les soleil avec un tamis», renvoyant la solution des problèmes aux calendes grecques, tout en se réfugiant derrière on ne sait quels us et coutumes, obsolètes depuis fort longtemps dans notre société, tout particulièrement au niveau des nouvelles générations de citoyens, presque tous ouverts sur le monde et les technologies de communication de pointe. Certes il ne s’agit pas de tomber, comme en Occident, dans la déculpabilisation effrénée du plaisir, mais il s’agit de promouvoir des formes plus ouvertes d’éducation et de sensibilisation sur la sexualité. La sexologie admise comme spécialité à part entière en Faculté ? Why not !

L’Auteur : Le Professeur Farid Kacha est né en 1941 à Alger. Docteur en médecine en 1968, Docteur en sciences médicales en 1979, Docent en psychiatrie en 1981, Professeur de psychiatrie en 1983, il est, depuis 1976, chef de service hospitalo-universitaire de la clinique psychiatrique de Chéraga. Depuis 1970, il est, aussi, expert psychiatre près les tribunaux d’Alger.

Président de la Société algérienne de psychiatrie, il constitue l’expert de référence, avec quelques autres, pour tout ce qui touche à la psychiatrie. Membre de plusieurs commissions nationales spécialisées, il est aussi reconnu internationalement. Il fut, ainsi, assistant puis prof à la faculté de médecine de Genève (Suisse). Lauréat du prix maghrébin de médecine en 1987.

Le Pr Kacha est l’auteur de plusieurs ouvrages scientifiques et est collaborateur de plusieurs revues scientifiques dont il est, bien souvent, membre du Conseil scientifique.

Fondateur et président de la Société algérienne de psychiatrie, fondateur et rédacteur en chef de la revue «Le lien psy», membre fondateur de l’Association franco-maghrébine de psychiatrie et de l’Association algéroise de thérapie familiale.

Sommaire : Avant-propos/ 12 chapitres (allant de «la normalité sexuelle» aux «traitements», en passant par la «frigidité» et «la vie sexuelle et ses perturbations»/ Bibliographie /Schémas

Extraits : «Si l’accouplement des animaux n’a pas d’autres raisons d’être que la reproduction biologique de l’espèce, les humains quant à eux s’efforcent à donner un sens à leurs actes» (p12), «La société dans son ensemble ne semble pas prête à renoncer à l’ambition de contrôler, le plus possible, tous les comportements et tous les facteurs qui sont à l’origine de la vie, comme si la moindre ouverture de cet espace pouvait compromettre gravement son équilibre et son harmonie» (p14), «Si la psychologie apporte une originalité à chaque expression de la sexualité, par contre pour la société, la sexualité ne peut pas être racontée au singulier. L’organisation socioculturelle va uniformiser et imposer à tous une normalité sexuelle» (p24), «Aucune amélioration de qualité, ni aucune amélioration satisfaisante et de longue durée pour le couple ne peut se réaliser sans une évolution sociale et une approche psychologique» (p 97), «Le mariage non consommé est une urgence sociale dans notre pays, où tous les troubles concernant la sexualité sont conceptualisés par la notion de R’bit. L’influence magique reste vivace dans la grande majorité de la population» (p 113).

Avis : Enfin, un ouvrage algérien qui aborde frontalement et sans détours la «chose» à laquelle tout le monde pense… sans oser en parler. Il était temps. A lire certes par un public adulte et averti ou concerné et, surtout, par les spécialistes, médecins et psy.

Citations : «Il n’est pas de civilisation au monde qui n’ait été intéressée et préoccupée par l’énigme de la fertilité et par la puissance de l’amour» (p12), «L’amour sous sa forme romantique est, pour certaines familles traditionnelles, étranger à notre culture ; certains le considèrent même comme une invention occidentale. C’est une force subversive, menaçante pour la famille et pour l’ordre social» (p 29), «La réalité est toujours plus complexe et plus conflictuelle que l’imaginaire» (p 45), «L’homme aime ce qu’il désire. La femme désire ce qu’elle aime» (p 45), «Le diable est dans les mots, et l’absence de nuance pousse à recourir aux métaphores lorsque l’imaginaire est suffisamment riche. Parler de sexualité avec les langues traditionnelles semble vulgaire et inacceptable pour les personnes d’âge raisonnable, comme pour les adolescents et les adultes jeunes» (148), «Les hommes dans leur ensemble, qu’ils soient soignants ou patients, acceptent mal une intrusion dans leur vie intime, alors que leur demande essentielle se résume à se débarrasser des souffrances qui les ont amenés à l’hôpital» (p 184).

Les femmes ne se cachent pas pour pleurer. Roman de Ali Kader. Enag Edition, Alger 2016. 850 dinars, 451 pages (Fiche de lecture déjà publiée). Pour rappel, extraits. Fiche de lecture complète in www.almanach-dz.com/santé/bibliotheque d’almanach)

L’histoire d’une jeune (belle et attirante) femme, épouse fidèle et aimante qui, après la découverte de son cancer du sein, se voit rejetée (et expulsée brutalement de son logis) par son époux auparavant plus qu’aimant. L’idiot ! Il avait peur d’être «contaminé». Ou, peut-être une simple excuse pour se dérober à ses responsabilités et pour voir si l’herbe n’était pas plus rose ailleurs. De médecin et médecin et d’hôpital (public) en clinique (privée) femme courage, heureusement soutenue par des parents aimants, et bénéficiant d’une mise en disponibilité, elle entreprend un long et douloureux combat, véritable parcours du combattant, pour parvenir aux soins idoines et à la «guérison».

Il y a, ensuite, après l’ablation d’un sein, le retour au poste de travail d’antan. Se sentant «diminuée», le combat est désormais psychologique, tout particulièrement face aux regards des autres, face à son image reflétée dans le miroir de sa chambre (elle si fière de ses seins et connaissant l’attrait des autres -les hommes, cela s’entend- pour les belles poitrines) à ses besoins normaux et légitimes de jeune femme (…)

L’Auteur : De formation Ingénieur agronome. Auteur de plusieurs romans, tous édités à l’Enag sauf un en France (en 2015)

Extraits : (…), «Dans cette société qui nous étouffe, une femme divorcée devient une tare pour les uns, une proie pour les autres» (p 64), (…)

Avis : Encore un flacon plein d’ «eau de rose» sur fond de lutte contre la maladie.

Citations : «La religion a pris le dessus sur tout. Elle a bon dos pour tout expliquer. Jusqu’aux échecs les plus cuisants qui, pourtant, ne relevaient point du mystique. (…)» (p 41), (…) «Les hommes sont ainsi. Ils sont comme du métal, il faut les battre de suite, chauds de préférence et les maintenir ainsi. Sinon, ils refroidissent rapidement et disparaissent pour réapparaître ailleurs sous d’autres formes» (pp 282-283).


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